Eugénisme 2.0 – Vers le piratage de notre code génétique

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Google devient Alphabet ! Avec ce ripolinage, le géant de la Silicon Valley sépare ses industries. Distinguant son moteur de recherche d’un côté, et ses activités éloignées d’Internet de l’autre, comme ses projets Calico (santé) et Google X (high-tech futuriste). Deux projets qui, pris ensemble, indiquent la vigueur de Google à étendre ses tentacules à la génétique. Tripatouiller le génome, retarder le vieillissement, voire faire advenir l’homme augmenté… Ces dernières années, ses lubies sont devenues exorbitantes.

Lundi 27 juillet, la société de décodage génétique 23andMe, filiale de Google — qu’il faut désormais appeler « Alphabet » suite à l’annonce ce lundi de son cofondateur Larry Page — a fait une découverte effarante. Un développeur a piraté son interface (API) pour mettre au point un scanner de code génétique sur Internet, capable de filtrer les utilisateurs en fonction de leur ADN. Intitulé « Genetic Access Control », le programme, déposé en open source sur la plate-forme collective GitHub, permet de restreindre arbitrairement l’accès aux internautes suivant des critères génétiques (ethnie, sexe, âge, ascendance, etc).

Outre les lendemains « radieux » qu’elle laisse entrevoir au marché de l’exploitation de nos cellules, cette affaire pointe les dangers potentiels d’amasser, dans d’énormes volumes de données (big data), le contenu de nos gènes. Avec la « mise en données du monde », selon la formule consacrée par le professeur Viktor Mayer-Schönberger, cette affaire lève le voile sur les usages à craindre de nos empreintes génétiques.

Au long de l’affaire, il n’a pas échappé aux détracteurs de 23andMe que la fondatrice de cette firme, implantée à Mountain View (Silicon Valley), n’est autre que la pétillante Anne Wojcicki, ex-compagne de l’actuel patron de Google, Sergey Brin.

Cela fait déjà quelques années que Google avance ses pions dans la recherche en génétique ou le séquençage d’ADN. Et les dernières nouvelles du front n’augurent rien de réjouissant. La semaine passée, par l’entremise de sa société de recherche médicale Calico, l’ogre du numérique a scellé un partenariat avec AncestryDNA, une entreprise spécialisée dans la constitution d’arbres généalogiques. En fouillant ensemble la base de données du site Ancestry.com, approvisionnée à ce jour par les codes génétiques de millions de personnes, Google compte explorer « les données anonymes de millions d’arbres généalogiques publics » et autant « d’échantillons génétiques », selon un communiqué livré le 21 juin par Calico.

Google, du transhumanisme à l’état brut

Forte poussée de croissance pour le projet « Calico », qui appartient au laboratoire secret Google X et a pour rêve de lutter contre le vieillissement et d’allonger la durée de vie. Il entend, d’ici 2035, l’augmenter de vingt ans. Une vieille obsession chez Google, née dans l’esprit de Sergey Brin, quand il découvre, en 2008, qu’il est porteur du gène LRKK2 de la maladie de Parkinson.

Repousser la mort, c’est aussi la vieille lubie de Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie de Google. Prophète pro-capitaliste, ce gourou de l’intelligence artificielle (IA) est conduit par une philosophie libertarienne adossée au transhumanisme. Ce courant de pensée, en vogue chez certains milliardaires californiens de la Silicon Valley, aspire à transcender l’homo sapiens, et à corriger, à l’aide des nouvelles technologies, ses lourdes imperfections : le diabète, le cancer… ou la mort.

La méthode ? En scrutant minutieusement l’hélicoïde du code génétique, Google et AncestryDNA espèrent déceler les facteurs de vieillissement. Et les contrecarrer. Développer des molécules anti-vieillesse, isoler des matrices génétiques regénératrices… « Google veut assurer la transition vers la posthumanité, en travaillant autant sur l’augmentation des capacités de notre corps que sur une forme de virtualisation, qui nous détacherait des limites de notre enveloppe corporelle », observe le philosophe Jean-Michel Besnier, dans un passionnant entretien accordé à L’Humanité. 

Perpétuellement dans une logique de conquête, tout en agissant sur le terrain politique pour « créer le meilleur des mondes », selon les mots de son PDG, Google investit ainsi impérialement dans tous les secteurs, se réclame toutes les batailles scientifiques importantes. Si la firme californière innove ainsi à tous crins pour dépasser l’humain, c’est en croyant agir dans le sens de l’évolution. « Quel que soit le problème rencontré (…) il y a une idée, une technologie qui attend d’être découverte pour le résoudre », assurait au Time Magazine le transhumaniste Ray Kurzweil.

Dans son livre Pour tout résoudre, cliquez ici (2014), le célèbre chercheur Evgeny Morozov fait un portrait au vitriol de ce « solutionnisme » béat. D’après cette « idéologique dominante de la Silicon Valley » écrit Morozov dans le New York Times« la technologie permettrait de rendre toute faiblesse obsolète. » 

A force d’user frénétiquement de ses services incontournables (moteur de recherche, boîte mail, objets connectés) nous les lui léguont en toute gratuité. Ironie du sort : si demain Google veut coloniser notre génome, nous lui avons déjà signé notre testament. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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