Les vies de Jésus


LE MONDE CULTURE ET IDEES | ar Nicolas Weill

 

 

Même à l’heure où les églises se vident, Jésus reste une figure familière, voire intime, y compris pour les non-croyants. Il est aussi une icône à laquelle plasticiens ou publicitaires adorent encore s’attaquer, parfois au grand dam des fidèles. Pourtant, si l’image du Christ se modifie en profondeur, c’est moins à coups de polémiques, de films sanglants ou d’affiches déchirées que par le lent travail de la science historique.

Il y a près de trois siècles que la vie de Jésus est passée au crible de la « méthode historico-critique » : érudits, philologues et archéologues cherchent à replacer les textes saints dans leur contexte, à les dater, à revoir leur composition. Mais il aura fallu attendre la sombre année 1943 pour que Pie XII, par l’Encyclique Divino afflante spiritu (sous l’inspiration de l’Esprit Saint), autorise les catholiques à recourir aux acquis des études bibliques. Comme toute révolution théologique, ce tournant aura mis du temps à produire ses effets. Nul doute pourtant qu’aujourd’hui, les figures de l’Ancien comme du Nouveau Testament, en ont été profondément transformées.

SON EXISTENCE « HISTORIQUEMENT CERTAINE »

Un certain consensus règne parmi les spécialistes pour estimer« historiquement certaine » l’existence de Jésus. Bien plus que celle d’autres fondateurs ou réformateurs religieux. Toutefois, la vie et la mort du Christ ont laissé bien peu de traces, hors les Evangiles. Du reste, leur rédaction – celui de Marc étant désormais considéré comme le plus ancien – ne commence qu’aux alentours de l’an 70 de notre ère, soit une quarantaine d’années après la crucifixion. Dès le premier siècle, deux historiens de l’Antiquité évoquent toutefois brièvement la vie du Christ :

le Juif hellénisant Flavius Josèphe qui parle de la lapidation de Jacques, le frère de Jésus.(Joseph fils de Matthatias le Prêtre, né à Jérusalem en 37/38 et mort à Rome vers 100, est un historiographe romain juif d’origine judéenne du ier siècle,   Son œuvre — écrite en grec — est l’une des sources principales sur l’histoire des Judéens du ier siècle. Elle concerne, les Antiquités judaïques en particulier, les événements et conflits de son temps entre Rome et Jérusalem, même si elle n’est pas sans poser de problèmes aux historiens actuels. La conservation et la transmission de toute l’œuvre de Flavius Josèphe est redevable à la tradition chrétienne « qui y a vu le complément indispensable de ses Écritures saintes, et plus particulièrement du Nouveau Testament. » « S’il n’avait tenu qu’à la tradition juive, il est probable que son œuvre ne serait jamais parvenue à la postérité. » En effet, Josèphe n’est cité dans la littérature juive — peut-être à une exception près — qu’à partir du xe siècle. Au contraire, les chrétiens de ce qui allait devenir la Grande Église semblent l’avoir tout de suite adoptée et les écrivains chrétiens l’ont très tôt utilisée et citée, comme en témoignent Origène (mort vers 253), Eusèbe de CésaréeJérôme de Stridon — qui le surnomme le « Tite-Live grec » — et bien d’autres par la suite.

« C’est pour des raisons théologiques que l’œuvre de Josèphe, apparemment peu lue par les Grecs et dédaignée par les Juifs a été recueillie par les chrétiens qui en ont assuré la transmission et la conservation pour la postérité. » « Selon une certaine théologie chrétienne de l’histoire», ils ont interprété la chute de Jérusalem — relatée en détail dans la Guerre des Juifs — comme la punition du peuple Juif pour ses méfaits allégués à l’égard de Jésus. De plus, les écrits de Josèphe « sont proches de ceux du Nouveau Testament » et en « éclairent l’arrière plan historique et religieux. » L’œuvre de Josèphe a même été considérée comme étant le cinquième évangile, au moins jusqu’à la Contre-Réforme, dans le courant du xvie siècle. L’Occident latin l’a « lue et traitée presque à l’égal d’un texte sacré.

et le Romain Tacite qui parle  des persécutions des premiers chrétiens par Néron. (Tacite (en latin Publius Cornelius Tacitus) est un historien et sénateur romain né en 58 et mort vers 120 ap. J.-C. En l’an 19, l’empereur Tibère expulse tous les juifs de Rome, à la suite des crimes de quatre d’entre eux. En 41 ou 49, l’empereur Claude les expulse à nouveau de Rome, sous le prétexte, selon Suétone, d’agitation « sous l’impulsion d’un certain Chrestus » . » On ne sait pas s’il s’agit de troubles provoqués parmi les juifs romains par la prédication des disciples de Jésus ou d’autres juifs « messianisants » (c’est-à-dire dans l’attente imminente du Messie, Christ en grec).  Un échange de Lettres entre Pline le Jeune, alors gouverneur de Bithynie, et l’empereur Trajan, montre que dès 112 il existe une interdiction légale d’être chrétien. L’existence et la nature de cette interdiction a été l’objet de nombreuses discussions historiques. Selon Tertullien, écrivant à la fin du iie siècle. Néron aurait alors institué une loi générale d’interdiction des chrétiens, l’Institutum neronianum. On ne trouve cependant pas trace de cette interdiction et les magistrats romains ne semblent pas la connaître ; par ailleurs, l’interdiction des associations relevaient à l’époque des prérogatives du Sénat et non de l’empereur, qui avait par contre la charge de la lutte contre les incendiaires. D’après une hypothèse récente, cet édit d’interdiction aurait été émis par le Sénat, et serait passé progressivement dans les provinces sénatoriales puis impériales, sans que les attendus en aient été précisés, ce qui expliquerait la perplexité des juges.)

Pour Thomas Römer, spécialiste de la Bible, (Thomas Römer, né le  à Mannheim, est un exégètephilologue et bibliste suisse, d’origine allemande. Après avoir enseigné à l’université de Genève, il devient professeur d’Ancien Testament à l’université de Lausanne et occupe, à partir de 2007, la chaire « Milieux bibliques » du Collège de France dont il devient l’administrateur en 2019 – cf sur le site du Collège de France -.) « les Evangiles sont postérieurs aux écrits de Paul (qui datent des années 50). Ils  sont donc rédigés par des gens qui appartiennent à la deuxième ou troisième génération de chrétiens, entre 70 et 100. On peut certes reconstruire après-coup le processus et postuler l’existence des Logia

Le terme logia (grec: λόγια), pluriel de logion (grec: λόγιον), est utilisé diversement dans les écrits anciens et l’érudition moderne en référence aux communications d’origine divine. Dans les contextes païens, la signification principale était «oracles», tandis que les écrits juifs et chrétiens utilisaient la logie en référence notamment controversée du terme est dans le récit de Papias de Hiérapolis sur les origines des Evangiles canoniques. Depuis le XIXe siècle, l’érudition du Nouveau Testament a eu tendance à réserver le terme logion à un dicton divin, en particulier celui prononcé par Jésus, contrairement au récit, et à appeler un recueil de telles paroles, comme en témoigne l’Évangile de Thomas, logia.-

ou de la Source Q”[un recueil des paroles de Jésus qui aurait circulé oralement], mais personne n’en a encore établi concrètement l’existence. »La Source Q ou Document Q ou simplement Q (initiale de l’allemand Quelle signifiant « source ») est une source supposée perdue qui serait à l’origine des éléments communs aux Évangiles de Matthieu et Luc, absents chez Marc. Il s’agit d’un recueil de paroles de Jésus de Nazareth qui daterait des environs de l’an 50. L’hypothèse de la Source Q est une conséquence directe de la théorie des deux sources.

 

L’accord des biblistes du xixe siècle sur le fait que l’Évangile selon Matthieu et l’Évangile selon Luc, pourtant rédigés séparément, ont en commun de nombreux passages absents des sources d’inspiration qui leur sont traditionnellement attribuées (l’Évangile selon Marc et l’Ancien Testament), a suggéré l’existence d’une seconde source commune, dite « Document Q » . Ce texte hypothétique (également nommé Évangile QRecueil QRecueil synoptique des parolesQ Manuscript et, depuis la fin du xixe siècleLogia (c’est-à-dire paroles en grec) semble avoir été essentiellement un recueil des paroles de Jésus.

Avec l’hypothèse de l’antériorité de Marc, celle du Document Q est constitutive de ce que les biblistes appellent la théorie des deux sources.

Cette théorie est la solution la plus généralement reçue au problème synoptique, qui touche aux influences littéraires entre les trois premiers Évangiles canoniques (Mc, Mt et Lc), dits Évangiles synoptiques. Ces influences sont sensibles par les similitudes dans le choix des mots et l’ordre même de ces mots dans la phrase. Le « problème synoptique » concerne l’origine et la nature de ces relations. D’après la théorie des deux sources, non seulement Mt et Lc s’appuient tous deux sur Mc, indépendamment l’un de l’autre, mais comme on décèle des similitudes entre Mt et Lc qu’on ne retrouve pas en Mc, il faut supposer l’existence d’une seconde tradition. Cette seconde source, hypothétique, est dénommée Q.

Cependant, ajoute ce professeur au Collège de France, auteur de L’Invention de Dieu(Seuil, 348 p., 21 euros) et de La Bible quelles histoires ! (Bayard, 294 p., 19,90 euros) « une littérature comme celle de l’ Evangile ne s’invente pas non plus à partir de rien ».

27 mars 2014

Si le judaïsme et, à sa suite, le christianisme et l’islam proclament l’unicité d’un dieu régnant seul de toute éternité sur le ciel et la terre, la Bible hébraïque elle-même témoigne, pour qui la lit attentivement, de ses racines polythéistes. De fait, le  » dieu d’Abraham  » auquel se réfèrent, chacune à sa manière, les trois religions du Livre n’a pas été unique depuis toujours.

 

13 février 2014

Au coeur de ces entretiens exceptionnels, la question complexe et passionnante de l’histoire du dieu dont parle la Bible hébraïque, devenu le dieu auquel se réfèrent, de manières différentes, les trois religions monothéistes. Thomas Römer retrace l’histoire de ce dieu depuis ses origines jusqu’à sa « victoire » sur les autres dieux et déesses, et l’affirmation qu’il est le dieu unique. Il explique très clairement comment les progrès des méthodes littéraires et de l’archéologie ont conduit à mettre en question la construction traditionnelle de la chronologie et de l’historiographie bibliques. Thomas Römer revient sur l’histoire de la construction des légendes patriarcales, de Moïse et de l’Égypte, du tétragramme divin, du royaume de David et Salomon, etc. Comment Yhwh est-il devenu le dieu d’Israël ? Comment l’idée du dieu unique s’est imposée ? Il traite aussi bien des énigmes bibliques de Yhwh et de son « Ashérah », représentation féminine ; de la question de l’interdit des images ; des tabous et des transgressions dans l’Israël ancien…

Charles Perrot -1 janvier 1979- réédité 1/1/1995

Ce livre est la deuxième édition, avec nombre de mises à jour nécessaires, d’un ouvrage paru en 1979. Dans sa catégorie et même plus largement, ce fut un best-seller, salué partout comme l’étude quasi définitive sur la figure historique de Jésus. Le rajeunissement de ce « classique » au demeurant sans rides, sans être nécessaire, était souhaité de tous. La vie de Jésus est pertinemment replacée dans le contexte juif contemporain: c’est à que se trouvent les racines et les sources, historiques et sociales, culturelles et religieuses, de sa signification unique. Quatre parties se succèdent :L’axe méthodologique de la démarche, avec le rappel exhaustif des disciplines utilisées et l’évocation ouverte des tentatives antérieures, voire parallèles. L’éclairage du personnage de Jésus à l’aide de l’arrière-plan religieux, éthique et culturel du judaïsme, son « milieu » naturel : les liens du Galiléen avec le mouvement baptiste, ses rapports avec la mouvance pharisienne, son autorité étonnante et sa liberté souveraine vis à-vis d’une Loi que par ailleurs il respecte. La singularité de Jésus: ses qualités de prophète, ses activités de thaumaturge et d’exorciste, sa propre désignation comme « Fils de l’homme ». L’évocation du lieu où les écrits qui nous parlent de Jésus ont leur source vivante : la communauté primitive des croyants qui, parfois dans la souffrance, partage son pain et sa parole en le confessant comme « Fils de Dieu ». Voici donc un livre de science et de pédagogie, mais aussi de sagesse et de foi. Une collection de référence en christologie sous la direction de Monseigneur Doré.

 

 

 

 

Fréderic Lenoir-1 octobre 2010

Dans son livre Comment Jésus est devenu Dieu, Frédéric Lenoir exprime ses convictions sur l’identité de la personne de Jésus de Nazareth. Pourquoi lui « répondre » ? Parce qu’il donne à penser que l’Eglise avait finalement décidé de la divinité du Christ au IVe siècle sous la pression des empereurs romains. Selon ce livre toujours, « les évangiles laissent planer un doute sur l’identité de cet homme hors du commun »… Une mise au point sur un sujet aussi important apparaît donc nécessaire, faite à la fois en historien et en croyant. En historien, parce que la thèse fondamentale de l’auteur n’est pas fondée au regard des données qui ont été l’objet d’une recherche considérable. Dès l’époque apostolique les chrétiens de la « grande Eglise » ont cru que Jésus de Nazareth était Fils de Dieu et donc Dieu au sens fort de ce terme. En croyant aussi, parce que si le Jésus de Frédéric Lenoir reste un personnage exceptionnel, celui-ci semble réduire la figure de Jésus et relègue au loin tout mystère. ? Les réponses solides et argumentées du théologien Bernard Sesboué.

28 mars 2012

« Pour vous qui suis-je ? » Cette interrogation de Jésus à ses disciples n’a rien perdu de sa force. Les Évangiles laissent planer un doute sur l’identité de cet homme hors du commun : est-il un prophète ? le Messie attendu par les juifs ? le Fils de Dieu ? De nos jours, le christianisme est pourtant la seule religion qui affirme que son fondateur est à la fois homme et Dieu. Écrit comme un récit, cet ouvrage captivant permet de comprendre la naissance du christianisme ainsi que les fondements de la loi chrétienne et pose avec acuité la question centrale : qui est Jésus ?

Dans un récit aussi rigoureux et précis qu’haletant, le rédacteur en chef du Monde des religions décrypte ces quatre siècles de débats passionnés ayant fixé les traits d’une foi qui a changé le monde. C. L., Sud Ouest.

 

La plus récente synthèse de ce qu’un croyant peut assumer d’histoire a été fournie par le pape Benoît XVI, alias Joseph Ratzinger. Savant et théologien à la fois, le pontife rend hommage, dans Jésus de Nazareth (Flammarion, 2007), à « l’interprétation historico-critique » quand elle « cherche à retrouver le sens initial, précis des mots tels qu’on les entendait sur place et en leur temps » (pour ce qui est du Christ, dans la Galilée et la Judée du Ier siècle). Mais, ajoute-t-il, « toute parole d’homme d’un certain poids recèle d’emblée beaucoup plus que ce qui a pu parvenir à la conscience de l’auteur ». Bref, la dimension historique n’épuise pas, selon lui, le personnage de Jésus.

21 novembre 2014

Les éditions Parole et Silence, en partenariat avec la Libreria Editrice Vaticana, commencent la publication des Opera omnia de Joseph Ratzinger par le sixième volume qui regroupe les trois livres sur « Jésus de Nazareth » parus en 2007, 2011 et 2012 dans une édition des textes revue et corrigée. « En y incluant les trois volumes sur Jésus de Nazareth, publiés durant le pontificat du Pape Benoît XVI – souligne dans la préface Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et responsable de la publication de l’Opera omnia – on a voulu rendre hommage à cette recherche inlassable qui a guidé Joseph Ratzinger dans la rédaction du manuscrit. Depuis soixante ans, les différents thèmes de la christologie sont au centre de son activité et de son enseignement en tant que professeur, en tant qu’évêque et en tant que Pape ». Enquêter sur « le lien inséparable entre histoire et transcendance, combiner la perspective d’en-haut avec la perspective d’en-bas, le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi » tel est l’objectif que s’est proposé Benoît XVI avec sa trilogie. A partir des acquisitions historiques et des récits des Evangiles, Il a pu proposer avec beaucoup de clarté une vue d’ensemble sans précédent sur la personne de Jésus de Nazareth et susciter de part le monde un débat durable . Une contribution aussi bien confessante que stimulante pour la réflexion.

26 février 2011

 

 

 

30 novembre 2012

Après le succès mondial de son premier tome, paru au printemps 2007, Benoît XVI publie le second volet de son Jésus de Nazareth. Si le premier tome était consacré à la vie publique du Christ, du baptême à la Transfiguration, ce second volume traite de la Passion et de la résurrection du Christ. Benoît XVI examine la vie de Jésus rapportée dans les Evangiles pour y discerner le Jésus historique. De façon très concrète, il éclaire les questions fondamentales que l’on se pose tous, comme les raisons pour lesquelles ce monde apparaît si imparfait, plein d’injustices ou pourquoi Dieu ne manifeste pas de manière plus évidente son existence. Ce livre se découvre par courts chapitres accessibles qui nourrissent autant la réflexion que la méditation. En cela, il peut tout à fait répondre aux attentes d’un lecteur moderne qui n’est pas féru de théologie mais veut en savoir davantage. Un ouvrage émouvant, non pas un texte officiel, mais un essai où Benoît XVI se livre au dialogue et à la critique de tous. Un livre fascinant déployant au fil des pages une vraie liberté d’esprit, une profonde intelligence, donnant une grande clarté au propos de l’auteur

 

 

 

LE JÉSUS DE L’HISTOIRE

Hans Küng, le remuant théologien suisse, catholique critique de la hiérarchie et auteur lui-même d’un Jésus qui vient de paraître au Seuil, juge sévèrement l’entreprise de Joseph Ratzinger : « Tout en reconnaissant du bout des lèvres son acceptation de la méthode historico-critique », Benoît XVI-Joseph Ratzinger –« laisse de côté tous les résultats gênants pour la dogmatique catholique » ou les contourne, objecte-t-il. Pour Hans Küng, c’est justement le Jésus de l’histoire qui interpelle les hommes, et c’est à travers lui que s’appréhende le message spécifique du christianisme. La question de savoir ce qu’on peut connaître de Jésus est donc urgente.

12 mars 2012 – traduit en français 9 janvier 2014

Hans Küng est un théologien catholique rebelle, connu et lu dans le monde entier. Il fut expert au Concile Vatican II (1962-1965) en même temps que Josef Ratzinger. L’un aura tout au long de sa vie des démêlés avec son Église. L’autre finit pape. Auteur de nombreux livres, Hans Küng a toujours lutté pour « l’ouverture » de l’Église catholique.

Hans Küng, 86 ans cette année, reste un rebelle dans l’Église catholique. Il l’a manifesté dans le livre traduit au Seuil en 2012, Peut-on encore sauver l’Église ? Il continue de le faire dans ce Jésus, qui sera donc  » le Jésus de Küng « .

Ce livre reprend en partie, en l’adaptant pour aujourd’hui, Être chrétien, un livre paru il y a 40 ans, qui avait fait des vagues à l’époque. Küng le dit explicitement dans son introduction : son Jésus est sinon une réponse, du moins un contrepoint au Jésus de Nazareth de Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI. Küng reproche à ce dernier d’avoir proposé un Jésus très  » divinisé « , éloigné du Jésus terrestre tel qu’on le trouve dans les évangiles. Il présente au contraire un Jésus très humain, inséré dans une société et une histoire, pris dans les conflits de son temps, contestataire de l’ordre établi et en butte à l’hostilité des pouvoirs romain et juif. Un Jésus dont la conception de Dieu et de l’homme devant Dieu diffère de celle des autres religions du monde. Il en résulte un portrait du Christ très dynamique et très vivant, qui est en même temps un bon résumé, clair et précis, de tout ce que les historiens, les exégètes, les théologiens nous ont appris dans les décennies récentes à propos de Jésus.

 

commentaire de Daniel MARTIN de M.A. sur Amazon le 14 février 2014

Ce « Jésus » appuyé sur une connaissance rigoureuse à la fois complète, précise et claire, nous dépeint le milieu, les luttes d’intérêts des différents acteurs, les forces en présence. Mais sa plus grande originalité est sans doute dans le contenu du message apporté par Jésus lui-même : un message d’amour inconditionnel, bien au-delà des rites, des dogmes et des formalismes imposés par les autorités religieuses de l’époque et qui restent bien ancrés dans le monde d’aujourd’hui. Un message où le cœur et les sentiments dépassent largement les concepts étriqués et les intérêts matériels de tous les religieux qui prouvent ainsi que leur royaume est encore de ce monde.

Si, du point de vue des théologiens, c’est en réimplantant Jésus dans son terreau judéen qu’on en prend la mesure, la compréhension des tensions entre les partis et les sectes qui déchiraient la Judée de ce temps devient essentielle. On en obtient, quitte à faire grincer les dents des intégristes, un Jésus bien plus « juif » que par le passé. Ce Jésus en phase avec l’Ancien Testament, rompt avec une certaine théologie libérale, surtout protestante, illustrée par l’Allemand Adolf von Harnack (1851-1930), qui jugeait nécessaire d’arracher le Christ aux sources juives. De leur côté, les penseurs proches du nazisme rêveront d’un « Christ aryen »…

Plus généralement, pour Antoine Guggenheim, prêtre et directeur du pôle de recherche au Collège des Bernardins, « le catholicisme était malade d’une christologie abstraite et dogmatique autant qu’intemporelle. Pour en faire entendre la voix, il faut revenir à une christologie d’en bas, c’est-à-dire attentive à la connaissance des sources juives. Une connaissance de Jésus ne doit pas être une connaissance de Jésus par les Grecs ». Dès lors, certains mettent l’accent sur le fait que Jésus n’a pas cherché à inventer une nouvelle foi, dont l’apôtre Paul serait le véritable initiateur. Le premier à émettre cette idée a été le philosophe allemand Hermann Samuel Reimarus (1694-1768). Selon lui, les disciples de Jésus avaient mis en scène sa résurrection en subtilisant son corps, alors que Jésus lui-même, tout en contestant certaines options du judaïsme de l’époque, n’avait jamais prétendu inventer une religion.

JUDÉITÉ « RETROUVÉE »

Le dialogue judéo-chrétien qui accompagne Vatican II depuis les années 1960, tout comme les recherches sur Jésus ou sur le christianisme dues à des historiens juifs ou israéliens, vont dans le sens de cette judéité « retrouvée » de Jésus. Dans leurs prolongements les plus pointus et les plus controversés, certains avancent la thèse selon laquelle judaïsme et christianisme seraient bien plus proches qu’on ne le pensait et que chacun le prétendait.

La « séparation des voies » aurait été seulement consommée avec la christianisation de l’Empire romain, au IVe siècle. « Jésus ne combattait ni contre les Juifs ni contre le judaïsme, mais il polémiquait avec certains Juifs pour défendre ce qu’il pensait être la juste conception du judaïsme », écrit l’Américain Daniel Boyarin dans son Christ juif (Cerf, 2013).

3 février 2017

Professeur à Berkeley, juif orthodoxe, spécialiste du Talmud, Daniel Boyarin est mondialement connu pour ses travaux novateurs, dont La Partition du judaïsme et du christianisme (Editions du Cerf, 2011)

éditions du Cerf – 6 juin 2011

Dans ce livre innovant, Daniel Boyarin met en cause le modèle d’une partition entre deux entités clairement distinctes qui seraient d’une part le judaïsme rabbinique et d’autre part le christianisme des Pères de l’Église. Il montre que la plupart des marqueurs de différence (l’idée d’une seconde hypostase divine, la théologie du Logos, ou les pratiques culturelles comme le shabbat ou le rôle des femmes) étaient partagés par des juifs et des chrétiens et récusés par certains juifs et certains chrétiens. Ce n’est qu’au cours d’un long processus volontaire des autorités naissantes de ces groupes que ces marqueurs d’identité sont devenus soit  » juifs  » soit  » chrétiens  » en excluant les dissidents qui avaient des pratiques ou des théologies hybrides. Le  » concile  » rabbinique, dit de Yavneh, comme en écho au concile chrétien de Nicée, a permis de situer dans le passé le moment de la  » création  » des concepts d’hérésie (ou  » minut  » pour le rabbinisme) et d’orthodoxie qui remontent en pratique au tournant du IIIe siècle. De part et d’autre de la frontière naissante, certains jouèrent le rôle de douaniers pour contrôler les identités ; certains aussi, et parfois les mêmes, étaient contrebandiers, faisant passer des concepts d’un côté à l’autre ; des deux côtés, les autorités cherchaient en effet à asseoir leur pouvoir et à rendre la frontière plus étanche…

 

 

 

 » Dans ce livre, je vais raconter l’histoire d’une époque où Juifs et chrétiens étaient beaucoup plus mélangés les uns avec les autres qu’ils ne le sont aujourd’hui. Une époque où il y avait beaucoup de Juifs qui croyaient en quelque chose de très similaire au Père et au Fils et même en quelque chose de très similaire à l’incarnation du Fils dans le Messie. Une époque où des disciples de Jésus mangeaient casher comme les Juifs, et en conséquence une époque où la question de la différence entre judaïsme et christianisme n’existait tout simplement pas comme aujourd’hui. Jésus, quand il vint, vint sous une forme que beaucoup, beaucoup de Juifs attendaient : une seconde figure divine incarnée en un humain. La question n’était pas : Un Messie divin doit-il venir ? Mais elle était seulement : Ce charpentier de Nazareth est-il Celui que nous attendons ? Certains Juifs ont dit oui et d’autres non, ce qui n’est guère surprenant.  » [Daniel Boyarin]

Plus question, en tout cas, pour Thomas Römer comme pour Antoine Guggenheim, d’étudier le « Nouveau Testament seul ».

Après l’exhumation spectaculaire, en 1947 à Qumran, près de la mer Morte, de manuscrits bibliques et autres, émanant d’une secte qui modelait sa vie selon une règle monacale avant l’heure, on a voulu faire de Jésus un Essénien (nom donné à ce groupe de marginaux). (cf là , la thèse de Jésus éssenien par l’historien Michael Langlois)

Aujourd’hui, la mode est plutôt à la réhabilitation du Pharisien, personnage pourtant bien malmené par les Evangiles, tenant d’un moralisme juif rigoureux, mais partisan de la résurrection.

( cf là en lecture libre partielle :  » l’Eglise catholique et les juifs de Thérèse Hebbelinck– janvier 2018)

RENOUVELER SON ACTUALITÉ

Un autre courant politique du Ier siècle, les zélotes en révolte contre Rome, attendait passionnément le messie rédempteur qui libérerait la Judée du joug des oppresseurs. Rares sont ceux qui, à l’instar du psychanalyste junguien Robert Eisler (1882-1949), ou de l’écrivain américain et musulman Reza Aslan (Le Zélote, les Arènes, 360 p., 22,90 €), ont fait de Jésus un zélote. Mais, sur ce point aussi, replacer Jésus dans son contexte historique contribue paradoxalement à renouveler son actualité.

20 août 2014

Né en Iran, Reza Aslan est arrivé aux États-Unis à l’âge de 5 ans. À l’adolescence, il se convertit au christianisme, avant de revenir à l’islam à l’âge de 20 ans. Marié à une chrétienne, Reza Aslan se nourrit de ces deux cultures. Historien des religions, il est l’auteur d’une synthèse acclamée par la critique (à paraître aux Arènes en janvier 2015), Un seul Dieu : les origines, l’évolution et l’avenir de l’islam. Le Zélote a été numéro un des ventes aux États-Unis pendant de longues semaines. Vendu à plus de 300 000 exemplaires, il a été acheté par les éditeurs les plus prestigieux à l’étranger. Il est déjà un best-seller en Allemagne.

Peter Pazul sur Amazon

Commenté en France le 18 avril 2017

« Encore un livre sur le Jésus de l’Histoire  », penserez-vous peut-être ? Jésus de Nazareth, prophète, guérisseur, merveilleux conteur et cette fois « zélote » avant qu’il ne devienne le Christ des théologiens ?
Si l’auteur, Reza Aslan, d’origine iranienne, ne semble pas disposer, de ce côté-ci de l’Atlantique, de « l’aura » d’auteurs ayant pignon sur rue comme André Myre -( Jésus est-il réssuscité ? Et nous ? 2011-), Geza Vermes et d’autres (pour la plupart américains) comme Bart Ehrman, Markus Borg, Burton L. Mack ou encore James Tabor, il n’en est pas moins historien des religions et via son vécu, est inspiré tant par l’Islam que par le Christianisme. Et cela contribue à proposer une démarche originale.
J’ai d’ailleurs la conviction que, dans le puzzle jamais terminé qui ambitionne de présenter le Jésus historique, Reza Aslan apporte quelques pièces bien intéressantes. Sur un total de 458 pages, l’ouvrage ne présente pas moins que 97 pages de notes et de références, intelligemment ‘renvoyées’ en fin d’ouvrage (pour ne pas handicaper la lecture), mais c’est dire le sérieux de l’ouvrage.Qu’il me soit dès lors permis d’esquisser une sorte d’introduction et – je l’espère – de susciter en même temps votre intérêt.A Jérusalem, les quelques (très) riches familles qui assuraient le culte du Temple étaient – dans les années 60 av. J.-C. – totalement « de mêche » avec le pouvoir romain auquel les Hasmonéens avaient fait appel pour soit-disant arbitrer le conflit entre deux frères qui se disputaient le trône, Jean Hyrcan et Aristobule.
Depuis 63 AEC, la Judée était en effet tombée sous protectorat romain, mais Pompée avait laissé à Jean Hyrcan la fonction de grand-prêtre, au grand dam des partisans d’Aristobule qui déclenchèrent des émeutes sanglantes.
Dans le conflit entre César et Pompée, Antipater, de la noblesse juive, était favorable à César et obtint en 48 AEC à la fois la citoyenneté romaine et des pouvoirs administratifs dans toute la Judée. Il nomma ses fils Phasaël gouverneur de Judée et Hérode gouverneur de Galilée (il s’agit d’Hérode Ier le Grand). A la mort d’Hérode en 4 AEC, Rome (en fait : l’empereur Auguste) répartit le pouvoir sur les trois fils d’Hérode : Archélaos deviendra etnarque (c.à-d. gouverneur) de Judée et de Pérée, Hérode-Antipas (que l’on retrouvera dans les récits de la passion) obtiendra la Galilée et la Pérée et le troisième fils – Philippe – entre autres la Gaulanitide. La révolte étant constante dans le pays, Auguste enverra Archelaos en exil et placera (en 6 EC) la Judée sous l’autorité d’un gouverneur romain. Ponce Pilate sera le 5ème gouverneur envoyé par Rome pour contrôler la Judée.
Or, UN FIL ROUGE traverse toute l’histoire du peuple hébreu : Yahvé délivrera Israël de la domination étrangère s’ils refusent de se soumettre. Et c’est évidemment le cas face aux « diktats » du pouvoir romain. Les opposants sont des « brigands », des « zélotes » ou encore des « sicaires ».Pour Reza Aslan, Jésus a la même réponse, comme le « prouverait » une analyse (tout à fait originale) du commentaire de Jésus face au tribut à payer à César (p. 147).
Pour R. Aslan, le principal adversaire de Jésus, c’est Caïphe et tous les autres dignitaires religieux, totalement dépendants du (et soumis au) pouvoir romain : « Jésus fut crucifié par Rome parce que ses aspirations messianiques risquaient de déstabiliser l’occupation de la Palestine et que son activisme de zélote mettait en danger les autorités du temple. Cette SEULE REALITE* devrait projeter une couleur nouvelle sur tout ce que nous lisons dans les Evangiles à propos du messie, dit Jésus de Nazareth – en REMONTANT A REBOURS* des circonstances de sa mort sur une croix au Golgotha à l’inauguration de son ministère public sur les rives du Jourdain » (p. 150).* c’est chaque fois moi qui souligne

C’est ce que montre l’usage de la figure de Jésus dans la « théologie de la libération », ce christianisme révolutionnaire, voire marxiste, né au début des années 1970 en Amérique latine autour de Leonardo Boff ou de dominicains comme Gustavo Gutierez ou Frei Betto. Un mouvement condamné en 1984 comme « erreur » (mais non comme hérésie) par Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la propagation de la foi sous le pontificat de Jean-Paul II.

Avec l’avènement du pape François, la théologie de la libération paraît pouvoir jouir, à l’intérieur de l’Eglise au moins, d’une tolérance retrouvée, comme au temps de Paul VI (1897-1978). Le philosophe marxiste franco-brésilien Michael Löwy en est un des meilleurs connaisseurs en France. Pour lui, « dans la théologie de la libération, la place de Jésus-Christlibérateur est centrale. Jésus apporte un message de libération, à la fois moral, éthique, religieux et politique. »

THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION

Une des idées-forces de la théologie de la libération, est qu’il faut « penser le Christ selon le monisme hébraïque ou biblique, ce qui veut dire que l’Ancien Testament ne conçoit pas le divin, l’humain, le séculier et le religieux comme des entités séparées. Cela a été perdu dans le christianisme à cause de l’influence grecque qui sépare l’esprit de la matière. »  ( cf panorama des idées philosophiques de Jacqueline Russ-2000-)

Le Jésus en révolte a certes aussi une généalogie européenne, depuis Reimarus, en passant par l’idéologue du marxisme Karl Kautsky — dans Les Origines du christianisme, de 1908, Jésus est dépeint comme un réformateur social. Pourtant, la tradition anticléricale de la gauche française et l’étiolement du christianisme de gauche puissant dans les années 1950 (il est à l’origine du PSU ou de la CFDT) rendent quasi nul l’investissement actuel de Jésus à gauche.

En revanche, « en Amérique latine, toutes les forces de la gauche ont une composante chrétienne très importante, le Parti des travailleurs au Brésil, le Front sandiniste [au Nicaragua] et Chavez [au Venezuela] se réfèrent constamment au Christ », affirme M. Löwy. Cette christologie-là se concentre évidemment sur l’aspect humain de Jésus : « le Christ est le frère en souffrance des pauvres, des opprimés et des humiliés. Frei Betto met en avant le Christ prisonnier politique. Le message d’émancipation, c’est cela qui importe le plus dans la théologie de la libération : le pauvre prend son destin en main et n’est plus objet de charité, de compassion, etc. On se réfère au Christ, mais aussi à l’Exode des Hébreux, relu comme l’histoire d’un peuple qui se libère de l’esclavage », ajoute-t-il.

Ce « christianisme de la libération » a évolué pour aller à la rencontre du Christ noir (Black theology), de la part féminine de Jésus ou du Christ comme protecteur de la création dans une lecture écologique. « Dans l’époque que nous vivons, il y a un grand avenir pour le Jésus révolutionnaire, concède Antoine Guggenheim, mais cette révolution-là est culturelle et non fondamentalement politique, comme à l’époque du christianisme de gauche, ni non plus purement mystique comme au temps des piétistes ou des sulpiciens. » Même si cela peut paraître insolite dans la France de La Manif pour tous ou du « printemps français », on n’en aurait pas fini avec le « prolétaire de Nazareth »

28 mars 2019

Daniel Marguerat, professeur honoraire de sciences bibliques à l’université de Lausanne, est un spécialiste internationalement reconnu des origines du christianisme. Auteur notamment d’un grand commentaire des Actes des apôtres (2015), déjà traduit en plusieurs langues, il a publié de nombreux ouvrages sur Jésus de Nazareth et codirigé Le Nouveau Testament commenté (Bayard-Labor et Fides-10 janvier 2014-). Il a participé au documentaire Corpus Christi de Mordillat et Prieur, où l’on peut apprécier sa grande clarté et son talent pédagogique. ( cf l’intégrale Corpus christi sur Arte Boutique)

Jésus est à la mode. Historiens, écrivains, cinéastes tentent de percer le mystère : qui était l’homme de Nazareth ? A-t-il eu un père ? Qu’ambitionnait-il de faire ? Pourquoi est-il mort ? Ce livre n’esquive aucune question. Il est l’œuvre d’un historien, théologien, spécialiste de l’Antiquité. Il entraîne le lecteur, la lectrice à examiner les documents, à chercher des preuves, à dépasser les réponses ressassées pour en apercevoir d’autres.
On découvre quels soupçons, déjà du temps de Jésus, pesaient sur sa naissance. On fait la connaissance de son maître spirituel, Jean dit le Baptiseur. Les diverses facettes de ce juif exceptionnel sont explorées : Jésus le guérisseur, Jésus le poète du Royaume, Jésus le maître de sagesse. Ses amis (hommes et femmes) et ses adversaires sont nommés. Les raisons de sa mort (pourquoi est-il monté à Jérusalem ?) sont analysées. La naissance de la croyance en la résurrection est scrutée. La fabuleuse destinée de Jésus dans les trois grands monothéismes est aussi retracée : christianisme, judaïsme et islam ont construit de lui une image, à chaque fois différente.
Le livre est aussi passionnant qu’une enquête policière. Dans un style vif et clair, Daniel Marguerat livre ici le meilleur de la recherche récente, tenant ses lecteurs en haleine jusqu’aux dernières pages.

 

commentaire de LUCAS Joseph sur Amazon le 29 juillet 2019 :
J’ai acheté et lu « Vie et destin de Jésus de Nazareth » de Daniel Marguerat, car la conception hors mariage de Jésus, en tout cas sans père humain connu, m’interroge. Cet ouvrage expose clairement plusieurs arguments en faveur d’un père humain, autre que Joseph.
J’ai bien aimé l’argument des quatre (seules) femmes de la généalogie mathéenne ainsi que la mention des versets Jn 8, 19 et 8, 41. Comme le souligne l’auteur, l’hypothèse de « Jésus mamzer » a l’avantage de donner une explication à l’attention, inouïe, que Jésus porte aux marginaux de la société juive de son époque. À côté de cela, Daniel Marguerat suggère que le célibat surprenant de Jésus est peut-être, lui aussi, la conséquence de ce statut de mamzer. Pour appuyer ce point, il est dommage qu’il n’y ait pas une étude plus approfondie sur la condition des mamzers à cette époque. Mais jusqu’à preuve du contraire, pourquoi pas. Pour finir sur ce point, je trouve que la citation d’un « Toledot Yeshu », à la fin du livre (chapitre 12) aurait bien mérité sa place au chapitre 2.
Mis à part cette partie fort intéressante pour le milieu socio-culturel de l’auteur (pour des Juifs, j’imagine qu’il s’agit d’une hypothèse courante), le reste de l’œuvre m’a bien plu également. L’influence de Jean le Baptiseur, une meilleure compréhension du syntagme « Fils de l’Homme », l’humilité concernant la localisation de la naissance — comme écrit l’auteur, Nazareth est un choix par défaut, mais est-ce suffisant ?
L’hypothèse de la ruse diplomatique, du grand-prêtre, lorsqu’il soumet Jésus à Pilate est attirante. Le grand-prêtre aurait fait passer, aux yeux de Pilate, Jésus pour le messie guerrier qu’attendait Israël : le « roi des Juifs » écrit sur l’écriteau de la croix. Comme l’auteur, j’ai tendance à penser que, le véritable motif de condamnation, aux yeux des prêtres, était surtout le scandale autour du temple. Dans les actes, Étienne en fait les frais également. Tout cela, l’auteur l’écrit de manière convaincante et clairement.
Les deux derniers chapitres : « Jésus au regard du judaïsme » et « Jésus en islam » m’ont beaucoup appris. J’aurais aimé un autre chapitre du genre : Jésus après Jésus, dans l’église romaine. Je trouve qu’il manque en effet un chapitre sur les principales affirmations de l’église romaine naissante, après Saint-Paul. Comment peut-on parler du « destin » de Jésus sans mentionner plus que cela la théologie débordante de la chrétienté romaine ? Les spéculations sur la nature divine ont leur place près du « Jésus apocryphe », non ? Avec un titre pareil, et ce 4ème de couverture, je suis resté un peu sur ma faim sur ce point qui est abordé en coup de vent.
Sinon, la conclusion du chapitre sur la résurrection m’a semblé un peu niaise, ou alors vraiment pas claire : « C’est ici que les esprits se séparent. Les croyants optent pour cette dernière [une irruption de la transcendance dans l’histoire]. Ils diront alors avec ces mots prêtés à l’écrivain suisse Charles-Ferdinand Ramuz à propos de la Genèse : « Ça n’est pas une explication, mais c’est la seule. » »
Ce passage fait tache je trouve… c’est vraiment dommage. Je ne critique pas la foi de l’auteur. Il en fait part dès le début du livre avec transparence et reste assez discret. Le livre est plutôt objectif. Ce que je critique, c’est, que ce passage, laisse à penser que Daniel Marguerat croit réellement que la Genèse est la seule explication qui vaille… Si c’est bien ce que l’auteur veut faire comprendre, ça la fout mal au niveau scientifique. Alors qu’il y a tant de remises en question de l’évolution biologique par des charlatans, ce passage flou est bien inutile.
De manière générale, j’ai bien aimé ce livre, même s’il y a plusieurs longueurs à réserver aux spécialistes et quelques phrases pas très utiles. Je le conseille tout particulièrement à ceux qui sont attirés par des hypothèses audacieuses et bien argumentées. Marguerat met les pieds dans le plat sur des points particulièrement sensibles des religions du livre, avec une délicatesse qui fait passer la pilule de son audace en douceur. Je trouve que c’est une bonne chose de chercher sans tabou la vérité historique. Bref, pour faire évoluer notre compréhension de Jésus, il me semble bienvenu, de parfois, oser émettre des hypothèses non-orthodoxes.

 

 

 

Jesus Seminar      – le site The Jesus Seminar             

Le Jesus Seminar (Séminaire sur Jésus) est un groupe d’environ 200 personnes, fondé aux États-Unis en 1985 par Robert Funk et John Dominic Crossan dans le cadre du Westar Institute1. Ce groupe représente la troisième quête du Jésus historique. Il fut très actif aux États-Unis

 

Jésus personnage historique ou mythe ?

 

( page consacrée essentiellement au livre de Michel Onfray : « décadence » publié en janvier 2017 dans lequel l’auteur soutient  la thèse de l’inexistence historique de Jésus

et à la réponse du professeur d’histoire du christianisme antique Jean-Marie Salamito dans son livre « Monsieur Onfray au pays des mythes » publié en n ovembre 2017.

La page se termine par la référence à la page « thèse mythiste « sur Wikipedia.)

 

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