La « Croissance » sans fin

Vu Le Monde économie le 8-09-13

Rien n’illustre mieux la vacuité du discours politique aujourd’hui, droite et gauche confondues, que l’usage grammatical qui est fait du mot « croissance ». Toute croissance est croissance de quelque chose. Sans mention de son objet, le substantif n’a pas de sens, contrairement à des mots comme « république », « amour » ou « liberté ». La « croissance » selon les politiques est sans objet. Elle-même est leur objet : ce qui est placé devant eux, qu’ils veulent saisir, parfois avec les dents, mais qui leur échappe insolemment. Je l’appellerai donc Croissance, avec une majuscule.

On me dira que je finasse et que l’usage dont je parle repose sur une omission que tout le monde comprend. La Croissance, c’est la croissance du PIB, le produit intérieur brut. Sans doute. Mais combien ont réfléchi au fait que nous ne parlons pas, alors, d’une variable d’état, comme la croissance d’un arbre ou celle d’un enfant, mais d’une variable de flux, comme le débit d’un fleuve ou la vitesse d’un courant d’air. Un enfant qui grandit reste lui-même tout en devenant plus fort. La croissance économique, c’est l’accélération d’un cycle de productions et de consommations (ou plutôt de consumations) toujours recommencé. A tout moment, il ne subsiste rien des époques antérieures, ni le pain que j’ai mangé, ni les kilomètres que j’ai parcourus, ni le travail que j’ai fourni. Tout a été englouti dans le grand métabolisme avec la nature.

APRÈS LE BONHEUR ET L’EMPLOI, IL S’AGIT DE REMBOURSER LA DETTE

Mais la Croissance, n’est-ce pas aussi celle du capital, et celui-ci n’est-il pas un stock ? Nous sommes en train de détruire la partie de ce stock donnée par la nature, et cette perte est irrémédiable, car rien de ce que nous pouvons fabriquer et accumuler ne la comblera.

La Croissance est sans objet et elle est aussi sans fin. Elle n’a pas de terme assignable, voilà pourquoi on la désigne par un pourcentage et non par une grandeur, ce qui suffit à la distinguer radicalement de la croissance d’un enfant. « Imaginez-vous que mon garçon a grandi de 5 % depuis l’an dernier ! » Il serait divertissant d’entendre cela, qui supposerait que la taille d’un être humain croît normalement d’autant plus qu’elle est déjà forte, et cela sans limite. La Croissance est aussi sans fin au sens qu’elle n’a pas de finalité. On lui a reconnu des finalités successives, mais dans lesquelles nous avons perdu foi. Ce fut d’abord le bonheur, puis l’emploi. Il s’agit aujourd’hui de rembourser la dette. On s’enfonce dans le dérisoire.

La Croissance est sans objet, ni fin, ni finalité. Est-ce à dire qu’elle est privée de sens ? Tout au contraire, elle n’est que cela : sens, direction. Mais il serait malséant de s’en moquer, car cette fonction est, ou plutôt aura été, essentielle.

Je voudrais ici citer le travail remarquable d’un jeune intellectuel, philosophe et économiste, Jérôme Batout. Sous la direction de Marcel Gauchet, il a consacré sa thèse aux questions que j’aborde ici. Dans ses termes, un moment-clé de l’histoire moderne est lorsqu’on est passé de la volonté d’abondance à la volonté de croissance. La quête de l’abondance a en principe un terme, qui est l’équivalent économique de la fin de l’histoire. Tant le marxisme que le libéralisme ont rêvé de ce moment où tous les besoins humains seraient satisfaits. Cette croyance a depuis longtemps fait place à une autre, qui accepte que l’idée même de terme est dépourvue de sens : c’est la foi en la Croissance.

LES TRAITS D’UNE PANIQUE

Marcel Gauchet a analysé le rôle politique de la religion. C’est de permettre aux sociétés humaines de se gérer depuis une extériorité qu’elles ont elle-même engendrée. La sortie de la religion, analyse aujourd’hui Jérôme Batout, s’est accompagnée d’une entrée en économie. A son tour, l’économie a produit pendant un temps une forme d’extériorité régulatrice. La crise actuelle est moins une crise économique qu’une crise de l’économie : l’économie ne remplit plus le rôle politique que la désacralisation du monde lui avait assigné.

Jérôme Batout a d’autres cordes à son arc que sa faculté de penser : le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a récemment fait de ce jeune homme son conseiller spécial et lui a confié la direction du pôle stratégie, médias, et communication de Matignon. Ce n’est pas ce qui nous importe ici, même s’il est plaisant de voir réhabilitée une tradition européenne un peu oubliée, celle du penseur qui accepte la confrontation aux défis pratiques du gouvernement.

Si l’homme est ce ver de terre amoureux d’une étoile dont a parlé notre plus grand poète, Victor Hugo, l’économie s’adresse en principe au ver de terre, à sa finitude, à ses besoins limités. Mais avec la Croissance, l’économie est devenue l’Etoile, qui n’est notre guide que parce qu’elle recule à mesure que nous avançons. En vérité, la Croissance a tous les traits d’une fuite panique au sens où Elias Canetti la dépeignait dans son chef-d’oeuvre, Masse et puissance (1960). Dans ces moments d’effervescence collective, écrivait-il,« La masse a besoin d’une direction », d’un but qui soit donné « en dehors de chaque individu »« identique pour tous » : peu importe alors ce qu’il est, « du moment qu’il n’est pas encore atteint ». La Croissance sans objet et sans fin a rempli assez bien ce programme pendant de nombreuses années.

Aujourd’hui, l’Etoile s’est éteinte. L’étymologie nous aide à décrire l’état qui en résulte : c’est un « dés-astre ». Les avocats de la décroissance, pour qui j’ai de l’affection, ne prennent pas assez la mesure du dilemme où nous sommes. On ne prive pas un drogué de sa drogue du jour au lendemain. On ne renonce pas à sa foi sans souffrance. Sans sacré ni Croissance, qui ou quoi pourra satisfaire le désir d’Etoile et d’infini qui est en nous ?

Dennis Meadows : « Nous n’avons pas mis fin à la croissance, la nature va s’en charger »

 

La croissance perpétuelle est-elle possible dans un monde fini ? Il y a quarante ans déjà, Dennis Meadows et ses acolytes répondaient par la négative. Aujourd’hui, le chercheur lit dans la crise les premiers signes d’un effondrement du système.

En 1972, dans un rapport commandé par le Club de Rome, des chercheurs de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) publient un rapport intitulé « Les limites de la croissance ». Leur idée est simple : la croissance infinie dans un monde aux ressources limitées est impossible. Aussi, si les hommes ne mettent pas fin à leur quête de croissance eux-mêmes, la nature le fera-t-elle pour eux, sans prendre de gants.

En 2004, le texte est, pour la deuxième fois, remis à jour. Sa version française vient ? enfin ? d’être publiée aux éditions Rue de l’échiquier. En visite à Paris pour présenter l’ouvrage, Dennis Meadows, l’un des auteurs principaux, revient sur la pertinence de projections vieilles de quarante ans et commente la crise de la zone euro, la raréfaction des ressources et le changement climatique, premiers symptômes, selon lui, d’un effondrement du système.

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le livre 

 

 

 

 

«Le scénario de l’effondrement l’emporte»

INTERVIEW Dès le premier sommet de la Terre de 1972, le chercheur américain Dennis Meadows partait en guerre contre la croissance. A la veille de la conférence «Rio + 20», il dénonce les visions à court terme et dresse un bilan alarmiste.

Par LAURE NOUALHAT
En 1972, quatre jeunes scientifiques du Massachusetts Institute of Technologie (MIT) rédigent à la demande du Club de Rome un rapport intitulé The Limits to Growth (les Limites à la croissance). Celui-ci va choquer le monde. Leur analyse établit clairement les conséquences dramatiques d’une croissance économique et démographique exponentielle dans un monde fini. En simulant les interactions entre population, croissance industrielle, production alimentaire et limites des écosystèmes terrestres, ces chercheurs élaborent treize scénarios, treize trajectoires possibles pour notre civilisation.

Nous sommes avant la première crise pétrolière de 1973, et pour tout le monde, la croissance économique ne se discute pas. Aujourd’hui encore, elle reste l’alpha et l’oméga des politiques publiques. En 2004, quand les auteurs enrichissent leur recherche de données accumulées durant trois décennies d’expansion sans limites, l’impact destructeur des activités humaines sur les processus naturels les conforte définitivement dans leur raisonnement. Et ils sont convaincus que le pire scénario, celui de l’effondrement, se joue actuellement devant nous. Rencontre avec l’un de ces scientifiques, Dennis Meadows, à la veille de la conférence de Rio + 20.

 

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Eglise de la Très Sainte Consommation

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Croissance Reviens ! Dilapidez !
Croissance, croissance, croissance reviens !
Croissance reviens parmi les tiens !
Pour notre bonheur, montre-nous le chemin,
Toi qui nous aveugles si bien. !

Citée 1000 fois dans les journaux quotidiens,
Tu ne quittes pas la bouche de nos politiciens,
Tu apportes l’emploi et le pouvoir d’achat,
Pour con consomme comme des rois !

Croissance, croissance….

Bien ancrée dans tous les recoins de nos cerveaux,
Croissance tu es la solution de tous les maux,
Croissance infinie dans toute la galaxie,
Tu es la source de la vie !

Croissance, croissance….

Soyons malades, dépressifs et surendettés,
Pour la patrie, pour la croissance du P.I.B,
Vive l’exploitation, le travail et l’argent !
A mort tous les décroissants !

Croissance, croissance….


Dilapidez !

Tout votre blé !
Pour la croissance
Du P.I.B. !

Dilapidez !
Ô lapidez !
La femme-objet !
Les ouvriers !
Les étrangers !

Ô lapidez !
Dilapidez !
Tout votre blé !
Pour la croissance
Du P.I.B. !

Dilapidez !
Croissance, reviens !
Croissance, bonheur !
Achat, bonheur !

Du fric à l’aise J’t’emmène Au Poste
Ah que je gagn’ du fric à l’aise
Quand y’a pas d’règles pour l’emploi
Oui pour l’emploi
J’ouvre et je ferme les usines
Sans me soucier des ouvriers, des ouvriers
J’ouvre et je ferme les usines
Sans me soucier des ouvriers

J’ai rétabli l’travail des gosses,
Dans les pays d’Extrême-Orient
D’Extrême-Orient
Leurs petit’s mains cous’nt les godasses
Pour bien moins cher que leurs parents, que leurs parents
Leurs petit’s mains cous’nt les godasses
Pour bien moins cher que leurs parents, que leurs parents

La nuit j’fais travailler les femmes
Y’a pas d’raisons qu’elles y échappent,
Qu’elles y échappent,
Comm’ça ell’s sont près de leur mômes
C’est plus social et plus rentable,
Et plus rentable
Comm’ça ell’s sont près de leur mômes
C’est plus social et plus rentable

Aujourd’hui je suis mercenaire
Pour le Medef et pour le fric
Et pour le fric,
J’ai un contrat en Normandie
Je restructure l’industrie, oui l’industrie
J’ai un contrat en Normandie
Je restructure l’industrie

Après il y’aura la Bretagne,
La Lorraine et le Pas-d’-Calais
Le Pas-d’-Calais
Chaqu’fois que je ferme une usine
Y’a dix millions qui tomb’nt pour moi,
Qui tomb’nt pour moi
Chaqu’fois que je ferme une usine
Y’a dix millions qui tomb’nt pour moi

Ah que je gagn’ du fric à l’aise
Quand y’a pas d’règles pour l’emploi
Oui pour l’emploi
J’ouvre et je ferme les usines
Sans me soucier des ouvriers, des ouvriers
J’ouvre et je ferme les usines
Sans me soucier des ouvriers
(Mouise attaque)

Allez viens j’t’emmène au poste,
Je t’embarque avec les menottes,
Et je voudrais que tu te rappelles,
La matraque est éternelle
Et pas artificielle !

Je voudrais que tu te rebelles plus souvent,
Qu’on puisse t’humilier devant les gens,
Et je voudrais que tu te rappelles,
Le flashball est bien mortel
Et pas accidentel !

Je voudrais que tu ne sois plus dissident
Que tu rentres enfin dans le rang
Et je voudrais que tu te rappelles,
Les bavures, blessures mortelles !
Coma artificiel !

Je voudrais que tu aies peur plus souvent
Des contrôles, des rafles, des agents
Et je voudrais que tu te rappelles
La matraque est éternelle
Et pas artificielle !

Je voudrais que tu t’agenouilles sagement
Que tu trimes en serrant les dents,
Et je voudrais que tu te rappelles
L’obéissance et le zèle
C’est là où j’excelle !

Je voudrais que tu dénonces des gens
Que tu donnes des renseignements
Et je voudrais que tu te rappelles
Les caméras te harcèlent
C’est pas qu’du virtuel !

Allez viens j’t’emmène au poste,
Je t’embarque avec les menottes,
Et je voudrais que tu te rappelles,
La matraque est éternelle
Et pas artificielle !

Père Aless – janvier 2011

La Marchandaise Peupler Ma Vie De Concurrence
Allons clients consuméristes
Le jour de paye est arrivé !
Contractons de nombreux crédits,
Crédits à la con-sommation (Bis)
C’est le travail qui nous libère,
Nous sommes libres de consommer !
Endettés, pieds et poings liés,
Les actionnaires peuvent sabrer le Champagne !

Aux marques, citadins !
Videz les magasins !
Ach’tons ! Ach’tons !
Que nos caddies soient toujours bien remplis !

Allons clientes, consommatrices !
Le jour des soldes est arrivé !
Dégainons cartes bleues et chéquiers !
L’étendard des soldes est levé ! (Bis)
Admirons ces belles campagnes (de pub),
Gloire à la publicité !
Soyons toujours surendettés !
Et frustrés, que le désir nous gagne !

Aux marques, citadins !
Videz les magasins !
Ach’tons ! Ach’tons !
Le sang du Sud abreuve l’Occident !

Aux marques, citadins !
Videz les magasins !
Ach’tons ! Ach’tons !
Que nos caddies soient toujours bien remplis !

Refrain :

Peupler ma vie de concurrence, et fuir la solidarité,
Choisir avec toi la méfiance, haïr, se savoir détesté.

Des autr’, n’en avoir rien à foutre,
Aimer le pouvoir et l’argent,
Ecarter les pauvres de nos routes,
Sauf s’ils servent les dominants.

Refrain

Prôner une croissance infinie,
Les Hommes dominent la Nature,
Se fier aux chères technologies,
C’est le progrès, c’est le futur

Refrain

Fustiger les pauvres hérétiques,
Qui n’croient pas à toi, Dieu Argent,
Les traiter de sales parasites,
De malades, de gros fainéants.

Refrain

Semer la grand’ peur et le doute,
Le travail lui-seul crée des liens,
Surtout du chômage, je redoute,
Exploitez-moi, je le veau bien.

Refrain

Dormir peu et sans cesse travailler,
Faire plaisir aux bons actionnaires,
Garder un peu d’temps pour consommer
Aux temples où la vie est moins chère.

Refrain

Tu Es Là
Tu es là au cœur de nos vies,
Et c’est toi qui nous fait vivre,
Tu es là au cœur de nos vies,
Ô-ô Croissance infinie !

Dans le secret de nos bassesses,
Tu es là,
Dans nos discours, nos fauss’s promesses,
Tu es là.

Tu es là au cœur de nos vies,
Et c’est toi qui nous fait vivre,
Tu es là au cœur de nos vies,
Bien vivant, ô Gloire au Fric ! Ô Dieu du Fric !

Refilé dès le plus jeune âge,
Tu es là,
Tu nous réduis en esclavage,
Tu es là.

Tu es là au cœur de nos vies,
Et c’est toi qui nous fait vivre,
Tu es là au cœur de nos vies,
Bien vivant, ô Saint Crédit !

Dans nos cœurs tout remplis de trouille
Tu es là,
Dans tous le fiel de nos magouilles,
Tu es là.

Tu es là au cœur de nos vies,
Et c’est toi qui nous fait vivre,
Tu es là au cœur de nos vies,
Bien vivant, ô Saint Profit !

Dans le milieu de la compète,
Tu es là,
Dans la musique, dans nos fêtes,
Tu es là.
Tu es là au cœur de nos vies,
Et c’est toi qui nous fait vivre,
Tu es là au cœur de nos vies,
Ô-ô Croissance Infinie !

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