Bunker Roy : Apprendre d’un mouvement va-nu-pied

vu sur le blog : http://refairelemonde.over-blog.com/

– « Quand on pense à quelque raison pour ne pas suivre son propre chemin, ou quand on a peur et reste au sein de la société parce que c’est plus sûr, les résultats sont radicalement différents de ce qui arrive si l’on suit l’appel. Si l’on refuse d’avancer, alors on est le servant de quelqu’un d’autre. Quand vient le refus de l’appel, il y a une sorte de dessèchement, un certain sens de vie perdue.
Chaque parcelle en nous sait qu’une expérience nécessaire a été refusée. Les angoisses apparaissent.
Ce qu’on a refusé de vivre de manière positive, on le vivra négativement. »
Joseph Campbell
Citation de A Joseph Campbell Companion,
selected and edited by Diane K. Osbon
Traduit humblement par Lucas

Un entrepreneur social au service du développement rural.

L’Inde, 2ème pays social au service du développement rural.au monde avec plus d’un milliard d’habitants compte 700 000 villages sur un territoire équivalent à 6 fois la France. La situation économique y est très souvent fragile, la moindre saison sèche ou récolte difficile venant accroître l’exode rural déjà considérable. Comment un de ces villages, peuplé de seulement 800 habitants devient un des modèles de développement durable pour tous les autres pays du Sud ; visité, reconnu et admiré par des personnalités comme le président de la Fondation Ford, le président de la Banque Mondiale ou le Prince de Galles ? C’est pour répondre à cette question que nous avons rencontré Bunker Roy, le fondateur du « Barefoot College » de Tilonia.

Fils d’une des familles les plus influentes du Bengale (la région de Calcutta), Bunker a suivi l’une des meilleures éducations du système indien. Il a usé ses shorts sur les mêmes bancs que Rajiv Gandhi (le fils d’Indira et lui aussi ancien Premier Ministre assassiné) et que les héritiers du plus grand empire industriel du sous-continent : les fils Tata. De cette éducation stricte et élitiste, il garde le souvenir de professeurs « on ne peut plus snob » leur présentant le mirage de l’Inde moderne du XXIe siècle en lieu et place du « Bhârat », l’Inde rurale*.

Programmé pour devenir un grand diplomate, un fin politicien ou un puissant bureaucrate, Bunker suit une scolarité exemplaire. Pendant son temps libre, il se consacre à sa passion, le squash, et remporte même pendant 4 années d’affilée le Championnat National.

Le tournant de sa vie se produit en 1966, lorsque par curiosité, il va visiter un village du Bihâr. Cette année-là, ce petit Etat rural, frontalier du Népal, connaît une des pires famines de son histoire. Faute de mousson, les greniers à céréales sont entièrement vides et l’aide internationale permet difficilement à chaque personne de disposer d’une chapati par jour, une mince galette de farine de blé, base de l’alimentation indienne.

Le choc est terrible pour ce jeune privilégié. Rien dans son parcours personnel ne l’avait préparé à voir cette réalité poignante : des dizaines de milliers de personnes périssent faute de nourriture et ceux qui restent sont condamnés à errer chaque jour à la recherche d’une maigre pitance. C’est décidé, du haut de ses 19 ans, Bunker prend une décision qui va changer sa vie : il veut vivre dans l’Inde rurale et se mettre au service des paysans les plus pauvres.

Sans avoir aucune notion concrète de ce qu’il veut entreprendre et de la manière dont il doit opérer, il décide d’aller vivre dans un des villages du district d’Ajmer, dans le Rajasthan. C’est là, qu’humblement, il passe 5 ans de sa vie. Travaillant comme un forcené, il creuse, nettoie et fait exploser des charges afin de construire des puits. Au contact des villageois de souche, il acquiert la certitude que les connaissances et les compétences pratiques des villageois sont suffisantes pour assurer leur développement.

A 25 ans, un collègue l’invite à passer quelques jours à Tilonia. Cette visite sera le second tournant de son existence. Il remarque un grand sanatorium à l’abandon au beau milieu du village et décide d’engager les démarches pour l’acquérir. Légué par le gouvernement au modeste prix de 1 roupie, il en fera en 3 décennies le centre du « Barefoot College ».

Construit sur des préceptes de Gandhi, celui-ci s’articule autour de 5 grandes idées : la participation de chacun à la vie du village, l’égalité homme-femme, l’éducation pratique et non théorique, la nécessité de ne pas gâcher les ressources et la technologie par et pour ses habitants.

Résultat après presque trente ans d’efforts. Toute l’électricité du village provient de panneaux solaires, 90 écoles de nuits ont été créées pour dispenser un savoir pratique aux enfants qui gardent leurs troupeaux le jour. Un groupe de 300 femmes se réunit chaque semaine pour débattre et influencer leurs conditions de vie et un ingénieux système de récupération de l’eau de pluie alimente irrigation, douches et toilettes de tous les villageois. Dernière trouvaille mais pas des moindre, un parlement des enfants est élu tous les 3 ans pour influencer la vie du village et des écoles !!

Le plus remarquable de ces 30 années de développement est que ce sont les villageois eux-mêmes qui ont eu les idées, les ont financées (partiellement) et les ont appliquées à leur rythme et ceci sans aucune aide extérieure. Bunker ne se considère que comme un support et passe désormais la majeure partie de son temps à promouvoir ce modèle aux quatre coins de l’Inde et, depuis peu, de la Planète.

Persuadé qu’il faut beaucoup plus investir sur les individus que sur les projets pour réaliser un développement durable des villages indiens, il espère convaincre les sceptiques et faire de nombreux adeptes. En voilà 2 de plus !!

* « Bhârat » signifie Inde en Hindi.

Le site du BareFoot College

Cet article provient du site :
www.80hommes.com

La Parole

Extrait de LA PAROLE DU MONDE de Geneviève Calame-Griaule

Chez les Dogons du Mali, la parole est une production du corps : elle est fabriquée par le corps et par la personne toute entière, et elle est avec l’enfant l’une des plus hautes « productions » de l’humanité . Donc, la parole se fabrique dans le corps.

Cela commence par un processus intellectuel qui se déroule dans le cerveau, la pensée, l’idée première de la parole . Mais la parole proprement dite « se forge » d’abord dans les viscères.

Quatre éléments entrent dans la composition de la parole . ce sont les quatre éléments constitutifs de l’univers, une conception que l’on retrouve dans le monde entier : terre, eau, air, feu. Ils sont la matière première de notre corps comme de tout ce qui existe dans la création. Ils sont répartis dans les organes où la parole va les puiser. De la même manière que l’on dose les ingrédients en cuisine, la parole est fabriquée avec plus ou moins de ces éléments, comme un plat qui comporte plus ou moins de sel ou de piment. Leur dosage influe sur la nature de la parole et sur son effet sur l’auditeur.

D’autres ingrédients, outre ces éléments de base, entrent dans la composition de la parole. L’un des plus importants est ce que les Dogons appellent l’« huile du sang ». Il y a une partie lipide dans le sang et selon eux, cette substance se mêle à la parole et lui confère son charme, sa beauté, son caractère agréable. La bile donne de l’amertume mais est purificatrice. Il peut y avoir du sel, le sel de la parole, avec la même signification que chez nous. Quant au miel, au sucre, ils donnent une parole douce et très agréable, mais dont il faut se méfier, parce qu’en vous flattant elle vous endort….

Au niveau des viscères, où se fait le mélange, intervient une véritable forge. L’élément eau est essentiel à la parole parce qu’il lui donne la vie. Contenue dans le foie, comme dans une poterie posée sur le feu, l’eau de la parole est chauffée par le cœur qui est le foyer de la forge. Entrant en ébullition, elle devient de la vapeur d’eau qui va être propulsée par les poumons, soufflet de la forge, et monter vers le larynx et les organes de la phonation. Puis cette vapeur d’eau, contenant en substance et en puissance tout le discours, se sonorise.

Dans la bouche entre en jeu le tissage. Notre bouche en effet est un métier à tisser. La langue est la navette qui va et vient. Les dents sont le peigne, la poulie la luette…Comme une bande de coton, la parole va dans le monde …

Elle arrive ainsi chez l’auditeur. Car pour qu’il y ait parole, il faut un auditeur, il faut qu’il y ait dialogue. Elle entre dans l’oreille, redevenir liquide, se répandre dans le corps et provoquer des effets divers. Une parole qui contient trop de feu est une parole brûlante, une parole de colère, de dispute, donc l’auditeur va répondre agressivement. Une parole qui contient trop d’air flotte, inconsistante. Les propos sont sans importance…Le feu, même s’il n’en faut pas trop, reste essentiel, car une parole froide ne convainc pas…

Le dialogue essentiel pour la vie de la société, c’est celui de l’homme et de la femme. Son importance est primordiale car d’elle va dépendre la fécondité, la survie du groupe…Il faut que leur entente soit bonne…Les bonnes paroles contiennent de l’huile et de l’eau qui empêchent les disputes et les conflits, qui eux sont cause de stérilité .

La bonne parole qui contient de l’eau et de l’huile est fécondante, non seulement pour le couple, pour la société, l’humanité, mais elle agit aussi sur le cosmos : elle agit sur les plantes, sur les animaux , sur toute la fertilité du monde.

vu sur le site Démocratie-spiritualité 
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