SRI AUROBINDO

Ou lĠaventure de la conscience

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Table des matires

PrŽface ˆ la 2Ž Ždition. 5

PrŽface ˆ la 3ime Ždition. 7

La Loi de la Terre. 7

INTRODUCTION.. 8

____________. 8

1. 9

UN OCCIDENT ACCOMPLI 10

2. 12

LA LOI ETERNELLE. 12

3. 16

FIN DE L'INTELLECT. 16

4. 18

LE SILENCE MENTAL. 18

Les constructions mentales.. 18

MŽditation active.. 19

Transition.. 20

Descente de la force.. 20

Emergence d'un nouveau mode de connaissance.. 21

Le mental universel 23

5. 25

LA CONSCIENCE. 25

Les centres de conscience.. 26

La personnalitŽ frontale.. 28

L'individualisation de la conscience.. 29

Conscience-force, Conscience-joie.. 31

6. 34

LA PACIFICATION DU VITAL. 34

Limites de la morale.. 34

L'habitude de rŽpondre.. 35

Les forces adverses.. 37

Le vital vrai 39

7. 41

LE CENTRE PSYCHIQUE. 42

La naissance psychique.. 43

La croissance psychique.. 46

8. 50

L'INDEPENDANCE PHYSIQUE. 50

IndŽpendance des sens.. 50

IndŽpendance des maladies.. 53

IndŽpendance du corps.. 55

9. 57

LE SOMMEIL ET LA MORT. 57

_____________________. 57

Les plans de conscience.. 57

Sommeil d'expŽrience.. 59

Sommeil d'action.. 62

10. 65

LE YOGI REVOLUTIONNAIRE. 65

Problme d'action.. 66

Nirvana.. 67

11. 73

LĠUNITE. 73

Conscience cosmique.. 74

LĠtre central, la personne universelle.. 76

Connaissance par identitŽ.. 78

12. 80

LE SUPRACONSCIENT. 80

LĠEnigme.. 80

Les conditions de la dŽcouverte.. 82

LĠascension de la conscience.. 84

Extase ?.. 87

ĉtres et forces.. 89

Les plans du mental 92

a)          Le mental ordinaire.. 93

b)          Le mental supŽrieur. 93

c)          le mental illuminŽ.. 93

d)          Le mental intuitif 94

e)          Le surmental 95

f)      PoŽsie mantrique.. 96

13. 98

SOUS LE SIGNE DES DIEUX.. 98

14. 102

LE SECRET. 102

Les degrŽs subconscients.. 103

Limites de la psychanalyse.. 104

La moitiŽ obscure de la vŽritŽ.. 105

Le grand passage.. 108

15. 113

LA CONSCIENCE SUPRAMENTALE. 113

Vision supramentale.. 113

Pouvoir supramental 117

16. 122

LĠHOMME, 122

ĉTRE DE TRANSITION.. 122

Les Ïuvres.. 124

La Mre.. 126

Aperu sur lĠŽvolution.. 127

17. 131

LA TRANSFORMATION.. 131

Perspectives dĠavenir. 132

Premire phase – le Travail 133

LĠAgni fondamental 136

Deuxime phase – le corps.. 138

Deuxime phase – le subconscient. 141

Troisime phase – lĠAshram.... 143

CONCLUSION.. 144

LA FIN QUI EST TOUJOURS AU COMMENCEMENT. 144

 

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PrŽface ˆ la 2Ž Ždition

(5-6)

 

 

27 janvier 1970

Le rgne de l'aventure est terminŽ. Sur terre, nous savons bien que le temps des Cortez et des Pizarre est fini. La mme mŽcanique nous enserre, la souricire se referme.

Nous sommes donc mis au pied du mur, devant le dernier terrain qu'il nous reste ˆ explorer, l'ultime aventure : nous-mmes. Il faut dŽboucher ailleurs.

Mais il y a toutes sortes Ç d'ailleurs È.  Ceux de la drogue sont semŽs de dangers et surtout ils dŽpendent d'un moyen extŽrieur.

Ceux de la psychanalyse manquent du levier de conscience qui permet d'aller o l'on veut, en ma”tre et non en tŽmoin impuissant ou en victime maladive.

Ceux de la religion sont plus illuminŽs mais ils dŽpendent aussi d'un dieu ou d'un dogme, et surtout ils nous enferment dans un type d'expŽrience car on peut aussi bien et davantage, tre prisonnier des mondes ailleurs que du monde ici.

Finalement la valeur d'une expŽrience se mesure ˆ son pouvoir de transformation de la vie, sinon nous sommes devant un vain rve ou une hallucination.

Or, Sri Aurobindo nous fait faire une double dŽcouverte dont nous avons un besoin urgent si nous voulons transformer notre monde. En suivant pas ˆ pas sa prodigieuse exploration - sa technique des espaces intŽrieurs - nous sommes amenŽs ˆ la plus grande dŽcouverte de tous les temps, ˆ savoir que la conscience est un pouvoir.

Nous pouvons mieux que nos machines et que cette Žnorme MŽcanique qui nous Žtouffe si nous voulons descendre dans notre propre coeur comme des explorateurs mŽthodiques, rigoureux et lucides.

Satprem

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PrŽface ˆ la 3ime Ždition

(7)

31 janvier 2003

La Loi de la Terre

Peut-tre y a-t-il une autre Sagesse et une autre Source et une Terre nouvelle du quaternaire sous nos dŽcombres d'anthropo•des attardŽs qui n'ont pas fini de pousser. Une manire d'tre nouvelle.

"Un autre tre sur la terre", disait Sri Aurobindo.

La dernire Aventure.

Satprem

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INTRODUCTION

(8-9)

____________

Depuis un demi-sicle dŽjˆ, la psychologie n'a cessŽ de rŽintŽgrer les dŽmons dans l'homme; il se pourrait comme l'avait pensŽ Malraux, que la t‰che du prochain demi-sicle soit d'y rŽintŽgrer les dieux ou plut™t comme le voulait Sri Aurobindo, de rŽintŽgrer l'Esprit dans l'homme et la matire et de crŽer la vie divine sur terre.

Il y a bien des faons de se mettre ˆ l'Oeuvre ; en fait nous avons chacun notre ouverture particulire : pour l'un, ce sera une pice bien ouvrŽe, pour l'autre une belle idŽe, pour d'autres une page de musique, une rivire.... toutes sont des manires de respirer dans l'Infini.

Il y a un Sri Aurobindo philosophe, un  Sri Aurobindo pote qu'il fut essentiellement, un visionnaire de l'Žvolution. Il y a aussi un Sri Aurobindo explorateur qui Žtait yogi aussi.

N'a-t-il pas dit que le yoga est l'art de la dŽcouverte consciente de soi ?

C'est cette exploration que nous voudrions entreprendre avec lui. Il n'y a pas de raison qu'un jour la fentre ne s'ouvre pas, qui nous ensoleillera pour toujours. A vrai dire, ce n'est pas une mais plusieurs fentres qui s'ouvrent tour ˆ tour chaque fois sur un espace plus vaste. C'est un changement de conscience aussi radical que le passage du sommeil ˆ la veille.

Sri Aurobindo n'est pas seulement l'explorateur de la conscience, c'est un b‰tisseur d'un monde nouveau. Il a dŽcouvert un autre monde qu'il a appelŽ le Supramental et qu'il a voulu tirer sur terre.

Le Supramental, nous dit Sri Aurobindo, est le changement de conscience qui aura le pouvoir de transformer notre monde matŽriel aussi profondŽment et durablement que le Mental ne l'a fait lorsqu'il apparut dans la Matire.

Nous verrons donc comment le yoga intŽgral dŽbouche sur un yoga supramental ou yoga de transformation terrestre que nous tenterons d'esquisser car l'histoire est en train de se faire et nous ne savons pas encore trs bien o elle nous mnera ni mme si elle rŽussira. Au fond, cela dŽpend un peu de nous tous.

 

 

 

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1

UN OCCIDENT ACCOMPLI

(10-11)

________________________

(p18-p24)

Sri Aurobindo est proche de nous, l'Occident, lˆ o il a passŽ ses annŽes de formation de sept ˆ vingt ans.

Il est nŽ le 15 juin 1872 ˆ Calcutta, l'annŽe des illuminations de Rimbaud ; dŽjˆ la physique moderne est nŽe avec Max Plank. Son pre, le docteur Krishnadhan Ghose a fait ses Žtudes de mŽdecine en Angleterre et il ne souhaitait pas que ses trois fils soient contaminŽs par le mysticisme "fumeux et rŽtrograde" o son pays semblait se dŽlabrer.

Il ne voulait pas qu'ils connussent rien des traditions ni des langues de l'Inde. Sri Aurobindo fut donc d'abord ŽlevŽ par une gouvernante anglaise puis expŽdiŽ ˆ l'‰ge de cinq ans dans une Žcole de nonnes irlandaises ˆ Darjeeling. Deux ans plus tard, les trois fils Ghose partaient pour l'Angleterre. Sri Aurobindo a sept ans. Il ne reverra pas son pre qui mourut juste avant son retour en Inde.

Sri Aurobindo et ses deux frres furent confiŽs ˆ un pasteur anglais de Manchester ˆ la condition qu'ils ne fissent la connaissance d'aucun indien et ne subissent aucune influence indienne.

Au cours de ses premires annŽes ˆ Manchester Sri Aurobindo apprit le franais, l'anglais Žtant dŽjˆ sa langue maternelle. Le pote s'Žtait ŽveillŽ en lui. La mre du pasteur essaya de sauver cette ‰me hŽrŽtique mais Sri Aurobindo ne devait jamais tre un homme religieux pas plus en Inde qu'en Occident : la vraie thŽocratie, Žcrira-t-il plus tard, est le royaume de Dieu dans l'homme, non le royaume d'un pape, d'une Eglise ou d'une classe sacerdotale.

A douze ans il sait dŽjˆ ˆ fond le latin et le franais. Le directeur de St. Paul School va lui donner lui-mme des leons de grec. Il dŽvore les potes franais et bient™t toute la pensŽe europŽenne. Il sut vite suffisamment d'italien et d'allemand pour lire Dante et Goethe dans le texte.

Sri Aurobindo humoriste est peut-tre plus important que Sri Aurobindo philosophe car il considŽrait que l'humour participait ˆ l'essence mme de son tre alors que la philosophie comme la poŽsie relevaient d'autres langages. Ds sa premire annŽe au King's College il ramasse tous les prix de poŽsie grecque et latine.

L'indŽpendance de l'Inde le hante et en tant que secrŽtaire de l'association des Žtudiants de Cambridge il prononce des discours rŽvolutionnaires qui ne l'empchent pas de passer une licence de lettres classiques. A vingt ans il s'embarque pour l'Inde.

 

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2

LA LOI ETERNELLE

(12-15)

_____

(p25-p36)

 

Notre prolŽtariat est enfoncŽ dans l'ignorance et ŽcrasŽ de dŽtresse ! s'Žcrie Sri Aurobindo ˆ peine dŽbarquŽ en Inde. C'est un problme d'action qui se pose ˆ lui. Nous sommes au monde pour agir,  sera le point de vue qui restera en lui jusqu'ˆ ses plus hautes rŽalisations yoguiques.

Qu'allait apporter l'Inde ˆ Sri Aurobindo ?

Elle est un monde indŽfinissable o Ç l'hindouisme È n'existe pas car l'Inde est le pays d'une immense libertŽ spirituelle. Ç LĠhindouisme È est une invention occidentale.

L'indien dit seulement "la loi Žternelle", san‰tana dharmaCe qui semble le plus important dans une religion pour un occidental c'est sa structure qui la distingue d'une autre. Pour l'indien, c'est la moins importante, car il cherche instinctivement le point central o tout communique. C'est autre chose qu'une tolŽrance, c'est la comprŽhension positive que chaque homme a un besoin intŽrieur qu'on appelle Dieu ou d'autres faons et que chaque homme a besoin d'aimer ce qu'il comprend de Dieu.

 "Tels les hommes viennent ˆ Moi, tels je les accepte. C'est mon chemin que les hommes suivent de tous c™tŽs" dit la G”t‰ ( IV.11.)

Sri Aurobindo Žcrira bient™t : " La perfection du yoga intŽgral viendra quand chaque homme sera capable de suivre son propre chemin de yoga et de travailler au dŽveloppement de sa propre nature dans sa poussŽe vers ce qui transcende toute nature. Car la libertŽ est la loi finale et l'ultime accomplissement."

L'indien ne dit jamais : "Croyez-vous en un Dieu ?". Il dit simplement : "Faites l'expŽrience;". Si vous faites ceci, vous arriverez lˆ et si vous faites telle autre chose, vous arriverez ˆ tel autre rŽsultat. Toute l'ingŽniositŽ que nous avons dŽployŽe depuis un sicle ou deux ˆ l'Žtude des phŽnomnes physiques, l'indien l'a mise avec une rigueur Žgale, depuis quatre ou cinq millŽnaires ˆ l'examen des phŽnomnes intŽrieurs.

Si l'on veut progresser dans l'Žtude des phŽnomnes intŽrieurs il ne suffit pas de lire des livres mais il faut payer de sa personne. L'Inde nous renvoie sagement ˆ l'expŽrience directe et aux mŽthodes d'expŽrience.

L'Indien plonge ses racines en d'autres mondes, il n'est pas tout ˆ fait d'ici, qui est pour lui une faon de vivre parmi beaucoup d'autres faons, en marge d'immenses continents par derrire. Il est conscient de grands rythmes psychiques qui excdent la brve pulsation d'une vie humaine unique.

Il n'y a rien ˆ rejeter nulle part, pas plus dans ledit hindouisme que dans le christianisme ou dans n'importe quelle autre aspiration de l'homme mais il y a tout ˆ Žlargir, ˆ Žlargir sans fin. Ce que nous prenons pour une vŽritŽ ultime n'est le plus souvent qu'une expŽrience incomplte de la VŽritŽ. Et sans doute, la totalitŽ de l'ExpŽrience n'existe nulle part dans le temps et l'espace en aucun tre si lumineux soit-il, car la VŽritŽ est infinie, elle va toujours de l'avant.

La Loi Žternelle, oui, mais Žternellement jeune et Žternellement progressive.

L'Inde est devant une contradiction bien surprenante o il est dit "Tout est Brahman", rien n'est en dehors de Lui. Et puis il y a ce Brahman transcendant, immobile, ˆ jamais hors de la vie, de la terre, qui fait dire ˆ Shankara " Brahman est vrai, le monde est illusion" ou dans la Niralamba Upanishad : " Brahman est vrai, le monde est un mensonge".

Si nous laissons de c™tŽ les Ecritures, la contradiction devient plus flagrante encore.

La psychologie indienne se fonde sur une observation que tout dans l'univers est composŽ de trois qualitŽs ou gunaTamas, l'inertie, l'obscuritŽ, l'inconscience, rajas, le mouvement, la lutte, l'effort, la passion et sattva, la lumire, l'harmonie, la joie. Nulle part ces trois ŽlŽments n'existent ˆ l'Žtat pur. Dans le plus noir tamas, la lumire brille aussi.

Les diverses disciplines indiennes cherchent donc ˆ rŽtablir l'Žquilibre : sortir du jeu des trois guna qui nous ballotte sans fin et prendre position au-dessus, c'est ˆ dire retrouver la conscience divine (yoga).

A cette fin, elles visent toutes ˆ nous sortir de l'Žtat de dispersion et de gaspillage dans lequel nous vivons et ˆ produire en nous une concentration suffisante pour basculer dans un autre Žtat. Ce travail de concentration peut s'effectuer ˆ n'importe quel niveau : physique, vital, mental. Suivant le niveau, nous pratiquons donc tel ou tel yoga : hatha yoga, raja yoga, mantra yoga et beaucoup d'autres. Le critre de la rŽussite est un Žtat de transe ou d'extase yoguique, sam‰dhi.

Entre la fin de l'‰ge des mystres et l'apparition des grandes religions, une faille s'est creusŽe. Une connaissance s'est voilŽe qui ne faisait pas cette formidable distinction entre Dieu et le monde. Le conflit entre la Matire et l'Esprit est une crŽation moderne. Entre les premires Upanishads d'il y a quelques trois ou quatre mille ans, elles-mmes hŽritires des VŽdas qui voyaient Dieu partout dans ce merveilleux univers et les dernires Upanishads, un Secret s'est perdu. Il s'est perdu non seulement en Inde mais aussi en MŽsopotamie, en Egypte, en Grce, en AmŽrique centrale. C'est ce secret que Sri Aurobindo allait redŽcouvrir.

La vŽritŽ une, Žternelle et immuable, est l'Esprit et sans l'Esprit, la vŽritŽ pragmatique de l'univers n'aurait pas d'origine ni de fondement ; le monde serait dŽpourvu de sens, vide de direction intŽrieure. Les vŽritŽs de l'Esprit se jettent dans le Devenir ici-bas : dissonances, variations, exploration des possibles, rŽversions, perversions et conversions ascendantes en un motif harmonique toujours plus haut. C'est Lui-mme le crŽateur et l'Žnergie de crŽation, la cause et la mŽthode et le rŽsultat des opŽrations, la musique et le musicien, le pote et le pome. Lui-mme le Supramental, le mental, la vie et la matire, l'‰me et la nature.

Mais il ne suffisait pas ˆ Sri Aurobindo de rŽconcilier sur le papier l'Esprit et la Matire.

La VŽritŽ et la Connaissance sont un vain rayon si la Connaissance n'apporte pas le pouvoir de changer le monde.

Le Secret perdu c'est le pouvoir de l'Esprit sur la Matire. C'est ce secret pragmatique que Sri Aurobindo  allait peu ˆ peu retrouver expŽrimentalement en ayant le courage, ˆ la fois, de sauter par-dessus sa culture occidentale et par-dessus la tradition religieuse hindoue, tant il est vrai que l'essentiel Žmerge quand on a tout oubliŽ.

 

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3

FIN DE L'INTELLECT

(16-17)

________________

(p37-p42)

 

 

Il avait fallu 13 ans ˆ Sri Aurobindo pour parcourir le chemin occidental ; il lui en faudra presque autant pour parcourir le chemin de l'Inde et parvenir au "sommet" des rŽalisations yoguiques traditionnelles, c'est ˆ dire au commencement de son propre travail.

Le premier secret de Sri Aurobindo est sans doute d'avoir toujours refusŽ de couper la vie en deux actions, intŽrieur et extŽrieur.

Du jour o il a pensŽ au yoga, il a mis tout dedans : haut et bas, dedans et dehors, tout lui Žtait bon.

Lorsqu'il dŽbarque sur l'Apollo Bunder ˆ Bombay, une expŽrience spirituelle spontanŽe le saisit, un calme immense s'empare de lui. Sri Aurobindo a vingt ans, il se trouve une place auprs du Maharaja de Baroda comme professeur de franais, puis d'anglais au collge de l'Žtat. Il fait de nombreux voyages ˆ Calcutta. Il Žcrit des articles dans lesquels il invite ses compatriotes ˆ secouer le joug. Son but est d'organiser toutes les Žnergies de la nation en vue d'une action rŽvolutionnaire. Nous sommes en 1893 et l'hŽgŽmonie britannique s'Žtend sur les trois quarts du globe.

Il se met ˆ l'action secrte et pendant treize ans Sri Aurobindo va jouer avec le feu. Il est encore sur sa lancŽe occidentale et c'est par caisses qu'il dŽvore les romans anglais, russes, allemands, franais mais aussi les textes sacrŽs de l'Inde, Upanishads, R‰m‰yana, G”t‰ sans qu'il m”t jamais les pieds dans un temple, sauf en curieux. ll se mit aussi ˆ l'Žtude du sanskrit qu'il apprit seul et il dŽcouvrit quelques annŽes plus tard le sens perdu des VŽdas. (L'Žpoque vŽdique, antŽrieure ˆ celle des Upanishads se situe au-delˆ du quatrime millŽnaire avant J.C.

Sri Aurobindo arrive ˆ un tournant : les temples ne l'intŽressent pas et les livres sont vides. Un ami lui conseille le yoga. Sri Aurobindo refuse car un yoga qui exige que j'abandonne le monde n'est pas fait pour moi, dit-il.

Mais un jour, Sri Aurobindo est le tŽmoin d'une scne curieuse au cours de laquelle son jeune frre Barin, attaquŽ par une mauvaise fivre, est sauvŽ par une intervention d'un moine errant ˆ demi-nu, un naga-sannyasin. Il avise que le yoga peut servir ˆ autre chose qu'ˆ s'Žvader. C'est ainsi que Sri Aurobindo se mit en route.

 

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4

LE SILENCE MENTAL

(18-24)

_________________

(p43-p62)

 

Les constructions mentales

(18)

(p43-p44)

La premire Žtape est le silence mental. Il s'apercevra qu'il vit dans un vacarme sournois, un tourbillon Žpuisant o il n'y a place que pour ses pensŽes, ses sentiments, ses impulsions, ses rŽactions.

En un sens, nous ne sommes rien d'autre qu'une masse complexe d'habitudes mentales, nerveuses et physiques, liŽes ensemble par quelques idŽes directrices, dŽsirs, associations.

Le premier travail du yoga, c'est de respirer au large et naturellement de briser cet Žcran mental qui ne laisse filtrer qu'un seul type de vibration, pour conna”tre l'infinitude multicolore des vibrations, c'est ˆ dire le monde enfin et les tres tels qu'ils sont.

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MŽditation active

(19)

(p45-p47)

Quand on s'assoit les yeux clos pour faire le silence on est tout d'abord submergŽ par un torrent de pensŽes qui surgissent de partout. Il ne faut surtout pas commettre l'erreur de lutter contre le mental. Il faut dŽplacer le centre, par exemple en suivant sa respiration ou en se concentrant sur une image. Chacun sa mŽthode.

Le yoga Žveille automatiquement, par le seul fait que l'on s'est mis en route, toute une gamme de facultŽs latentes et de forces invisibles qui dŽbordent les possibilitŽs de notre tre extŽrieur et qui peuvent faire pour nous ce que nous sommes incapables de faire.

Mais les exercices de mŽditation ne sont pas la vraie solution du problme bien qu'ils soient nŽcessaires au dŽbut pour donner l'impulsion.

Nous avons besoin d'une vie complte, nous avons besoin de vivre la vŽritŽ de notre tre, tous les jours, ˆ chaque instant et pour cela les mŽditations bŽates ne sont pas la solution.

La seule solution est donc de pratiquer le silence mental lˆ o il est apparemment le plus difficile, c'est ˆ dire dans la rue, au travail, partout.

On travaille sur soi ˆ chaque instant et la vie commence ˆ prendre un intŽrt tout ˆ fait inusitŽ. Les moindres petites circonstances deviennent l'occasion d'une victoire. Nous sommes orientŽs.

Le yoga n'est pas une manire de faire mais une manire d'tre.

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Transition

(20)

(p47-p49)

Nous sommes en qute d'une autre pays mais entre celui que nous quittons et celui qui n'est pas encore lˆ il y a no man's land assez pŽnible. C'est une pŽriode d'Žpreuve.

L'Žpreuve principale est le vide intŽrieur. Le monde appara”t ŽnormŽment absurde. C'est le signe d'un commencement d'intŽriorisation. Il ne faut pas s'enfermer dans une fausse profondeur. Il faut aller plus loin. Quand on a commencŽ le yoga il faut aller jusqu'au bout.

Le chercheur doit comprendre qu'il commence ˆ na”tre ˆ autre chose. C'est le passage  ˆ une nouvelle conscience. Notre seule ressource est alors de nous accrocher ˆ notre aspiration et de la faire grandir, grandir justement par ce terrible manque de tout. Simplement, nous avons la foi inŽbranlable que derrire ce passage il y a une porte qui s'ouvre.

La foi, dit Sri Aurobindo, est une intuition qui non seulement attend l'expŽrience pour tre justifiŽe mais qui conduit ˆ l'expŽrience.

retourDescente de la force

(21)

(p49-p53)

Et peu ˆ peu le vide s'emplit. On fait alors une sŽrie d'observations et d'expŽriences d'une importance considŽrable. On s'aperoit que tout est possible et surtout qu'il n'y a pas deux cas semblables, d'o l'erreur de tous les dogmatismes spirituels.

On sent autour de la tte, sur la nuque, une pression. Celle-ci devient continue et donne la sensation trs agrŽable d'une Žnergie fra”che. Vraiment, on a plongŽ dans la Source et cette force descendante est la force mme de l'Esprit - Shakti.

Quand ils parlent de leur expŽrience les disciples de PondichŽry disent " la Force de Sri Aurobindo et de la Mre".  Cette manifestation constitue la diffŽrence fondamentale entre le yoga intŽgral de Sri Aurobindo et les autres yogas. Dans d'autres mŽthodes, on a l'expŽrience d'une force ascendante appelŽe Kundalini qui s'Žveille assez brutalement dans notre tre jusqu'ˆ atteindre le sommet du cr‰ne o elle semble Žclore dans une sorte de pulsation lumineuse qui s'accompagne d'une sensation d'immensitŽ.

Tous les procŽdŽs yoguiques que nous pourrions appeler thermogŽnŽrateurs ( asana du hatha yoga, concentrations du raja yoga exercices respiratoires ou pr‰n‰y‰ma etc... visent ˆ l'Žveil de cette force ascendante.

Les yogas traditionnels visent ˆ une libŽration de la conscience, ˆ Žmerger vers le haut dans la paix ou l'extase. Notre expŽrience du courant descendant est l'expŽrience de la Force transformatrice. C'est elle qui fera le yoga pour nous, automatiquement et pourvu qu'on laisse faire. Elle commencera par o finissent les autres yogas puis descendra de niveau en niveau et c'est Elle qui universalisera notre tre tout entier. C'est l'expŽrience de base du yoga intŽgral.

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Emergence d'un nouveau mode de connaissance

(21-22)

(p53-p57)

Avec le silence mental, un autre phŽnomne se produit, fort important, qui s'Žtend parfois sur de nombreuses annŽes, c'est ce que nous pouvons appeler l'Žmergence d'un nouveau mode de connaissance et donc d'un nouveau mode d'action. L'expŽrience nous apprend qu'il n'est pas nŽcessaire de rŽflŽchir, de nous souvenir, de chercher, de faire toute sorte de mŽcanismes mentaux.

Au fond le yoga n'est pas tant une faon d'apprendre que de dŽsapprendre une foule d'habitudes que nous avons hŽritŽes de notre Žvolution animale. Le chercheur finira par sentir quelque chose qui vit au fond de lui, ˆ l'arrire-plan de son tre, comme une petite vibration sourde. Il lui suffira de prendre un peu de recul dans sa conscience pour qu'ˆ n'importe quel moment la vibration de silence soit retrouvŽe.

Bient™t cette vibration deviendra de plus en plus perceptible et le chercheur sentira une sŽparation qui s'opre dans son tre : une profondeur silencieuse qui vibre. Il aura dŽcouvert le TŽmoin en lui et se laissera de moins en moins accaparer par le jeu extŽrieur qui sans cesse tente de nous avaler.

Ce travail de dŽcrochage sera puissamment assistŽ par l'expŽrience de la Force descendante qui exercera une pression silencieuse. Peu ˆ peu, nous nous apercevons qu'il n'est pas nŽcessaire de rŽflŽchir et que quelque chose par derrire fait toute la besogne avec une prŽcision de plus en plus grande. Nous verrons que plus nous obŽirons ˆ ces suggestions-Žclair, plus elles tendront ˆ devenir frŽquentes, claires et impŽrieuses. Nous avons tous fait l'expŽrience de ces problmes mystŽrieusement rŽsolus dans le sommeil, prŽcisŽment quand la machine ˆ penser s'est tue.

Puis, un jour, ˆ force d'erreurs, nous aurons compris que le mental n'est pas un instrument de connaissance mais seulement un organisateur de la connaissance et que la connaissance vient d'ailleurs.

C'est vraiment une autre faon de vivre, trs allŽgŽe. Il n'est rien que le mental fait  qui ne puisse se faire et se faire mieux, dans l'immobilitŽ mentale et une tranquillitŽ sans pensŽe.

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Le mental universel

(23-24)

(p57-p62)

Jusqu'ˆ prŽsent, nous avons analysŽ les progrs du chercheur en termes intŽrieurs mais ce progrs se traduit Žgalement sur le plan extŽrieur. D'ailleurs la cloison intŽrieur-extŽrieur s'amenuise de plus en plus et appara”t comme une convention artificielle.

Il y aura tout d'abord des sympt™mes dŽsagrŽables car il recevra les pensŽes des gens, leurs volontŽs, leurs dŽsirs, sous leur vŽritable aspect et toute leur nuditŽ, comme ils sont vraiment- des attentats. Notons que les "mauvaises pensŽes" ne sont pas seules ˆ partager cette virulence. Rien n'est plus agressif que les bonnes volontŽs, les bons sentiments, les altruismes. D'un  c™tŽ ou de l'autre, c'est l'ego qui se nourrit par la force ou la douceur. Nous ne sommes civilisŽs qu'ˆ la surface, dessous, le cannibale continue.

ArmŽ de sa force et de son silence mental le chercheur verra qu'il est permŽable au dehors et qu'il reoit de partout. Il semble donc qu'avec le silence mental un Žlargissement de la conscience se soit produit et qu'elle puisse se diriger ˆ volontŽ en n'importe quel point de l'universelle rŽalitŽ pour y conna”tre ce qu'elle a besoin de conna”tre.

Dans cette transparence silencieuse nous ferons une autre dŽcouverte capitale par ses implications. Nous nous apercevrons que les pensŽes des gens nous viennent de l'extŽrieur  mais que nos propres pensŽes nous viennent aussi du dehors. Lorsque nous serons suffisamment transparents nous pourrons sentir, dans le silence immobile du mental, comme des petits remous, de lŽgres vibrations et si nous acceptons l'entrŽe en nous de celles -ci nous sommes soudain en train de penser ˆ quelque chose.

 Un bon lecteur de pensŽe peut saisir ce qui se passe dans une personne dont il ne conna”t mme pas la langue car ce sont des vibrations  auxquelles il donne la forme mentale correspondante. L'homme s'est habituŽ ˆ sŽlectionner dans le Mental universel un certain type de vibration, assez rŽduit, avec lequel il est en affinitŽ et jusqu'ˆ la fin de sa vie il accrochera la mme longueur d'onde. Il tourne et tourne dans la cage. Certes, nous changeons d'idŽe mais changer d'idŽe n'est point progresser, ce n'est pas s'Žlever ˆ un mode vibratoire plus haut. C'est pourquoi Sri Aurobindo parlait de changement de conscience.

Le chercheur dŽcouvre ainsi qu'il n'y a pas de dedans et de dehors et que ce dernier est partout dedans !  Nous sommes partout ! Nous sommes partout chez nous. De mme pour l'antinomie action-mŽditation : la Force passe en nous et nous  ne sommes jamais branchŽ ailleurs.

 

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5

LA CONSCIENCE

(25-33)

______________

(p63-p80)

 

Pour un occidental, la conscience est toujours un phŽnomne mental : je pense donc je suis. C'est un point de vue, le n™tre. Nous nous plaons au centre du monde.

Pourtant si nous voulons dŽcouvrir ce qu'est la conscience il faut passer outre ˆ cet Žtroit point de vue. Sri Aurobindo avait pu faire les observations suivantes :

La conscience mentale n'est qu'une gamme humaine et elle n'Žpuise pas toutes les gammes de conscience possibles de mme que la vue humaine n'Žpuise pas toutes les gradations de couleur ou l'ou•e toutes les gradations du son car il y a quantitŽ de choses qui sont invisibles et inaudibles ˆ l'homme. De mme, il y a des gammes de conscience au- dessus - gammes supramentales - et au-dessous - gammes submentales - avec lesquelles l'tre humain normal n'a pas de contact et qui, de ce fait, lui semblent "inconscientes".

A mesure que nous progressons et que nous nous Žveillons ˆ l'‰me en nous et dans les choses, nous rŽalisons qu'il y a aussi une conscience dans la plante, dans le mŽtal, dans l'atome, dans tout ce qui appartient ˆ la Nature physique.

 Sri Aurobindo nous encourage vivement ˆ voir par nous-mmes. Il faut donc dŽmler cette chose en nous qui relie nos diverses manires d'tre et nous permet d'entrer en contact avec les autres formes de conscience.

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 Les centres de conscience

(26-28)

(p65-p70)

Si nous poursuivons notre mŽthode expŽrimentale nous observons que nous mentalisons toutLe mental nous permet de porter ˆ notre surface consciente tous les mouvements de notre tre mais du mme coup, il nous voile leur voix et leur fonctionnement vŽritables.

Le chercheur qui a fait taire son mental commencera ˆ distinguer tous ces Žtats dans leur rŽalitŽ nue. Il sentira ˆ divers points de concentration comme des noeuds de force dotŽs chacun d'une qualitŽ vibratoire particulire.  Ces vibrations semblent s'irradier ˆ diffŽrentes hauteurs de notre tre. L'expŽrience d'une grande vibration rŽvŽlatrice par exemple qui nous fait ressentir le monde comme plus lŽger, plus clair.

Nous avons aussi l'expŽrience de vibrations plus Žpaisses, des vibrations de colre, de peurs, de dŽsirs, de sympathie. Il y a en nous toute une gamme de nodules vibratoires ou centres de conscience, chacun spŽcialisŽ dans un type de vibrationLe mental est seulement un des centres, un type de vibration, seulement une des formes de conscience qui veut s'arroger la premire place.

Disons que ces centres appelŽs chakras en Inde ne se situent pas dans notre corps physique mais dans une autre dimension bien que  leur concentration, ˆ certains moments, puisse devenir si intense qu'on ait la sensation aigŸe d'une localisation physique. Certains correspondent d'assez prs aux diffŽrents plexus nerveux que nous connaissons mais pas tous.

Grosso modo on peut distinguer sept centres rŽpartis en quatre zones :

1) Le Supraconscient : avec un centre un peu au sommet de la tte qui dirige notre mental pensant et nous met en communication avec des rŽgions mentales plus ŽlevŽes : illuminŽes, intuitives, surmentales, etc...

2) Le Mental : avec deux centres, l'un, entre les sourcils, qui gouverne la volontŽ et le dynamisme de toutes nos activitŽs mentales quand on veut agir par la pensŽe. C'est aussi le centre de la vision subtile ou "troisime oeil", l'autre, ˆ hauteur de la gorge qui gouverne toutes les formes d'expression mentale.

 3) Le Vital : avec trois centres, l'un, ˆ hauteur du coeur qui gouverne notre Žtat Žmotif, amour, haine etc... le deuxime ˆ hauteur du nombril qui gouverne nos mouvements de domination, de possession, de conqute, nos ambitions etc... et un troisime, le vital infŽrieur, entre le nombril et le sexe ˆ hauteur du plexus mŽsentŽrique qui commande les vibrations les plus basses : jalousie, envie, dŽsir, convoitise, colre.

4) Le physique et le Subconscient : avec un centre ˆ la base de la colonne, qui rŽgit notre tre physique et le sexe. Ce centre nous ouvre plus bas aux rŽgions subconscientes.

GŽnŽralement dans l'homme "normal" ces centres sont endormis ou fermŽs ou ne laissent filtrer que le tout petit courant nŽcessaire ˆ sa mince existence.

Avec le yoga ces centres s'ouvrent. Ils peuvent s'ouvrir de deux manires : de bas en haut ou de haut en bas suivant que l'on pratique un yoga traditionnel ou celui d'Aurobindo.

 

A force de concentrations, dĠexercices, on peut un jour sentir une Force ascendante qui s'Žveille ˆ la base de la colonne vertŽbrale et monte au sommet du cr‰ne. Avec le yoga de Sri Aurobindo, la Force descendante ouvre trs lentement, doucement, ces mmes centres de haut en bas.  En agissant de bas en haut nous ouvrons en premier les chakras des vibrations les plus Žpaisses et sommes branchŽs sur la confusion et la boue du monde. C'est pourquoi les yogas traditionnels exigent la prŽsence d'un Ma”tre protecteur.

Notre premire dŽcouverte est de voir que les vibrations mentales viennent du dehors avant d'entrer dans nos centres : vibrations de joie, de volontŽ etc... et que notre tre est comme un poste rŽcepteur, du haut en bas.

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La personnalitŽ frontale

(28-29)

(p70-p72)

 Nous serons tentŽs de protester car enfin ce sont nos sentiments, nos peines, nos dŽsirs, notre sensibilitŽ. Il est vrai qu'en un sens c'est nous car nous avons pris l'habitude de rŽpondre ˆ certaines vibrations plut™t qu'ˆ d'autres. Mais en y regardant de plus prs, on ne peut mme pas dire que c'est "nous" qui avons pris toutes ces habitudes ; c'est notre milieu, notre Žducation, nos traditions qui ont choisi pour nous.

La Nature universelle dit Sri Aurobindo dŽpose en nous certaines habitudes de mouvement, de personnalitŽ, de caractre, certaines facultŽs, certaines dispositions, tendances... et c'est cela que nous appelons nous-mme.

En fait, nous accrochons toujours les mmes longueurs d'onde. Tout est en Žtat de flux constant et tout nous vient d'un mental plus vaste que le n™tre, universel ou de rŽgions plus basses subconscientes ; ou plus hautes, supraconscientes. Ainsi, cette petite personnalitŽ frontale est entourŽe, soutenue, traversŽe et mue par toute une hiŽrarchie de "mondes" ou comme dit Sri Aurobindo de plans de consciences qui s'Žchelonnent sans interruption de l'Esprit pur ˆ la Matire et qui sont en relation avec chacun de nos centres.

Mais nous ne sommes conscients que de quelques bulles ˆ la surface.

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L'individualisation de la conscience

(29-30)

(p72-p75)

Nous commenons ˆ entrevoir ce qu'est la conscience et ˆ sentir qu'elle est partout dans l'univers mais nous n'avons pas encore trouvŽ "notre" conscience. Nous avons tous senti, ˆ certains moments privilŽgiŽs de notre existence, comme une chaleur dans notre tre, une sorte de poussŽe intŽrieure ou de force vivante qui surgit de rien, sans cause, comme une flamme.

Mais bien vite, nous sortons de cette adolescence et le mental s'empare de cette force, comme il s'empare de tout et la recouvre de grands mots idŽalisants. Il la fait entrer dans une oeuvre, un mŽtier, une Eglise ou le vital, s'en saisit et la badigeonne de sentiments plus ou moins nobles ou la fait entrer dans quelque aventure ou qu'il s'en serve pour dominer, vaincre, possŽder.

Mais le chercheur qui a fait taire son mental et ne risque plus d'tre pris au pige des idŽes, qui a tranquillisŽ son vital et n'est plus emportŽ dans la grande dispersion des sentiments et des dŽsirs redŽcouvre dans cet Žclaircissement de son tre, comme un nouvel Žlan de jeunesse une nouvelle poussŽe ˆ l'Žtat libre.

A mesure que sa concentration grandira par ses "mŽditations actives", par son aspiration, son besoin, il sentira que cette poussŽe se met ˆ vivre : "Elle s'Žlargit et fait sortir ce qui vit, dit le Rig-VŽda, Žveillant quelqu'un qui Žtait mort". Elle prend de plus en plus de puissance et d'indŽpendance comme si c'Žtait ˆ la fois une force et un tre dans son tre.

 Il remarquera dans ses mŽditations passives tout d'abord que cette force en lui a des mouvements, une masse, des intensitŽs variables et qu'elle monte et descend au-dedans de lui. Dans les mŽditations actives, la vie ordinaire, cette force sera plus diluŽe et donnera l'impression d'une petite vibration sourde ˆ l'arrire-plan. Avec cette petite chose dedans qui vibre, on est invulnŽrable et plus jamais seul. C'est chaud, c'est proche, c'est fort.

Alors nous avons touchŽ la rŽalitŽ fondamentale de notre tre, le centre vrai, chaleur et tre, conscience et force.

Le chercheur s'apercevra que cette poussŽe ne se meut pas au hasard, comme il lui avait semblŽ tout d'abord, mais qu'elle se rassemble en divers points de son tre suivant les activitŽs du moment.

Tous les centres, y compris le mental, ne sont que ses ouvertures sur les diffŽrents Žtages de la rŽalitŽ universelle ou ses instruments de transcription et d'expression. C'est elle, le voyageur des mondes,(Savitri 28:93), l'explorateur des plans de conscience, elle qui relie nos diverses manires d'tre. En d'autres termes, nous aurons dŽcouvert la conscience.

Nous pouvons dŽplacer notre conscience vers des rŽgions plus profondes ou plus hautes, inaccessibles au mental et ˆ nos organes des sens car la conscience n'est pas une faon de penser ou de sentir mais un pouvoir d'entrer en contact avec la multitude des degrŽs de l'existence, visibles ou invisibles.

Nous verrons que cette conscience est indŽpendante de ce que l'on pense, de ce que l'on sent, qu'elle est indŽpendante du mental et du vital et mme du corps car dans certains Žtats particuliers dont nous reparlerons elle sort du corps et va se promener ailleurs pour faire des expŽriences.

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Conscience-force, Conscience-joie

(30-33)

(p75-p80)

 En dŽcouvrant la conscience nous avons dŽcouvert que c'Žtait une force. Conscience-force dit Sri Aurobindo car en vŽritŽ les deux termes sont insŽparables et convertibles l'un en l'autre.

La sagesse ancienne de l'Inde connaissait bien ce fait et ne parlait jamais de conscience, Chit, sans y adjoindre le terme Agni, chaleur, flamme, Žnergie, Chit-Agni ou  parfois elle emploie le mot Tapas qui est synonyme d'Agni.

Nous parlons de plusieurs forces : descendante, ascendante, mentale, vitale, matŽrielle mais il n'y a qu'une seule Force au monde, un seul courant unique et qui selon le niveau o il opre se revt d'une substance ou d'une autre. C'est elle qui relie tout, anime tout, elle la substance fondamentale de l'univers : Conscience-Force, Chit-Agni.

S'il est vrai que la conscience est une force, inversement la force est une conscience et toutes les forces sont conscientes.

C'est partout le mme courant de conscience avec des modalitŽs vibratoires diffŽrentes que ce soit dans la plante, dans les rŽflexions du mental humain, dans le supraconscient lumineux et dans l'instinct de la bte, dans le mŽtal et dans nos mŽditations profondes.

Einstein nous a appris que Matire et Energie sont convertibles l'une l'autre : E= mc².

Il nous reste ˆ dŽcouvrir pratiquement que cette Energie est une Conscience et que la matire, elle aussi, est une forme de conscience. Quand nous aurons trouvŽ ce Secret nous aurons la vraie ma”trise des Žnergies matŽrielle. Mais nous ne faisons que redŽcouvrir  de trs anciennes vŽritŽs. Il y a quatre mille ans les Upanishads savaient que la Matire est de l'Energie condensŽe : " Par l'Žnergie de sa conscience Brahman s'est massŽ ; de cela la Matire est nŽe, et de la Matire, la Vie, le Mental et les mondes ( Mundaka Upanishad , I.1.8).

 Tout est Conscience ici-bas, parce que tout est l'Etre ou lĠEsprit. Tout est Chit parce que tout est Sat , Sat Chit  ˆ divers niveaux de sa propre manifestation.

L'histoire de notre Žvolution terrestre, finalement,  est l'histoire d'une lente conversion de la Force en Conscience ou plus exactement un lent rappel de cette Conscience engloutie dans sa Force.

Tout le progrs Žvolutif, en fin de compte, se mesure ˆ la capacitŽ de dŽgagement ou de dŽcrochage de l'ŽlŽment conscience hors de son ŽlŽment force. C'est  ce que nous appelons l'individualisation de la conscience. Au stade spirituel ou yoguique de notre Žvolution la conscience est totalement dŽgagŽe de ses tourbillonnements mentaux, vitaux, physiques. Elle est capable de parcourir toute la gamme des vibrations de l'atome ˆ l'Esprit.

Si nous commenons ˆ percevoir la conscience intŽrieure dit Sri Aurobindo on peut en faire toutes sortes de choses : l'envoyer ˆ l'extŽrieur sous forme de courant de force, tracer un cercle de conscience autour de soi, diriger une idŽe pour qu'elle entre dans la tte de quelqu'un en AmŽrique. Si nous n'avions pas fait des milliers d'expŽriences ... nous n'en parlerions pas comme nous en parlons. 

A un stade ultŽrieur, nous verrons que la Conscience peut agir sur la Matire et la transformer. Cette ultime conversion de la Matire en Conscience et peut -tre un jour de la Conscience en Matire est l'objet du yoga supramental dont nous reparlerons plus tard.

Mais il y a bien des degrŽs de dŽveloppement de la conscience-force depuis le chercheur qui s'Žveille jusqu'au yogi. C'est ici que la vraie hiŽrarchie commence.

Il est une ultime Žquivalence. Non seulement la conscience est force, non seulement la conscience est tre mais la conscience est joie, ċnanda : Chit-ċnandaEtre conscient c'est la joie, une joie solide, vaste, paisible. Elle est irrŽfutablement comme un roc ˆ travers tous les temps, tous les lieux, comme un sourire derrire et partout. Tout l'Žnigme de l'univers est lˆ. Il n'y en pas d'autre. Un sourire imperceptible, un rien qui est tout.

Sat-Chit-ċnanda - Existence, Conscience, Joie -  triade Žternelle qui est l'univers et que nous sommes : "De la joie tous ces tres sont nŽs ; par la joie ils existent et grandissent ; ˆ la joie ils retournent". Ta•ttiriya Upanishad III.6.)

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6

LA PACIFICATION DU VITAL

(34-41)

_________________________

(p81-p100)

 

Limites de la morale

(34-35)

(p81-p83)

Il est une zone de notre tre, ˆ la fois source d'une grosse difficultŽ et d'un grand pouvoir, une source de difficultŽs, parce qu'elle brouille toutes les communications  du dehors ou d'en haut en s'opposant frŽnŽtiquement ˆ nos efforts de silence mental et une source de pouvoir parce que c'est l'affleurement de la grande force de vie en nous. Nous avons nommŽ la rŽgion qui s'Žtend entre le coeur et le sexe et que Sri Aurobindo appelle le vital.

C'est le lieu de tous les mŽlanges : le plaisir y est inextricablement liŽ ˆ la souffrance, la peine ˆ la joie et la comŽdie ˆ la vŽritŽ. Les diverses spiritualitŽs du monde y ont trouvŽ tant d'ennuis qu'elles ont tracŽ une croix sur ce domaine dangereux. Mais cette chirurgie morale, dit Aurobindo, prŽsente un double inconvŽnient : elle ne purifie pas vraiment car les Žmotions du haut sont aussi sentimentales et donc partiales. D'autre part, elle ne rejette pas vraiment mais refoule. En outre, la morale ne fonctionne que dans les limites du fonctionnement mental. Elle n'a pas accs aux rŽgions du subconcient ou supraconscient, ni dans la mort, ni dans le sommeil.

 Au reste, le chercheur ne pense pas en terme de bien et de mal mais en terme d'exactitude et d'inexactitude. Le chercheur fera donc une distinction entre les choses qui brouillent sa vision et celles qui la rendent clair ; ce sera l'essentiel de sa "morale".

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L'habitude de rŽpondre

(35-36)

(p83-p88)

 La premire chose qu'il distinguera dans son exploration vitale, c'est une fraction du mental qui semble avoir pour seule fonction de donner une forme (et une justification) ˆ nos impulsions, nos sentiments, nos dŽsirs; c'est ce que Sri Aurobindo appelle le mental vital.

DŽjˆ nous avons vu la nŽcessitŽ du silence mental et nous Žtendrons notre discipline ˆ cette couche infŽrieure du mental. Nous prendrons alors connaissance, spontanŽment, d'une quantitŽ de vibrations que les gens Žmanent constamment, sans mme le savoir, et nous saurons de quoi il retourne ou devant qui nous nous trouvons. ( le polissage extŽrieur n'ayant rien ˆ voir, le plus souvent, avec cette petite rŽalitŽ qui vibre).

Nous saurons le pourquoi de nos sympathies ou antipathies, de nos craintes, de nos malaises. Nous nous apercevrons d'un phŽnomne trs intŽressant : notre silence intŽrieur a un pouvoir. Par exemple, la colre, au lieu de nous mettre ˆ vibrer intŽrieurement ˆ l'unisson de celui qui parle, si nous savons rester immobile, nous verrons la colre de l'autre se dissoudre peu ˆ peu comme une fumŽe. Seulement, il ne s'agit pas d'avoir un masque impassible et de bouillonner en dedans : on ne triche pas avec les vibrations. Il s'agit de la vraie ma”trise intŽrieure. Ce silence peut annuler n'importe quelle vibration car elles sont contagieuses (par exemple, le Ma”tre peut ainsi transmettre des expŽriences spirituelles ou un pouvoir ˆ un disciple).

La clef de la ma”trise est toujours le silence, ˆ tous les niveaux, parce que dans le silence nous percevons les vibrations et les distinguons : c'est le pouvoir de saisir. La vie extŽrieure ordinaire devient un immense champ d'expŽrience. C'est pourquoi Sri Aurobindo a toujours voulu y mler son yoga. Il est trs facile, seul, de vivre dans la parfaite illusion de la ma”trise de soi.

Mais ce pouvoir d'immobilitŽ intŽrieure a des applications beaucoup plus importantes ; nous voulons parler de notre propre vie psychologique. La grosse difficultŽ du vital est qu'il s'identifie faussement ˆ tout ce qui semble sortir de lui. Il dit "ma peine", ma "dŽpression", mon "dŽsir" et se prend pour toutes sortes de petits "je" qui ne sont pas lui.

 Par exemple, nous sommes seul ou en compagnie de telle ou telle personne et nous sentons quelque chose qui nous tire ou qui cherche ˆ entrer en nous. Si nous attrapons la vibration nous nous retrouvons cinq minutes plus tard en train de lutter contre une dŽpression, d'avoir tel dŽsir, telle fŽbrilitŽ. Le chercheur qui a cultivŽ le silence ne se laisse pas prendre ˆ cette fausse identification. Il a fini par dŽcouvrir ce que Sri Aurobindo appelle le circumconscientC'est une sorte d'atmosphre individuelle ou d'enveloppe protectrice. C'est lˆ que nous pourrons sentir et attraper les vibrations psychologiques avant qu'elles n'entrent. Notre culture du silence a crŽŽ une transparence suffisante pour que nous puissions les voir venir, puis les arrter au passage et les rejeter. Elles resteront ˆ tourner en rond dans le circumconscient et nous pourrons sentir trs distinctement la colre, le dŽsir, la dŽpression r™der autour de nous. Nous serons surpris de voir qu'un jour certaines vibrations ne nous touchent plus. Ou encore, nous nous apercevrons que certains Žtats psychologiques dŽferlent ˆ heure fixe ou se rŽptent suivant certains mouvements cycliques que Sri Aurobindo ou la Mre appellent des formations, c'est ˆ dire un amalgame de vibrations qui a fini par acquŽrir une sorte de personnalitŽ indŽpendante.

Il y a mille expŽriences possibles, c'est un monde d'observations. La dŽcouverte essentielle que nous aurons faite est qu'il y a peu de nous dans tout cela, sauf une habitude ˆ rŽpondre.

Tant que nous nous identifions faussement aux vibrations vitales, par ignorance, il est impossible de changer quoi que ce soit ˆ notre nature.

Contrairement ˆ tous les dictons, la nature humaine peut tre changŽe car il n'est rien dans notre nature ou notre conscience qui ne soit inŽluctablement fixŽ. Tout n'est qu'un jeu de forces et vibrations. C'est pourquoi le yoga de Sri Aurobindo envisage la possibilitŽ d'un renversement total des rgles qui gouvernent ordinairement les rŽactions de la conscience.

La vraie mŽthode de la ma”trise vitale n'est pas chirurgicale mais pacificatrice : on ne lutte pas vitalement contre elle mais on la neutralise par une paix silencieuse : si vous Žtablissez la paix, Žcrit Sri Aurobindo, il devient aisŽ de nettoyer le vital. La paix est quelque chose de propre en soi, et si vous l'Žtablissez, c'est une faon positive d'arriver au but. Chercher la boue seulement et nettoyer est un chemin nŽgatif.

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Les forces adverses

(37-39)

(p88-p92)

Il est une autre difficultŽ, car les vibrations qui viennent des gens ou du vital universel ne sont pas seules ˆ dŽranger le chercheur. Il est un type de vibration d'une qualitŽ particulire qui se distingue par sa soudainetŽ et sa violence. En quelques instants il sera "un autre homme", ayant tout oubliŽ, ses efforts, son but, comme si tout Žtait dŽpourvu de sens, dŽcomposŽ. C'est ce que Sri Aurobindo et la Mre appellent les forces adverses.

Ce sont des forces trs conscientes, dont le seul but apparemment, est de dŽcourager le chercheur ou de le dŽtourner du chemin qu'il s'est choisi. Le premier sympt™me de leur prŽsence est que la joie se voile, la conscience se voile et tout est enveloppŽ dans une atmosphre de drame. Ds qu'il y a souffrance, on peut tre sžr que l'ennemi est lˆ. Leur premier soin, gŽnŽralement, est de nous pousser ˆ des dŽcisions subites, extrmes irrŽvocables. C'est une vibration aigu‘ qui veut s'exŽcuter immŽdiatement.

On dŽcouvre que l'on est capable de descendre aussi bas que l'on est montŽ haut. Bien des Žcailles nous tombent des yeux et, comme dit Sri Aurobindo, notre vertu est dĠune prŽtentieuse impuretŽ.

Toutes sortes de noms dŽmoniaques et "noirs" ont donc ŽtŽ rŽservŽs ˆ ces forces adverses dans l'histoire spirituelle du monde.  L'expŽrience nous montre que ces forces perturbatrices ont leur place dans l'Žconomie universelle  et qu'elles ne sont perturbatrices qu'au niveau de notre petite conscience momentanŽe.

Pour l'individu comme pour le monde, ces forces peu gracieuses sont des instruments de progrs. " Ce par quoi tu tombes est cela mme par quoi tu t'Žlves" dit le Kularnava Tantra dans sa sagesse.

Pour l'‰me en voie de croissance, pour l'Esprit au-dedans de nous, les difficultŽs, les obstacles, les attaques ne seraient-ils pas un moyen de grandir, d'intensifier sa force, d'Žlargir son expŽrience, de s'entra”ner ˆ la victoire spirituelle ?

La VŽritŽ bouge, elle a des jambes et les princes des tŽnbres sont lˆ pour veiller ˆ ce qu'elle ne s'endorme pas. Les nŽgations de Dieu nous sont aussi utiles que ses affirmations dit Sri Aurobindo. L'Adversaire ne dispara”tra pas dit la Mre que lorsqu'il ne sera plus nŽcessaire dans le monde. Et nous savons trs bien qu'il est nŽcessaire, comme la pierre de touche pour l'or, pour voir si l'on est vrai.

La mŽthode vis ˆ vis des forces adverses est la mme que pour les autres vibrations : silence, immobilitŽ intŽrieure qui laisse passer la vague.

Nous pourrons tre secouŽs et, pourtant, tout au fond, nous sentirons ce "tŽmoin" en nous qui n'est pas touchŽ.

Pratiquement, le chercheur du yoga intŽgral sera beaucoup plus exposŽ que les autres. Sri Aurobindo disait souvent que son yoga est une bataille parce qu'il veut tout englober dans sa conscience. Il n'y a pas rien qu'un passage ˆ forcer vers la bŽatitude du haut mais beaucoup de passages; ˆ droite, ˆ gauche et en bas et ˆ tous les niveaux de notre tre et plus d'un trŽsor ˆ dŽcouvrir.

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Le vital vrai

(40-41)

(p92-p100)

Il y a donc un passage ˆ franchir si nous voulons trouver la vraie force de vie derrire la vie troublŽe de l'homme frontal. Suivant les spiritualitŽs traditionnelles, ce passage s'accompagne de toutes sortes de mortifications et de renoncements. Nous avons autre chose en vue. Nous ne cherchons pas ˆ quitter la vie mais ˆ l'Žlargir.

Le yoga est un Ç plus grand art de vivre È disait Sri Aurobindo. L'attitude de l'ascte qui dit : "Je ne veux rien" et l'attitude de l'homme du monde qui dit : "je veux cette chose" sont les mmes, observe la Mre. L'un peut tre aussi attachŽ ˆ son renoncement que l'autre ˆ sa possession.

En fait, tant que l'on a besoin de renoncer ˆ quoi que ce soit on nĠest pas prt. On est encore jusqu'au cou dans les dualitŽs. Si nous avons dŽmasquŽ ce simple point, nous aurons saisi tout le fonctionnement du vital du haut en bas : la souffrance, la privation autant que l'abondance l'intŽressent autant que la joie, la haine autant que l'amour, la torture autant que l'extase, dans tous les cas il s'engraisse.

Nous avons saisi un autre travers du vital de surface : c'est un incorrigible charlatan. Nous savons tous cela et pourtant nous sommes toujours d'incorrigibles sentimentaux. Il prend la force de ses sentiments pour la force de la vŽritŽ.

Une autre observation qui dŽcoule de la premire s'impose assez vite ˆ nous : c'est la complte impuissance du vital ˆ aider autrui ou tout simplement ˆ communiquer avec les autres sauf quand il y a conjonction d'Žgo•smes.

En rŽalitŽ le vital ne cherche pas ˆ aider, il cherche ˆ prendre, toujours, de toutes les faons. Nos peines et nos souffrances sont toujours le signe d'un mŽlange et donc toujours mensongers. Seule la joie est vraie.

 

Nous protesterons au nom de nos sentiments et dirons :

 "Mais le Coeur ?".

Justement, le coeur est-il lieu plus mŽlangŽ ? En outre, il s'essouffle vite et ce sera notre troisime observation.

Pour une conscience cosmique dans son Žtat de connaissance complte et d'expŽrience complte, tous les contacts sont perus comme une joie, ċnanda. Seule l'Žtroitesse de conscience, l'insuffisance de conscience, est la cause de tous nos maux, moraux et mme physiques, et de cette sempiternelle tragi-comŽdie de l'existence.

Le chercheur ne sera plus dupe du jeu Žquivoque qui se dŽroule dans son vital de surface mais il gardera longtemps encore l'habitude de rŽpondre aux mille petites vibrations biologico-sentimentales qui font la ronde autour. C'est un passage assez long comme de passer du mental rab‰cheur au silence mental.

Mais lˆ aussi, il sera aidŽ par la Force descendante qui contribuera puissamment ˆ Žtablir un rythme nouveau en lui. Il remarquera que s'il fait seulement un tout petit pas en avant l'Aide d'en haut en fera dix vers lui comme s'il Žtait attendu.

En rŽalitŽ le chercheur n'obŽit pas ˆ un impŽratif austre et nŽgatif il suit une poussŽe positive de son tre : il grandit rŽellement et les normes d'hier ou les plaisirs d'avant-hier lui semblent aussi minces qu'une dite de nourrisson- Il n'est pas ˆ l'aise lˆ dedans, il a mieux ˆ faire, mieux ˆ vivre.

Derrire ce vital infantile, inquiet, vite ŽpuisŽ nous dŽcouvrons un vital calme et puissant- ce que Sri Aurobindo appelle le vital vrai. Nous entrons dans un Žtat de concentration tranquille, spontanŽe, comme peut l'tre la mer sous le jeu des vagues.

Cette immobilitŽ est une puissance concentrŽe qui peut mettre en mouvement tous les actes, supporter tous les chocs sans perdre son repos. C'est une intarissable source d'Žnergie. Les capacitŽs de travail et mme d'effort physique sont dŽcuplŽes. La nourriture et le sommeil cessent d'tre les sources uniques de renouvellement des Žnergies. D'autres pouvoirs qui passent pour "miraculeux" peuvent se manifester. Il n'y a pas lieu d'en parler ici, mieux vaut faire soi-mme l'expŽrience.

Dans cette immobilitŽ, un autre signe s'Žtablira d'une faon permanente : l'absence de souffrance et une sorte de joie inaltŽrable. Le chercheur qui aura Žtabli quelque immobilitŽ verra que celle-ci dissout les chocs parce qu'il est large, qu'il n'est plus un petit individu serrŽ sur lui-mme.

Avec l'expŽrience du yoga, la conscience s'Žlargit dans toutes les directions - autour, au-dessous, au-dessus - et dans chaque direction, ˆ l'infini. Sa base est un vide infini ou un silence infini mais dans ce vide ou ce silence tout peut se manifester : la Paix, la LibertŽ, le Pouvoir, la Lumire, la Connaissance, la Joie.

Ds qu'il y a souffrance de quelque  ordre que ce soit, c'est le signe immŽdiat d'un rŽtrŽcissement de l'tre et d'une perte de conscience.

Quand le chercheur s'Žlvera dans le Supraconscient il comprendra que les intensitŽs de l'Esprit peuvent aussi tre foudroyantes.( en rŽalitŽ c'est toujours la mme Force, divine, la mme Conscience-Force , en haut, en bas , dans la Matire ou dans la Vie ou dans le Mental ou plus haut, mais plus Elle descend plus Elle est obscurcie, dŽformŽe , fragmentŽe.)

 

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7

LE CENTRE PSYCHIQUE

(42-49)

______________________

(p101-p120)

 

Le mental n'est pas nous, puisque toutes nos pensŽes viennent d'un Mental plus vaste que le n™tre, universel.

Le vital n'est pas nous, ni nos sentiments, ni nos actes, puisque toutes les impulsions viennent d'un Vital  plus large que le n™tre, universel.

Ce corps non plus, n'est pas nous, car ses composants viennent d'une Matire et obŽissent ˆ des lois plus grandes que les N™tres, universelles.

Quelle est donc cette chose en nous qui fait que nous sommes "je"  mme si tout le reste s'Žcroulait  ? Et surtout qui est "je" quand tout le reste s'Žcroule, parce que c'est l'heure de notre vŽritŽ.

Au cours de notre reconnaissance, nous avons observŽ divers centres ou niveaux de conscience et nous avons vu que, derrire ces centres, il y avait une conscience-force qui se mouvait et qui reliait nos divers Žtats d'tre et nous avons senti que ce courant de force, ou de conscience, Žtait la rŽalitŽ fondamentale de notre tre derrire tous nos Žtats.

Qui donc est conscient en nous ?

La vŽritŽ est double. En aucun cas nous ne sommes des marionnettes. Nous avons ce que Sri Aurobindo appelle l'tre psychique et un centre cosmique ou tre central.

Etape par Žtape nous devons retrouver l'un et l'autre et devenir le Ma”tre de tous nos Žtats.  Pour l'instant nous irons seulement ˆ la dŽcouverte de notre centre individuel, le psychique, que d'autres appellent ‰me.

C'est ˆ la fois la chose la plus simple du monde et la plus difficile. La plus simple parce qu'un enfant comprend cela, il vit cela spontanŽment. Il vit dans son tre psychique, la plus difficile, parce que cette spontanŽitŽ est bient™t recouverte par toutes sortes d'idŽes, de sentiments. Alors, on commence ˆ parler "d'‰me", c'est ˆ dire qu'on y comprend plus rien. Toutes les souffrances de l'adolescence sont justement l'histoire d'un lent emprisonnement psychique. Toutes les difficultŽs du chercheur sont l'histoire inverse d'une lente extirpation de tous les mŽlanges mentaux et vitaux. Mais ce n'est pas seulement un voyage ˆ l'envers car on ne revient jamais en arrire et au bout du voyage on ne retrouve pas l'enfant psychique mais une royautŽ consciente. Car le psychique est un tre, il grandit, il est le miracle d'une enfance Žternelle dans un royaume de plus en plus vaste. Il est "dedans comme un enfant qui doit na”tre". dit le Rig-Veda (IX.83.3).

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La naissance psychique

(42-46)

(p103-p109)

 Les premires manifestations du psychique sont la joie et l'amour. Une joie tranquille, profonde, comme la mer. La joie profonde n'a besoin de rien pour tre, elle est. Un amour qui n'a besoin de rien pour tre, il est. Il est invulnŽrable, rien ne le touche. Rien n'est bas pour lui, ni haut, ni pur, ni impur. Il est lŽger, rien ne lui pse. Il est invulnŽrable, rien ne le touche. Il est tranquille, tranquille comme un petit souffle au fond de l'tre. Il est Dieu en nous.

Pour l'oeil qui voit, voilˆ comment le psychisme appara”t : Quand on regarde quelqu'un qui est conscient de son ‰me et qui vit dans son ‰me, dit la Mre, on a l'impression de descendre, d'entrer profondŽment, profondŽment dans la personne, loin, trs loin dedans, tandis que gŽnŽralement, quand on regarde les yeux des gens,  il y a des yeux o l'on n'entre pas, c'est fermŽ comme une porte. Il y a des yeux qui sont ouverts, on entre, puis on rencontre derrire, assez prs, quelque chose qui vibre, qui brille, qui scintille. C'est son vital. Pour trouver l'‰me, il faut se reculer de la surface, se retirer profondŽment, descendre dans un trou trs profond, silencieux, immobile, a c'est l'‰me. 

Mais ce sont lˆ des signes seulement. Comment ouvrir les portes du psychisme ? Car il est bien cachŽ. Tout d'abord il est cachŽ par nos idŽes, nos sentiments, qui le pillent et le singent sans merci. Il est aussi happŽ par le vital qui en fait ses brillantes exaltations, ses Žmotions "divines" et palpitantes, ses amours accaparantes. Il est mis en cage par le mental qui en fait ses idŽaux exclusifs, ses philanthropies infaillibles, ses morales cadenassŽes ; et des Eglises, d'innombrables Eglises qui le mettent en article et en dogme.

O est le psychisme la dedans ?  Le gros Žcueil, c'est quand il sort de sa cachette une seconde. Il jette une telle gloire sur tout ce qu'il touche que nous confondons sa lumineuse vŽritŽ avec la circonstance de la rŽvŽlation. Tel qui eut la rŽvŽlation de son psychisme, un jour en Žcoutant Beethoven, dira : la musique, rien que la musique est divine ici- bas. Tel autre, qui aura senti son ‰me dans l'immensitŽ de la mer se fera une religion du grand large et tel autre dira : mon prophte, ma chapelle, mon Žvangile. Chacun b‰tit ainsi sa construction autour du noyau d'expŽrience. Mais le psychisme est libre merveilleusement libre de tout.

Le monde va ainsi, accablŽ de demi-vŽritŽs qui sont plus lourdes que des mensonges.

Si l'on veut avoir l'expŽrience du psychique dans sa puretŽ cristalline, il faut faire une transparence en soi car, ds que l'on est clair, la VŽritŽ Žmerge spontanŽment, la vision, la joie, tout. La VŽritŽ est la chose la plus naturelle qui soit au monde. C'est le reste qui brouille tout, le mental et le vital.

Toutes les disciplines spirituelles dignes de ce nom ne doivent tendre, finalement, qu'ˆ ce point naturel o nous n'avons plus besoin d'efforts. Le chercheur n'essaiera pas d'entrer dans le brouillage du mental moral, ni de faire l'impossible tri du bien et du mal pour dŽgager le psychisme. C'est ce que Sri Aurobindo appelle un changement de conscience. Dans cette transparence, les vieux plis de l'tre se dŽferont tranquillement et nous sentirons une autre position de la conscience, pas une position intellectuelle, un centre de gravitŽ. A hauteur du coeur, mais plus profond que le centre vital du coeur nous sentirons une zone de concentration plus intense que les autres, qui est comme leur point de convergence - c'est le centre psychique.

Quelque chose s'allume au centre, comme un feu – Agni-C'est le vrai" je" en nous.

On dit "prŽsence " mais c'est plut™t comme une absence poignante, comme un trou vivant que l'on porte dedans et qui chauffe, qui bržle, qui pousse de plus en plus et qui finit par devenir rŽel et seulement rŽel dans un monde o l'on se demande si les hommes vivent ou font semblant. Il faut le dŽgager avec patience de son propre corps dit l'Upanishad. C'est lui "l'enfant enfermŽ dans la caverne secrte" dont parle le Rig Veda (V.2 .1), "le fils du ciel par le corps de la terre" (III.25.1) " lui qui est ŽveillŽ dans ceux qui dorment ". " Il est comme la vie et comme le souffle de notre existence, il est comme notre enfant Žternel" (I.66.1). Il est comme "le Roi brillant qui nous Žtait cachŽ (I.23.14). C'est le Centre, le Ma”tre, le lieu o tout communique :

Un espace ensoleillŽ o tout  est jamais connu. 

Si nous avons senti ce Soleil dedans, cette flamme, cette vie vivante – il y a tant de vies mortes - fžt-ce une seconde dans une existence, tout est changŽ ; c'est un souvenir devant lequel tous les autres sont p‰les. C'est le Souvenir.

Si nous sommes fidles ˆ cet Agni qui bržle, il grandira de plus en plus, comme un tre vivant dans notre chaire. Une sensation terrible de quelque chose qui empche de voir et de passer; on essaie de passer au travers et puis on est en prŽsence d'un mur dit la Mre.

Puis, ˆ force de besoin, ˆ force de vouloir, la tension psychique, un jour, atteindra son point de renversement et nous aurons l'expŽrience. Quelque chose bascule dans la conscience. Au lieu d'tre dehors et de chercher ˆ voir dedans, on est dedans et, de la minute o on est dedans, absolument tout change, complŽtement. Tout ce qui vous paraissait vrai, naturel, normal, rŽel, tangible, tout cela immŽdiatement vous para”t trs grotesque, trs dr™le, trs irrŽel, trs absurde. Mais on a touchŽ quelque chose qui est suprmement vrai et Žternellement beau ; et cela on ne le perd plus.

"ï Feu, ™ Agni, quand tu es bien portŽ par nous, tu deviens la suprme croissance, la suprme expansion de notre tre ; toute gloire et toute beautŽ sont dans ta couleur dŽsirable, dans ta vision parfaite. ï Žtendue, tu es la plŽnitude qui nous porte au bout du chemin, tu es une multitude de richesses rŽpandues de tous c™tŽs" ( Rig-VŽda II.1.12.)

La Mre expliquait ainsi l'expŽrience : ... Alors toute la concentration, toute l'aspiration se rassemble en un faisceau et va poussant, poussant contre cette porte, poussant de plus en plus, avec une Žnergie croissante, jusqu'ˆ ce que tout d'un coup, la porte cde. Et on entre, comme prŽcipitŽ dans la lumire.

Alors on est vraiment nŽ.

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La croissance psychique

(46-49)

(p109-p120)

 De toutes les expŽriences, lorsque s'ouvre la porte du psychique, la plus immŽdiate et la plus irrŽsistible est d'avoir toujours ŽtŽ et d'tre pour toujours. On Žmerge dans une autre dimension, o l'on voit qu'on est vieux comme le monde et Žternellement jeune et que cette vie est une expŽrience, un cha”non, dans une succession ininterrompue d'expŽriences qui s'Žtendent derrire nous et se perdent dans le futur.

" Vieux et usŽ il devient jeune encore et encore " dit le Rig-Veda (II.4.5.)

Ce que l'on appelle communŽment la rŽincarnation n'est pas propre ˆ l'enseignement de Sri Aurobindo ; toutes les sagesses anciennes en ont parlŽ, de l'Extrme-Orient ˆ l'Egypte et aux nŽoplatoniciens mais Sri Aurobindo lui donne un sens nouveau.

Ds l'instant o l'on sort de la petite vision momentanŽe d'une vie unique coupŽe par la mort, deux attitudes sont possibles ; ou bien on peut penser, avec les spiritualistes exclusifs, que toutes ces vies sont douloureuses et futiles dont il importe de se libŽrer au plus t™t pour se reposer en Dieu, en Brahman ou en quelque Nirvana ; ou bien on peut croire avec Sri Aurobindo - une croyance qui repose sur une expŽrience - que l'ensemble de ces vies reprŽsente une croissance de conscience qui culmine dans un accomplissement terrestre ; autrement dit qu'il y a une Žvolution de la conscience derrire l'Žvolution des espces et que cette Žvolution spirituelle doit aboutir ˆ une rŽalisation individuelle et collective sur la terre. C'est hors du monde que les spiritualistes ont cherchŽ la libŽration et le salut.

EnvisagŽe du point de vue d'une Žvolution de la conscience, la rŽincarnation cesse d'tre la ronde futile que d'aucuns y ont vu ou l'extravagance imaginative que d'autres en ont fait.

Avec une clartŽ toute occidentale Sri Aurobindo nous dŽbarrasse du roman feuilleton spirituel, comme dit la Mre o tant de connaissances sŽrieuses ont dŽgŽnŽrŽ depuis la fin de l'‰ge des mystres et il nous invite ˆ une expŽrimentation lucide tout simplement.

Il ne s'agit pas de croire en la rŽincarnation mais d'en avoir l'expŽrience et d'abord de savoir dans quelles conditions l'expŽrience est possible.

Pendant des vies et des vies le psychique grandit silencieusement derrire la personnalitŽ frontale. Quand celle-ci se dissout, il emmne seulement l'essence de toutes ses expŽriences. Chaque vie reprŽsente donc un type d'expŽrience (nous croyons faire beaucoup d'expŽriences mais c'est toujours la mme). Plus il grandira, plus la conscience-force s'individualisera en nous jusqu'au jour o il jaillira au grand jour. Alors il pourra prendre conscience directement du monde autour. Il sera le ma”tre de la nature au lieu d'tre son prisonnier endormi.

Le yoga est le point de dŽveloppement o nous passons des mŽandres de l'Žvolution naturelle ˆ une Žvolution consciente et dirigŽe : c'est un processus d'Žvolution concentrŽe.

Sans rŽincarnation on s'explique mal, l'immense diffŽrence de degrŽs entre les ‰mes, celle d'un souteneur, par exemple, et celle d'un Dante ou d'un Franois d'Assise.

Mais mme parmi les tres ŽveillŽs, il y aussi d'Žnormes diffŽrences de degrŽs ; il est des ‰mes, des consciences-forces tout juste nŽes et d'autres qui ont une individualitŽ dŽjˆ trs formŽe ; des ‰mes qui sont dans le premier Žclatement radieux de leur dŽcouverte mais qui ne savent pas grand choses en dehors de leur joie rayonnante, qui n'ont pas de souvenir prŽcis de leur passŽ, mme pas conscience des mondes qu'elles portent en elles.

On peut tre un yogi lumineux ou un saint qui vit dans son ‰me et avoir un mental fruste, un vital refoulŽ, un physique que l'on mŽprise. Le "salut"  est peut-tre rŽalisŽ mais non la plŽnitude d'une vie intŽgrale.

A la dŽcouverte psychique doit succŽder l'intŽgration psychique. Patiemment, lentement, aprs avoir dŽcouvert le royaume intŽrieur, il faudra coloniser et y adjoindre le royaume extŽrieur qui viendra s'intŽgrer autour de ce nouveau centre si nous voulons une rŽalisation terrestre.

Il faut que le psychique soit prŽsent ˆ nos activitŽs extŽrieures et c'est alors seulement que nous pourrons commencer ˆ parler de rŽincarnation et de souvenirs des vies passŽes, des souvenirs de moments d'‰me. Nous pourrons nous souvenir d'un cadre, d'un lieu, d'un costume d'un dŽtail banal : ce sont les seuls instants o nous avons vŽcu, ou un vrai "je" a ŽmergŽ en nous. En des circonstances tragiques, de mme, le psychique peut Žmerger. On sent comme une prŽsence derrire, qui nous fait faire des choses dont nous serions tout ˆ fait incapables normalement.

L'Žvolution ne consiste pas ˆ devenir de plus en plus saint ou de plus en plus intelligent mais de plus en plus conscient.

Malheureusement, le plus souvent, nous nous contentons "d'une vie intŽrieure" dit-on, et dehors, nous vivons n'importe comment, par habitude. C'est le contraire d'un yoga intŽgral. Mais, si ds le dŽbut, au lieu de rejeter toutes les activitŽs mondaines pour nous plonger dans la seule qute de l'‰me nous avons tout embrassŽ dans notre recherche, tous les niveaux de notre tre, toute la vie, nous arriverons ˆ une vie intŽgrale et intŽgrŽe, tandis que si l'on a tout exclu pour arriver ˆ des fins dites "spirituelles" il est trs difficile de revenir sur ses pas pour dŽbrider le mental et l'universaliser.

La rŽalisation psychique ou dŽcouverte de l'‰me n'est donc pas une fin pour le chercheur c'est le tout petit commencement seulement d'un autre voyage qui s'accomplit dans la conscience de plus en plus vaste.

Comme l'annonce Sri Aurobindo, nous aurons assez grandi pour infuser assez de conscience dans ce corps afin qu'il participe, lui aussi, ˆ l'immortalitŽ psychique.

Tout et toujours est une question de conscience, pour notre vie mentale, vitale, et physique, comme pour notre sommeil et notre mort et notre immortalitŽ. La conscience est le moyen, la conscience est la clŽ, la conscience est la fin.

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8

L'INDEPENDANCE PHYSIQUE

(50-56)

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(p121-p134)

 

Aprs le mental et le vital, le physique, troisime instrument de l'Esprit en nous joue un r™le particulier dans le yoga de Sri Aurobindo puisque sans lui, il n'est pas de vie divine possible sur terre. Nous n'aborderons maintenant que quelques points d'expŽrience prŽparatoires, ceux-lˆ mme que Sri Aurobindo dŽcouvrit au dŽbut de son yoga; le yoga du corps, en effet, nŽcessite un dŽveloppement de conscience beaucoup plus considŽrable que celui envisagŽ jusqu'ˆ prŽsent : plus on descend vers la Matire, plus il faut tre en possession de hauts pouvoirs de conscience, car plus la rŽsistance augmente.

La Matire est le lieu de la plus grande difficultŽ spirituelle, mais aussi le lieu de la Victoire.

Le yoga du corps dŽpasse donc le cadre de notre pouvoir vital ou mental et relve d'un yoga supramental que nous aborderons plus tard.

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IndŽpendance des sens

(p121-p134)

La Matire est le point de dŽpart de notre Žvolution, c'est, enfermŽe en elle, que la conscience a peu ˆ peu ŽvoluŽ, donc plus la conscience Žmergera, plus elle devra recouvrer sa souverainetŽ et affirmer son indŽpendance. C'est le premier pas (non la fin, notons-le). Nous vivons dans une sujŽtion presque totale aux besoins du corps pour subsister et aux organes du corps pour percevoir le monde. Nous sommes trs fiers ˆ juste titre de nos machines mais il suffit que nous ayons un peu mal ˆ la tte pour que tout se brouille. Il se pourrait que notre machinerie ne soit pas tant le symbole d'une ma”trise que d'une terrible impuissance.

La faute en incombe doublement aux matŽrialistes qui n'ont pas cru aux pouvoirs de l'Esprit intŽrieur et aux spiritualistes qui n'ont pas cru en la vŽritŽ de la Matire.

Par l'histoire mme de notre Žvolution, la conscience, submergŽe dans la matire, s'est habituŽe ˆ dŽpendre d'un certain nombre d'organes extŽrieurs pour percevoir le monde. Notre dŽpendance des sens est une habitude, seulement millŽnaire il est vrai, mais pas inŽluctable. Il est possible pour le mental - et ce serait tout naturel pour lui, si seulement nous pouvions le persuader de se libŽrer de son consentement ˆ la domination de la Matire - de prendre directement connaissance des objets des sens sans l'aide des organes sensoriels. (The Life Divine 18:63)

Nous pouvons voir, nous pouvons sentir, d'un continent ˆ l'autre, comme si les distances n'existait pas, parce que les distances n'entravent que le corps et ses organes, non la conscience qui peut tre partout o elle veut en une seconde, si elle a appris ˆ s'Žlargir - il est un autre espace, lŽger, o tout est rassemblŽ en un point-Žclair. Peut-tre attendons-nous ici quelques "recettes" de clairvoyance et d'ubiquitŽ mais les recettes sont encore une machinerie au deuxime degrŽ. Certes, le hatha yoga a son efficacitŽ, de mme que toutes  les mŽthodes plus ou moins yoguiques qui consistent  ˆ fixer une chandelle allumŽe (tr‰tak), Žlaborer des diŽtŽtiques infaillibles, faire des exercices respiratoires (pranayama). Tout sert, tout peut servirMais ces mŽthodes ont le dŽsavantage d'tre longues et d'une portŽe limitŽe; en outre, elles sont toujours incertaines et parfois pŽrilleuses quand elles sont maniŽes par des individus insuffisamment prŽparŽs ou purifiŽs. Il ne suffit pas de vouloir le pouvoir, il faut que la machine ne craque pas quand elle reoit le pouvoir.

Pratiquement, notre t‰che serait bien simplifiŽe si seulement nous comprenions que c'est la conscience qui se sert de toutes les mŽthodes et qui agit ˆ travers toutes les mŽthodes et que si nous allons directement ˆ la conscience, nous aurons saisi le levier central. Avec cet avantage que la conscience ne trompe pas.

Pour le chercheur intŽgral, le travail sur le corps est venu naturellement s'adjoindre ˆ son travail sur le mental et sur le vital; par commoditŽ, nous avons dŽcrit les divers Žtages de l'tre mais tout marche de front.  Chaque dŽcouverte sur un plan a ses rŽpercussions sur tous les autres plans. Lorsque nous avons travaillŽ au silence mental, nous avons observŽ successivement diverses couches mentales que nous avons rŽduites au silence : un mental pensant qui constitue notre ratiocination normale; un mental vital qui justifie nos dŽsirs, nos sentiments, nos impulsions; il y a aussi un mental physique qui nous donnera beaucoup de mal. il semblerait que ce mental est le bouc Žmissaire du yoga intŽgral. C'est le vestige en nous de la premire apparition du Mental dans la Matire; un mental microscopique qui s'affole par exemple ˆ la moindre Žgratignure, qui construit des montagnes de difficultŽs quand il faut changer d'un rien sa routine. Il rŽpte en nous comme une vieille fille marmottante.

Quand on a fait taire le mental pensant et le mental vital, on s'aperoit alors qu'il est bien lˆ et qu'il est affreusement collant. Le mental physique oppose un mur solide ˆ l'Žlargissement de notre conscience physique qui est la base de toute ma”trise physique.

Quand nous avons travaillŽ systŽmatiquement ˆ faire une transparence en nous et ˆ augmenter notre rŽceptivitŽ, les brouillages du mental physique deviennent un obstacle sŽrieux et mme dangereux.

Cette transparence mentale, vitale et physique est la clef d'une double indŽpendance.

IndŽpendance des sensations car la conscience-force peut, ˆ volontŽ, tre dŽconnectŽe de n'importe quel point, du froid, de la faim, de la douleur, etc...

IndŽpendance des sens, car dŽlivrŽe de son absorption immŽdiate dans nos activitŽs mentales, vitales et physiques cette mme conscience-force peut dŽborder le cadre de son corps et, par une projection intŽrieure, contacter les choses, les tres et les ŽvŽnements ˆ distance. GŽnŽralement, il faut tre en Žtat de sommeil ou d'hypnose pour percevoir un peu loin dans l'espace ou dans le temps et se dŽgager des sensations immŽdiates mais ces moyens sont parfaitement inutiles si le vacarme mental s'est tu et si nous sommes ma”tre de notre conscience. La conscience est le seul organe. ( The Synthesis of yoga, 22:353). C'est elle qui voit, elle qui entend. Le sommeil et l'hypnose sont simplement des moyens rudimentaires de lever le rideau du mental de surface.

A cette capacitŽ d'Žlargissement de la conscience doit, naturellement, se joindre une capacitŽ de concentration, en sorte que la conscience Žlargie puisse se fixer, immobile et silencieuse sur l'objet considŽrŽ et devenir cet objet. Mais concentration ou Žlargissement sont des corollaires spontanŽs du silence intŽrieur. Dans le silence intŽrieur, la conscience voit.

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IndŽpendance des maladies

P127-p131)

Quand nous sommes dŽlivrŽs de la tension du mental pensant, de la tyrannie du mental vital, de l'Žpaisseur du mental physique nous commenons ˆ comprendre que le corps est un merveilleux instrument. C'est l'instrument le plus mŽconnu qui soit et le plus mal traitŽ. Dans cet Žclaircissement gŽnŽral de notre tre nous observons que le corps n'est jamais malade, simplement il s'use, mais mme cette usure n'est peut-tre pas irrŽmŽdiable comme nous le verrons avec le yoga supramental.

Ce n'est pas le corps qui est malade, c'est la conscience qui fait dŽfaut. A mesure que l'on avance dans le yoga on voit en effet que chaque fois que l'on tombe malade, chaque fois qu'il y a un "accident" extŽrieur c'est toujours le rŽsultat d'une inconscience ou d'une mauvaise attitude, d'un dŽsordre psychologique. Ds qu'on a mis le pied sur le chemin du yoga il y a immŽdiatement quelque chose en nous qui est alertŽ et nous montre nos erreurs et la cause de tout ce qui arrive comme si le sens de la vie ne se dŽroulait plus du dehors vers le dedans mais du dedans vers le dehors. En fait, plus rien n'est banal et la vie journalire appara”t comme un rŽseau chargŽ de signes qui attendent notre reconnaissance. Tout se tient, le monde est un miracle. Le Divin est plus proche de nous que nous ne le pensons, le "miracle" moins tapageur et plus profond que toute cette imagerie d'Epinal. Quand nous avons dŽchiffrŽ un seul de ces petits signes qui nous croisent, devinŽ une seule fois l'imperceptible lien qui tient les choses, nous sommes plus prs du grand Miracle que si nous avions touchŽ la manne du ciel. Parce que le miracle, c'est peut-tre que le Divin est naturel aussi.

Le chercheur prendra donc conscience de ce renversement du courant de la vie, du dedans vers le dehors.

Quand nous sommes en Žtat d'harmonie et que notre action correspond ˆ la vŽritŽ profonde de notre tre, il semble que rien ne puisse rŽsister, mme les "impossibilitŽs" se dissolvent.

Quand il y a un dŽsordre intŽrieur, mental ou vital, on s'aperoit que ce dŽsordre appelle des circonstances extŽrieures f‰cheuses, intrusion de maladie ou d'accident. Quand nous sommes en mauvais Žtat intŽrieur nous Žmettons un certain type de vibrations qui automatiquement se mettent en contact avec les autres vibrations du mme type ˆ tous les niveaux de notre tre

Si le chercheur est conscient, il peut passer au milieu de n'importe quelle ŽpidŽmie, boire toutes les saletŽs du Gange s'il lui pla”t, rien ne peut le toucher car qui toucherait le Ma”tre ŽveillŽ ? Nous avons isolŽ des bactŽries et des virus mais nous n'avons pas vu qu'ils sont seulement des agents et que la maladie n'est pas le virus mais la force qui se sert du virus.

Et si nous sommes clairs, tous les virus du monde n'y peuvent rien. Notre mŽdecine ne touche qu'ˆ la surface des choses, pas ˆ la source. Il n'y a qu'une maladie : l'inconscience.

Il faut noter deux autres catŽgories de maladie qui ne tiennent pas directement ˆ nos erreurs : celles qui viennent d'une rŽsistance subconsciente (cf. plus loin avec la purification du subconscient) et celles que nous pourrions appeler "maladies yoguiques" qui proviennent d'un dŽcalage entre le dŽveloppement des Žtages supŽrieurs de notre conscience et le dŽveloppement de notre conscience physique. Il en rŽsulte une rupture d'Žquilibre qui peut amener des maladies par rupture des relations normales entre les ŽlŽments internes allergies, troubles du sang, dŽsordres nerveux et mentaux. Nous touchons aux problmes de la rŽceptivitŽ de la matire aux forces supŽrieures de conscience. Sri Aurobindo et la Mre insistent sur le dŽveloppement de notre base physique pour y crŽer une vie divine.

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IndŽpendance du corps

(p131-p134)

La conscience peut donc tre indŽpendante des organes des sens, des maladies, dans une large mesure de la nourriture et du sommeil, lorsqu'elle a dŽcouvert l'inŽpuisable rŽservoir de la grande Force de Vie. Elle peut tre indŽpendante du corps lui-mme.

Dans nos mŽditations tout d'abord, parce que c'est le premier champ d'entra”nement, nous observons que cette conscience-force devient particulirement homogne et qu'aprs s'tre dŽgagŽe du mental et du vital, elle se retire lentement de tous les bruissements du corps. La respiration devient de plus en plus imperceptible, puis soudain il y a brusque dŽcrochage et l'on se retrouve "ailleurs" en dehors du corps. C'est ce qu'on appelle "s'extŽrioriser".

Il y a toute sorte "d'ailleurs" autant que de plans de conscience. On peut sortir sur le niveau o nous avons fixŽ notre conscience mais l'ailleurs le plus immŽdiat qui borde notre monde physique et lui ressemble est ce que Sri Aurobindo a appelŽ le physique subtil.

Cette connaissance est aussi vieille que le monde. Sri Aurobindo conclut ˆ ce sujet que ces expŽriences sont le signe que le mental arrive ˆ une position correcte vis-ˆ-vis du corps et qu'il change son point de vue faux de mentalitŽ obsŽdŽe et capturŽe par les sensations physiques pour le point de vue de la vraie vŽritŽ des choses.

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9

LE SOMMEIL ET LA MORT

(57-64)

_____________________

 

Les plans de conscience

(57-58)

(p134-p140)

Tout le monde n'est pas capable de sortir de son corps consciemment, ni d'Žlargir consciemment son mental ou son vital mais beaucoup de gens le font inconsciemment dans leur sommeil.

Il y a trois mŽthodes ou trois stades :

Le premier, ˆ la portŽe de tout le monde est le sommeil.

Le second, plus rare, repose sur l'extŽriorisation consciente ou les mŽditations profondes et le troisime, qui reprŽsente dŽjˆ un degrŽ avancŽ de dŽveloppement, o tout est simple : on peut se passer du sommeil et des mŽditations profondes et voir de toutes les faons, les yeux grands ouverts, au milieu mme des activitŽs.

Le sommeil est un premier instrument de travail ; il peut devenir conscient, de plus en plus conscient, jusqu'au moment o nous serons suffisamment dŽveloppŽs et o le sommeil, comme la mort, seront simplement un passage d'un mode de conscience ˆ un autre mode de conscience.

En fait, il n'y a pas de sŽparation entre notre monde et les innombrables autres mondes. C'est seulement une certaine faon de percevoir la mme chose qui nous fait dire "je vis" ou "je dors" ou "je suis mort". "L'ailleurs È est partout ici.

Il existe ainsi une gradation infinie de rŽalitŽs co-existantes, simultanŽes, sur lequel le sommeil nous ouvre une lucarne naturelle. Nous voyons qu'il existe une gradation de plans de conscience qui s'Žchelonnent sans interruption de la Matire pure ˆ l'Esprit pur. Vie, mort, sommeil sont simplement des positions diffŽrentes de la conscience au sein de cette mme gradation.

Si nous sommes inconscients, la mort sera vraiment une mort et le sommeil un engourdissement. Prendre conscience de ces divers degrŽs de rŽalitŽ est donc notre t‰che fondamentale. La mort n'est pas une nŽgation de la vie mais un processus de la vie. (The Life Divine 18:193)

Cette vie physique assume une importance particulire parmi tous nos autres modes de vie car c'est le lieu de travail dit la Mre. Car c'est le point zŽro ou presque de l'Žvolution et que c'est ˆ partir du corps, lentement, ˆ travers d'innombrables vies, qu'un "nous" indiffŽrenciŽ tout d'abord s'individualise  et prend conscience avec des plans de conscience de plus en plus ŽlevŽs.

Nous avons dit que nous Žtions constituŽs d'un certain nombre de centres de conscience qui s'Žchelonnent depuis le dessus de la tte jusqu'en bas, un peu comme un poste qui a plusieurs longueurs d'onde, et d'o nous recevons constamment ˆ notre insu, le plus souvent, toutes sortes de vibrations. Le principe est que nous irons au moment de la mort ou du sommeil vers les plans avec lesquels nous avons dŽjˆ Žtabli un lien. En cet Žtat embryonnaire, la conscience, retombe dans le subconscient (en dessous du stade conscient de l'Žvolution, comme chez l'animal ou la plante) lorsqu'elle s'endort.

A partir du moment o le corps cesse d'tre le centre principal et o on commence ˆ avoir une vie intŽrieure indŽpendante des circonstances et de la vie physique, surtout quand on fait du yoga, la vie change vraiment, la mort aussi, le sommeil aussi. On commence ˆ exister. C'est mme la premire chose dont on s'aperoit.

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Sommeil d'expŽrience

(59-62)

(p140-p149)

Il y a bien des degrŽs dans ce nouveau sommeil, suivant le dŽveloppement de notre conscience, depuis les Žclairs spasmodiques sur tel ou tel plan, jusqu'ˆ la vision continue qui peut aller ˆ volontŽ de bas en haut et de haut en bas o bon lui semble.

Normalement nous irons par affinitŽ sur les plans avec lesquels nous avons Žtabli un lien ; les vibrations vitales, mentales ou autres que nous avons acceptŽes et qui se sont traduites en nous par des idŽaux, des aspirations, des dŽsirs, des bassesses ou des noblesses, constituent ce lien et en sortant de notre corps nous iront ˆ la source.

- une source extraordinairement vivante et frappante. Alors nous commencerons ˆ prendre connaissance des mondes immenses, innombrables qui pŽntrent et enveloppent notre petite plante terre. Nous n'entendons pas les dŽcrire mais donner seulement quelques indices qui permettront de faire quelques recoupements avec sa propre expŽrience. La qualitŽ essentielle pour cette exploration, Sri Aurobindo y a insistŽ bien des fois, est une claire austŽritŽ et l'absence de dŽsir, le silence mental, sinon nous serons le jouet de toutes les illusions.

Patiemment, ˆ force d'expŽriences, nous apprendrons d'abord ˆ reconnaitre sur quel plan se situe notre expŽrience ; ensuite, de quel niveau il s'agit au sein de chaque plan. Puis nous apprendrons ˆ comprendre le sens de nos expŽriences ; c'est une langue Žtrangre. L'une des grosses difficultŽs vient de ce que le langage terrestre qui est le seul que nous connaissions peut, au rŽveil brouiller les pistes. A dŽfaut d'un guide ŽclairŽ, il faudra s'habituer ˆ rester silencieux lorsqu'on s'Žveille et sentir intuitivement le sens de ces autres langages. C'est comme une fort vierge, on commence ˆ reconna”tre des lieux, des signes, une diversitŽ grouillante.

Mais comment se souvenir de son sommeil ? C'est un blanc absolu pour la plupart des tres. Il y a des quantitŽs de ponts comme dit la Mre, comme si nous Žtions faits d'une sŽrie de pays reliŽs chacun par un pont. Un tre suffisamment dŽveloppŽ parcourra toute la gamme des plans de conscience dans son sommeil et il ira jusqu'ˆ la Lumire suprme de l'Esprit. - Sat Chit-ċnanda - inconsciemment le plus souvent, ces quelques minutes seront son vrai sommeil, le vrai repos dans la dŽtente absolue de la joie et de la Lumire.

Sri Aurobindo disait que la vraie raison d'tre du sommeil est de rejoindre spontanŽment la Source et de s'y retremper. De lˆ, nous redescendrons lentement ˆ travers tous les plans, Mental, Vital, Physique subtil et subconscient et chaque partie de notre tre y aura les expŽriences correspondantes. Au sein de chaque plan il y a beaucoup de zones. La principale difficultŽ est d'Žtablir le tout premier pont avec la conscience extŽrieure de veille et il n'est qu'une faon : l'immobilitŽ totale et le silence complet au rŽveil. Si l'on se retourne ou si l'on bouge, tout s'Žvapore. Il faut rester penchŽ sur le grand lac tranquille comme dans une contemplation sans objet. Et, soudain, si nous sommes persŽvŽrant nous verrons une image flotter sous nos yeux, ou une trace, une odeur, mais insaisissable.

Il s'agira de ne pas se prŽcipiter, de laisser se prŽciser. Quand nous aurons bien attrapŽ le fil, il suffira de tirer lentement et le fil nous conduira de pays en pays, de souvenir en souvenir. Quelquefois nous resterons butŽs pendant des annŽes sur un mme point et si l'on s'obstine, le chemin finira par se tracer.

Le rappel au rŽveil n'est pas la seule mŽthode on peut aussi se concentrer le soir avant de s'endormir avec la volontŽ de se souvenir et se rŽveiller ˆ intervalles fixes une ou deux fois dans la nuit. Nous savons que le fait de vouloir se rŽveiller ˆ une certaine heure fonctionne parfaitement ˆ la minute prs ; c'est ce que l'on appelle "faire une formation". Si nous persistons pendant des mois et des annŽes nous finirons par tre alertŽs chaque fois qu'un ŽlŽment important se produira.

Il faut prŽciser qu'il faut distinguer les rves ordinaires du subconscient des expŽriences.

Les expŽriences sont des ŽvŽnements rŽels auxquels nous avons participŽ sur tel ou tel plan; il se distingue des rves ordinaires par leur intensitŽ particulire. Tous les ŽvŽnements du monde physique semblent p‰les ˆ c™tŽ de ces ŽvŽnements-lˆ. Ils laissent un souvenir plus vivant que n'importe lequel de nos souvenirs terrestres. Lorsque le chercheur, au rŽveil, aura l'impression d'avoir baignŽ dans un monde chargŽ de signes ou quand il aura assistŽ ou participŽ ˆ certaines scnes qui semblent infiniment plus rŽelles que nos scnes physiques, il saura qu'il a eu une expŽrience vŽritable, non un rve.

Il est un autre fait remarquable : plus on s'Žlve dans l'Žchelle de la conscience, plus la qualitŽ de la lumire change. C'est un indicatif trs sžr. Il y a toute la gamme, depuis les tons sales du subconscient, gris marron et noirs, les couleurs Žclatantes du Vital avec une nuance artificielle et un peu dure, clinquante, jusqu'aux lumires du Mental de plus en plus puissantes et pures ˆ mesure que l'on monte vers l'Origine. A partir du Surmental il y a une diffŽrence radicale de vision, les objets, les tres ou les choses sont lumineux en soi et ne sont plus ŽclairŽs de l'extŽrieurÉ Quand on peut entrer en contact avec cette Lumire, on est autant reposŽ en quelques minutes qu'en huit heures de sommeil.

Quand on va ˆ la dŽcouverte de son tre intŽrieur raconte la Mre et des diffŽrentes parties qui le composent, on a trs souvent l'impression de pŽnŽtrer dans une chambre et suivant la couleur, l'atmosphre, les choses qu'elle contient, on a la perception trs claire de la partie de l'tre que l'on est en train de visiter. Alors, on peut passer dans des pices de plus en plus profondes qui ont chacune leur caractre propre.

Le chercheur s'apercevra, aprs coup qu'il a eu, la nuit, la prŽmonition exacte de tous les ŽvŽnements psychologiques importants qui ont lieu dans la journŽe. Nous commencerons ˆ voir venir et ce sera la preuve rŽpŽtŽe des centaines de fois, nuit aprs nuit, que tout le jeu de notre nature frontale vient du dehors, d'un Mental universel, d'un Vital universel. Et ce sera le commencement de la ma”trise car une fois que l'on a vu, et mme prŽvu, on peut changer le cours des choses.

Sri Aurobindo disait ˆ de ses disciples : Comprenez que nous vivons et agissons constamment sur d'autres plans de conscience, nous y rencontrons d'autres personnes et agissons sur elles... Tout ce que nous devenons, tout ce que nous faisons et endurons dans la vie physique est prŽparŽ derrire le voile, au dedans de nous. Il est donc immensŽment important pour ce yoga, qui vise ˆ la transformation de la vie, de devenir conscient de ce qui se passe dans ses domaines, d'tre le ma”tre lˆ-bas et capable de sentir, de conna”tre et de manipuler les forces secrtes qui dŽterminent notre destinŽe et notre croissance extŽrieure et intŽrieure ou notre dŽclin.

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Sommeil d'action

(62-64)

(p149-p156)

 Du sommeil animal, nous sommes passŽs au sommeil conscient ou sommeil d'expŽrience, puis nous passons au sommeil d'action, c'est le troisime stade. A mesure que le sommeil devient conscient nous voyons que nous sommes constituŽs d'une masse hŽtŽroclite de fragments mentaux, vitaux ou autres qui ont une existence indŽpendante, avec leurs expŽriences indŽpendantes, chacun sur son plan particulier.

La nuit, cette indŽpendance Žclate. Nous dŽcouvrons toutes sortes d'inconnus en nous dont nous ne souponnions pas l'existence. Ces fragments ne sont pas intŽgrŽs autour du vrai centre psychique.

La nŽcessitŽ de l'intŽgration appara”t bien vite si nous voulons tre le ma”tre. Quand nous sortons de notre corps et que nous allons dans certaines rŽgions du Vital infŽrieur, par exemple (zones basses du ventre et du sexe), la partie de notre tre qui s'est extŽriorisŽe fait le plus souvent des expŽriences dŽsagrŽables. Elle est attaquŽe par toutes sortes de forces voraces et nous avons ce qu'il est convenu d'appeler un "cauchemar".

Si cette mme partie de notre tre a consenti ˆ s'intŽgrer autour du centre psychique, elle peut sans danger sortir dans ces rŽgions infernales car elle sera armŽe de la lumire psychique. ( le psychique est un fragment de la grande Lumire originelle). Il suffira qu'elle se souvienne de cette lumire au moment o elle est attaquŽe pour que toutes les forces adverses se dispersent.

De mme, nous pouvons rencontrer toutes sortes de gens, sur ces plans,  connus ou inconnus, proches ou lointains, vivants ou morts - ces toujours vivants qu'on appelle morts dit Sri Aurobindo - et tre le tŽmoin ou l'associŽ impuissant de leurs mŽsaventures. Tous les coups lˆ-bas sont des coups pour ici. " Un tre conscient, pas plus grand que le pouce d'un homme, se tient au centre de notre moi ; il est le ma”tre du passŽ et du prŽsent...il est aujourd'hui et il est demain".(Katha Upanishad). Ces rves ne sont pas des rves. Il est des emprisonnements ici qui ne peuvent tre dŽnouŽs que quand nous avons dŽnouŽ l'emprisonnement lˆ-bas. Le problme d'action est donc liŽ au problme d'intŽgration.

Les plans infŽrieurs (notamment le vital infŽrieur, rŽgion du nombril et du sexe,) sont les plus difficiles ˆ intŽgrer. Ils sont peuplŽs de forces famŽliques.

Au fur et ˆ mesure  que notre tre s'intŽgrera, il passera d'un sommeil passif ˆ un sommeil actif. Mais lˆ aussi il y a tous les degrŽs suivant l'ampleur de notre conscience depuis la petite action qui se borne au cercle restreint des gens que nous connaissons, vivants ou morts ou des mondes qui nous sont familiers jusqu'ˆ l'action universelle de quelques grands tres dont le psychique a colonisŽ de grandes Žtendues de conscience et qui par leur lumire silencieuse protgent le monde.

Pour terminer ces brves gŽnŽralitŽs qui sont tout au plus des signes de pistes pour le chercheur, nous pouvons faire une dernire observation. Il s'agit des prŽmonitions.

On s'aperoit, ˆ l'expŽrience, qu'au fur et ˆ mesure que l'on gravit les degrŽs de la conscience, le temps devient plus rapide, il couvre de plus en plus d'espace et des ŽvŽnements de plus en plus lointains vers l'avenir ou le passŽ. Finalement on dŽbouche dans cette Lumire immobile o tout est dŽjˆ. SimultanŽment, ou comme un corollaire, on observe que suivant le plan de conscience o se situe notre vision prŽmonitoire l'accomplissement terrestre est plus ou moins proche ou lointain. Quand on voit dans le Physique subtil, par exemple, qui borde notre monde, la transcription terrestre est presque immŽdiate- quelques heures ou un jour aprs ; on voit l'accident et le lendemain on attrape l'accident. La vision est trs prŽcise et dans les moindres dŽtails. Plus on s'Žlve dans l'Žchelle de la conscience, plus l'Žchelle est de la vision lointaine et plus sa portŽe est universelle mais moins les dŽtails sont visibles.

Toutes sortes de conclusions intŽressantes peuvent se dŽgager de cette observation mais, notamment, plus on est conscient sur terre et capable de monter haut dans l'Žchelle de la conscience et de se rapprocher de l'Origine, plus on rapproche la terre de l'Origine.

On a beaucoup discutŽ de la libertŽ et du dŽterminisme mais c'est un problme mal vu. Il n'y a pas libertŽ ou dŽterminisme, il y a libertŽ et quantitŽs de dŽterminismes.  Nous sommes soumis dit Sri Aurobindo ˆ une sŽrie de dŽterminismes superposŽs, physique, vital, mental et plus haut, chaque plan pouvant modifier ou annuler le dŽterminisme du plan en dessous.

Nous sommes chacun, par notre travail de conscience, un agent de rŽsistance aux fatalitŽs qui psent sur le monde et un ferment de libertŽ ou de divinisation de la terre. Car l'Žvolution de la conscience a un sens pour la terre.

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10

LE YOGI REVOLUTIONNAIRE

(65-71)

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(p157-p174)

 

 

 Telles devraient tre les dŽcouvertes mentales, vitales, physiques et psychiques que Sri Aurobindo fit seul, pas ˆ pas, entre vingt et trente ans simplement en suivant le fil de sa conscience. Le fait remarquable est que ce yoga se situait en tous lieux o l'on ne fait pas le yoga d'habitude, au milieu de ses cours de franais et d'anglais, de ses occupations ˆ la cour du Maharaja et  de plus en plus, au coeur de ses activitŽs secrtes et rŽvolutionnaires. Les heures de nuit qui n'Žtaient pas consacrŽes ˆ l'Žtude de sa langue maternelle et du sanskrit, ou au travail politique, se passaient ˆ Žcrire des pomes.

"... il se concentrait un moment avant de commencer, puis la poŽsie s'Žcoulait de sa plume comme un flot." De la poŽsie, Sri Aurobindo passait ˆ son sommeil expŽrimental.

Depuis mon arrivŽe en Inde, dit-il dans une lettre ˆ un de ses disciples, ma vie et mon yoga ont toujours ŽtŽ, ˆ la fois, de ce monde et de l'autre monde, sans que l'un exclue l'autre. Toutes les prŽoccupations humaines appartiennent, je le suppose, ˆ ce monde ...

Depuis que je suis arrivŽ ˆ Bombay, j'ai commencŽ ˆ avoir des expŽriences spirituelles et ces expŽriences n'Žtaient pas divorcŽes de ce monde, au contraire, elles avaient des rŽpercussions infinies sur lui comme le sentiment de l'Infini imprŽgnant l'espace matŽriel et de l'immanent au coeur des objets et des corps matŽriels. En outre, il m'arrivait d'entrer en des mondes ou des plans supra-physiques dont l'influence et les effets se faisaient sentir sur le plan matŽriel. Je ne pouvais donc pas faire une sŽparation catŽgorique ou une opposition irrŽductible entre ces deux bouts de l'existence. Pour moi, tout est le Divin et je trouve le divin partout.

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Problme d'action

(66-67)

(p159-p164)

C'est dans ses activitŽs rŽvolutionnaires que nous dŽcouvrons tout d'abord le rŽalisme spirituel de Sri Aurobindo. Il fut sans doute un des premiers avec un autre grand hŽros de l'Inde, Tilak, ˆ parler de libŽration totale, de rŽsistance passive et de non coopŽration.

Avec son  jeune frre Barin, il se met ˆ organiser des groupes de guŽrilla au Bengale sous couvert de sociŽtŽs sportives ou culturelles. Il envoie mme un Žmissaire en Europe pour Žtudier la fabrication des bombes.

Quand le fils de Gandhi, en 1920, vint ˆ PondichŽry pour l'entretenir de non-violence il lui rŽpondit par cette simple question : " Que feriez-vous demain si les frontires du nord Žtaient envahies ?"

En 1940, Sri Aurobindo et la Mre prenaient publiquement position aux c™tŽs des AlliŽs alors que Gandhi dans un Žlan de coeur fort louable envoyait une lettre au peuple anglais l'adjurant de prendre les armes contre Hitler et d'user seulement de "la force spirituelle".

La guerre et la destruction sont un principe universel qui gouverne non seulement notre vie purement matŽrielle mais mme notre existence mentale et morale.  il est Žvident, pratiquement, que dans sa vie intellectuelle, sociale, politique et morale, l'homme ne peut pas faire un pas en avant sans une bataille. Une bataille entre ce qui existe et qui vit et ce qui cherche ˆ exister et ˆ vivre... en attendant que la force d'‰me soit efficace, les forces dŽmoniaques dans les hommes et les nations Žcrasent, dŽmolissent, massacrent bržlent et violent comme nous le voyons aujourd'hui...

Par consŽquent, si l'on regarde le problme de l'action individuelle, s'abstenir de la lutte sous sa forme physique la plus visible et de la destruction qui l'accompagne inŽvitablement nous donne peut-tre une satisfaction morale mais laisse in-aboli le Destructeur des crŽatures.

En avanant dans son yoga il s'aperoit de plus en plus, en effet par expŽrience, que des forces cachŽes sont non seulement ˆ la base  de nos dŽsordres psychologiques mais des dŽsordres mondiaux - tout vient d'ailleurs nous l'avons vu -

En pleine guerre de 40 il Žcrivait ˆ un de ses disciples : " ... L'oeil du yogi voit non seulement les ŽvŽnements extŽrieurs, les personnages et les causes extŽrieures mais les Žnormes forces qui les prŽcipitent en action... Quand on a pris l'habitude de voir les choses derrire, on n'est plus gure enclin ˆ s'Žmouvoir des apparences, ni mme ˆ espŽrer un remde des changements politiques et sociaux ou des changements d'institution."

Sri Aurobindo voyait que le problme violence et non-violence Žtait assez superficiel et que pour guŽrir le monde il fallait d'abord guŽrir "ce qui est sa base dans l'homme"

La seule solution, dit Sri Aurobindo, est dans l'avnement d'une autre conscience qui ne sera pas le jouet de ces forces mais plus grande qu'elles et qui pourra les forcer ˆ changer ou ˆ dispara”tre.

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Nirvana

(67-71)

(p164-p174)

En 1906, Sri Aurobindo quitte l'Žtat de Baroda pour se plonger au coeur de l'agitation politique ˆ Calcutta. Avec un autre grand nationaliste Bepin Pal, il fonde un quotidien : BandŽ Mataram ("Salut ˆ la Mre Inde"). Il fonde un parti extrŽmiste et devint le leader de ce parti.

C'est le 30 dŽcembre 1907, aprs 13 ans en Inde, entre les meetings politiques, le bouillonnement extŽrieur et la menace constante de la police secrte qu'il rencontre pour la premire fois un yogi du nom de  Vishnou Bhaskar LŽlŽ. Celui-ci devait lui apporter une expŽrience paradoxale dans sa vie dŽjˆ paradoxale.

La premire question qu'il lui pose est celle-ci : Ç Je veux faire du yoga pour travailler, pour agir, non pour renoncer au monde ni pour le Nirvana. È

La rŽponse de LŽlŽ est Žtrange : Ç Pour vous ce ne devrait pas tre difficile puisque vous tes pote È. Les deux hommes se retirent dans une chambre isolŽe pendant trois jours. Ds lors, le yoga de Sri Aurobindo va suivre une courbe imprŽvue qui semblera l'Žloigner de l'action mais seulement pour le conduire au secret de l'action et du changement du monde.

Le premier rŽsultat, Žcrit Sri Aurobindo, fut une sŽrie d'expŽriences formidablement puissantes et de changements de conscience radicaux que LŽlŽ n'avait jamais eu l'intention de me donner... et qui Žtaient tout ˆ fait contraires ˆ mes propres idŽes ; elles me firent voir le monde, avec une prodigieuse intensitŽ, comme un jeu cinŽmatographique de formes vacantes dans l'universalitŽ impersonnelle de l'Absolu, Brahman.

Je fus soudain projetŽ dans un Žtat au-dessus, sans pensŽe, pur de tout mouvement mental ou vital ; il n'y avait pas d'ego, pas de monde rŽel... Il n'y avait ni UN, ni mme plusieurs, seulement Cela, absolument sans traits, sans relations, pur, indescriptible, impensable, absolu et pourtant suprmement rŽel et seulement rŽel. Et ce n'Žtait pas une rŽalisation mentale, ce n'Žtait pas une abstraction, c'Žtait positif, la seule rŽalitŽ qui emplissait et inondait cette semblance de monde physique... Cette expŽrience m'apportait une paix indicible, un formidable silence une infinitude de dŽlivrance et de libertŽ.

D'emblŽe, Sri Aurobindo Žtait entrŽ dans ce que les bouddhistes appellent Nirvana, le Brahman silencieux des hindous, Cela ; le Tao des Chinois; le Transcendant, l'Absolu, l'Impersonnel des Occidentaux. Il Žtait arrivŽ ˆ la fameuse "libŽration" : Mukti. Et Sri Aurobindo vŽrifiait la parole du grand mystique Sri Ramakrishna : Ç  Si nous vivons en Dieu, le monde dispara”t ; si nous vivons dans le monde, Dieu nĠexiste plus Ç, Le gouffre quĠil avait tentŽ de combler entre la Matire et lĠEsprit Žtait rouvert sous ses yeux dŽcillŽs ; les spiritualistes avaient raison, en Occident comme en Orient qui assignent pour seule destination  aux efforts de lĠhomme une vie au-delˆ – paradis, Nirvana ou libŽration -

Or cette expŽrience que lĠon dit finale devait tre pour Sri Aurobindo le point de dŽpart de nouvelles expŽriences, plus hautes, qui rŽintŽgraient dans une RŽalitŽ totale, continue et divine, la vŽritŽ du monde et la vŽritŽ de lĠau-delˆ.

Voici ce que rapporte Sri Aurobindo :

Je vŽcus jour et nuit dans ce Nirvana avant quĠil ne commence ˆ admettre autre chose en lui ou se modifier tant soit peuÉLĠaspect illusoire du monde cŽdait la place ˆ un autre aspect o lĠillusion nĠŽtait plus quĠun petit phŽnomne de surface avec une immense rŽalitŽ divine par derrire. RŽalitŽ divine au-dessus et une intense RŽalitŽ divine au cÏur de toutes les choses. Et ce nĠŽtait pas un rŽ-emprisonnement dans les sens, pas une chute de lĠexpŽrience suprme. Le Nirvana dans ma conscience libŽrŽe Žtait le commencement de ma propre rŽalisation, un premier pas vers la chose complte, non la seule rŽalisation possible ni mme la culmination finale.

QuĠest-ce donc que ce transcendant ?  Simplement, cĠest un autre Žtat de conscience. Si nous nous retirons des mouvements mentaux et vitaux, naturellement tout sĠŽvanouit. Nous avons tendance ˆ considŽrer que cette Paix immobile et impersonnelle est supŽrieure ˆ notre vacarme. Le passage dans le Nirvana ne se situe pas au sommet de lĠŽchelle, pas plus que le sommeil ou la mort ne sont au sommet de lĠŽchelle. Il peut se produire ˆ nĠimporte quel niveau de notre conscience. Il peut se produire par une concentration dans le mental ou dans le vital ou mme dans la conscience physique : le hatha yogi penchŽ sur son nombril, ou le Bassouto qui danse autour de son totem peuvent tout ˆ coup passer ailleurs. De mme, le mystique absorbŽ dans son cÏur : on perce un trou et on sort. Sri Aurobindo nĠavait pas dŽpassŽ le plan mental quand il eut lĠexpŽrience du Nirvana : JĠai eu lĠexpŽrience du Nirvana et du silence dans le Brahman, longtemps avant dĠavoir la moindre connaissance des plans spirituels au-dessus de la tte. (Letters on yoga, 22 :273)

Le Nirvana nĠest pas et ne peut pas tre la fin du chemin, sans rien dĠautre ˆ explorerÉ CĠest la fin du chemin infŽrieur ˆ travers la Nature infŽrieure et le commencement de lĠŽvolution supŽrieure.

Il serait incorrect de penser que lĠexpŽrience du Nirvana est une expŽrience fausse, une sorte dĠillusion de lĠillusion dĠabord parce quĠil nĠy a pas dĠexpŽriences fausses, il nĠy a que des expŽriences incompltes, ensuite parce que le Nirvana nous dŽpouille vraiment de lĠillusion et dĠtre sŽparŽs.

Le Nirvana reprŽsente un stade intermŽdiaire utile (mais pas indispensable) dans ce passage de la vision ordinaire ˆ lĠautre vision ;  Sri Aurobindo dit que nous vivons dans lĠignorance.  Le Nirvana nous dŽbarrasse de notre ignorance mais pour tomber dans une autre Ignorance : on a pris un stade intermŽdiaire pour une fin. Alors quĠil nĠy a pas de fin mais une ŽlŽvation constante, un Žlargissement constant de la VŽritŽ.

LĠhomme ŽveillŽ, vraiment nŽ, doit se prŽparer au prochain stade Žvolutif et passer du religieux centrŽ sur lĠautre monde au spirituel centrŽ sur la TotalitŽ. Alors rien nĠest exclu, tout sĠŽlargit. Le chercheur intŽgral devra donc tre sur ses gardes, car les expŽriences intŽrieures, touchant ˆ la substance intime de notre tre sont toujours irrŽfutables et finales lorsquĠelles se produisent ; elles sont Žblouissantes ˆ nĠimporte quel niveau. La tentation est grande de sĠy ancrer comme au havre dŽfinitif.

Quels que soient la nature, la puissance et lĠŽmerveillement dĠune expŽrience, il ne faut pas tre dominŽ par elle au point quĠelle gouverne votre tre tout entierÉ Lorsque vous entrez, dĠune faon quelconque, en rapport avec une force ou une conscience qui dŽpasse la v™tre, au lieu dĠtre entirement subjuguŽ par cette conscience ou cette force, il faut vous souvenir toujours que ce nĠest quĠune expŽrience parmi des milliers et des milliers dĠautres et que par consŽquent elle nĠa pas un caractre absolu. Si belle quĠelle soit, vous pouvez et devez en avoir de meilleures et si haute quĠelle soit, vous pouvez toujours monter plus haut dans lĠavenir.

Sri Aurobindo vŽcut des mois dans ce Nirvana avant de dŽboucher ailleurs.

La premire fois quĠil džt parler en public, ˆ Bombay il exprima son embarras ˆ LŽlŽ. Il me rŽpondit É Ç que je nĠavais quĠˆ me rendre au meeting et mĠincliner devant lĠauditoire É puis attendre et  le discours me viendrait dĠune autre source que le mental. Sri Aurobindo fit ce qui lui Žtait enjoint et le discours descendit comme si il Žtait dictŽ. Depuis lors, toutes les paroles, tous les Žcrits, toutes les pensŽes et les activitŽs extŽrieures me vinrent de la mme source, au-dessus du mental cŽrŽbral.

Ce discours de Bombay vaut dĠailleurs quĠon sĠen souvienne :

Essayez de rŽaliser cette force en vous disait-il aux militants nationalistes et de la tirer dehors. Que chaque chose que vous faites ne soit plus votre action mais lĠaction de la VŽritŽ en vous. Parce que ce nĠest pas vous, cĠest quelque chose en vous (qui agit).  Que peuvent tous ces tribunaux, les pouvoirs du monde contre Cela qui est en vous  É De quoi auriez-vous peur si vous tes conscient de Lui qui est en vous ?

Le 2 mai 1908, ˆ lĠaube, la police britannique venait le tirer du lit, revolver au poing. Sri Aurobindo a trente-cinq ans. Un attentat venait de manquer un magistrat britannique  de Calcutta : la bombe avait ŽtŽ fabriquŽe dans le jardin ou son frre, Barin, entra”nait des Ç disciples È.

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11

LĠUNITE

(72-78)

______

(p175-p190)

 

Sri Aurobindo devait passer un an ˆ la prison dĠAlipore ˆ attendre le verdict. Il nĠŽtait pour rien dans lĠattentat manquŽ. LĠorganisation de la rŽbellion nĠavait rien ˆ voir avec les actes de terrorisme individuel.

Quand je fus arrtŽ et emmenŽ prŽcipitamment au dŽp™t de Lal Bazar, ma fois fut ŽbranlŽe un moment car je nĠarrivais pas ˆ pŽnŽtrer Ses intentions É un jour passa puis deux, puis trois. Le troisime, une voix me vint du dedans : Ç Attends et regarde. Alors je devins calme et jĠattendis. È

Je me souvins quĠun mois avant mon arrestation, un appel intŽrieur mĠŽtait venu dĠabandonner toute activitŽ et de regarder en moi-mme afin dĠentrer en communion plus Žtroite avec Lui. JĠŽtais faible et ne pus accepter lĠappel.

Il me semblait quĠIl me parlait encore : Ç Ç Les liens que tu nĠavais pas la force de briser, je les ai brisŽs pour toi parce que ce nĠŽtait pas mon intention ni ma volontŽ que tu continues. JĠai autre chose pour toi et cĠest pour cela que je tĠai amenŽ ici pour tĠapprendre ce que tu ne pouvais pas apprendre par toi-mme et tĠentra”ner ˆ mon Travail. È

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Conscience cosmique

(73-75)

(p176-p182)

Sri Aurobindo avait vŽcu des mois dans une sorte de rve fantasmagorique et vide se dŽcoupant sur la seule rŽalitŽ du Transcendant.

Pourtant,  Žtrangement, cĠest au milieu de ce Vide et comme issu de lui que le monde fit ˆ nouveau irruption avec un visage neuf : dominŽ et subjuguŽ, immobilisŽ, libŽrŽ de lui-mme, le mental prend ce Silence pour le Suprme. Mais le chercheur dŽcouvre ensuite que tout est lˆ dans ce SilenceÉ Alors le vide commence ˆ sĠemplir et de lui, Žmerge ou en lui se prŽcipite, lĠincalculable diversitŽ de la VŽritŽ divine et les innombrables niveaux dĠun Infini dynamique.

CĠest dans le prŽau dĠAlipore quĠeut lieu ce nouveau changement de conscience pendant lĠheure de marche.

Je regardais ces murs qui mĠisolaient des hommes et ce nĠŽtait plus de hautes murailles qui mĠemprisonnaient, non, cĠŽtait V‰sudeva (un des nom du Divin) qui mĠentourait. É je regardais les barreaux de la cellule, la grille mme qui servait de porte et je vis encore V‰sudevaÉje regardais les prisonniers de lĠendroit, les voleurs, les meurtriers, les escrocs et comme je les regardais, je vis V‰sudeva.

LĠexpŽrience ne devait plus quitter Sri Aurobindo. Pendant les six mois que dura le procs avec ses quelques deux cents tŽmoins, il fut enfermŽ dans une cage de fer au milieu du prŽtoire.

ÉJe regardai et ce nĠŽtait plus le juge que je vis cĠŽtait V‰sudeva. Je regardai le procureur et ce nĠŽtait pas le procureur que je vis, cĠŽtait Sri Krishna qui Žtait assis lˆ et qui me souriait. Je suis dans tous les hommes me dit-il et je conduis leurs actes et leurs paroles.

Car en vŽritŽ, Dieu nĠest pas en dehors de Son monde, Ç il nĠa pas  crŽŽ Ç le monde,  il est devenu le monde  dit lĠUpanishad : Il est devenu la connaissance et lĠignorance, il est devenu la vŽritŽ et la faussetŽÉil est devenu tout ce qui est È (Ta•ttiriya Upanishad II.6)

Pour lĠÏil qui voit, tout est lĠUn ; pour lĠexpŽrience divine, tout est un bloc du Divin.

Nous croirons que cĠest lˆ une vision toute mystique du Divin ; ˆ chaque pas, nous nous heurtons ˆ la laideur, au mal ; ce monde est plein de souffrance, il dŽborde de cris obscurs ; o donc est le Divin lˆ-dedans ?

 

Ce monde de notre bataille et de nos peines est un monde fŽroce, dangereux, un monde destructeur et dŽvorant o la vie est prŽcaire o lĠ‰me et le corps se meuvent parmi dĠŽnormes pŽrilsÉNous Žrigeons un Dieu dĠAmour et de MisŽricorde, un Dieu du Bien, un Dieu juste, vertueux. Tout le reste disons-nous nĠest pas Lui, nĠest pas Sien, mais fut lĠÏuvre de quelque Pouvoir diabolique quĠIl laissa accomplir sa volontŽ mŽchanteÉIl faut regarder en face la rŽalitŽ, courageusement et voir que cĠest Dieu et nul autre qui a fait ce monde dans Son tre et quĠIl la fait tel quĠil est. Il faut voir que la Nature dŽvorant ses enfants, le Temps qui se repa”t de la vie de ses crŽatures, la Mort universelle et inŽluctable et la violence dans lĠhomme et la Nature sont aussi la DivinitŽ suprme sous lĠun de ses aspects cosmiques. Il faut voir que Dieu le CrŽateur prodigue et bienfaisant qui garde et qui sauve, la misŽricorde puissante, est aussi Dieu qui dŽvore et Dieu qui dŽtruit. CĠest seulement quand nous voyons avec lĠÏil de lĠunion complte et que nous sentons cette vŽritŽ jusquĠau trŽfonds de notre tre que nous sommes capables de dŽcouvrir derrire ce masque le calme et beau visage de Celui qui est toute fŽlicitŽ et de sentir dans la main qui met notre imperfection ˆ lĠŽpreuve la main de lĠami et du constructeur de lĠEsprit dans lĠhomme. (Essays on the Gita, 13 :41-42,367-68)

Ce monde nĠest pas fini, il devient, cĠest une conqute progressive du Divin par le Divin pour le Divin afin de devenir le plus sans fin que nous devons tre. (Savitri 28 :260)

Notre monde est en Žvolution et lĠŽvolution a un sens spirituel :

La terre aux millions de routes peinait vers la divinitŽ. (Savitri 29 :625)

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LĠtre central, la personne universelle

(75-77)

(p182-p186)

Ç Tu es Lui È, telle est la vŽritŽ Žternelle. Telle est la VŽritŽ quĠenseignaient les anciens Mystres et que les religions ultŽrieures oublirent.

Ayant perdu le secret central, elles tombrent dans tous les dualismes aberrants, substituant dĠobscurs mystres au grand Mystre tout simple.

Ç Moi et le Pre nous sommes un È disait le Christ (Jean 10,30). Ç Je suis Lui È disent les sages de lĠInde. CĠest le fait que dŽcouvre tous les hommes libres quĠils soient dĠAsie ou dĠOccident. CĠest la voix de tous les hommes, fondue dans une conscience cosmique et nous sommes tous les fils de Dieu.

Il y a deux faons de faire cette DŽcouverte, ou deux Žtapes. La premire est de dŽcouvrir lĠ‰me, lĠtre psychique, Žternellement une avec le Divin, petite lumire de cette grande Lumire : Ç LĠEsprit qui est ici-bas dans lĠhomme et lĠEsprit qui est lˆ-bas dans le Soleil en vŽritŽ sont un seul Esprit et il nĠy en pas dĠautre dit lĠUpanishad (Ta•ttiriya Upanishad III.10.). Celui qui pense Ç Il est autre et je suis autre È il ne sait pas ( Brhadaranyaka Upanishad I.4.10.)

Dans un langage Žblouissant de puissance les rishis vŽdiques affirmaient lĠŽternelle IdentitŽ du Fils et du Pre et la transmutation divine de lĠhomme. Ç DŽlivre ton Pre ! Dans ta demeure garde le sauf - ton Pre qui devient ton Fils et qui te porte Ç (Rig-Veda V.3 ;9) ;

Tout est Un parce que tout est lĠUn. Ç  Il est le fils des eaux, le fils des forts, le fils des choses qui ne bougent pas et le fils des choses qui se meuvent. Mme dans la pierre Il est lˆ. È (Rig Veda I.70.2)

Christ ne disait-il pas : Ç Ceci est mon corps, ceci est mon sang Ç   prenant ces deux symboles les plus matŽriels, les plus terre ˆ terre, du pain et du vin, pour dire que cette Matire est le corps de lĠUn cette Matire le sang de Dieu.

Nous sommes le fruit dĠune Žvolution, non dĠune succession de miracles arbitraires.

ÉIl nĠy a pas de corps sans ‰me, pas de corps qui ne soit en soi une forme dĠ‰me ; la Matire elle-mme est une substance et un pouvoir de lĠEsprit et ne pourrait exister autrement car rien ne peut exister qui ne soit substance et pouvoir de lĠEspritÉ Ce qui est muet et aveugle et la brute est Cela, non moins que lĠexistence humaine consciente et raffinŽe ou que lĠexistence animale. Tout ce devenir infini est une naissance de lĠEsprit dans les formes. (The Problem of Rebirth, 16 :272)

Quand nous avons ouvert les portes du psychique, un premier stade la conscience se dŽvoile. La conscience-force qui sĠindividualise devient de plus en plus compacte, serrŽe et elle ne se satisfait pas longtemps de cette Žtroite forme individuelle, se sentant une avec Cela. Elle veut retrouver sa totalitŽ innŽe.

ĉtre est tre pleinement, tel est le but que la Nature poursuit en nousÉ et tre pleinement cĠest tre tout ce qui est. (The Life Divine 19 :1023,1025)

LĠŽvolution est lĠŽternelle Žclosion dĠune fleur qui Žtait fleur depuis toujours. Sans cette semence au fond, rien ne bougerait parce que rien nĠaurait besoin de rien - cĠest le Besoin du monde-. CĠest notre tre central. Cet tre central se situe en tous points, au cÏur de toute chose. Quand nous lĠavons trouvŽ, tout est trouvŽ, tout est lˆ ; lĠ‰me adulte retrouve son origine, le Pre qui Žtait devenu le Fils redevient Lui-mme.

É Il nĠy a plus dĠego, plus de personne dŽfinie et dŽfinissable, seulement la conscience, seulement lĠexistence, seulement la paix et la bŽatitude ; on devient lĠimmortalitŽ, lĠŽternitŽ, lĠinfinitude. De lĠ‰me personnelle il ne reste quĠun hymne de paix et de libertŽ, une bŽatitude qui vibre quelque part dans lĠEternel.(The Synthesis of Yoga, 20 :348)

Quand nous avons souffert, vies aprs vies, de cette longue Žvolution, assez grandi pour nous apercevoir que tout nous arrive du dehors, dĠune vie plus grande que la n™tre, dĠun Mental, dĠune Matire plus vastes que les n™tres, universels, lĠheure vient de retrouver consciemment ce que nous Žtions inconsciemment depuis toujours, une personne universelle.

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Connaissance par identitŽ

(77-78)

(p186-p190)

Nous penserons peut-tre que cette conscience cosmique est une sorte de super-imagination poŽtique et mystique, une pure subjectivitŽ sans portŽe pratique. Mais dĠabord que signifie Ç objectif È ou Ç subjectif È ?  RŽellement, lĠopposition est fausse : quand tout le monde aura vŽrifiŽ la conscience cosmique ou mme, simplement la joie de CĠest ce que vous tes, ce que vous devenez, moins sauvage.

Sri Aurobindo nĠŽtait pas homme ˆ se contenter de rveries cosmiques.  On conna”t une chose parce que lĠon est cette chose. La conscience peut se dŽplacer en nĠimporte quel point de son universelle rŽalitŽ.

Les premiers sympt™mes de cette nouvelle conscience sont trs tangibles.

Tout commence ˆ changer de nature et dĠapparence. On commence ˆ conna”tre les choses par une autre sorte dĠexpŽrience, plus directe, qui ne dŽpend pas du mental extŽrieur et des sens. Il y a une nouvelle faon, plus vaste et plus profonde, dĠŽprouver, de voir, de conna”tre, dĠentrer en contact avec les chosesÉ(Letters on yoga 22 :316)

Ce nouveau mode de connaissance nĠest pas vraiment diffŽrent du n™tre, cĠest une connaissance par identitŽ. Nous connaissons parce que nous sommes ce que nous connaissons. La vraie connaissance ne sĠobtient pas par la pensŽe dit Sri Aurobindo. CĠest ce que vous tes, ce que vous devenez.

Rien ne peut tre appris ˆ lĠintelligence qui ne soit dŽjˆ secrtement connu, en puissance dans lĠ‰me qui sĠŽpanouit. De mme toute la perfection dont lĠhomme extŽrieur est capable nĠest que la rŽalisation de lĠŽternelle perfection de lĠEsprit qui est en lui. Nous connaissons le Divin et devenons le Divin parce que dŽjˆ nous Le sommes dans notre nature intimeÉ La dŽcouverte de soi est le secret ; la connaissance de soi et une conscience toujours plus large sont le moyen et le procŽdŽ.

 

Notre progrs ne se mesure pas ˆ la somme de nos inventions qui sont encore autant de moyens de rapprocher artificiellement ce que nous avons ŽloignŽ, mais ˆ la somme rŽintŽgrŽe du monde que nous reconnaissons comme nous-mme.

Et cĠest la joie –ċnanda- car tre tout ce qui est, cĠest avoir la joie de tout ce qui est.

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12

LE SUPRACONSCIENT

(79-96)

(p191-p238)

 

LĠEnigme

(79-81)

(p191-p196)

Un triple changement de conscience marque donc notre pŽriode sur terre : la dŽcouverte de lĠtre psychique ou Esprit immanent, la dŽcouverte du Nirvana ou Esprit transcendant et la dŽcouverte de lĠtre central ou Esprit cosmique. CĠest lˆ probablement le sens vŽritable de la trinitŽ Pre-Fils-Saint-Esprit dont parle la tradition chrŽtienne.

Nous n Ôavons pas ˆ dŽcider de lĠexcellence de lĠune ou lĠautre de ces expŽriences mais ˆ les vŽrifier nous-mme.

Les philosophies et les religions discutent de lĠordre de prioritŽ des diffŽrents aspects de Dieu et certains yogis, rishis ou saints ont prŽfŽrŽ telle philosophie ou telle religion ˆ telle autre. Votre affaire nĠest pas de discuter ces aspects mais de les rŽaliser tous et de les devenir tous ; nous nĠavons pas ˆ suivre une rŽalisation ˆ lĠexclusion des autres mais ˆ embrasser Dieu sous tous ses aspects et par-delˆ tout aspect. (The Hour of God, 17 :62)

CĠest le sens mme du yoga intŽgral. Mais nous pouvons nous demander sĠil nĠy a rien au-delˆ de cette triple dŽcouverte.

De fait, si nous dŽcouvrons lĠtre psychique, cĠest une grande rŽalisation, nous prenons conscience de notre divinitŽ mais elle est limitŽe ˆ lĠindividu, elle ne brise pas les murs personnels o nous sommes enclos. Si nous dŽcouvrons lĠtre central, cĠest une trs vaste rŽalisation, le monde devient notre tre mais nous perdons du mme coup notre individu. Il nĠy a plus que Cela ˆ jamais en dehors du jeu. ThŽoriquement nous pouvons dire que Pre-Fils- Saint-Esprit ne sont quĠun.

Mais pratiquement, ˆ lĠexpŽrience, chacun de ces changements de conscience semble coupŽ de lĠautre par un ab”me. Tant que nous nĠaurons pas trouvŽ le chemin dĠexpŽrience permettant de relier le panthŽiste, lĠindividualiste et le moniste, il nĠy aura pas de plŽnitude ni pour lĠindividu, ni pour le monde.

Sans individu, que nous importent les merveilleuses rŽalisations puisquĠil nĠy a plus de nous. CĠest cette contradiction lˆ quĠil faut rŽsoudre, pas en termes philosophiques mais en terme de vie et de pouvoir dĠaction.

JusquĠˆ prŽsent, toutes les religions et toutes les spiritualitŽs ont placŽ le Pre transcendant au sommet de la hiŽrarchie. Pourtant, lĠintuition nous dit que si, nous, tres dans un corps, aspirons ˆ la totalitŽ, cĠest que cette totalitŽ est lˆ sinon nous nĠy aspirerions pas. Il nĠy a pas dĠimagination, il nĠy a que des rŽalitŽs diffŽrŽes ou des vŽritŽs qui attendent leur heure. Jules Verne ˆ sa faon en tŽmoigne.

Dans sa cage, au milieu du prŽtoire, Sri Aurobindo Žtait arrivŽ au bout du chemin : il Žtait partout o il voulait dans sa conscience.  Sa Conscience infinie Žtait lˆ mais ce corps restait un corps parmi des millions dĠautres soumis aux mmes mois de la Nature. En dessous, tout continue, tout souffre, tout meurt, rien nĠest changŽ. Toute cette histoire nĠŽtait-elle donc quĠun long et laborieux transit du Divin au Divin ˆ travers lĠobscur purgatoire de la Matire ? 

Pourquoi cette matire ? Si nous regardons cette Žnigme nous voyons  que ce centre dĠ‰me nĠa pas besoin dĠtre Ç sauvŽ È comme on dit. De la seconde o lĠon entre dedans, les yeux grands ouverts on voit bien quĠelle est merveilleusement divine et lŽgre. CĠest la terre quĠil faut sauver parce quĠelle pse, cĠest la vie quĠil faut sauver parce quĠelle meurt. Les spiritualistes ont raison qui veulent nous faire gožter la lŽgŽretŽ suprme de lĠ‰me mais les matŽrialistes aussi qui piochent dans la Matire et voudraient tirer des merveilles de cette Žpaisseur- lˆ.

Ç Occupe-toi du Travail È disait la voix et ce Travail nĠŽtait pas de nager dans les bŽatitudes cosmiques mais de trouver ici-bas dans ce corps et pour la terre une voie nouvelle qui rŽconcilierait dans une seule et mme conscience la libertŽ du Transcendant, lĠimmensitŽ vivante du Cosmique et la joie dĠune ‰me individuelle sur une terre accomplie et dans une vie plus vraie. Car le vrai changement de conscience dit la Mre est celui qui changera les conditions physiques du monde et en fera une crŽation nouvelle.

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Les conditions de la dŽcouverte

(81-83)

(p196-p202)

Si nous voulons opŽrer cette transformation, deux conditions sont ˆ remplir : dĠune part, travailler dans son propre corps individuel sans sĠŽvader au-delˆ puisque ce corps est le point dĠinsertion de la conscience dans la Matire et dĠautre part, dŽcouvrir le principe de conscience qui aura le pouvoir de transformer la Matire.

Il est vrai quĠˆ force de discipline certains individus ont pu dŽfier les lois naturelles, triompher de la pesanteur, du froid, de la faim, des maladies etcÉ Il sĠagissait de changements individuels qui ˆ aucun moment nĠont ŽtŽ transmissibles. Et puis, ce ne sont pas vraiment des transformations de la matire.

Il ne sĠagit pas, comme Aurobindo et la Mre lĠenvisagent, dĠobtenir des pouvoirs Ç surnaturels È plus ou moins momentanŽs mais de changer la nature mme de lĠhomme et son conditionnement physique. Il faut que ce nouveau principe dĠexistence que Sri Aurobindo appelle supramental sĠinstalle dŽfinitivement parmi nous, en quelques-uns dĠabord, puis par rayonnement en tous ceux qui sont prts.

En dĠautres termes, il sĠagit de crŽer une surhumanitŽ divine sur terre qui ne sera plus soumise aux lois dĠignorance, de souffrance et de dŽcomposition.

Ds lors, cette vie et cette matire auraient un sens : ˆ travers la Matire, la plante, lĠanimal puis lĠhomme de plus en plus conscient, lĠEsprit Žlabore le surhomme.

É lĠ‰me a eu un passŽ prŽ-humain, elle a un devenir surhumain ( The Life Divine, 19 ::761-63)

Sri Aurobindo nĠest pas un thŽoricien de lĠŽvolution, cĠest un praticien de lĠŽvolution. Tout ce quĠil a pu dire ou Žcrire sur lĠŽvolution est venu aprs ses expŽriences. Il voyait bien que cette immensitŽ cosmique, bŽatifique, nĠŽtait pas vraiment le lieu du travail, quĠil fallait redescendre vers ce corps, humblement et chercher dedans.

Nous nous demanderons par quel mŽcanisme extŽrieur, quelle conscience plus haute que la conscience cosmique  peut opŽrer  Ç la transformation È ?

Nous pouvons rŽpondre par deux observations :

DĠabord, il ne suffit pas dĠatteindre de hauts pouvoirs de conscience, il faut encore quelquĠun qui les incarne. O est le quelquĠun dans la conscience cosmique ? Le yogi qui se concentre sur un point de son tre ramasse toutes ses Žnergies en ce point. Il fait un trou dans la carapace et il Žmerge ailleurs dans une autre dimension. Mais qui a rŽalisŽ la conscience cosmique ? CĠest un minuscule point de son tre qui a rŽalisŽ cette conscience cosmique.

Une rŽalisation en un point ne suffit pas, il faut une rŽalisation globale en tous points.  DĠo le yoga intŽgral ou Ç yoga plein È, purna yoga.

Une deuxime observation, plus importante encore, sĠimpose. Le yogi peut rŽaliser la conscience cosmique en nĠimporte quel point de son tre, ˆ nĠimporte quel niveau, dans son mental, dans son cÏur et mme dans son corps parce que lĠesprit cosmique est partout, en tout point de lĠunivers et que lĠexpŽrience peut commencer nĠimporte o. La conscience cosmique nĠest pas le point suprme de la conscience humaine. Les sommets du mental ou du cÏur, pas plus que les sommets cosmiques ne nous apportent la clŽ de lĠŽnigme et le pouvoir de changer le monde ; un autre principe de conscience est nŽcessaire. Mais un autre principe sans solution de continuitŽ avec les prŽcŽdents.

Le yoga intŽgral est celui qui, ayant trouvŽ le Transcendant peut revenir dans lĠunivers et possŽder lĠunivers, gardant ˆ volontŽ le pouvoir de descendre autant que de monter la grande Žchelle de lĠexistence. (The Synthesis of yoga, 20 :14)

Ce double mouvement dĠascension et de descente de la conscience individuelle constitue le principe de base de la dŽcouverte supramentale.

Mais en cours de route Sri Aurobindo allait toucher un ressort inconnu qui allait tout bouleverser.

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LĠascension de la conscience

(83-86)

(p203-p207)

Nous devons savoir comment elle est accessible pour nous. Or il est bien difficile de donner un schŽma et dĠaffirmer : Ç Voilˆ le chemin È parce que le dŽveloppement spirituel est toujours adaptŽ ˆ la nature de chacun et il nĠy a pas deux natures pareilles.

La vie spirituelle est un Žnorme champ dĠŽvolution, un immense royaume potentiellement plus vaste que les autres royaumes du dessousÉ (Letters on yoga, 24 :1668)

Nous pouvons donc seulement donner quelques points de repre, heureux si chacun trouve lĠindice qui Žclairera son propre chemin.

Il faudrait toujours se souvenir que le vrai systme de yoga consiste ˆ attraper le fil de sa propre conscience, ce fil brillant dont parlaient les rishis ( Rig-VŽda, X.53) et de sĠy accrocher et dĠaller jusquĠau bout.

La conscience cosmique et le Nirvana ne nous apportant pas la clŽ Žvolutive que nous cherchons nous reprenons notre enqute avec Sri Aurobindo au point o il lĠavait laissŽe ˆ Baroda avant ses deux grandes expŽriences.

LĠascension dans le Supraconscient est la premire Žtape. A mesure que le chercheur Žtablit le silence mental, quĠil pacifie son vital, quĠil se libre de son absorption dans le physique, la conscience se dŽgage des mille activitŽs o elle Žtait fondue, ŽparpillŽe. Elle acquiert alors une existence indŽpendante.

Plus elle grandit, moins elle se satisfait dĠtre enfermŽe dans un corps. Nous nous apercevons quĠelle rayonne, dans le sommeil dĠabord puis dans nos mŽditations puis les yeux grands ouverts. Elle veut monter. Cette poussŽe ascendante nĠest mme pas nŽcessairement le fruit dĠune discipline consciente, ce peut tre un besoin naturel et spontanŽ. Le chercheur sent que a vit lˆ-haut. Le silence nĠest pas une fin cĠest un moyen. Jour aprs jour, il y a des centaines de minuscules expŽriences, presque imperceptibles, qui jaillissent de ce Silence au-dessus. Il ne pense ˆ rien, soudain un dŽclic le traverse et il sait exactement ce quĠil doit faire, dans les moindres dŽtails. Ou bien un petit choc : Ç va voir untel È il va et par hasard cette personne a besoin de lui.

Il peut sentir sĠil parle ou Žcrit, comme une Žtendue au-dessus de lui, dĠo il tire la pensŽe. Mais sĠil mle son mental, tout sĠŽvanouit ou plut™t se fausse. Les moindres actes peuvent tre souverainement guidŽs par cette source silencieuse au-dessus. Une sorte de connaissance spontanŽe se fait jour en lui.

É mais le chemin est Žtroit, les portes difficiles ˆ forcer et la peur, le doute, le scepticisme sont lˆ, tentacules de la Nature qui nous interdisent de quitter les p‰tures ordinaires. (Thoughts and Aphorisms, 17 :79)

Une fois que cette Žtendue lˆ-haut sera devenue concrte, vivante, comme une plage de lumire au-dessus, le chercheur sentira le besoin dĠentrer en communication directe et de jaillir au large.

Parfois, dans le sommeil, comme un signe avant-coureur, nous serons peut-tre pris dans une grande lumire Žblouissante. Alors il faudra faire grandir cette Force dedans, cette Conscience-Force la pousser par notre besoin dĠune vie plus vraie avec le monde et les autres.

Notre plus grand progrs est un besoin qui sĠapprofondit ; refuser toutes les constructions mentales qui ˆ chaque instant essayent dĠaccaparer le fil lumineux. Se garder en Žtat dĠouverture, tre trop grand pour les idŽes.

Non seulement il faut briser le pige du mental et des sens mais fuir le pige du penseur, le pige du thŽologien et du fondateur dĠEglise, les filets de la Parole et lĠesclavage de lĠIdŽe. Tout cela est en nous, prt ˆ emmurer lĠEsprit dans les formes ; mais nous devons toujours aller au-delˆ, toujours renoncer au moindre pour le plus grand, au fini pour lĠInfini ; nous devons tre prts ˆ avancer dĠillumination en illumination ; dĠexpŽrience en expŽrience, dĠŽtat dĠ‰me en Žtat dĠ‰meÉ et nĠtre attachŽs ˆ rien, pas mme aux vŽritŽs auxquelles nous tenons le plus solidement, car elles sont des formes seulement et des expressions de lĠIneffable et lĠIneffable refuse de se limiter ˆ aucune forme, aucune expression. Nous devons rester ouvert ˆ la Parole dĠen haut. (The Synthesis of yoga, 20 :315-16)

Puis un jour, ˆ force de besoin, les portes sĠouvriront : La conscience sĠŽlve dit la Mre, elle brise cette carapace dure, lˆ, au sommet du cr‰ne et on Žmerge dans la lumire.

Cette expŽrience est le point de dŽpart du yoga de Sri Aurobindo. CĠest lĠŽmergence dans le Supraconscient.

La conscience nĠest plus enfermŽe dans le corps ou limitŽe par lui. Elle est non seulement au-dessus du corps mais Žtendue dans lĠespace...

Quand cette haute station est dŽfinitivement Žtablie, on ne redescend plus vraiment, sauf avec une fraction de la conscience qui peut venir travailler dans le corps ou aux niveaux infŽrieurs tandis que lĠtre stationnŽ en permanence au-dessus dirige toute lĠexpŽrience et tout le travail. (Letters on yoga, 24 :1136-37)

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Extase ?

(86-87)

(p207-p210)

Une fois ce dŽcollage opŽrŽ, il sĠagit de procŽder lentement et systŽmatiquement. Le premier mouvement de la conscience, en effet, est de filer tout droit vers le haut et de stabiliser dans une sorte de nirvana lumineux.  La bŽatitude qui accompagne cette Žclosion au Ç sommet È est si irrŽsistible  quĠil semblerait que ce serait dŽchoir que de redescendre ˆ des niveaux intermŽdiaires. On a quĠune envie, cĠest de rester aussi immobile que possible pour ne pas froisser cette paix toute unie. En fait, on ne sĠest mme pas aperu quĠil peut exister des niveaux intermŽdiaires entre la sortie au sommet du cr‰ne et la fusion Ç tout en haut È.  Ebloui, le chercheur perd prise, il tombe en transe en Ç extase È comme on dit en occident ou en samadhi comme on dit en Inde.

Vous entrez en samadhi, dit la Mre, quand vous sortez de votre tre conscient et que vous entrez dans une partie de votre tre qui est compltement inconscienteÉ Vous ne vous souvenez de rien parce que vous nĠtes conscient de rien.

Sri Aurobindo disait que lĠextase est une forme supŽrieure dĠinconscience.

Peut-tre le progrs de lĠŽvolution est-il prŽcisŽment dĠexplorer des zones de conscience toujours plus avancŽes dans un inŽpuisable Transcendant qui ne se situe pas vraiment Ç en haut È ou ailleurs hors de ce monde mais partout ici-bas, se dŽvoilant lentement ˆ notre vision.

Ainsi, au lieu de sĠŽvanouir au sommet, ou ˆ ce quĠil prend pour le sommet et de croire que son extase  est un signe de progrs, le chercheur devra comprendre que cĠest le signe dĠune inconscience et travailler ˆ dŽcouvrir lĠexistence vivante qui se cache sous son Žblouissement.

T‰cher de dŽvelopper votre individualitŽ intŽrieure, disait la Mre et vous pourrez entrer dans ces mmes rŽgions en pleine conscience et avoir la joie de la communion avec les rŽgions les plus hautes sans pour autant perdre conscience.

Sri Aurobindo insistait : CĠest dans lĠŽtat de veille que la rŽalisation doit venir  et durer si lĠon veut quĠelle soit une rŽalitŽ de la vieÉ Les expŽriences et la transe yoguique ont leur utilitŽ pour ouvrir lĠtre et le prŽparer, mais cĠest seulement quand la rŽalisation est constante, les yeux grands ouverts, quĠon la possde vraiment. (Letters on yoga 23 : 743)

LĠŽtat de ma”trise intŽgrale, tel est le but que nous poursuivons, non lĠŽtat de marmotte spirituelle. Quand nous nous extasions nous perdons le Ç quelquĠun È qui pourrait faire le pont entre les pouvoirs dĠen haut et lĠimpuissance dĠen bas.

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ĉtres et forces

(88-90)

(p210-p217)

Tous tant que nous sommes, nous recevons constamment et sans nous apercevoir des influences et inspirations des plans supŽrieurs supraconscients qui se traduisent par des idŽes, idŽaux, aspirations, Ïuvres dĠart, de mme que nous recevons des vibrations vitales ou des vibrations physiques.

LĠhomme bavarde intellectuellement et Žtourdiment, il discute les rŽsultats de surface quĠil attribue tous ˆ son Ç noble moi È, ignorant que ce Ç noble moi È est cachŽ loin, bien loin de sa vision, derrire le voile de son intellect lŽgrement miroitant et la brume Žpaisse de ses sentiments, ses Žmotions, ses impressions, ses sensations et impulsions. (correspondance with Sri Aurobindo I,460)

Notre seule libertŽ est de nous Žlever ˆ des plans de plus en plus hauts.

Nous pourrions souligner que ces plans ne dŽpendent pas de nous et de ce que nous pensons. Ils existent indŽpendamment de lĠhomme. La psychologie moderne mŽlange tous les degrŽs dans un soi-disant Ç inconscient collectif È. Cela tŽmoigne dĠune insuffisance de vision. DĠune part, parce que les forces de ces plans ne sont pas inconscientes mais au contraire beaucoup plus conscientes que nous et dĠautre part, parce que ces forces ne sont pas Ç collectives È.

Les gradations de conscience sont des Žtats universels qui ne dŽpendent pas de la faon de voir de la personnalitŽ subjective. Au contraire, la faon de voir de la personnalitŽ subjective est dŽterminŽe par le niveau de conscience auquel elle appartient et o elle se trouve organisŽe, conformŽment au type de sa nature ou ˆ son stade Žvolutif. (Letters on yoga, 22 :235)

Ce nĠest pas une question de thŽorie mais dĠexpŽrience ˆ laquelle chacun est conviŽ : quand on sort de son corps et que lĠon entre consciemment dans ces plans on voit bien quĠils existent parfaitement en dehors de nous.

Le deuxime point important concerne les forces conscientes et les tres qui peuplent ces plans. Il faut bien mettre en Žvidence ici la part de superstition et la part de vŽritŽ. Comme toujours, les deux sont Žtroitement liŽes. CĠest pourquoi le chercheur intŽgral devra tre armŽ de cette claire austŽritŽ sur laquelle Aurobindo insistait tant.

Dans ces plans, soit dans le sommeil, soit en mŽditation, soit en extŽriorisation volontaire, on peut voir deux sortes de choses : des courants de force impersonnels, plus ou moins lumineux ou des tres personnels. Mais ce sont deux faons de voir la mme chose.

Le mur entre ce que lĠon appelle conscience et force, impersonnel et personnel, devient trs mince quand on passe derrire le voile de la Matire. Si lĠon regarde un processus du c™tŽ de la force impersonnelle, on voit une Žnergie ou une force en action qui fonctionne dans un but et produit un rŽsultat ; si lĠon regarde du c™tŽ de lĠtre, on voit un tre qui possde une force consciente, qui la dirige et lĠutiliseÉ (Letters on yoga, 22 :235)

Certains chercheurs ne verront donc jamais dĠtres, que des forces lumineuses, dĠautres ne verrons que des tres et jamais de forces, tout dŽpendra de leur attitude intŽrieure. CĠest ici que la subjectivitŽ commence et avec elle, les risques dĠerreur ou de superstition.

Le critre de la vŽritŽ est dans la multiplicitŽ dĠexpŽriences qui prouve que nous nous approchons dĠune vŽritŽ vivante. Telle sainte chrŽtienne qui a la vision de la Vierge et telle Indienne qui a la vision de Dourga  voient peut-tre la mme chose. Elles sont peut-tre entrŽes en contact avec le mme niveau de conscience et les mmes forces. Mais il est bien Žvident que Dourga ne signifierait rien pour une chrŽtienne et que si par ailleurs cette force se manifestait sous forme de vibration lumineuse impersonnelle elle ne serait pas accessible, dans cet exemple, ni ˆ la fidle de la Vierge ni ˆ celle de Dourga.  Si un pote, Rimbaud ou Shelley sĠouvraient ˆ ces mmes plans de conscience ils verraient encore autre chose, qui pourtant est toujours la mme chose. Rappelons Rimbaud : Ç ï bonheur, ™ raison, jĠŽcartai du ciel lĠazur, qui est du noir et je vŽcus Žtincelle dĠor de la lumire nature È. Le mathŽmaticien qui, dans un Žclair le transportant de joie, voit une figuration nouvelle du monde a peut-tre lui aussi touchŽ ˆ la mme hauteur de conscience.

Ce serait une erreur de croire que les forces dites impersonnelles sont des forces mŽcaniques amŽliorŽes. Elles ont une intensitŽ, une chaleur, une joie lumineuse qui a toute la prŽsence dĠune personne sans visage.

Avec cet or vient une Connaissance spontanŽe pleine dĠallŽgresse. Pratiquement, la seule chose essentielle est de sĠouvrir ˆ ces plans supŽrieurs. Quand on touche ˆ la lumineuse VŽritŽ on voit quĠElle peut tout contenir et que tout le monde est son enfant.

Pourtant, la Ç claire austŽritŽ È est une protection puissante, car malheureusement tout le monde nĠa pas la capacitŽ ˆ sĠŽlever ˆ de hautes rŽgions o les forces sont pures. Il est beaucoup plus facile de sĠouvrir au niveau vital qui est le monde de la grande Force de Vie, du dŽsir et des passions (celui que connaissent bien les mŽdiums et les occultistes)  et lˆ, les forces infŽrieures ont t™t fait de prendre les apparences divines sous des couleurs Žclatantes. Si le chercheur est pur, il verra bien la supercherie.

Nous pouvons essayer maintenant de donner un aperu de ces gradations supraconscientes telles que Sri Aurobindo en a eu lĠexpŽrience. Ce qui se rapproche le plus de la vŽritŽ universelle ce ne sont pas des formes mais des vibrations lumineuses qui contiennent de faon inexprimable, la joie, la connaissance, la beautŽ et toutes les qualitŽs qui revtent ˆ divers degrŽs les hautes manifestations de la conscience humaine.

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Les plans du mental

(92-97)

(p217-p238)

Avant dĠatteindre le plan supramental qui est le commencement de lĠhŽmisphre supŽrieur de lĠexistence, le chercheur traverse diverses couches mentales, ou mondes, que Sri Aurobindo a respectivement appelŽ, dans lĠordre ascendant, mental supŽrieur, mental illuminŽ, mental intuitif et surmental ( ˆ ne pas confondre avec supramental). Naturellement nous pouvons utiliser dĠautres termes sĠil nous pla”t. Ces quatre zones font thŽoriquement partie du Supraconcient. Nous disons, thŽoriquement, car cette ligne varie selon les individus : pour certains par exemple, le mental supŽrieur ou mme le mental illuminŽ font partie de la conscience normale alors que pour dĠautres la simple raison raisonnante est un stade encore lointain  du dŽveloppement intŽrieur.

Le mental ordinaire que nous connaissons tous voit les choses pas ˆ pas, linŽairement. Il ne peut pas faire de bonds sinon cela fait des trous dans sa logique. Il dit que cĠest dŽcousu, irrationnel, fumeux. Tout ce qui ne figure pas sur son petit Žcran momentanŽ appartient au monde de lĠerreur, du mensonge, de la nuit.  Le mental ordinaire dŽcoupe des petits morceaux de temps et dĠespace. Plus on descend lĠŽchelle, plus le dŽcoupage sĠaccentue.

Il est une autre conscience supramentale qui peut Žlargir lĠobturateur et voir simultanŽment le prŽsent, le passŽ et le futur. Le blanc et le noir, la vŽritŽ et ce quĠil est convenu dĠappeler lĠerreur. Il nĠy a pas de contraires, il nĠy a que des complŽmentaires. Toute lĠhistoire de lĠascension de la conscience  est lĠhistoire dĠune dŽ-obturation et le passage dĠune conscience linŽaire ˆ une conscience globale.

Sri Aurobindo dit Ç global È car la conscience supŽrieure nĠest pas amputŽe de sa moitiŽ infŽrieure. Le haut nĠannule pas le bas, il lĠaccomplit. Le secret est de dŽcouvrir lĠintemporel dans le temporel et lĠinfini dans le fini.

Une loi de fragmentation grandissante prŽside ˆ la descente de la conscience, de lĠEsprit ˆ lĠatome.

a)   Le mental ordinaire

 

CĠest la qualitŽ de la lumire ou la qualitŽ des vibrations qui, essentiellement, permet de distinguer un plan de conscience dĠun autre.

Pour lĠÏil qui voit, le mental ordinaire appara”t dans une sorte de grisaille, avec une quantitŽ de petits points foncŽs ou de petits nÏuds vibratoires assez obscurs. Ce fond neutre comme dit Sri Aurobindo est si Žpais, si collant quĠil tire tout vers le bas. Nous ne sommes pas capables de supporter longtemps ni la joie ni la souffrance.

 

b)  Le mental supŽrieur

 

Ce nouveau degrŽ appara”t frŽquemment chez les philosophes et les penseurs. Il est dŽjˆ moins opaque, plus libre. Le fond nĠest plus tout ˆ fait gris et tire sur le bleu. La joie tend ˆ durer davantage, lĠamour ˆ tre plus large. Mais cĠest encore une lumire froide, un peu dure. Il commence ˆ comprendre quand il a expliquŽ.

 

c)   le mental illuminŽ

 

Il est d Ôune autre nature. A mesure que le mental accepte le silence, il accde ˆ ce domaine. Ce qui arrivait goutte ˆ goutte arrive ˆ flots. La conscience sĠemplit dĠun flot de lumire, souvent dorŽe, o sĠinfusent des colorations variables suivant lĠŽtat intŽrieur ; cĠest une invasion lumineuse. Et en mme temps, un Žtat dĠenthousiasme, un Žveil subit comme si tout lĠtre Žtait sur le qui-vive. On est dans un Žtat de vŽritŽ indicible sans rien y comprendre- simplement cĠest.

 

Pour chacun, ce flot lumineux se traduira dĠune faon diffŽrente. Pour les uns, ce sera un Žpanouissement poŽtique soudain, dĠautres verront des formes architecturales  nouvelles, dĠautres seront sur la piste de nouvelles dŽcouvertes scientifiques. Il est curieux de voir la qualitŽ de potes de toutes langues, chinois, indiens, anglais, etcÉ parmi les disciples de Sri Aurobindo, comme si la poŽsie et les arts Žtaient le premier rŽsultat pratique de son yoga.

La poŽsie est le truchement le plus commode pour faire comprendre ce que sont ces plans de conscience supŽrieurs.

Sri Aurobindo, dans son Žnorme correspondance poŽtique et sa PoŽsie future a donnŽ de nombreux exemples de la poŽsie issue du mental illuminŽ.  CĠest Rimbaud qui nous donnerait la meilleure illustration, son Bateau ivre en particulier, si on veut bien se dŽtacher du sens et Žcouter ce qui vibre par derrire.

La poŽsie et toutes les formes dĠart ne sont quĠun moyen dĠattraper au pige une indicible note qui est le vrai de la vie :

Je sais les cieux crevant en Žclairs, et les trombes

Et les ressacs et les courants ; je sais le soir

LĠAube exaltŽe ainsi quĠun peuple de colombes,

Et jĠai vu quelquefois ce que lĠhomme a cru voir.

 

Une poŽsie est dite Ç illuminŽe È non pas ˆ cause de son sens. Elle est illuminŽe parce quĠelle contient la note particulire de ce plan.

En mme temps que sa beautŽ, nous dŽcouvrons les limites du mental illuminŽ. LĠenthousiasme se change facilement en exaltation  et si le reste de lĠtre nĠest pas suffisamment purifiŽ, nĠimporte quelle partie infŽrieure peut se saisir de la lumire et de la force qui descend pour lĠutiliser ˆ ses fins, cĠest un Žcueil frŽquent. Elle entra”ne des incohŽrences frŽquentes, des vagues.

Plus on monte dans la conscience, plus il faut un Žquilibre de granit.

 

d)   Le mental intuitif

 

Le mental intuitif contraste avec le mental illuminŽ par sa claire transparence. Il est rapide. La connaissance est un Žclair jailli du silence.

Avec lĠintuition vient une joie particulire, diffŽrente semble-t-il de la joie illuminŽe. CĠest une sorte de reconnaissance, comme si nous Žtions deux, toujours, un frre qui vit dans la lumire et un frre dĠombre, nous-mme. Tout ˆ coup il y a co•ncidence, on est un. On est un dans un point de lumire.

Quand nous serons un sur tous les points, ce sera la vie divine.

Ce point de co•ncidence est la connaissance. On sait parce que lĠon reconna”t.

Qui nĠa pas vu une fois, qui nĠa pas ce souvenir ?

Le langage de lĠintuition se ramasse dans une formule concise.

Mais ce mental a ses limites. LĠespace dŽvoilŽ par lĠŽclair est saisissant, irrŽfutable mais ce nĠest quĠun espace de VŽritŽ.

En outre, le mental sĠempare de lĠintuition et il en tire ˆ la fois trop et trop peu : quand on explique, les trois quarts du pouvoir transformateur se sont ŽvaporŽs.

Si le chercheur prend soin de garder son silence, sĠil est patient, il verra les Žclairs, peu ˆ peu se multiplier, devenir plus serrŽs et une autre conscience se former.

 

e)   Le surmental

 

Le surmental est le sommet rarement atteint de la conscience humaine. CĠest une conscience cosmique mais sans perte de lĠindividu. CĠest le monde des dieux et la source inspirŽe des grands fondateurs de religion. Toutes les religions sont parties dĠune expŽrience  surmentale sous lĠune de ses mille facettes.

Ceux qui incarnent la rŽvŽlation ne lĠont pas tirŽe de rien : le surmental est leur plan dĠorigine. CĠest aussi le lieu dĠorigine des hautes crŽations artistiques. Mais soulignons-le cĠest encore un plan du mental, bien que le sommet.

Quand la conscience sĠŽlve ˆ ce plan, elle ne voit plus Ç point par point È mais calmement par grandes masses.( Collected Poems, 5 :589). La conscience ne voit plus par Žclairs isolŽs mais cĠest, selon lĠexpression vŽdique, Ç un ocŽan dĠŽclairs stables È.La grande diffŽrence avec les autres plans, tient ˆ lĠuniformitŽ presque complte de la lumire.

La conscience surmentale complte est celle rŽalisŽe par les rishis vŽdiques par exemple. Il en rŽsulte une vision continue, universelle. On conna”t la joie universelle, la beautŽ universelle, lĠamour universel. Du moment o la lumire est partout, la joie, lĠharmonie et la beautŽ sont partout.

On peut accŽder ˆ cette conscience surmentale par toutes sortes de voies, par une intensitŽ religieuse, une intensitŽ poŽtique, intellectuelle, artistique, hŽro•que, par tout ce qui aide lĠhomme ˆ se dŽpasser lui-mme. Malheureusement les artistes et les crŽateurs ont un ego considŽrable.

 

f)    PoŽsie mantrique

 

Les plans de conscience ne se distinguent pas seulement par des vibrations lumineuses dĠintensitŽ diffŽrente mais par des vibrations auditives diffŽrentes ou des rythmes que lĠon peut entendre lorsquĠon a cette Ç oreille de lĠoreille È dont parle le VŽda.

Plus on descend lĠŽchelle de la conscience, plus les vibrations auditives comme les lumires, les tres ou les forces se fragmentent. Plus on sĠŽlve plus les vibrations sĠharmonisent, telles certaines grandes notes des quatuors ˆ cordes de Beethoven qui semblent nous tirer vertigineusement, ˆ bout de souffle sur des hauteurs Žblouissantes de lumire pure. La rapiditŽ vibratoire fait virer lĠarc-en-ciel dans un blanc pur.

Il existe en Inde une connaissance secrte fondŽe sur les sons et les diffŽrences de modalitŽ vibratoire suivant les plans de conscience. Par exemple le son OM enveloppe les centres de la tte alors que le son RAM touche le centre ombilical.

On peut par la rŽpŽtition  (japa) de certains sons se mettre en communication avec le plan de conscience correspondant.

Les sons de base  qui ont le pouvoir dĠŽtablir la communication sont appelŽs mantra.

La poŽsie et la musique qui sont un maniement inconscient des vibrations secrtes, sont de puissants moyens dĠouverture de la conscience.

Le mantra, ou la haute poŽsie, la haute musique, la parole sacrŽe, sont issus du surmental. CĠest la source de toutes les activitŽs crŽatrices ou spirituelles. Nous pourrions essayer de dire en quoi consiste la vibration ou le rythme particulier du surmental.

Il est tout ˆ fait Žvident que passŽ un certain niveau de conscience, ce ne sont plus des idŽes que lĠon voit. Il y a littŽralement des vibrations ou des ondes, des rythmes qui sĠemparent du chercheur, qui lĠenvahissent, puis se recouvrent de mots et dĠidŽes. Et si le pote corrige et recorrige, ce nĠest pas pour amŽliorer la forme mais pour attraper cette chose qui vibre. Si la vibration nĠest pas lˆ, toute sa magie sĠŽcroule.

A la frontire extrme du surmental il ne reste plus que des grandes ondes de lumire colorŽe dit la Mre.

 

Ainsi sĠachvent les degrŽs de lĠascension que Sri Aurobindo fit seul dans sa cage dĠAlipore. Nous nĠavons donnŽ que quelques reflets humains et nous nĠavons rien dit de lĠessentiel, rien de ces mondes tels quĠils existent dans leur gloire, indŽpendamment de nos p‰les traductions.

 

Le 6 mai 1909, aprs un an de prison, Sri Aurobindo est acquittŽ. Son frre Barin, ˆ c™tŽ de lui dans la cage, est condamnŽ ˆ la potence. ( sa peine sera commuŽe en dŽportation ˆ vie aux ”les Andaman. Il sera libŽrŽ en 1919).


Mais Sri Aurobindo entendait toujours la voix :

Souviens –toi, nĠaie jamais peur, nĠhŽsite jamais. Souviens-toi, cĠest Moi qui fais, pas toi, ni personne dĠautre. Quels que soient les nuages qui viendront, quels que soient les dangers et les souffrances, les difficultŽs, quelles que soient les impossibilitŽs, il nĠy a rien dĠimpossible, rien nĠest difficile. CĠest Moi qui fais.

 

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13

SOUS LE SIGNE DES DIEUX

(98-101)

 

________________________

 

(p239-p250)

 

 

LorsquĠil sort de la prison dĠAlipore, Sri Aurobindo retrouve une scne politique vidŽe par les exŽcutions et les dŽportations massives du gouvernement britannique.

Il se remet au travail et fonde un hebdomadaire bengali et un autre de langue anglaise, le karmayogin, qui porte la devise bien symbolique de la G”t‰ : Ç le yoga est lĠhabiletŽ dans les Ïuvres. È

Il proclame ˆ nouveau lĠidŽal dĠindŽpendance et la Ç non coopŽration Ç  avec les anglais. Mais ce nĠest plus seulement le destin de lĠInde qui le prŽoccupe mais celui de lĠhumanitŽ tout entire. Il sĠinterroge sur lĠavenir de lĠhomme. Que peut lĠhomme ?

 

Nous avons tous lĠespoir quĠavec le dŽveloppement de la conscience et de la science rŽunies, nous arriverons ˆ une humanitŽ meilleure et ˆ une vie plus harmonieuse. Mais on ne change pas la vie avec des miracles, on la change avec des instruments. Et nous nĠavons quĠun instrument : le Mental. Or tout se passe, semble, t-il, comme si les plus belles idŽes, les plus hauts plans crŽateurs, les actes dĠamour les plus purs, Žtaient automatiquement dŽfigurŽs, contrefaits, polluŽs ds quĠils descendent dans la vie.

Il est clair remarque Sri Aurobindo que le Mental nĠa pas ŽtŽ capable de changer indŽfiniment les institutions humaines et pourtant lĠimperfection finira toujours par briser toutes vos institutionsÉ Il faut un autre pouvoir, qui non seulement pourra rŽsister ˆ cette gravitation descendante, mais la vaincre.        (Evening Talks, 99-100)

Le Mental ne sait faire que des systmes et il veut tout enfermer dans son systme.

Aux prises avec la vie, le Mental devient empirique et doctrinaire. (The Human Cycle, 15 :102). Il attrape un bout de vŽritŽ, une goutte dĠillumination divine et il en fait une loi pour tout le monde. Il confond unitŽ et uniformitŽ.

Chaque homme appartient non seulement ˆ lĠhumanitŽ commune, mais ˆ lĠinfini qui est en lui, et, par consŽquent, chaque homme est unique. Telle est la rŽalitŽ de notre existence, et cĠest pourquoi la raison intellectuelle et la volontŽ intelligente ne peuvent pas tre les souverains de la vie, bien quĠelles puissent tre actuellement nos instruments suprmes et quĠelles aient pu tre suprmement importantes et utiles au cours de notre Žvolution. (The Human Cycle, 15 :100, 103-104)

Si lĠŽvolution est comme lĠassure Sri Aurobindo une Žvolution de la conscience, nous pouvons penser que lĠhumanitŽ ne restera pas sempiternellement au stade mental actuel ; que son mental sĠilluminera, deviendra de plus en plus intuitif et peut-tre sĠouvrira au surmental.

Le surmental est une conscience de dieu, cĠest la conscience mme des plus grands prophtes que lĠhumanitŽ ait connus- une masse de lumire stable.

Malheureusement deux faits viennent contredire cet espoir ; lĠun qui tient ˆ lĠinŽgalitŽ du dŽveloppement des individus et lĠautre ˆ la nature mme du surmental.  Le surmental peut sembler une puissance assez formidable ˆ c™tŽ de notre mental mais cĠest une supŽrioritŽ en degrŽs de la mme qualitŽ. Il peut diviniser lĠhomme mais aussi le Ç colossaliser È dit Sri Aurobindo. ( The Life Divine, 19 :722), car si lĠhomme attache cette nouvelle puissance ˆ son ego au lieu de lĠattacher ˆ son ‰me, il fera un surhomme nietzschŽen, non un dieu. Mme si on suppose que lĠhomme accepte dĠobŽir ˆ son ‰me, non ˆ son ego, le surmental ne changera pas la vie pour les raisons mmes qui ont empchŽ le Christ et tous les grands prophtes de la changer parce que le surmental nĠest pas un principe  de conscience nouveau.

LĠŽchec du surmental tient ˆ plusieurs raisons. DĠabord, cĠest un principe de division. Ce nĠest pas un principe de division dans la division comme le mental mais cĠest un principe de division dans lĠunitŽ : il voit tout, mais il voit tout de son propre point de vue. (Letters on yoga, 24 :1154)

Il suffit dĠŽcouter les voix, apparemment contradictoires de nos prophtes, pour sĠapercevoir que chacun voit lĠunitŽ mais que chacun la voit de son point de vue. Nous nous trouvons ainsi devant une sŽrie dĠexpŽriences ou de visions divines apparemment inconciliables. Ils proclament, soit la vŽritŽ du Dieu personnel, la vŽritŽ du Dieu impersonnel, la vŽritŽ du Nirvana, la vŽritŽ de lĠAmour, la vŽritŽ de la Force, de la beautŽ, de lĠintellect.

Toutes sont des vŽritŽs divines, toutes, des expŽriences totalement vraies mais toutes sont un seul rayon de la lumire totale. Naturellement, ces hauts prophtes sont assez sages pour voir la vŽritŽ des autres expressions divines - ils sont plus sages que leurs Eglises, plus sages que leurs fidles - mais ils sont liŽs par une incapacitŽ de la conscience qui ne peut sĠempcher de diviser.

CĠest ainsi que des millions dĠidŽes-forces se partagent le monde : communisme, individualisme ; non-violence, force guerrire, Žpicurisme, ascŽtismeÉ chacune est une facette de la VŽritŽ divine. Faire une synthse ne rŽtablira pas lĠunitŽ car ce sera encore une synthse mentale, non lĠunitŽ.

Ce que nous semblons oublier et cĠest lĠŽternelle faille, les hommes sont inŽgalement dŽveloppŽs. Nos foyers de gr‰ce sont comme des ”les de lumire au sein dĠune humanitŽ moins ŽvoluŽe qui, naturellement, tendrait constamment ˆ rŽ-envahir, obscurcir ou niveler la lumire privilŽgiŽe. Nous savons tous le sort de la Grce et de Rome au milieu du monde barbare.

LĠhistoire de tous les mouvements religieux, occultes, initiatiques, chevaleresques, ou autres, ˆ travers le monde, nous montrent assez quĠaprs la mort du Maitre et de ses initiŽs directs tout sĠŽparpille, se dŽforme ou meurt.

 

Sri Aurobindo Žtait en qute dĠune vraie vie ici-bas : La vie, non quelque au-delˆ lointain, silencieux, extatique, la vie seule est le champ de notre yoga. (The Synthesis of yoga, 20 :82) et il se rendait ˆ lĠŽvidence que les sommets de la conscience ne suffisent pas ˆ faire de la vie une vraie vie.

Quand on est tout lˆ- haut dans la conscience, constate la Mre, on voit les choses, on sait, mais en fait, quand on redescend dans la Matire, cĠest comme de lĠeau qui entre dans le sable.

 

Depuis des sicles nous avons fait le voyage dĠascension mais nous nĠavons trouvŽ que la moitiŽ du Secret. Faut-il peut-tre trouver ici-bas, dans la Matire, lĠautre moitiŽ du Secret. Il nĠy a quĠune seule issue, ce nĠest pas de sĠŽvader mais de trouver au fond de la Mort et de lĠInconscience, au fond du Mal, la clŽ de la vie divine.  CĠest de transformer cette barbarie et notre nuit dĠen bas, non de la bannir de notre ”le.

Car le Secret, ce que Sri Aurobindo a appelŽ le Supramental, nĠest pas un degrŽ de plus au –dessus du surmental, ce nĠest pas un supramental ni une super-ascension, cĠest un nouveau Signe qui nĠest plus celui des dieux et des religions et dont dŽpend lĠavenir mme de notre Žvolution.

En fŽvrier 1910, moins dĠun an aprs sa sortie dĠAlipore, un soir, dans les bureaux du Karmayogin, Sri Aurobindo est averti quĠon va lĠarrter de nouveau et le dŽporter aux ”les Andaman. Il entend la Voix, soudain, qui prononce trois mots : Va ˆ Chandernagor. Dix minutes aprs, il avait pris la premire barque pour traverser le Gange et il Žtait parti. CĠŽtait la fin de sa vie politique, la fin du yoga intŽgral et le commencement du yoga supramental.

 

 

 

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14

LE SECRET

(102-112)

_________

 

(p251-p275)

 

 

 

Nous pouvons tenter de dire ce Secret, mais en nous souvenant que lĠexpŽrience est en cours. Sri Aurobindo a travaillŽ pendant quarante ans ˆ Chandernagor ; il y a laissŽ sa vie. La Mre continue.

Sri Aurobindo ne nous a jamais dit les circonstances de sa dŽcouverte.  Quand il parlait, rapporte avec une surprise na•ve son h™te de Chandernagor, on sentait que cĠŽtait quelquĠun dĠautre qui parlait en lui. Je mettais de la nourriture devant lui et il restait ˆ la contempler, puis il mangeait un peu, mŽcaniquement. Il semblait absorbŽ, mme en mangeant, et il mŽditait les yeux grands ouverts !

Ce nĠest que plus tard, ˆ travers ses Ïuvres ou des fragments de conversation que nous retrouvons le fil de son expŽrience.

Le premier indice nous vient dĠune remarque fortuite quĠil fit ˆ un disciple et qui montre que, ds Alipore, il Žtait sur la piste : Pendant deux semaines, confia-t-il, jĠeus la vision de toutes sortes de tortures et de souffrances, or, dans ces mondes, visions est synonyme dĠexpŽrience si lĠon comprend ce que cela veut dire. Au moment mme o Sri Aurobindo faisait son ascension vers le surmental, sa conscience descendait donc, simultanŽment, dans ce quĠil est convenu dĠappeler les enfers.

Ce nĠest pas un yoga pour les faibles dit la mre et cĠest vrai.

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Les degrŽs subconscients

(103-104)

(p252-p254)

 

Le subconscient dont parle la psychologie moderne nĠest que la frange extŽrieure dĠun monde presque aussi vaste que le supraconscient, avec ses degrŽs, ses forces, ses tres (ou ses tres-forces si lĠon prŽfre). CĠest notre passŽ Žvolutif, immŽdiat et lointain avec toutes les empreintes de notre vie prŽsente et toutes celles de nos vies passŽes, de mme que le Supraconscient est notre avenir Žvolutif. Tous les rŽsidus et toutes les forces qui ont prŽsidŽ ˆ notre ascension de la Matire ˆ lĠanimal et de lĠanimal ˆ lĠhomme sont non seulement gravŽes lˆ, mais continuent de vivre et de nous influencer. Ce double mystre renferme la clŽ du Secret total. Nul ne peut atteindre le ciel sĠil nĠest passŽ par lĠenfer. (Savitri, 28 :227)

Il est vrai que lĠon peut parvenir aux bŽatitudes spirituelles sans conna”tre ces mauvais lieux, sauf par accident ; mais il y a ciel et ciel de mme quĠil y a enfer et enfer. ( chaque degrŽ de notre tre a son Ç ciel Ç et son Ç enfer È)

GŽnŽralement, les hommes religieux sortent de lĠindividu et du mme coup ils sortent du subconscient mais cĠest seulement un passage. De mme, le ciel quĠils contemplent consiste ˆ sortir de lĠexistence extŽrieure et ˆ plonger dans lĠextase.

Le but de ce yoga, nous lĠavons dit, nĠest pas de perdre conscience, pas plus en bas quĠen haut. Et surtout de ne pas fermer les yeux en bas. Partout o il va, le chercheur intŽgral doit voir, cĠest le premier stade de la ma”trise. Car il ne sĠagit pas de Ç passer È ˆ une existence meilleure mais de transformer lĠexistence prŽsente.

De mme quĠil y a plusieurs degrŽs supraconscients, il y a plusieurs couches ou mondes subconscients, plusieurs Ç enclos obscurs È comme dit le Rig-Veda. Et il y  a un subconscient derrire chacun des degrŽs de notre tre.

On conoit donc quĠil ne peut y avoir de vraie vie sur la terre tant que ces mondes seront les ma”tres. Or nous sommes le lieu o la bataille se joue en nous, tous les mondes se rencontrent, du plus haut au plus bas.

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Limites de la psychanalyse

(104-105)

(p254-p259)

 

 

La psychologie contemporaine sĠest avisŽe aussi de lĠimportance du subconscient et de la nŽcessitŽ du nettoyage. Seulement, ils nĠont vu quĠune moitiŽ du tableau, le subconscient sans le Supraconscient et ils ont cru quĠavec leur petite lueur mentale ils pourraient Žclairer cette caverne. `

 

Il est une loi psychologique fondamentale, ˆ laquelle personne nĠŽchappe, ˆ savoir que la descente est proportionnelle ˆ lĠascension : on ne peut pas descendre plus bas que lĠon est montŽ.

A moins que nos psychologues ne soient particulirement lumineux, ils ne peuvent pas vraiment descendre dans le subconscient et, partant, ils ne peuvent pas vraiment guŽrir. On ne peut guŽrir que si lĠon guŽrit tout au fond, et on ne peut aller tout au fond que si lĠon va tout en haut. Plus on va descendre, plus il faut une lumire puissante, sinon on se fait manger.

Malheureusement la psychanalyse est devenue un nouvel Žvangile, elle a puissamment contribuŽ ˆ fausser les esprits en les fixant de faon malsaine sur leurs possibilitŽs fangeuses plut™t que sur leurs possibilitŽs divines.

Il faudrait toujours commencer par une expŽrience positive, non par une expŽrience nŽgative, et faire descendre dĠabord, autant quĠon le peut, la nature divine, le calme, la lumire, lĠŽquanimitŽ, la puretŽ, dans les parties conscientes de notre tre et qui doivent tre changŽes ; cĠest seulement quand on y est parvenu suffisamment et que lĠon a Žtabli une base positive solide, que lĠon peut alors, sans danger, soulever les adversaires cachŽs dans le subconscient afin de les dŽtruire ou de les Žliminer par la force du calme divin, de la lumire, de lĠintensitŽ et de la connaissance divines. ( Letters on Yoga, 24 : 1606-08)

 

Mais il est un autre dŽfaut de la psychanalyse, plus grave encore. Les psychologues, du haut de leur mental, ne peuvent pas voir suffisamment loin dans lĠavenir pour comprendre le bien que ce mal prŽpare et la Force dynamique sous le jeu des contraires ; il faut un autre pouvoir et, surtout, une autre vision.

Il faut conna”tre le tout avant de conna”tre la partie, et ce qui est tout en haut avant de comprendre vraiment ce qui est tout en bas. Tel est le domaine de la psychologie future. Quand son heure sera venue tous ces pauvres t‰tonnements sĠŽvanouiront, rŽduits ˆ rien. ( Letters on Yoga, 24 :1608-09)

Ç LĠarbre Žternel a ses racines en haut et plonge ses branches vers le bas Ç  dit la Katha Upanishad (II.III ;1).

 

LĠavenir ne va pas seulement de bas en haut, sinon il nĠy aurait pas dĠespoir pour la terre. Il va de haut en bas ; il descend de plus en plus dans notre brouillard mental, nos confusions vitales jusquĠˆ ce quĠil ait tout ŽclairŽ, tout rŽvŽlŽ, tout guŽri et finalement tout accompli. Plus il descend, plus la rŽsistance augmente. Au point suprme o cet Avenir touchera le fond du passŽ, o cette Lumire crvera le fond de la Nuit, si Dieu veut, nous trouverons le secret de la Mort et de la Vie immortelle.

 

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La moitiŽ obscure de la vŽritŽ

(105-108)

(p259-268)

 

 

CĠest par une expŽrience positive que le chercheur a commencŽ. Il sĠest mis en route parce quĠil avait besoin dĠautre chose. Il a fait des essais de silence mental et il sĠest aperu que le seul fait de son effort provoquait une RŽponse. Il a senti une vibration nouvelle en lui qui faisait la vie plus claire, plus vivante.

Puis, soudain, aprs ce dŽpart en flche tout sĠest voilŽ : quelque chose est en train de se venger, en lui par une levŽe de scepticisme, de dŽgožt, de rŽvolte. Et ce sera le deuxime signe, peut-tre le vrai signe quĠil est en train de progresser. Le progrs, en dŽfinitive, ne consiste pas tant ˆ sĠŽlever quĠˆ dŽcanter tout ce qui encombre-quand on est clair tout est lˆ.

Et le chercheur dŽcouvre ses multiples encombrements. On a souvent lĠimpression, sur la voie du yoga intŽgral, de sĠtre mis en route pour le meilleur et de dŽcouvrir le pire, dĠavoir cherchŽ la paix et la lumire et de dŽcouvrir la guerre. En fait, cĠest une bataille, il ne faut pas se le cacher.

Quand le chercheur aura eu une premire ouverture dŽcisive sur le haut, quĠil aura vu la Lumire, il sentira simultanŽment comme un coup de boutoir en bas. Il aura appris sa premire leon : on ne peut pas faire un pas en haut sans faire un pas en bas.

Ce double mouvement dĠascension et de descente constitue le processus fondamental du yoga intŽgral.

Tant que nos Žtats psychologiques seront simplement lĠenvers dĠun autre et notre bien lĠenvers du mal il nĠy a pas dĠespoir que la vie se transforme. En mme temps que ses illuminations Rimbaud avait accs ˆ dĠŽtranges domaines qui lui faisaient Ç dresser des Žpouvantes È.

La progression du yoga intŽgral ne dŽcrit pas une ligne droite qui va se perdre de plus en plus haut mais une spirale, dit Sri Aurobindo, qui lentement, mŽthodiquement, annexe tous les niveaux de notre tre dans une ouverture de plus en plus vaste sur une base de plus en plus profonde. Plus on progresse, plus les cycles deviennent vastes, plus ils se relient ˆ un mouvement cosmique. Alors nous verrons que nous sommes infailliblement conduits vers un But, que tout a un sens, mme les choses les plus minuscules - pas un dŽtail ne bouge sans que tout bouge -

Bient™t une deuxime contradiction nous frappera : non seulement il y a une loi de montŽe et de descente mais, semble-t-il, une contradiction centrale.  Nous avons tous un but ˆ atteindre, en cette vie et ˆ travers nos vies, quelque chose dĠunique ˆ exprimer, parce que chaque homme est unique. CĠest notre vŽritŽ centrale, notre tension Žvolutive spŽciale. Un sens de plus en plus prŽcis et aigu ˆ mesure que nous avanons. Nous dŽcouvrons une difficultŽ particulire qui est comme lĠenvers ou la contradiction de notre but, comme si nous avions lĠombre de notre lumire.

Plus le but devient clair, plus lĠombre devient forte. Alors nous avons connaissance de lĠAdversaire :

 

LĠAdversaire cachŽ dans la poitrine humaine

LĠhomme doit le vaincre ou perdre son haut destin

CĠest la guerre intŽrieure sans merci.

La Mre souligne dans ses Entretiens le mme phŽnomne

dŽjˆ constatŽ par Aurobindo : É Toujours vous trouverez quĠau-dedans de vous lĠombre et la lumire vont de pair : vous avez une capacitŽ, vous avez aussi la nŽgation de cette capacitŽ. Mais si vous dŽcouvrez une ombre trs Žpaisse et trs profonde, soyez sžr, quelque part en vous, dĠune grande lumire. A vous de savoir utiliser lĠune pour rŽaliser lĠautre.

 

Si nous voulons atteindre le But, il faut donc en finir avec notre manichŽisme et arriver ˆ une comprŽhension rŽaliste de ce que Sri Aurobindo appelait Ç la moitiŽ obscure de la VŽritŽ È.

Le commencement pratique du Secret est de sĠapercevoir, dĠabord, puis de voir que chaque chose en ce monde, mme lĠerreur la plus grotesque et la plus ŽgarŽe contient une Žtincelle de vŽritŽ sous le voile, parce que tout est Dieu ici-bas qui sĠavance ˆ sa propre rencontre. Mme dans lĠerreur la plus grotesque, le mal le plus sordide, le chercheur verra peu ˆ peu tout sĠŽclaircir sous ses yeux et il dŽcouvrira non seulement des sommets, mais des ab”mes de vŽritŽ. (The Human Cycle, 15 :159)

Il verra que son Adversaire Žtait le collaborateur le plus diligent et le plus attentif ˆ la soliditŽ parfaite de sa rŽalisation.

Et il verra que chaque chose a sa place inŽvitable, non seulement que rien ne peut tre retranchŽ mais que peut-tre rien nĠest plus important ou moins important , comme si la totalitŽ du problme Žtait dans le plus petit incident, le moindre geste quotidien, autant que dans les bouleversements cosmiques et que peut-tre aussi, la totalitŽ de la Lumire et de la joie Žtait dans le moindre atome, autant que dans les infinitudes supraconscientes.

Il nĠy a pas de pŽchŽs, il nĠy a pas dĠerreurs, il nĠy a que des misres infinies qui nous obligent ˆ nous pencher sur toute lĠŽtendue de notre royaume et ˆ tout embrasser pour tout guŽrir et tout accomplir.

Il fit de lĠerreur une porte par o la VŽritŽ pžt entrer (Savitri, 29 :625)

Il y a une vŽritŽ dĠAmour derrire le mal. Plus on descend vers les cercles infernaux, plus on dŽcouvre lĠimmense besoin au fond du Mal, et que lĠon ne peut rien guŽrir sans une intensitŽ semblable : une flamme sĠallume dedans, de plus en plus puissante et chaude- il nĠy a plus quĠelle, plus quĠElle, cĠest tout.

A mesure que lĠon avance, la ligne supraconsciente recule vers le haut, la ligne subconsciente recule paralllement vers le bas. ; tout sĠillumine mais tout se referme aussi, tout sĠaccuse autour dĠun seul point, de plus en plus aigu, serrŽ, se dŽbattant sous la Lumire. Tout le mal du monde en un point.

LĠheure du Secret est proche. La loi de descente nĠest pas une loi de chute, pas plus quĠune loi de repentir mais une Loi dĠor en vŽritŽ, une insondable PrŽmŽditation qui nous tire en bas en mme temps quĠen haut. Plus on approche du Sommet plus on touche au fond.

 

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Le grand passage

(108-112)

(p268-p275)

 

Les derniers degrŽs de la descente se situent au fond de notre passŽ Žvolutif, par-delˆ le Subconscient, qui Žtait la conscience dĠautrefois dans notre prŽhistoire, cĠest ˆ dire ˆ la frontire de lĠInconscient matŽriel et de la conscience physique, dans notre corps, tŽmoin et rŽsidu de cette premire naissance au monde.

Les organes, les cellules du corps, ont une conscience propre, trs ŽveillŽe, qui sait choisir, recevoir, rejeter et que lĠon peut manipuler ds que lĠon est parvenu ˆ un dŽveloppement yoguique suffisant.

SĠil sĠagissait seulement dĠamŽliorer les conditions de vie actuelle, la conscience yoguique ordinaire y suffirait ; prolongation de la vie, immunitŽ aux maladies et mme jeunesse sont parmi les acquisitions frŽquentes de la discipline.

 

Or, sous cette conscience physique, il y a une subconscience physique qui est le produit de lĠŽvolution de la vie dans la Matire avec ses rŽflexes, ses habitudes dont la plus mauvaise est de mourir. Tout au fond de cette subconscience physique on touche ˆ une roche de fond qui est la Mort fondamentale ˆ laquelle la vie sĠest arrachŽe. CĠest trs vaste et trs dur et cĠest ce que les rishis vŽdiques appelaient Ç le roc infini È. CĠest lĠInconscient. CĠest quelque chose qui dit Non ˆ la vie :

Ce refus obstinŽ dans les profondeurs de la Vie

Ce NON ignorant ˆ lĠorigine des choses. ( Savitri,28 :91)

Ce fin fond nĠest pas un NŽant dĠinexistence mais ce fin fond est quelque chose.

Tous les nŽgatifs sont nŽcessairement la moitiŽ dĠun positif. Tous nos fonds sont la surface de quelque chose dĠautre. Le sens mme du yoga de Sri Aurobindo est de trouver le positif de tous les nŽgatifs.

A Chandernagor, Sri Aurobindo Žtait parvenu aux derniers degrŽs du subconscient physique, il Žtait devant un mur. Plus on descend plus il faut une haute conscience, plus il faut une lumire puissante. Il y a de grosses difficultŽs, mme des dangers, sur lesquels nous reviendrons quand nous parlerons de Transformation.

 

Quand on descend il faut faire face aux mensonges du corps dit la Mre cĠest ˆ dire aux maladies et ˆ la Mort. CĠest pourquoi Sri Aurobindo et la Mre insistaient tant sur une base physique ˆ toute Žpreuve.

Travaillez des deux bouts, ne l‰chez pas lĠun pour lĠautre.

En mme temps quĠils atteignaient lĠextrme frange surmentale o les Ç grandes ondes colorŽes È se perdent ˆ une frontire blanche, Sri Aurobindo touchait paralllement la roche noire dĠen bas.

 

JĠai creusŽ longtemps, profond

Dans la fange et la boue(É)

Ç Va o nul nĠest allŽ cria la voix,

Creuse plus profond, plus encore

JusquĠˆ la pierre inexorable au fond

Et frappe ˆ la porte sans clef È.

 

CĠest alors quĠun Žtrange phŽnomne se produisit, un jour de 1910 ˆ ChandernagorÉMais avant dĠaller plus loin et de reconstituer lĠexpŽrience qui change la face et le cours de notre Žvolution, arrtons-nous un bref instant pour faire le point et tracer les coordonnŽes de cette condition humaine.

CĠest bien simple, nous sommes enfermŽs dans la matire, lˆ dans lĠÏuf noir qui nous serre de tous c™tŽs.  Il nĠy a que deux faons dĠen sortir : cĠest de dormir (cĠest ˆ dire rver, sĠextasier, mŽditer, mais tous sont des degrŽs de sommeil) ou de mourir.

LĠexpŽrience de Sri Aurobindo apporte la troisime clŽ qui permet dĠen sortir sans sĠextasier, sans mourir, en somme sans en sortir et qui renverse le cours de lĠexpŽrience spirituelle de lĠhomme puisque lĠissue nĠest plus seulement en haut et en dehors mais en plein dedans.

Ce jour de 1910, ˆ Chandernagor, Sri Aurobindo Žtait arrivŽ au fond du trou, il avait traversŽ toutes les couches immondes sur lesquelles la Vie a poussŽ, inexplicable fleur. Il nĠy avait plus que cette lumire en haut qui brillait, plus intense ˆ mesure quĠil descendait.

Tout dĠun coup, sans transition, au fond de cette matire Ç inconsciente È et dans les cellules obscures de ce corps, sans extase, sans perte de lĠindividu, sans dissolution cosmique et les yeux grands ouverts Sri Aurobindo sĠest trouvŽ prŽcipitŽ dans la Lumire suprme.

Il dŽboucha dans un autre espace, un autre temps (Savitri, 28 :91)

 

 

La Nuit, le Mal, la Mort sont un masque. La suprme Opposition Žveille la suprme IntensitŽ et le semblable se change en Lui-mme-il nĠy a plus quĠun.

Le degrŽ au-dessus du surmental  nĠest pas Ç au-dessus È, il est ici-bas et en toute chose - la porte dĠen bas ouvre la porte dĠen haut et de partout :

Un Žtonnement de lumire scellŽ au fondÉ(Collected Poems,5 :150)

Un grand renversement de la Nuit et du Jour

Toutes les valeurs du monde changŽesÉ(Savitri,28 :42)

Le haut rencontre le bas, tout est un plan unique.(Savitri, 29 :541)

 

LĠextrme limite du PassŽ touche le fond de lĠAvenir qui le conut, Dieu-Esprit rencontre Dieu-Matire et cĠest la vie divine dans un corps.

Sat-Chit-ċnanda tout en haut et Sat-Chit-ċnanda tout en bas. Existence-Conscience-Pouvoir-Joie. Tout sĠachve dans le cercle parfait. La joie tout en haut et la joie tout en bas.

Un cÏur de bŽatitude au fond dĠun monde de peine.(Savitri, 28 :169)

Une illumination puissante dans nos veines, au lieu d Ôune bŽatitude stŽrile sur les sommets de nos ttes :

Des pouvoirs tout-puissants dans les cellules de la Nature (Savitri, 29 :370)

Car le Supramental nĠest pas une conscience plus ŽthŽrŽe mais une conscience plus dense, cĠest la Vibration mme qui compose et recompose sans fin la Matire et les mondes, cĠest elle qui peut changer la terre.

Tout au fond de lĠInconscience la plus dure,

La plus rigide, la plus Žtroite, la plus suffocante,

Dit la Mre, jĠai touchŽ un ressort tout-puissant

Qui mĠa projetŽe dĠun seul coup dans une immensitŽ

Sans forme et sans limite,

O vibrent les semences dĠun monde nouveau.

 

Et cĠest la clŽ de la transformation, la clŽ de la victoire sur les lois de la Matire par la conscience dans la Matire –la Conscience tout en haut et la Conscience tout en bas ; cĠest la porte du monde futur et de la terre nouvelle que lĠEcriture annonait il y a deux mille ans :

Une terre nouvelle o la VŽritŽ habitera Ç  (IIPierre III.13)

Car en vŽritŽ la terre est notre salut, la terre est le lieu de la Victoire et du parfait accomplissement, point nĠest besoin de sĠenfuir au ciel, tout est lˆ totalement lˆ dans notre corps - la joie, la Conscience, les Pouvoirs suprmes, si nous avons le courage dĠouvrir les yeux et descendre et de faire du rve vivant au lieu dĠun rve qui dort.

Il faut entrer dans lĠultime fini pour trouver lĠultime infini. (Letters on Yoga, 22 :388)

Et du mme coup Sri Aurobindo trouvait le Secret perdu, celui des Vedas et de toutes les traditions plus ou moins dŽformŽes qui se sont transmises de lĠIran ˆ lĠAmŽrique centrale et au bord du Rhin, dĠEleusis aux Cathares et de la Table Ronde aux Alchimistes, le Secret de tous les chercheurs de perfection.

CĠest Apollon et le Python, Indra et le serpent Vritra, Thor et les gŽants Sigurd et Fafner. Le mythe solaire des mayas, la Descente dĠOrphŽe, la Transmutation. CĠest le serpent qui se mord la queue.

Et cĠest surtout le secret des rishis vŽdiques qui furent les premiers, sans doute, ˆ dŽcouvrir ce quĠils appelaient Ç le grand passage È mahas pathah( II ;24.6) le monde de la Ç lumire non-brisŽe È, Swar, au fond du roc de lĠInconscient.

Ç Nos pres, par leur mantra, brisrent les places fortes et rŽfractaires ; par leur cri, les voyants Angiras (les premiers rishis) mirent en pices le roc de la montagne ; ils firent en nous un passage vers le Grand Ciel, ils dŽcouvrirent le jour et le monde solaire Ç (Rig-VŽda I.71.2) Ils dŽcouvrirent Ç le soleil qui demeure dans lĠobscuritŽ È(III.39.5)

lĠOmbre et la Lumire, le Bien et le Mal prŽparaient une naissance divine dans la matire. Au bout du Ç pŽlŽrinage È dĠascension et de descente, le chercheur est Ç le fils des deux Mres È (III.55.7) il est le fils dĠAditri, la Mre blanche de lĠinfini supraconscient et le fils de Diti, la mre terrestre de Ç lĠinfini tŽnŽbreux È et il possde Ç les deux naissances È humaine et divine.

La prire du rishi est accomplie : Ç Que la terre et le ciel soient Žgaux et un Seul È (On Himself, 26 :425)

Et cĠest la joie – ċnanda. Elle est au commencement des choses et ˆ la fin et partout si nous creusons assez ; elle est Ç le puits de miel couvert par le roc È (Rig-Veda II.24.4)

 

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15

LA CONSCIENCE SUPRAMENTALE

(113-121)

 

_____________________________

 

(p276-p298)

 

 

Il est bien difficile de dŽfinir en termes mentaux la conscience supramentale, qui est non-mentale par dŽfinition. Peut-tre est-ce le mot qui nous trompe ; il ne sĠagit pas dĠun sommet de la conscience humaine, mais dĠune autre conscience.

Nous pouvons tenter quelques approximations et distinguer deux aspects, de conscience ou de vision et de pouvoir, mais dŽjˆ nous tombons dans la trappe mentale.

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Vision supramentale

(112-116)

(p276-p286)

 

CĠest une vision globale. Le mental dŽcoupe des petits morceaux quĠil oppose les uns aux autres ; le surmental relie tout dans un seul faisceau mais son faisceau nĠaboutit quĠˆ un point et il voit tout de son propre point de vue ; il est unitaire et universel par exclusion des autres angles ou par annexion.

Un unique regard innombrable (Savitri,29 :556)

La vŽritŽ nĠest pas une question de pensŽe ou de bonne conduite -encore que ce soit des Žtapes sur le chemin - mais une question dĠŽtendue dĠtre, et notre croissance est lente et difficile.

Comme Tes erreurs sont belles et lumineuses, ™ Seigneur ! Tes mensonges gardent vivante la VŽritŽ ; par tes faux-pas le monde se perfectionne. (Thoughts and Aphorisms,17 :133)

 

Mais le mental qui voit tout juste la surface prŽsente des choses voudrait rectifier tout ce qui dŽpasse et rŽduire son monde ˆ une vŽritŽ uniforme, bien- pensante et bien honnte.

La conscience supramentale saisit non seulement tous les points de vue mais les forces profondes qui sont ˆ lĠÏuvre derrire chaque chose et la vŽritŽ de chaque centre - cĠest une Conscience de vŽritŽ - et parce quĠelle voit tout, elle a le Pouvoir. Si nous ne pouvons pas cĠest que nous ne voyons pas. Voir et voir totalement, cĠest nŽcessairement pouvoir.

LĠÏuvre Žcrite de Sri Aurobindo offre une illustration pratique de cette vision globale, encore que ce soit une traduction mentale dĠun fait supramental. Elle est dŽroutante pour beaucoup. Sri Aurobindo tourne, littŽralement,  autour de tous les points de vue, il indique seulement comment chaque vŽritŽ est incomplte et dans quelle direction elle peut sĠŽlargir. CĠest ce que la Mre appelle penser sphŽriquement.

Sri Aurobindo embrasse tout, non par une sorte de Ç tolŽrance È qui est un succŽdanŽ mental de lĠunitŽ mais par une vision indivise qui est rŽellement une avec chaque chose.

Peut-tre est-ce la vision mme de lĠAmour ?

LĠillusion dĠoptique sŽparatrice dans laquelle nous vivons sĠŽvanouit.

Pour le sens supramental, rien nĠest vraiment Ç fini È, sŽparŽÉ

LĠoeil physique lui-mme semble contenir un esprit et une conscience qui voient non seulement lĠaspect physique de lĠobjet, mais lĠ‰me de la qualitŽ qui est en lui, la vibration dĠŽnergie, la lumire, la force, la substance spirituelle dont il est faitÉEn mme temps il y a un changement subtil et lĠon voit dans une sorte de quatrime dimension qui se caractŽrise par une certaine intŽrioritŽ ;on voit non seulement les surfaces et la forme extŽrieure mais ce qui informe la forme et sĠŽtend subtilement autour dĠelle.

Car, pour la vision supramentale, les objets cessent dĠtre matŽriels au sens o il le sont maintenantÉils apparaissent comme lĠEsprit Lui-mme et sont vus comme lĠEsprit Lui-mme dans une forme de Lui-mme et dans une extension conscienteÉLa conscience supramentale relie passŽ, prŽsent, futur et leurs connexions invisibles dans une seule carte de connaissance continue, c™te ˆ c™te.(The Synthesis of Yoga, 20 :464)

La conscience nĠest plus un obturateur qui avait besoin dĠtre Žtroit, cĠest un Regard tranquille : Ç Comme un Ïil Žtendu dans le ciel È dit le Rig-Veda (I.17.21)

CĠest une bŽatitude constante, inaltŽrable.

Ç  Cette joie absolument large et pleine sans lacune È dit le Rig-Veda (V.62.9)

LĠAbsolu est partoutÉchaque fini est un infini. (The Synthesis of Yoga, 20 :408)

 

 

 

 

Et cĠest un Žmerveillement toujours renouvelŽ qui ne procde pas de la surprise, mais de la dŽcouverte de cette infinitude Žternelle, de cet absolu intemporel et chaque chose de lĠespace et chaque fraction du temps. Et cĠest la parfaite plŽnitude de la vie.

La conscience supramentale nĠoccupe pas seulement une position cosmique, mais une position transcendante, et les deux ne sĠopposent pas. Et non seulement elles ne sĠopposent pas, mais leur simultanŽitŽ est la clŽ de la vraie vie. Toutes les religions, toutes les spiritualitŽs sont issues de ce besoin fondamental dans lĠhomme : trouver une Base de permanence, un lieu de refuge et de paix en dehors de tout ce chaos du monde, cette impermanence du monde, cette souffrance du monde –infiniment en dehors et protŽgŽ. Et tout dĠun coup, au cours de notre qute, nous avons dŽbouchŽ dans un Silence formidable, une Etendue hors du monde, et nous avons dit Dieu, nous avons dit Absolu, Nirvana, peu importe les mots, nous avons touchŽ la grande DŽlivrance ? CĠest lĠexpŽrience de base. Si peu que nous approchions de ce grand Silence-lˆ, tout change, cĠest la Certitude, la Paix.

Dans la vie, tout nous coule des doigts, il nĠy a que ce Roc qui ne manque jamais. LĠexpŽrience de Sri Aurobindo avait aussi commencŽ par le Nirvana et elle finit par la plŽnitude du monde.

Le mental, mme le surmental de nos prophtes, est irrŽmŽdiablement liŽ aux dualitŽs.

Pour lĠexpŽrience supramentale, tout est rond, cĠest tout le temps oui et non en mme temps constate la Mre, les deux p™les sont toujours enjambŽs dans une autre dimension. Ainsi le Transcendant nĠest pas ailleurs hors du monde ; il est partout ici-bas, ˆ la fois totalement dedans et totalement dehors. On sĠaperoit trs vite, en effet, quĠil suffit de faire un pas en arrire dans sa conscience, juste un petit mouvement de retrait, et lĠon entre dans une Žtendue de silence par derrire. LĠexpŽrience finit par acquŽrir tant dĠagilitŽ, si lĠon peut dire, quĠen plein milieu des activitŽs les plus absorbantes, dans la rue, quand on discute, quand on travaille, on plonge au-dedans ou au-dehors et plus rien nĠexiste quĠun sourire. Il suffit dĠune fraction de seconde. Alors on commence ˆ conna”tre la Paix ; on a un Refuge inexpugnable partout, en toutes circonstances.

Et on peroit de plus en plus tangiblement que ce Silence nĠest pas seulement au-dedans, en soi ; il est partout, il est comme la substance profonde de lĠunivers, comme si toute chose venait de lˆ et retournait lˆ.

Pour le Supramental, il nĠy a plus de Ç passage È plus de Ç seuil È ˆ franchir ; on ne passe pas dĠun Žtat ˆ un autre, du Silence au vacarme, du Dedans, Dehors, du Divin au non-divin, les deux sont fondus dans une expŽrience unique.

Tout le secret est de rŽunir les deux expŽriences en une, lĠinfini dans le fini, lĠintemporel dans le temporel et le transcendant dans lĠimmanent. Alors on a la paix dans lĠaction et la joie de toutes les manires. LĠŽvolution nĠa dĠautre but que de retrouver tout en bas cette totalitŽ dĠen haut, cĠest de dŽcouvrir sur la terre, au milieu mme des dualitŽs et des contradictions les plus poignantes, lĠUnitŽ suprme, lĠInfinitude suprme, la Joie suprme –ċnanda.

 

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Pouvoir supramental

(117-121)

(p286-p298)

 

Les spiritualistes rejettent le pouvoir comme une arme indigne du chercheur de vŽritŽ ; ce nĠest pas le sentiment de Sri Aurobindo, au contraire, le concept de Pouvoir –Shakti- est une clŽ de son yoga parce que sans pouvoir on ne peut rien transformer.

 

Je chŽris Dieu le Feu, non Dieu le Rve ! sĠŽcrie Savitri. (Savitri, 29 :614)

Le Pouvoir est une chose divine et il a ŽtŽ mis ici-bas pour un usage divin. –VolontŽ, Pouvoir- est le moteur des mondes ; quĠil sĠagisse de la force de connaissance, de la force dĠamour, de la force de vie, de la force dĠaction ou de la force du corps, son origine est toujours spirituelle et son caractre divin. CĠest lĠusage quĠen font la brute, lĠhomme ou le titan dans le monde de lĠIgnorance qui doit tre rejetŽÉ

Le yoga intŽgral ne peut pas rejeter les Ïuvres de la Vie et se satisfaire seulement dĠune expŽrience intŽrieure ; il doit aller au-dedans afin de changer le dehors. (The Synthesis of Yoga, 20 :164)

CĠest cet aspect Ç force È ou Ç Pouvoir È de la conscience que lĠInde a reprŽsentŽ sous le visage de la Mre Žternelle., deux en un, insŽparables.

 

Sans Lui nous sommes prisonniers dĠune Force aveugle, sans Elle prisonniers dĠun Vide Žbloui.

Ç Ils entrent dans une obscuritŽ aveugle ceux qui suivent lĠIgnorance, et comme dans une obscuritŽ plus grande ceux qui cherchent seulement la Connaissance È dit lĠIsha Upanishad.

Le Supramental est un pouvoir avant toute chose, un pouvoir formidable. CĠest le pouvoir direct de lĠEsprit dans la matire.

Plus on sĠŽlve plus le pouvoir est puissant mais plus on sĠŽloigne de la terre. Il faudra donc le faire descendre de plan en plan et quĠil surmonte les dŽterminismes de tous les niveaux intermŽdiaires avant dĠarriver en bas dans la Matire.

Le Supramental est la Conscience-Force suprme au cÏur mme de la Matire. Il peut donc tout changer.

Disons tout de suite que le pouvoir supramental nĠopre pas par miracle, ni par violence. Sri Aurobindo lĠa rŽpŽtŽ bien souvent ; Il nĠy a pas de miracles (Life, Literature and Yoga, 11)

Il nĠy a que des phŽnomnes dont nous ignorons le processus et pour celui qui voit, il y a seulement lĠintervention dĠu plan supŽrieur dans le dŽterminisme dĠun plan infŽrieur.

Une loi ordinaire, dit Sri Aurobindo, est simplement un Žquilibre Žtabli par la Nature, cĠest une stabilisation de forces. Mais ce nĠest quĠun sillon dans lequel la Nature a pris lĠhabitude de travailler pour obtenir certains rŽsultats. Si vous changez de conscience, le sillon change aussi, nŽcessairement. (Evening Talks, 76)

Ces Ç changements de sillon È ont jalonnŽ toute notre histoire Žvolutive, ˆ commencer par lĠapparition de la Vie dans la matire, qui a modifiŽ le sillon matŽriel ; puis lĠapparition du Mental dans la Vie, qui a modifiŽ le sillon vital et matŽriel. Le Supramental est un troisime changement de sillon, qui modifiera le Mental, la Vie et la Matire.

Il a dŽjˆ commencŽ. LĠexpŽrience est en route. Fondamentalement, le processus supramental consiste ˆ dŽlivrer la conscience qui est contenue en chaque ŽlŽment.

Le Seigneur de tous les univers est aussi Ç lĠUn conscient dans les choses Inconscientes È dont parle le Rig-veda

LĠInconscience apparente de lĠunivers matŽriel contient en soi obscurŽment tout ce qui est Žternellement rŽvŽlŽ dans le Supraconscient lumineux. (The Life Divine, 19 :642)

 

La vŽritŽ dĠen haut Žveillera une vŽritŽ dĠen bas (Savitri, 29 :709)

 

Car la loi est Žternellement la mme : seul le semblable peut agir sur le semblable ; il fallait le pouvoir qui est tout en haut pour dŽlivrer le pouvoir qui est tout en bas ;

QuĠest-ce donc que ce Pouvoir ? Toute concentration dŽgage une chaleur subtile, bien connue de ceux qui ont tant soit peu pratiquŽ les disciplines yoguiques ; le pouvoir supramental est une chaleur de ce genre, mais infiniment plus intense, dans les cellules du corps. CĠest la chaleur dŽgagŽe par lĠŽveil de la conscience –force dans la matire. Cette chaleur est ˆ la base de toutes les transmutations supramentales que les rishis vŽdiques connaissaient bien et quĠils appelaient Agni, le Feu spirituel dans la Matire.

CĠest cet Agni suprme que Sri Aurobindo et la Mre ont dŽcouvert dans la Matire et les cellules du corps.

Il nĠest peut-tre pas inutile de souligner que Sri Aurobindo a fait sa dŽcouverte spirituelle en 1910, avant mme dĠavoir lu les VŽdas et ˆ une Žpoque o la physique nuclŽaire en Žtait encore aux conjectures thŽoriques. Notre science est en avance sur notre conscience, dĠo la course hasardeuse de notre destin.

Le Supramental est dĠune qualitŽ lumineuse toute diffŽrente des autres degrŽs de conscience ; il rŽunit ˆ la fois lĠimmobilitŽ complte et le mouvement le plus rapide qui soit - ici aussi les deux p™les sont enjambŽs.

Cette immobilitŽ dans le mouvement est le fondement de toutes les activitŽs de lĠtre supramental. CĠest le b-a-ba pratique de toute discipline qui tend vers le Supramental peut-tre mme le b-a-ba de toute action efficace en ce monde. DŽjˆ nous avions dit que lĠimmobilitŽ – intŽrieure sĠentend – avait le pouvoir de dissoudre les vibrations ; que si nous savions rester totalement tranquille au-dedans sans la moindre vibration de rŽponse, nous pouvions ma”triser nĠimporte quelle attaque, animale ou humaine.

Ce pouvoir dĠimmobilitŽ ne sĠacquiert vraiment que quand on a commencŽ ˆ prendre conscience du grand Silence par derrire et que lĠon est capable ˆ tout moment de faire un pas en retrait. Il faut tre tout ˆ fait en dehors pour ma”triser le dedans de la vie.

CĠest ce qui frappait tellement ceux qui ont vu Sri Aurobindo, ce nĠest pas tant la lumire de ses yeux mais cette immensitŽ immobile quĠon sentait si compacte, si dense, comme si lĠon entrait dans un infini solide : la puissante immobilitŽ dĠun esprit immortel ; (The Synthesis of Yoga, 20 :95)

 

LĠimmobilitŽ est la base du pouvoir supramental, mais le silence est la condition de son fonctionnement parfait.

La conscience supramentale nĠobŽit pas ˆ des critres mentaux ou moraux pour dŽcider de ses actes – il nĠy a plus de Ç problmes Ç pour elle – elle agit naturellement et spontanŽment. Chaque seconde de temps, dans le silence de la conscience, la connaissance voulue tombe comme une goutte de lumire : ce quĠil faut faire, ce quĠil faut dire, ce quĠil faut voir, ce quĠil faut comprendre. Ç Dans la grande Etendue tout se rencontre et lĠon sait parfaitement È dit le Rig-VŽda (VII.76.5). Et chaque fois quĠune pensŽe ou une vision passe dans la conscience, ce nĠest pas une spŽculation sur lĠavenir, cĠest un acte immŽdiat :

Lˆ, chaque pensŽe, chaque sentiment est un acte (Savitri, 28 :183)

La connaissance est automatiquement douŽe de pouvoir. Parce que cĠest une connaissance vraie, qui voit tout et une connaissance vraie est une connaissance qui peut. Ce nĠest pas un fait arbitraire qui va bouleverser la trajectoire, cĠest simplement comme une pression lumineuse qui va accŽlŽrer le mouvement .

Nous lĠavons dit cĠest un ferment Žvolutif formidable.

Ni vous, ni personne ne savez rien de ma vie, Žcrivait Sri Aurobindo ˆ lĠun de ses biographes ; rien ne sĠest passŽ ˆ la surface que les hommes puissent voir.( On Himself, 26 :378)

Quand nous parlons de Ç pouvoirs È, nous nous attendons tout de suite ˆ des choses fantastiques, mais ce nĠest pas cela le vrai Pouvoir. Quand le Supramental agit, ce ne sont pas des bouleversements mirifiques, cĠest une action tranquille , comme Žternelle, qui pousse le monde et chaque chose du monde vers sa propre perfection ˆ travers tous les masques dĠimperfection.

Et lĠindividu est la clŽ du pouvoir supramental. LĠtre supramental occupe non seulement une position transcendante et une position cosmique, mais une position individuelle. Son travail sur la terre est de mettre en contact, directement, la Force suprme et lĠindividu, la Conscience suprme et la matire –joindre les deux bouts dit la Mre.

 

CĠest pourquoi nous avons lĠespoir que les dŽterminismes aveugles qui commandent actuellement le monde – la Mort, la Souffrance, la Guerre – pourront tre changŽs par ce DŽterminisme suprme et faire place ˆ une Žvolution dans la Lumire. : CĠest une rŽvolution spirituelle que nous prŽvoyons, dont la rŽvolution matŽrielle nĠest quĠune ombre et un reflet. (The Ideal of Karmayogin, 2 :17)

 

Deux mois aprs son arrivŽe ˆ Chandernagor, Sri Aurobindo entendait ˆ nouveau la Voix : Va ˆ PondichŽry. Quelques jours aprs, il sĠembarquait ˆ bord du Dupleix dŽpistant la police britannique et il quittait lĠInde du Nord pour toujours. Je ne bougeais que comme jĠŽtais bougŽ par le Divin. (On Himself, 26 :58)

Les quarante dernires annŽes de sa vie, avec la Mre, vont tre consacrŽes ˆ transformer cette rŽalisation individuelle en une rŽalisation terrestre.

Nous voulons faire descendre le Supramental ici-bas comme une facultŽ nouvelle. Nous voulons crŽer une espce o le Supramental sera un Žtat de conscience permanent, tout comme le mental maintenant est un Žtat de conscience permanent parmi les hommes. (Letters onYoga, 22 :69)

Pour quĠon ne se mŽprenne pas sur ses intentions Sri Aurobindo soulignait - il lĠa soulignŽ plusieurs fois :

Loin de moi de vouloir propager quelque religion, nouvelle ou ancienne, pour lĠavenir de lĠhumanitŽ. Il ne sĠagit pas de fonder une religion, mais dĠouvrir une voie qui est encore bloquŽe. ( Lettres on Yoga, 22 :139)

 

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16

LĠHOMME,

ĉTRE DE TRANSITION

(122-130)

_________________

(p299-p319)

 

 

 

 

 

Sri Aurobindo vŽcut dans une grande misre ces premires annŽes ˆ PondichŽry.  Il Žtait loin de ceux qui auraient pu lĠaider, suspect, son courrier censurŽ, ses moindres gestes surveillŽs par des agents britanniques. On tenta mme de le kidnapper.

Sri Aurobindo nĠeut la paix que du jour o le commissaire de police franais vint perquisitionner et dŽcouvrit dans ses tiroirs des textes dĠHomre. Il fut rempli dĠadmiration pour ce gentleman-yogi

DŽsormais, lĠexilŽ put recevoir qui il voulait et circuler ˆ sa guise.

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Les Ïuvres

(124-126)

(p300-p307)

 

Une dŽcouverte marque les premires annŽes dĠexil : la lecture des Vedas dans lĠoriginal. Jusque-lˆ il nĠavait lu que des traductions anglaises ou indiennes et nĠy avait vu quĠune masse ritualiste assez  obscure .

Tout ˆ coup dans lĠoriginal il dŽcouvrait une veine continue de lĠor le plus riche tant par la pensŽe que par lĠexpŽrience spirituelleÉ Je mĠaperus que les mantras vŽdiques illuminaient dĠune lumire claire et prŽcise certaines expŽriences spirituelles que jĠavais eues.

Et pour lesquelles je nĠavais trouvŽ aucune explication satisfaisante, ni dans la psychologie europŽenne, ni dans les Žcoles de yoga, ni dans lĠenseignement du VŽdanta.(The Secret of the Veda, 10 :37)

Voici que le plus ancien des quatre VŽdas ( Rig-Veda, S‰ma-Veda, Yayur-Veda,Atharva-VŽda), le Rig-VŽda lui apportait le signe quĠil nĠŽtait pas tout ˆ fait singulier sur cette plante.

Que les Žrudits occidentaux ou mme indiens nĠaient pas saisi lĠextraordinaire vision de ces textes ne nous surprendra pas si lĠon sait que les racines sanskrites se prtent ˆ un double ou triple sens qui vient ˆ son tour sĠenvelopper dĠun double symbolique, ŽsotŽrique et exotŽrique. Les rishis eux-mmes disaient Ç Paroles secrtes, sagesses de voyant qui rŽvlent leur sens intŽrieur au voyant È.

On ne peut sĠempcher de rester songeur et de sĠinterroger quand on pense que les rishis dĠil y a cinq ou six mille ans transmettaient non seulement leur propre expŽrience mais celle de leurs Ç anctres È ou des Ç pres des hommes È disaient –ils.

Nous somme devant la plus ancienne tradition du monde, intacte.

Que Sri Aurobindo ait retrouvŽ le Secret du dŽbut de notre cycle humain ( peut-tre y en a-t-il eu dĠautres avant ?) ˆ un ‰ge que les Indiens disent Ç noir È, kali-yuga nĠest pas dŽpourvu de signification. (DĠaprs la tradition indienne, chaque cycle se dŽroule en quatre pŽriodes : Satya-yuga, lĠ‰ge de vŽritŽ ( ou ‰ge dĠor), puis lĠ‰ge o il ne reste plus que les trois-quarts de la vŽritŽ, tŽtra-yuga puis une moitiŽ de vŽritŽ, dw‰para-yuga et enfin lĠ‰ge o toute vŽritŽ a disparu , kali-yuga. Le kali-yuga est suivi dĠun nouveau Satya-yuga mais entre lĠun et lĠautre il y a une destruction totale, pralaya, et lĠunivers est ravalŽ. Selon Sri Aurobindo, la dŽcouverte du Supramental ouvre dĠautres horizons.)

 

Nous aurions tort de lier Sri Aurobindo ˆ la rŽvŽlation vŽdique car elle nĠest pour lui quĠun signe de reconnaissance. Vouloir ressusciter le VŽda au vingtime sicle est une futile entreprise parce que la VŽritŽ ne se rŽpte jamais deux fois.

Sri Aurobindo nĠallait pas travailler seulement ˆ une rŽalisation individuelle, telle les rishis, mais ˆ une rŽalisation collective.

Tout dĠabord il devait consacrer beaucoup de temps ˆ une Ïuvre Žcrite.

Pendant six ans, sans interruption, jusquĠen 1920 Sri Aurobindo publiera dĠune seule haleine la quasi-totalitŽ de son Ïuvre Žcrite, prs de cinq mille pages. Ce nĠest pas un livre aprs lĠautre mais quatre et mme six livres en mme temps quĠil Žcrit.

La Vie divine est son Ïuvre philosophique fondamentale et sa vision spirituelle de lĠŽvolution.

La Synthse des Yoga o il dŽcrit les Žtapes du yoga intŽgral en faisant le tour de toutes les disciplines yoguiques passŽes ou prŽsentes.

Les Essais sur la G”t‰ est sa philosophie de lĠaction.

Le Secret du VŽda avec une Žtude sur lĠorigine du langage.

LĠidŽal de lĠUnitŽ humaine, le Cycle humain qui envisagent lĠŽvolution sous son aspect sociologique et psychologique et les possibilitŽs futures des sociŽtŽs humaines.

Je nĠai pas fait dĠeffort pour Žcrire, jĠai laissŽ le Pouvoir supŽrieur travailler et quand il ne travaillait pas, je ne mĠefforais pas du tout.

Soulignons que Ç penser en dehors du corps È nĠest pas du tout un phŽnomne supramental mais une expŽrience trs simple qui peut se produire ds le dŽbut du silence mental.

Le vrai processus est dĠarriver ˆ ne pas faire dĠeffort, sĠeffacer aussi compltement que possible et laisser passer le courant.

Au bout de six ans, en 1920, Sri Aurobindo estime quĠil en assez dit pour lĠinstant. CĠest la fin de lĠArya. La fin de sa vie sera presque exclusivement consacrŽe ˆ son Žnorme correspondance – des milliers et des milliers de lettres contenant des indications pratiques sur les expŽriences yoguiques, les difficultŽs, les progrs. Et surtout, il va Žcrire et rŽŽcrire pendant trente ans cette prodigieuse ŽpopŽe de 23 813 vers, Savitri, comme un cinquime VŽda, son message, o il dit lĠexpŽrience des mondes du haut et du bas, ses batailles dans le Subconscient et lĠInconscient et toute lĠhistoire occulte de lĠŽvolution terrestre et universelle jusquĠˆ sa vision des temps futurs.

InterprŽtant lĠunivers par des signes dĠ‰me,

Il lisait du dedans le texte du dehors. (Savitri,28 :76)

 

 

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La Mre

(126-127)

(p307-p308)

 

1920 est lĠannŽe o Sri Aurobindo termina lĠArya et o la Mre vient sĠinstaller ˆ PondichŽry ;

Quand je vins ˆ PondichŽry, dit Sri Aurobindo, un programme me fut dictŽ du dedans pour ma discipline. Je le suivis et progressai pour ma part, mais nĠarrivai pas ˆ grand chose quant ˆ lĠaide ˆ apporter aux autres. Puis vint la Mre ; avec son aide je trouvai la mŽthode nŽcessaire.(AnilbaransĠs Journal (unpublished)

 

La Mre cĠest une Force en mouvement. Elle est toujours plus loin, toujours plus en avant. Elle est nŽe pour briser les limites.

 

Disons simplement quĠelle est nŽe ˆ Paris un 21 fŽvrier 1878 et quĠelle avait eu aussi, de son c™tŽ, la vision supramentale. Il nĠest pas surprenant quĠelle ait reconnu lĠexistence de Sri Aurobindo et quĠelle soit venue le rejoindre.

Entre onze et treize ans, dit-elle, une sŽrie dĠexpŽriences psychiques et spirituelles me rŽvŽlrent non seulement lĠexistence de Dieu, mais quĠil Žtait possible, pour lĠhomme, de Le trouver et de Le rŽvŽler intŽgralement dans sa conscience et dans ses actes et de le manifester sur la terre dans une vie divine. Cette rŽvŽlation et la discipline pratique pour arriver au but me furent donnŽes pendant le sommeil de mon corps par plusieurs instructeurs, que je rencontrai par la suite dans la vie, du moins certains dĠentre-euxÉ Ds que je vis Sri Aurobindo, je reconnus que cĠŽtait lui qui Žtait venu faire lĠÏuvre sur la terre et que cĠest avec lui que je devais travailler.

CĠest la Mre qui va prendre la direction de lĠAshram quand Sri Aurobindo se retirera dans une solitude complte en 1926, cĠest elle qui continue lĠÏuvre depuis son dŽpart en 1950.

La conscience de la Mre et la mienne sont une seule et mme conscience. (On Himself, 26 :455)

Il est bien symbolique que la synthse vivante que Sri Aurobindo reprŽsente dŽjˆ entre lĠorient et lĠOccident sĠachve par cette nouvelle rencontre de lĠOuest et de lĠEst et par la jonction de ces deux p™les de lĠexistence , la Conscience et la Force, lĠesprit et la terre, Lui et Elle toujours.

 

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Aperu sur lĠŽvolution

(127-130)

(p308-p319)

 

Sri Aurobindo nĠest pas intŽressŽ par les thŽories, sa vision de lĠŽvolution repose essentiellement sur une expŽrience et sĠil a tentŽ de la formuler en termes qui peuvent appara”tre thŽoriques cĠest parce que nous nĠavons pas lĠexpŽrience ce nĠest pas pour nous faire partager une idŽe de plus parmi les millions dĠidŽes-forces qui circulent mais pour nous faire saisir le levier de notre propre dynamisme et prŽcipiter le cours de lĠŽvolution.

Ce levier est Agni, la conscience force et toute lĠŽvolution peut tre dŽcrite comme le voyage dĠAgni en quatre mouvements – involution, dŽvolution, involution, Žvolution –ˆ partir du Centre Žternel et en Lui. En fait le quadruple mouvement est Lui. Tout est Lui. Lui-mme le jeu, Lui-mme le joueur, Lui-mme le terrain de jeu.

Lui, hors du temps, hors de lĠespace, lĠEtre pur, la Conscience pure, le Grand Silence blanc o tout est en Žtat dĠinvolution, contenu, sans forme encore. Et Lui qui devient : la Force se sŽpare de la Conscience, Elle de Lui, le voyage dĠAgni commence :

 

Mais cĠest un commencement perpŽtuel, qui ne se situe nulle part dans le temps ; quand nous disons Ç dĠabord È lĠEternel, Ç puis È le Devenir, nous tombons dans lĠillusion du langage spatio-temporel ; En rŽalitŽ, lĠĉtre et le Devenir, Lui et Elle, sont deux visages simultanŽs dĠun mme fait Žternel. LĠunivers est un phŽnomne perpŽtuel, aussi perpŽtuel que le Silence hors du temps.

Ce passage perpŽtuel de lĠĉtre au Devenir est ce que Sri Aurobindo appelle la dŽvolution. CĠest un passage graduel. La Conscience suprme ne devient pas dĠun seul coup la Matire. Celle-ci est le prŽcipitŽ final, lĠultime produit dĠune incessante fragmentation ou densification de la conscience qui sĠopre lentement ˆ travers des plans successifs. Au Ç sommet È mais ce nĠest pas un sommet, cĠest un Point suprme qui est partout, la Conscience-Force supramentale contient rassemblŽes toutes les possibilitŽs infinies du Devenir. Puis sĠouvre le Surmental, le Ç grand clivage È de la conscience commence : les rayons du Soleil se sŽparent, la Conscience –Force unique est dŽsormais l‰chŽe en des trillons de forces qui chercheront chacune ˆ se rŽaliser absolument. Et la conscience sĠŽparpille, se fragmentant de plus en plus, sĠŽpaississant, sĠobscurcissant, se dŽposant en strates successives, ou en mondes, avec leurs tres et leurs forces, leur mode de vie particulier.

La dŽvolution sĠachve, cĠest la plongŽe de la Lumire dans sa propre ombre, la Matire. Et nous voici devant deux p™les : au sommet un suprme NŽgatif ( ou Positif selon les gožts) o la Force est comme engloutie dans un NŽant de Lumire, un gouffre de paix sans ride o tout est contenu en soi et ˆ lĠautre p™le, un suprme Positif o la Conscience est comme engloutie dans un NŽant dĠOmbre, un gouffre de Force aveugle ˆ jamais prisonnire de son obscur tourbillonnement.

Et toute notre existence flue et reflue dĠun p™le ˆ lĠautre, les uns ne voulant voir que le Transcendant et rejetant la matire, les autres ne jurant que par la matire en rejetant lĠEsprit comme un mensonge dŽfinitif. Mais cĠest une illusion. La Conscience nĠabolit pas la Force, ni la Matire lĠEsprit, ni lĠInfini le fini, pas plus que le haut annule le bas.

Au sommet, Elle est comme endormie en Lui, ˆ la base Lui est comme endormi en Elle, la Force dissoute dans la Conscience ou la Conscience dans la Force, lĠInfini contenu dans le fini comme lĠarbre et toutes ses branches dans la semence. CĠest ce que Sri Aurobindo appelle Ç lĠinvolution È.

La nescience de la matire est une conscience voilŽe, involuŽe ; cĠest une conscience somnambule qui contient dĠune manire latente tous les pouvoirs de lĠEsprit. En chaque particule, chaque atome, chaque molŽcule, chaque cellule de la Matire, vivent et agissent, cachŽs et inconnus, lĠomniscience de lĠEternel et la toute-puissance de lĠInfini. (The Hour of God, 17 :15)

 

On peut dire en un sens que lĠunivers entier est un mouvement entre deux involutions : lĠEsprit o tout est involuŽ et dĠo part une Žvolution descendante (ou dŽvolution) vers lĠautre p™le de la matire ; et la Matire o tout est Žgalement involuŽ et dĠo part une Žvolution ascendante vers lĠautre p™le de lĠEsprit. (The Life Divine, 18 :243-244)

Sans cette involution il nĠy aurait pas dĠŽvolution possible. Derrire lĠexplosion Žvolutive des formes, cĠest Agni qui pousse et qui tisonne, la Force en qute de la Conscience, Elle, ˆ la recherche de Lui et de formes de plus en plus capables de le manifester.

Si lĠ‰me nĠŽtait dŽjˆ dans la Matire, elle nĠaurait jamais pu Žmerger dans lĠhomme et ˆ travers lui retrouver Lui.

Notre humanitŽ est le point de rencontre conscient du fini et de lĠInfini ; devenir cet Infini de plus en plus en cette naissance physique elle-mme, tel est notre privilge. (The Problem of Rebirth, 16 :241)

 

ÉBien que lĠhomme soit infiniment supŽrieur ˆ la plante et ˆ lĠanimal, il nĠest pas parfait dans sa propre nature comme le sont la plante et lĠanimal. (The Human Cycle, 15 :220)

Il ne faut pas du tout dŽplorer cette imperfection dit Sri Aurobindo. En nous, la force nĠa pas fini de trouver sa conscience ni notre nature son esprit, Elle de trouver Lui. Y eu-t-il jamais Platon satisfait, Michel-Ange apaisŽ ? Ç Un soir jĠai assis la beautŽ sur mes genoux, et je lĠai trouvŽ amre ! È sĠŽcrie Rimbaud. CĠest le signe que ni le sommet de lĠintelligence mentale, ni le raffinement esthŽtique, nĠest le but du voyage, la plŽnitude – Lui en Elle-

En vŽritŽ, le monde et chaque cellule de notre corps est Sat-Chit-ċnanda – Existence-Conscience-BŽatitude – Nous sommes lumire et joie. Et tout est joie. CĠest notre faiblesse de vision qui nous cache lĠallŽgresse absolue au cÏur des choses, ce sont nos sens p‰les qui ne savent pas encore contenir toute cette immensitŽ.

 

LĠhomme dit Sri Aurobindo nĠest pas le dernier terme de lĠŽvolution, cĠest un tre de transition (The Hour of God, 17 :7)

É Il se pourrait bien que lĠhomme lui-mme soit un laboratoire vivant et pensant o la Nature veut, avec sa collaboration consciente,É  manifester Dieu. (The Life Divine, 18 :3-4)

Alors, quand le grand Equilibre sera atteint, nous entrerons dans Ç la Vaste demeure È ( Rig-Veda V68.5)

Mais les rishis aussi savaient que le voyage nĠest pas fini : Ç Tissez une Ïuvre inviolable, devenez lĠtre humain, crŽez la race divineÉ ï voyants de la VŽritŽ, aiguisez les lances lumineuses, frayez la voie vers Cela qui est Immortel ; connaisseurs des plans secrets, formez les degrŽs par quoi les dieux atteignirent ˆ lĠimmortalitŽ È (Rig-Veda, X.53.6,10)

Alors nous aurons la joie des deux mondes et de tous les mondes, ċnanda, de la terre et du ciel comme sĠils Žtaient un.

Car tel est le but de lĠŽvolution, finalement, la Joie. On dit lĠAmour, mais est-il mot plus truquŽ ? – Par nos sentimentalitŽs, nos partis, nos Eglises - tandis que cette joie-lˆ personne ne peut lĠimiter !

 

 

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17

LA TRANSFORMATION

(131-143)

____________________

 

(p320-p377)

 

 

 

LĠŽmergence de lĠesprit dans une conscience supramentale et dans un corps nouveau, une race nouvelle, est un phŽnomne aussi inŽvitable que lĠapparition de lĠhomo-sapiens aprs celle des primates. La seule question qui se pose vraiment est de savoir si cette Žvolution nouvelle se fera avec ou sans nous.

Nous pouvons tre les Ç collaborateurs conscients de notre propre Žvolution È accepter le dŽfi, ou, comme dit Sri Aurobindo, nous laisser dŽpasser.

 

 

Perspectives dĠavenir

(132-133)

(p321-p329)

 

Comprendre le but est dŽjˆ une grande Žtape sur la voie de la transformation, car si peu que nous comprenions et que nous aspirions ˆ ce Futur, nous ouvrons une porte invisible par o des  forces plus grandes que la n™tre peuvent entrer et nous commenons ˆ collaborer.

En vŽritŽ, ce ne sont pas nos forces humaines qui opŽreront le passage au surmental, mais un abandon de plus en plus conscient ˆ la Force dĠen haut.

La surhumanitŽ nĠest pas lĠhomme grimpŽ ˆ son zŽnith naturel ; ce nĠest pas un degrŽ supŽrieur de la grandeur humaine, de la connaissance humaine, du pouvoir, de lĠintelligence, de la volontŽ, du caractre, de la force dynamique et du gŽnie humains, ni mme de la saintetŽ, de la puretŽ, de la perfection et de lĠamour humains. Le supramental est au-delˆ de lĠhomme mental et de ses limites.

PoussŽ ˆ lĠextrme, le Mental ne peut que durcir lĠhomme, pas le diviniser ni mme simplement, lui donner la joie.

Si nos conditions mentales sont insuffisantes, mme ˆ leur zŽnith, nos conditions vitales et physiques le sont encore davantage.

Si une transformation totale de lĠtre est notre but, la transformation du corps, nŽcessairement, en est une partie indispensable ; sans elle aucune vie divine complte nĠest possible sur la terre. (The Supramental Manifestation, 16 :24)

Selon Sri Aurobindo, la caractŽristique essentielle de la matire supramentalisŽe est la rŽceptivitŽ ; elle sera capable dĠobŽir ˆ la volontŽ consciente et de se modeler ˆ ses ordres, comme lĠargile obŽit aux doigts de lĠartisan.

Avant ces changements spectaculaires qui seront probablement les derniers ˆ se manifester, Sri Aurobindo envisage un changement considŽrable dans notre physiologie.

A un stade ultŽrieur de la transformation, Sri Aurobindo envisage le remplacement des organes par le fonctionnement dynamique de nos centres de conscience ou chakra. CĠest le vrai passage de lĠhomme-animal tel quĠil a ŽtŽ conu par lĠŽvolution infŽrieure, ˆ lĠhomme-homme de lĠŽvolution nouvelle. CĠest lĠune des t‰ches que Sri Aurobindo et la Mre ont entreprise.

Non seulement le corps et le mental devront changer avec la conscience supramentale, mais la substance mme de la vie. SĠil est un signe caractŽristique de notre civilisation mentale, cĠest lĠartifice ; rien ne sĠy passe naturellement, nous sommes prisonniers dĠun formidable truquage – avion, tŽlŽphone, tŽlŽvision, et toute la plŽthore des instruments qui fardent notre pauvretŽ -

Et nous dŽlaissons jusquĠˆ nos capacitŽs naturelles qui sĠatrophient de gŽnŽration en gŽnŽration, par paresse et par ignorance.

Nous oublions une vŽritŽ fondamentale trs simple, ˆ savoir que nos merveilleuses inventions sont seulement la projection matŽrielle des pouvoirs qui existent en nous.

LĠ ÈautoritŽ È supramentale nĠest pas une sorte de super-prestidigitation, il sĠen faut ; cĠest un processus extrmement prŽcis et minutieux. Mais au lieu de manipuler des corps extŽrieurs, lĠtre supramental manipule la vibration vraie qui est au centre de chaque chose et lĠassocie ˆ dĠautres vibrations pour obtenir un rŽsultat donnŽ.

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Premire phase – le Travail

(133-136)

(p329-p336)

 

 

Autant les rŽsultats sont voyants, autant le travail est modeste, humble, patient, comme celui du savant devant ses bouillons de culture. Un travail microscopique dit la Mre. Il sĠagit de dŽlivrer chaque atome, chaque cellule –force de la conscience-force quĠelle contient.

On pourrait penser que ce travail sur le corps implique lĠusage des mŽthodes psycho-physiques, un peu comme le hatha-yoga, mais il nĠen est rien. CĠest la conscience qui reste le levier central ; le changement de conscience est le facteur principal, le mouvement premier ; la modification physique est un facteur subordonnŽ, une consŽquence.(The Life Divine, 19 :842)

É LĠŽvolution a toujours eu un sens spirituel et le changement physique ne faisait que servir dĠinstrument, mais cette relation se trouvait cachŽe au dŽbut par lĠŽquilibre anormal des deux facteurs, le corps de lĠInconscience extŽrieure lĠemportant sur lĠŽlŽment spirituel ou lĠtre conscient et le voilant. Mais ds que cet Žquilibre est rŽtabli, ce nĠest plus le changement du corps qui doit prŽcŽder le changement de conscience, cĠest la conscience elle-mme qui par sa propre mutation imposera et opŽrera toute mutation nŽcessaire au corps. (The Life Divine, 19 :843-44)

On peut distinguer trois phases dans le travail qui correspondent aux dŽcouvertes de Sri Aurobindo et de la Mre ; trois phases qui semblent aller du plus brillant au plus obscur.

 

Pendant la premire phase, nous assistons ˆ une vŽrification des pouvoirs de la conscience ; cĠest ce que certains disciples ont appelŽ la Ç pŽriode brillante È. Elle sĠŽtend de 1920 ˆ 1926.

 

 En prŽsence du pouvoir nouveau supramental quĠils avaient dŽcouvert, Sri Aurobindo et la Mre se livrent tout dĠabord ˆ une sŽrie dĠexpŽriences sur leur propre corps.

Sommeil, nourriture, pesanteur, Sri Aurobindo vŽrifiait une par une toutes les soi-disant lois naturelles pour sĠapercevoir quĠelles ne tiennent que dans la mesure o nous croyons quĠelles nous tiennent ; si lĠon change de conscience, le Ç sillon È change aussi. Toutes nos lois sont des Ç habitudes È.

Il nĠy a quĠune Loi vraie, celle de lĠEsprit qui peut modifier toutes les habitudes infŽrieures de la Nature. Sri Aurobindo nĠa pas de recettes miraculeuses, pas de trucs fantastiques. Son yoga repose sur une double certitude trs simple, la certitude de lĠEsprit qui est en nous et la certitude de la manifestation terrestre de lĠEsprit – cĠest le seul levier, le vrai levier de son travail : En chaque homme, Dieu habite ; le rendre manifeste est le but de la vie divine. Cela nous pouvons tous le faire. (Life of Sri Aurobindo, 173)

Pour Sri Aurobindo, la vraie clŽ est de comprendre que lĠEsprit n Ôest pas le contraire de la vie, mais la plŽnitude de la vie, que la rŽalisation intŽrieure est le secret de la rŽalisation extŽrieure.

CĠest cela que Sri Aurobindo est venu nous dŽmontrer, avant toute chose, le fait quĠil nĠest pas besoin de courir au ciel pour trouver lĠEsprit, le fait que nous sommes libres, le fait que nous sommes plus forts que toutes les lois, parce que Dieu est en nous.

 

Croire, simplement cela. Parce que cĠest la foi qui prŽcipite la fŽŽrie du monde.

Ce qui mĠa sauvŽ dĠun bout ˆ lĠautre, cĠest un Žquilibre parfait. DĠabord je croyais que rien nĠŽtait impossible et, en mme temps, je pouvais tout mettre en question. (Evening Talks, 163)

Pendant cette premire phase, les disciples (ils Žtaient une quinzaine) sĠaccordent ˆ dire lĠatmosphre trs particulire, hautement concentrŽe, qui rŽgnait alors. Ils avaient de merveilleuses expŽriences comme en se jouant, des manifestations divines se produisaient. Si les choses avaient continuŽ ˆ ce train, Sri Aurobindo et la Mre Žtaient en bonne voie de fonder une religion nouvelle, et lĠashram de devenir un de ces Ç hauts lieux È o les parfums spirituels recouvrent des odeurs plus modestes.

Comme la Mre racontait ˆ Sri Aurobindo lĠun des derniers incidents extra-naturels, il remarqua avec humour :

Oui, cĠest trs intŽressant, vous arriverez ˆ des miracles qui nous rendent cŽlbres dans le monde entierÉ mais cĠest une crŽation surmentale, ce nĠest pas la vŽritŽ suprme – The highest truth- Ce nĠest pas le succs que nous voulons ; nous voulons Žtablir le supramental sur la terre, crŽer un monde nouveau.

Une demi-heure aprs, tout Žtait arrtŽ : je nĠai rien dit, pas un mot, raconte la mre, en une demi-heure jĠavais tout dŽfait, coupŽ la connexion entre les dieux et les gens, tout dŽmoli. Parce que je savais que tant que cĠŽtait lˆ, cĠŽtait si attractif (on voyait des choses Žtonnantes tout le temps) que lĠon aurait ŽtŽ tentŽ de continuerÉ jĠai tout dŽfait. Et depuis ce moment-lˆ nous sommes repartis sur dĠautres bases.

 

Ce fut la fin de la premire phase. Sri Aurobindo et la Mre sĠŽtaient aperus que les Ç miracles avec un processus È, ou lĠintervention des pouvoirs supŽrieurs de la conscience, ne font que dorer la pilule sans toucher ˆ lĠessence. Ils sont vains du point de vue de la transformation du monde.

La lŽvitation, la conqute du sommeil et de la faim et mme des maladies, ne font que toucher la surface du problme, cĠest du travail nŽgatif contre un ordre des choses. CĠest encore reconna”tre fžt-ce nŽgativement, la vieille loi, alors que cĠest lĠordre lui-mme qui doit changer.

Tous les miracles ne sont que lĠenvers, ou plut™t lĠendroit de notre pauvretŽ. Ce quĠil faut, cĠest un monde nouveau.

 

Brusquement, le 24 novembre 1926, Sri Aurobindo annonce quĠil se retire dans une solitude complte ; lĠAshram est officiellement fondŽ sous la direction de la Mre. Les disciples nĠeurent pas besoin dĠapprendre que le yoga se ferait dŽsormais Ç dans le subconscient et dans lĠinconscient È, ils dŽgringolrent tous de leurs splendides expŽriences pour se mesurer ˆ des rŽalitŽs beaucoup plus dures.

 

Ainsi sĠouvrit la deuxime phase du travail de transformation.

 

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LĠAgni fondamental

(136-137)

(p336-p341)

 

Au seuil de cette deuxime phase nous retrouvons la conversation bien Žtrange quĠil ežt en 1926, peu de temps avant sa retraite avec un polytechnicien franais. Au sujet de la science moderne.

ÉSri Aurobindo poursuit :

les anciens yogis connaissaient un triple Agni :

1)   Le feu ordinaire, jada Agni

2)   Le feu Žlectrique, va•dyuta Agni

3)   Le feu solaire, saura Agni

4)   La science ne conna”t encore que le premier et le second de ces feux. Le fait que lĠatome est comme un systme solaire pourrait les conduire ˆ la connaissance du troisime.

Comment se fait-il quĠil ait pu savoir avant tout nos laboratoires, sans parler des rishis il y a six mille ans,  que la chaleur solaire a une origine diffŽrente de ce que nous appelons le feu Žlectrique et quĠelle est le produit dĠune fusion nuclŽaire ?

CĠest que toutes nos rŽalitŽs physiques, quelles quĠelles soient, sont doublŽes dĠune rŽalitŽ intŽrieure qui est leur cause et leur fondement.

Tout, ici-bas, est lĠombre projetŽe ou la traduction symbolique dĠune lumire ou dĠune force qui est derrire sur un autre plan.

Tout ce monde est vaste Symbole. La science analyse les phŽnomnes mais elle ne touche que lĠeffet, jamais la cause vraie. Le yogi voit la cause avant lĠeffet.

Le monde entier est une formidable opŽration magique, une magie continuelle.

Derrire nos phŽnomnes de gravitation, pour prendre lĠun des rituels, il y a ce que les anciens yogis appelaient V‰yu, la cause de la gravitation et des champs magnŽtiques et cĠest ainsi que le yogi peut Žventuellement dŽfier les lois de la pesanteur.

Derrire le feu solaire ou nuclŽaire, il y a lĠAgni fondamental, cet Agni spirituel qui est partout. CĠest parce que Sri Aurobindo et les rishis avaient vu cet Agni spirituel dans la Matire, ce Ç soleil dans lĠobscuritŽ È quĠils pouvaient avoir la connaissance de son effet matŽriel, atomique.

Finalement, lĠunivers entier, du haut en bas, est fait dĠune seule substance de Conscience-Force divine ; lĠaspect force ou Žnergie de la conscience est Agni : Ç  O Fils de lĠEnergie Ç  dit le Rig Veda (VIII.84.4)

 

Quand nous nous concentrons dans notre mental, nous dŽcouvrons la chaleur subtile de lĠŽnergie mentale, ou Agni mental.  Quand nous nous concentrons dans notre cÏur ou dans nos Žmotions, nous dŽcouvrons la chaleur subtile de lĠŽnergie de vie, ou Agni vital ; quand nous plongeons dans notre ‰me nous connaissons la chaleur subtile de lĠ‰me ou Agni psychique.

Et il y a lĠAgni fondamental, ou Agni matŽriel, qui est le stade ultime de lĠŽnergie de la conscience avant sa conversion ou sa densification en matire.

Donc, en manipulant la conscience, on peut manipuler lĠEnergie ou la Matire.

 

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Deuxime phase – le corps

(138-141)

(p341-p354)

 

CĠest en 1926 que s Ôouvre la deuxime phase, et elle va sĠŽtendre jusquĠen 1940.  CĠest une phase de travail sur le corps et dans le subconscient. JusquĠici nous avons tous les indices, tous les fils pour parvenir nous-mmes au changement de conscience supramental et nous connaissons le principe de base de la transformation. CĠest  Agni  Ç qui fait le travail È dit le Rig-VŽda (IV.1.14)

Mais comment, pratiquement, cet Agni va-t-il procŽder pour modifier la matire ? Nous ne pouvons pas le dire encore, nous ne connaissons que des petits bouts : Si nous connaissions le processus dit la Mre ce serait dŽjˆ fait. Nous savons tous les processus pour parvenir au Nirvana, rŽaliser lĠEsprit cosmique, trouver lĠ‰me, vaincre la pesanteur, la faim, le froid, le sommeil, les maladies, sortir ˆ volontŽ de son corps et prolonger la vie – tout le monde peut y parvenir, les voies sont connues, les Žtapes dŽcrites par les sages hindous depuis des millŽnaires. CĠest une question de discipline et de patience – de Ç moment È aussi. Mais la transformation, personne ne lĠa faite, cĠest une voie totalement inconnue.

Pour citer la Mre encore :

Nous ne savons pas si telle ou telle expŽrience fait partie du chemin ou non, nous ne savons mme pas si nous progressons ou non, car si nous savions que nous progressons, cĠest que nous conna”trions le chemin – il nĠy a pas de chemin ! Personne nĠest allŽ lˆ ! On ne pourra vraiment dire ce que cĠest que quand ce sera fait.

 

CĠest une aventure dans lĠinconnu, dit Sri Aurobindo.  LĠexpŽrience est en cours. LorsquĠelle aura ŽtŽ rŽussie une fois, une seule, dans un seul tre humain, les conditions mmes de la transformation changeront, parce que le chemin aura ŽtŽ fait, tracŽ, les difficultŽs primaires dŽblayŽes.

Il faut passer dĠun Žtat actuel ˆ un autre Žtat, dĠune vieille organisation ˆ une nouvelle : il y a un vieux cÏur qui est lˆ, de vieux poumons – ˆ quel moment, remarquait la Mre, va-t-on arrter le cÏur pour lancer la Force en circulation ?

Le premier problme est dĠadapter le corps et pour cela il faut des annŽes et des annŽes, peut-tre des sicles.

Sri Aurobindo a travaillŽ pendant quarante ans et la Mre pendant cinquante ans ˆ cette adaptation.

Naturellement il faut que le travail soit fait en une vie. On peut dĠune vie ˆ lĠautre retrouver les progrs antŽrieurs de notre ‰me et de notre mental, mme de notre vital qui se traduiront en cette vie par des Žveils spontanŽs, des facultŽs innŽes, un dŽveloppement dŽjˆ acquis. Il y a mme une expŽrience assez saisissante o lĠon voit exactement le point o sĠachve le dŽjˆ fait des vies passŽes et o commence le point nouveau. On renoue le fil. Mais pour le corps, le progrs cellulaire ne peut passer dĠune vie ˆ lĠautre, cĠest Žvident, tout sĠŽparpille.

Nous sommes lˆ en face des deux problmes fondamentaux du chercheur : donner aux cellules du corps la conscience dĠimmortalitŽ qui existe dŽjˆ dans notre ‰me et mme dans notre mental et nettoyer compltement le subconscient. Le progrs dĠAgni dans le corps dŽpend, semble-t-il de ces deux conditions. Le travail reste donc toujours un travail de conscience.

A lĠexpŽrience, on sĠaperoit que le problme de lĠimmortalitŽ est toujours liŽ ˆ un problme de vŽritŽ. Est immortel ce qui est vrai.

Plus on descend lĠŽchelle de conscience, plus le mensonge sĠŽpaissit et plus cela meurt naturellement parce que le mensonge est dĠessence pourrissante.

Il est Žtrange de voir comme, partout et toujours, les choses ont deux visages : si lĠon regarde dĠun c™tŽ, il faut lutter, se battre, dire Non ; si lĠon regarde de lĠautre, il faut rendre gr‰ce et encore gr‰ce, dire Oui et encore Oui; et il faut pouvoir les deux.

Ce serait une parfaite erreur de penser que lĠon peut entreprendre le yoga supramental avant dĠavoir parcouru tous les Žchelons – il faut aller tout en haut pour pouvoir toucher tout en bas, nous le savons.

Si le silence est la condition de base de la transformation mentale, si la paix est la condition de base de la transformation vitale, lĠimmobilitŽ est le fondement de la transformation physique – non pas une immobilitŽ extŽrieure mais intŽrieure, dans la conscience cellulaire.

    Il y a aussi un mental obscur, un mental du corps, des cellules mmes, des molŽcules, des corpuscules. Haekel, le matŽrialiste allemand, a parlŽ quelque part dĠune volontŽ dans lĠatome, et la science rŽcente, en prŽsence des imprŽvisibles variations individuelles de lĠŽlectron, est sur le point de sĠapercevoir que ce nĠest pas une mŽtaphore mais lĠombre portŽe dĠune rŽalitŽ secrte.

Ce mental corporel est trs tangiblement rŽel ; par son obscuritŽ, son attachement obstinŽ et mŽcanique aux mouvements passŽs, sa facilitŽ ˆ oublier, son refus du nouveau, il est lĠun des obstacles principaux, ˆ lĠinfusion de la Force supramentale dans le corps et ˆ la transformation du fonctionnement corporel. Par contre, une fois effectivement converti, ce sera lĠun des instruments les plus prŽcieux pour stabiliser la Lumire et la Force supramentale dans la Nature matŽrielle.(Letters on Yoga, 22 :340)

Que dire de ce travail ? Il est infinitŽsimal. Et la seule faon de le faire nĠest pas dĠentrer en des mŽditations profondes qui ne touchent que le sommet de notre tre, pas de rŽussir des concentrations ou des extases extraordinaires mais de travailler au niveau du corps, tout en bas, ˆ chaque minute du jour et de la nuit. CĠest pourquoi Sri Aurobindo insistait tant sur la nŽcessitŽ du travail extŽrieur et des exercices physiques les plus ordinaires, seule faon de se mesurer avec la matire et de pousser dedans un peu de conscience vraie ou plut™t de permettre ˆ Agni dĠŽmerger librement.

Tout le travail du chercheur nĠest donc pas tant de lutter contre des vibrations dites mauvaises que de garder la vraie vibration, la joie divine dans le corps, qui, elle, a le pouvoir de remettre en ordre, dŽtendre, harmoniser, guŽrir toutes ces petites vibrations, usantes, mensongres, dans lesquelles nos cellules vivent constamment.

Toute souffrance est  une Žtroitesse de conscience ˆ tous les niveaux.

 

 

 

 

Nous approchons du vrai problme. Le chercheur fait alors une autre dŽcouverte assez brutale : tous ses pouvoirs yoguiques sĠŽcroulent. Il avait dŽjˆ ma”trisŽ les maladies, les fonctionnements du corps, peut-tre mme la pesanteur, il Žtait capable dĠavaler des poisons sans en souffrir parce que sa conscience Žtait le ma”tre. Mais subitement, du jour o il se met en tte de transformer ce corps, tous ses pouvoirs sĠŽvanouissent, comme de lĠeau dans les sables. Et la Mort sĠen mle. Entre les deux fonctionnements, le vieux et le nouveau qui doit remplacer les organes symboliques par la Vibration vraie, la ligne est trs mince, parfois qui sŽpare la vie de la mort. – peut-tre mme faut-il tre capable de passer la ligne et de revenir pour vraiment triompher ? CĠest ce que la Mre appelait mourir ˆ la mort, aprs une de ces expŽriences dĠo elle faillit ne pas revenir.

Il y a un point central tout en bas, un nÏud de vie et de mort o se joue le destin du monde. Tout est ramassŽ en un point.

 

Tu porteras toutes choses pour que toutes choses puissent changer dit Savitri (Savitri, 29 :700) ; cĠest pourquoi Sri Aurobindo a quittŽ son corps le 5 dŽcembre 1950, officiellement dĠune crise dĠurŽmie, lui qui pouvait guŽrir les autres en quelques secondes.

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Deuxime phase – le subconscient

(139-140)

(p354-p363)

 

Il y a donc une autre catŽgorie de difficultŽs (mais cĠest la mme sous un autre visage) qui tient ˆ la rŽsistance subconsciente de la terre entire. CĠest lˆ que Sri Aurobindo a rencontrŽ la Mort. CĠest lˆ que la Mre continue lĠÏuvre.

LĠŽmergence dĠun degrŽ nouveau dans lĠŽvolution, que ce soit celle de la Vie dans la Matire ou du Mental dans la Vie, sĠaccomplit toujours sous une double poussŽe : une poussŽe du dedans ou dĠen bas, du principe involuŽ qui cherche ˆ Žmerger et une poussŽe du Ç dehors È ou dĠen Ç haut È du mme principe, tel quĠil existe dŽjˆ sur son propre plan.

Actuellement, le supramental involuŽ dans la matire, pousse du dedans, sous forme de tension spirituelle, dĠaspirations terrestres ˆ lĠImmortalitŽ, ˆ la VŽritŽ, ˆ la BeautŽ, etcÉ et en mme temps il presse dĠen haut, de son propre plan Žternel, sous forme dĠintuitions, de rŽvŽlations, dĠilluminations.

LĠŽmergence du nouveau degrŽ de conscience, ˆ un stade quelconque de lĠŽvolution, nĠest pas une magie soudaine qui change tous les degrŽs anciens.  Entre lĠapparition des premires amibes et celle des mammifres nous avons les millions dĠannŽes quĠil fallut pour surmonter lĠinertie matŽrielle et Ç vitaliser È la matire.

Plus lĠŽvolution progresse, plus elle touche des couches profondes.  Plus on sĠŽlve plus on est tirŽ vers le bas. LĠŽvolution ne va pas de plus en plus haut mais de plus en plus profond.

Quand la jonction sera faite, lĠEsprit Žmergera dans la Matire, dans un tre supramental complet et dans un corps supramental.

Sri Aurobindo et la Mre allaient sĠapercevoir  au cours de cette deuxime phase que la transformation nĠest pas seulement un problme individuel mais terrestre et quĠil nĠy a pas de transformation individuelle possible sans un minimum de transformation collective.

Plus on a de lumire, plus on dŽcouvre dĠobscuritŽ ; ˆ la trace, nuit aprs nuit, se rŽvle le pourrissement sournois qui mine la Vie.

CĠest le monde entier qui rŽsiste. Ce nĠest pas la difficultŽ dĠun corps mais la difficultŽ du corps. Sri Aurobindo et la Mre dŽcouvraient ainsi matŽriellement, expŽrimentalement, lĠunitŽ substantielle du monde.

 

Ainsi sĠachve la deuxime phase du travail de transformation. Aprs avoir travaillŽ pendant quatorze ans, de 1926 ˆ 1940 dĠune faon individuelle concentrŽe, avec une poignŽe de disciples triŽs sur le volet, Sri Aurobindo et la Mre Žtaient arrivŽs devant un mur. Il est significatif que le point culminant de la deuxime phase du travail de transformation ait co•ncider avec le dŽbut de la deuxime guerre mondiale.

Aprs ces quatorze annŽes de concentration individuelles, en 1940, Sri Aurobindo et la Mre ouvraient toutes grandes les portes de leur Ashram.

Ainsi commence la troisime phase de la transformation, qui continue encore, une phase dĠexpansion et de travail terrestre.

 

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Troisime phase – lĠAshram

(141-142)

(p363-p377)

 

Note de lĠauteur (1984)

Ce sous-chapitre nĠa hŽlas quĠune valeur historique. AujourdĠhui, aprs le dŽpart de Mre en 1973, lĠ ÈAsram de Sri Aurobindo È nĠest plus gure quĠune institution prospre sans rapport avec lĠexpŽrience Žvolutive de Sri Aurobindo et Mre.

Le lecteur dŽsireux dĠen savoir davantage sur le travail de Mre aprs le dŽpart de Sri Aurobindo en 1950, ainsi que les ŽvŽnements qui ont entourŽ le dŽpart de Mre en 1973, est priŽ de se rŽfŽrer ˆ lĠAgenda de Mre (1951-1973, 13 volumes ainsi quĠˆ la trilogie de Satprem sur Mre :

1)   le MatŽrialisme divin

2)   lĠEspce nouvelle

3)   la Mutation de la Mort

 

 

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CONCLUSION

(144-145)

 

LA FIN QUI EST TOUJOURS AU COMMENCEMENT

(Savitri, 28 :295)

(p378-p383)

 

 

 

 

La rŽalisation des rishis vŽdiques est devenue une rŽalisation collective ; le Supramental est entrŽ dans la conscience terrestre, descendu jusque dans le subconscient physique, ˆ la frontire de la Matire ; il ne reste quĠun pont ˆ franchir pour que la jonction soit faite.

 

A lĠheure quĠil est, nous sommes en plein dans une pŽriode de transition o les deux sĠenchevtrent : lĠancien persiste, encore tout-puissant, continuant ˆ dominer la conscience ordinaire, et le nouveau se faufile, encore trs modeste, inaperu au point quĠextŽrieurement il ne change pas grand-chose, pour le momentÉEt pourtant il travaille, il cro”t, jusquĠau jour o il sera assez fort pour sĠimposer visiblement.

É

La clŽ de lĠŽnigme nĠest pas lĠascension de lĠhomme au ciel mais son ascension ici-bas dans lĠEsprit et la descente de lĠEsprit dans son humanitŽ ordinaire, une transformation de la nature terrestre ; cĠest cela que lĠhumanitŽ attend, une naissance nouvelle qui couronnera sa longue marche obscure et douloureuse et non quelque salut post mortem. (The Human Cycle, 15 :250)

 

A chaque hauteur conquise, tout change, cĠest un renversement de conscience, un ciel nouveau, une terre nouvelle ; le monde physique changera bient™t sous nos yeux incrŽdules.

LĠŽvolution nĠest pas finie ; ce nĠest pas une absurde ronde, pas une chute, pas une foire aux vains plaisirs, cĠest :

 

 

LĠaventure de la conscience et de la joie. (Savitri, 28 :2)

 

 

 

 

PondichŽry,

14 avril 1963

 

 

 

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