l’hybris à la conquête de l’espace après avoir largement détruit la Terre

Il y a bien dans la pensée occidentale une opposition frontale et fondamentale entre une vision  de l’homme conscient de la mesure, partisan de la modération et de la sobriété et l’homme atteint par l’hybris, la démesure, qui veut rivaliser avec les dieux dans la pensée grecque.

Il y a aussi dans la religion chrétienne une opposition frontale entre la voie suivie par le Christ et celle que lui propose le diable. La « tentation du Christ » relatée à la fois dans les évangiles de Marc, Matthieu et Luc  relate l’épisode du jeûne de quarante jours dans le désert épisode au cours duquel le diable offre à Jésus le pouvoir sur tous les royaumes du monde s’il se prosterne devant lui.

Après avoir massivement porté un préjudice global à la planète et au vivant sur terre l’homme veut s’orienter vers la conquête et l’exploitation de l’espace.  Il poursuit son orientation prométhéenne  qui veut ravir le feu sacré de l’Olympe et qui dans la mythologie grecque est sévèrement sanctionnée par les dieux. Cette volonté de conquête s’accompagne parallèlement de sa transformation à la fois pour augmenter sa puissance et résister à l’intelligence artificielle.

Une partie du courant écologique s’oppose frontalement aux orientations et dérives du monde techno-scientifique mais ce dernier mondialement tout puissant  vise à sortir de notre planète limitée pour conquérir l’espace y voyant des sources de profits importantes, le moyen de contourner la limitation des ressources terrestres en métaux rares et retrouver une indépendance  face à  la Chine qui domine le monde des métaux et terres rares. Nous sommes encore dans une phase de rêve scientifique et technologique de surpuissance  qu’il convient de faire partager par le plus grand nombre et par les investisseurs et qui va orienter la rivalité entre les grands états.

Elon Musk industriel milliardaire est dans ce domaine et pour l’instant la figure emblématique de cette orientation.

Au passage, dans une conférence le 16/7/19 il présente son projet  Neuralink dans lequel il veut relier smartphone et cerveau via cable USB et implant discret dans le cerveau. Musk poursuit aussi comme Google son projet transhumaniste  en vue de maintenir les capacités humaines à la hauteur  de celles de l’intelligence artificielle.

Outre son projet Starlink de lancement de milliers de satellites pour améliorer la connexion globale d’internet sur la terre Elon Musk poursuit le projet de la conquête de Mars et il veut débuter ses premiers vols habités dès 2024.

Son concurrent direct est Jeff Bezos président d’Amazon et homme le plus riche du monde. Le 9/5/19 celui-ci a présenté son projet Blue Moon d’alunisseur. Il veut lui aussi coloniser l’espace  en vue de développer le tourisme spatial et de faire de la lune un relais pour une exploitation plus lointaine. Il ne néglige pas une coopération avec la NASA qui envisage dès 2024 son retour sur la lune.

Dans ce domaine, il faut signaler le lancement le 22 juillet 2022 de la fusée indienne qui doit propulser un atterrisseur et un robot sur le pôle sud de la lune.  L’alunissage prévu aux alentours du 6/9/22 a échoué.

Par ailleurs, les USA dès 2015 puis le Luxembourg en 2017 ont adopté des lois qui autorisent les sociétés installées sur leur territoire à exploiter et utiliser les ressources de l’espace.

Deep Space Industries  – société américaine créée en 2013- a notamment pour objet l’exploitation des astéroïdes

Planetary Resources -société américaine a aussi pour objet l’exploitation des astéroïdes. Créée en 2010 par Larry page dirigeant de Google et James Cameron mais  ayant aussi  parmi ses actionnaires le Luxembourg.

Asteroid Mining Corporation  – société anglaise- et Space Engineering -société italienne-s’intéressent également à l’exploitation des astéroïdes en partant de l’expérience européenne  de Rosetta.

A l’opposé des défenseurs du vivant sur notre planète, plusieurs entrepreneurs milliardaires et d’autres qui rêvent de le devenir, construisent des projets gigantesques de conquête et exploitation de l’espace dans les buts mêlés  de profits envisagés, d’échappatoire à une planète limitée et aussi de lutte entre les plus grandes puissances pour accéder à des ressources nouvelles.

 

De la « décivilisation « – le retour de la barbarie grâce au champ libre des pulsions et l’écrasement par les technologies

Après des études d’histoire (titulaire de l’agrégation), de latin et d’arabe à Paris, Lyon et Rome, Aurélien Girard a soutenu sa thèse de doctorat à l’École pratique des Hautes Études en 2011 (Le christianisme oriental (XVIIe-XVIIIe siècles). Essor de l’orientalisme catholique en Europe et construction des identités confessionnelles au Proche-Orient). Il est maître de conférences à l’Université de Reims Champagne-Ardenne depuis 2012 et actuellement codirecteur du département d’histoire. Ses travaux portent sur l’orientalisme en Europe à l’époque moderne, et sur les provinces arabes de l’Empire ottoman et l’histoire de la Méditerranée avant la colonisation. Il s’’intéresse aussi aux chrétiens orientaux depuis le XVIe siècle jusqu’à maintenant. Il a récemment publié (avec Sylvain Parent et Laura Pettinaroli) un Atlas des chrétiens : des premières communautés aux défis contemporains (Paris, Autrement, 2016, également traduit en italien en 2016).

d’après article sur EpochTime du 28 mai 2023

le champ libre des pulsions :

Alors que se multiplient les exemples de policiers tués par des voyous, de maires et de parlementaires agressés, que pas une semaine ne passe sans que la rupture d’un couple ne finisse en fait-divers sanglant ; alors que l’extrême gauche autant que l’extrême droite systématisent la violence ; que des enfants tuent des enfants ; alors que la haine se déchaîne en ligne quand on n’est pas assez pro- ou anti-, ou quand on refuse de devenir militant des causes de la diversité ; alors, qu’on ne peut retrouver la tranquillité qu’en éteignant tous ses écrans, Emmanuel Macron a volontairement laissé fuiter d’un Conseil des ministres le concept par lequel il tente de décrire cette courbe, cette pente et cette chute : la « décivilisation » ; dit pleinement, la régression de la civilisation humaine, le retour à la barbarie.

Toute la gauche s’est ruée ces derniers jours sur le président, l’accusant de droitisation et rappelant que le concept de décivilisation ramène à Renaud Camus, ancien socialiste devenu penseur de la droite identitaire (ou de l’extrême-droite, selon.)

Bien avant lui pourtant, l’ethnologue Robert Jaulin avait utilisé le terme pour dénoncer l’uniformisation culturelle du monde et l’éloignement du sacré ; le sociologue allemand Norbert Elias tentait lui, d’expliquer avec ce même terme le processus ayant mené aux camps de la mort nazis. Il ressortait de sa vision que l’ascension des civilisations va toujours avec celle des normes sociales, de la capacité d’auto-restriction, du contrôle des passions. Ainsi naquirent la pudeur, la courtoisie, l’étiquette.

Lors de la montée du régime nazi, comme dans celle des différents régimes communistes, Elias rappelle qu’a eu lieu ce qu’il nomme « le grand relâchement de la conscience morale », qui s’est en premier traduit par la promotion sociale de la grossièreté et de la brutalité.

Cet abaissement des exigences morales et des normes sociales, considérées comme « bourgeoises » aussi dans le national-socialisme, s’est retrouvée dans la vague soixante-huitarde, sous la bannière du « courant d’émancipation » que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les discours progressistes. Il s’agit à chaque fois de briser des carcans – c’est-à-dire des règles non acceptées – en laissant le champ libre aux pulsions, au détriment de la raison. Par cela se déconstruisent progressivement des civilisations parfois millénaires et revient la barbarie.

L’écrasement par les technologies

Le développement technologique des sociétés, lui aussi conceptualisé comme « émancipateur » dans la pensée progressiste, a été une des armes principales de cette destruction, ce qu’illustre l’annonce cette semaine des premières implantations des puces électroniques de la compagnie NeuraLink dans des cerveaux humains. Après la seconde guerre mondiale, la technologie a d’abord artificialisé les sols, poussé à sur-exploiter les ressources de la planète, massivement pollué. Elle a ensuite modifié les plantes par ingénierie génétique, s’est rendue indispensable au quotidien, a déployé toutes les techniques de la manipulation mentale pour créer des addictions aux produits superflus, aux écrans, ainsi que pour diminuer le sens critique et radicaliser les communautés. Deux exemples chinois l’illustrent : la création en 2018, par des généticiens à Canton, des premiers êtres humains génétiquement modifiés ; puis celle de TikTok, dont l’objectif non avoué est d’imbéciliser un peu plus les nouvelles générations pour les « déciviliser. »

Avec Neuralink, le milliardaire Elon Musk utilise comme tous les transhumanistes, le prétexte de guérison des malades – tétraplégiques par exemple – en guise de Cheval de Troie. Comme pour toutes les technologies, la promesse est celle du confort et de « l’émancipation » à venir : devenir plus résistant au stress, avoir une meilleure mémoire, télécharger des contenus d’Internet directement dans son cerveau. Comme pour toutes les précédentes technologies, le but réel est de poursuivre le grand relâchement de la conscience morale, d’affaiblir les capacités d’auto-contrôle que la démarche civilisationnelle avait développées chez chacun, de rendre le cerveau « hackable ». Le chemin suivi n’est rien moins que celui de la destruction de l’humanité, de la rupture complète du lien avec le monde vivant.

le dictionnaire du progressisme présenté par Olivier DARD

10 février 2022

sous la direction de :

Christophe Boutin  docteur en science politique, professeur à l’Université de Caen

Frédéric Rouvillois   docteur en droit et agrégé en droit public, essayiste, romancier, juriste 

Olivier Dard     professeur à la Sorbonne en histoire politique, maîtrise de droit public, IEP Paris, agrégé d’histoire, participe à la Fondation du Pont Neuf     

Après les dictionnaires des conservatismes et des populismes, la même équipe rassemblant 130 chercheurs internationaux décrypte le progressisme. Exhaustif et informatif. Une somme politique pour comprendre aujourd’hui. Qu’est-ce que le progressisme, souvent invoqué comme l’antithèse du conservatisme ou du populisme dans les débats actuels ? Que sait-on de la genèse du terme, ou de ce qu’implique de nos jours l’idéologie qu’il recouvre ?
À la fois courant philosophique, politique, religieux, artistique, manière de vivre et de concevoir le monde, le progressisme, bien plus qu’une simple amélioration permanente de notre quotidien, se veut, selon ses promoteurs, une véritable redéfinition de la condition humaine. Pour quels buts ? Se peut-il que, comme ce progrès dont il tire son nom, il ait aussi sa part d’ombre, dont la cancel culture serait le dernier avatar ?
Telles sont les questions auxquelles tente de répondre une équipe de cent trente contributeurs, français et étrangers, pour la plupart universitaires (scientifiques, historiens, sociologues, économistes, juristes) mais aussi médecins praticiens, essayistes, écrivains ou journalistes. 260 notices, d’ Âge d’or à Zorglub, pour définir un terme capital dans les débats de notre temps, en France et dans le monde.
Une somme foisonnante pour comprendre notre époque.

 

 

Le progressisme apparaît fin du XVII ème  début du XVIII ème   siècle.

Il est lié au développement de la machine, au développement de la philosophie des Lumières, à la notion de perfectibilité de l’homme chère à Condorcet qui conduit aux progrès de l’humanité. Il est au coeur de la Révolution de 1789. Le nom apparaît pour la première fois dans les années 1830.

C’est une religion, une métaphysique qui s’appuie sur celle du scientisme, elle-même religion de la science et du marxisme qui croit au sens de l’histoire – (vision linéaire opposée par exemple à une vision cyclique dans la philosophie indienne)

Elle véhicule certaines idées et croyances  : le futur est mieux que le présent et le passé est discrédité. La marche du progrès ne peut s’arrêter.

Mais les progressistes peuvent parfois changer d’avis par exemple sur l’état providence au coeur de leur démarche jusqu’à une remise en cause actuelle où cet état providence  devient une idée du passé remise en cause par de nombreux progressistes.

Après la deuxième guerre mondiale, catholiques et communistes se réclamaient du camp du progrès. Aujourd’hui dans l’élection présidentielle, E. Macron, J.L. Mélenchon Ph. Poutou, Y. jadot, V. Pécresse, A. Hidalgo se présentent comme progressistes.

Le transhumanisme actuellement est au coeur de l’idée progressiste. L’homme augmenté – et non pas seulement réparé- est l’avenir de l’homme. Cet avenir est envisagé pour y parvenir comme une fusion homme-machine et dans cette projection déjà en gestation dans certains laboratoires, l’homme devient une marchandise et un produit à élaborer.

Face au progressisme s’élève le conservatisme. Cette doctrine n’est pas opposée à l’idée de progrès mais elle se caractérise par l’idée de limites qui n’existe pas dans le progressisme. Ces limites résultent de l’influence d’autres champs  que celui des sciences, des techniques et de l’économie, par exemple le champ philosophique avec la notion d’éthique ou du champ religieux, ceux -ci posant alors des limites à la notion de progrès.

Anatomie d’un antihumanisme radical : l’intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle-Eric Sadin

 

son site : Eric Sadin

Eric Sadin – 6 mai 2001

 

 

sur France Culture 

Le philosophe Éric Sadin publie un nouvel ouvrage qui questionne l’intelligence artificielle, l’obsession de notre époque, et son application à tous les domaines économiques et sociaux, s’imposant comme énonciatrice de vérité. L’homme ne s’appuie plus alors sur la technique, la technique le guide…

L’obsession pour l’intelligence artificielle

Éric Sadin, le nom vous est familier, c’est l’auteur d’un ouvrage qui a fait grand bruit en 2016 : La Siliconisation du monde : l’irrésistible expansion du libéralisme numérique également paru aux éditions L’Échappée.
Dans ce livre, Sadin expliquait que la Silicon Valley ne se présente pas seulement comme un modèle économique, mais aussi un modèle civilisationnel, fondé sur une organisation algorithmique de la société, entraînant le dessaisissement de notre pouvoir de décision.
Après s’être attaqué au mythe de la Silicon Valley, Sadin, dans son nouveau livre, a donc décidé de s’attaquer à un autre mythe de l’époque : l’intelligence artificielle.
D’ailleurs, l’auteur le rappelle dès l’introduction, l’intelligence artificielle est moins un mythe qu’une véritable obsession. Depuis le début des années 2010, elle représente même l’enjeu économique jugé le plus décisif dans lequel il convient d’investir urgemment.
Que l’on pense aux Etats-Unis qui élaborent des plans stratégiques d’envergure, portés par la NSA, l’Agence nationale de sécurité, le secrétariat à la Défense, mais aussi par quantité d’universités et d’instituts de recherche, à la Chine qui s’est imposée une feuille de route précise pour devenir leader mondial incontesté en matière d’intelligence artificielle d’ici 2030, à la Russie qui investit massivement dans l’IA, Vladimir Poutine considérant que « la nation qui deviendra leader de ce secteur sera celle qui dominera le monde » ou encore aux Émirats arabes unis qui sont allés jusqu’à créer un ministère de l’intelligence artificielle, la conclusion est sans appel : l’intelligence artificielle est la grande ivresse de l’époque. Elle ne touche d’ailleurs pas seulement les États, mais aussi les GAFAM et toutes les entreprises du monde qui espèrent tirer leur épingle du jeu.

Le changement de statut des technologies numériques

Il est vrai, après tout, que l’intelligence artificielle semble ouvrir des perspectives inédites.
Ses systèmes auto-apprenants, ce que l’on appelle le machine learning, permettent en effet de produire des informations et des analyses à une vitesse qui dépasse de loin nos propres capacités cognitives.
Seulement, pour Éric Sadin, l’application de l’intelligence artificielle à tous les domaines économiques et sociaux relève d’un véritable changement de statut des technologies numériques. Les technologies numériques ne sont plus seulement destinées à nous permettre de manipuler de l’information à diverses fins, mais, je cite l’auteur « à nous divulguer la réalité des phénomènes au-delà des apparences. » Autrement dit, l’intelligence artificielle n’a pas vocation à accompagner l’action humaine, elle s’impose comme énonciatrice de vérité.
Le renversement n’est pas des moindres. Ça n’est plus l’homme qui s’appuie sur la technique, c’est la technique qui guide l’homme. Ce renversement, Sadin l’appelle le « tournant injonctif de la technique »,  phénomène unique dans l’histoire de l’humanité qui voit des techniques enjoindre les humains d’agir de telle ou telle manière.
Les exemples d’ailleurs ne manquent pas. L’injonction peut être incitative, comme dans une application de coaching sportif, qui suggère tel ou tel exercice ou complément alimentaire. Elle peut être aussi prescriptive dans le domaine médical avec la mise en place du diagnostic automatisé, dans le domaine bancaire avec la mise en place d’un examen automatisé pour l’octroi d’emprunts ou encore dans le secteur du recrutement qui use de robots numériques pour sélectionner des candidats. Ici encore, on pourrait naïvement se réjouir de telles avancées, mais, selon Sadin, elles masquent une réalité terrifiante, celle de la marginalisation de l’évaluation humaine par rapport à l’expertise automatisée et partant de là, un effacement du politique au profit d’un assujettissement aux résultats produits par les machines.

Pour un sursaut civilisationnel

Faut-il alors chercher à mieux réguler l’intelligence artificielle ? Non, répond Éric Sadin, car la régulation est une vaste fable. Penser que le législateur peut nous prémunir de certaines dérives, c’est ignorer que nous vivons désormais sous le régime d’un ordolibéralisme entièrement voué à soutenir l’économie de la donnée, des plateformes et de l’intelligence artificielle au nom de la croissance.
Ce qu’il faut, c’est un sursaut beaucoup plus profond contre ceux que Sadin appelle les « évangélistes de l’automatisation du monde », ces représentants d’un antihumanisme radical.
Plus nous sommes dessaisis de notre pouvoir d’agir et plus nous devons nous imposer d’être agissant. C’est l’appel qu’émet Éric Sadin dans la dernière partie de son ouvrage qui se présente sous forme de manifeste.
Notre ambition ne doit pas être de nous doter d’une puissance sans limite sur les choses, mais plutôt de cultiver nos propres capacités humaines, au premier rang desquelles notre pouvoir créatif. L’auteur le martèle, il ne représente pas la caste des « inquiets » face à celle des « enthousiastes », il ne fait pas non plus preuve d’un catastrophisme exagéré.
L’enjeu est bien plus important, il est proprement civilisationnel.

 

SARS-COV-2-Aux origines du mal- épisode 4

date de création : 3 mai 2021

dernière mise à jour : 20 septembre 2021

 

Brice Perrier est journaliste à Marianne où il est  responsable de la rubrique scientifique. Il publie le 5 mai 2021 un livre qui fait le point sur la question fondamentale pour la science : comment le Covid-19 a-t-il  contaminé les premiers humains ?

Cette question a déjà fait l’objet de précédents articles sur ce site  évoquant à partir de déclarations de scientifiques les raisons pour lesquelles la piste du  laboratoire  reste la plus sérieuse à ce jour sur la naissance du SARS-COV-2 :

  • article du 25 mars 2020
  • Cet article s’appuyait sur les révélations d’un généticien américain James Lyon Weiler qui affirmait et apportait la preuve  des traces génétiques laissées par l’outil p-Shuttle dans le génome du virus.
  • article du 5 novembre 2020
  • Ce deuxième article  ajoutait deux autres sources d’interrogation sur l’origine artificielle de ce virus. D’abord, la publication le 26/10 d’un article de Yaroslav Pigenet dans le journal du CNRS -virologie où ce chercheur indiquait que la piste du laboratoire restait sérieuse en l’état actuel des connaissances scientifiques.

Ensuite, cet article présentait une interview de la généticienne Henrion-Caude qui affirmait qu’elle avait trouvé qu’une partie de la membrane du virus ne pouvait  être naturelle.

  • article du 1/12/2020 
  • Avec HOLD-UP et cet épisode 3 sur les origines du virus nous avons suivi les révélations du Dr Henrion Caude dans une vidéo du 27 /11/2020 sur Sud Radio. Elle nous révèle l’existence des affirmations d’une chercheuse virologue chinoise Li Meng Yan.   Dans deux rapports consécutifs publiés sur Zenodo.org le premier le 14/9/2019 puis toujours sur Zenodo, le second, le 8 octobre 2020, elle révèle que le SARS-Cov 2 est une arme biologique résultant d’une fraude scientifique à grand échelle : “SARS-CoV-2 Is an Unrestricted Bioweapon : A Truth Revealed through Uncovering a Large-Scale, Organized Scientific Fraud”

Avec l’épisode 4 nous découvrons donc l’enquête du journaliste Brice Perrier objet de son livre « SARS-COV2- Aux origines du mal » sorti en librairie le 5 mai 2021. La présentation qui suit est tirée de l’article de Célia Cuordifède paru dans Mariane du 30 avril au 6 mai.

Brice Perrier évoque d’abord les dizaines d’enquêtes, la plupart signées par des chercheurs chinois et parues dans les prestigieuses revues scientifiques Nature ou the Lancet indiquant que le passage du virus à l’homme s’était fait par l’intermédiaire du pangolin, hôte intermédiaire. Mais ces hypothèses durent être abandonnées par la suite par la communauté scientifique car le génome du virus identifié chez le pangolin s’est révélé trop éloigné de celui du virus découvert chez l’homme.

Certains scientifiques  se tournent vers des  laboratoires P2 ou P3   de la région de Wuhan spécialisés  sur l’étude des coronavirus de chauve-souris (autres que le fameux laboratoire P4 inauguré par le premier ministre français). Ils retiennent l’hypothèse d’une fuite accidentelle alors que d’autres se refusent à y croire,  privilégiant l’hypothèse d’une création naturelle.

Cette lutte entre les approches d’origine laboratoire ou d’origine naturelle constituent la trame de cette enquête.

Brice Perrier aborde dans son livre, à la fois technique et fourni, toutes les pistes, même celles qui paraissent interdites. A la lecture de celui-ci, on découvre d’abord le rôle prépondérant joué par les grandes revues scientifiques qui sont parfois attachées à la pensée scientifique dominante écartant la publication d’études qui s’en éloignent et participant ainsi par cette sélection à renforcer cette pensée dominante.

Le livre met aussi la lumière sur des expériences parfois périlleuses mais couramment effectuées en laboratoire et dont l’objectif est celui dit des gains de fonction. Il s’agit d’ajouter une fonction à une cellule pour améliorer la lutte contre les virus. cf le « Frankenvirus » H5N1 sur le site controverses.minesparis

Brice Perrier clos son ouvrage par la publication de l’appel de 27 chercheurs pour le lancement d’une enquête internationale complète et sans restriction sur les origines du covid-19.

Cet appel  est publié le 13 avril 2021 dans le Point.   Le but est scientifique  : rechercher l’origine réelle de cette pandémie afin d’éviter la possibilité d’une nouvelle épidémie de même type. La conférence de presse de l’OMS le 30 mars 2021 après leur visite à Wuhan  montre que toutes les pistes n’ont pas été étudiées de façon identique. L’étude conjointe  de l’OMS avec les chercheurs chinois a été ciblée sur la recherche des pistes zooniques.

Ces scientifiques de l’OMS concluent   « qu’ aucune justification solide n’est fournie pour expliquer pourquoi ce serait un « accident de laboratoire » (qu’il s’agisse d’une fuite de laboratoire ou d’un accident lors d’un prélèvement d’échantillons). L’OMS prétend qu’à défaut de telles preuves, cette hypothèse de la fuite d’un laboratoire devrait être considéré comme « extrêmement improbable ».

Dans son livre, Brice  Perrier rappelle que dès le 19 février 2020 des chercheurs ont signé une tribune dans the Lancet  condamnant les théories du complot qui suggèrent que le covid 19 n’est pas d’origine naturelle. Il révèle, preuves à l’appui et s’appuyant sur une enquête américaine, que cette tribune a, été rédigée en fait par Peter Daszak président d’EcoHealth Alliance et cosignée par d’autres scientifiques. Elle s’opposait de manière collective à la révélation de   Botao Xiao, professeur à l’Université de technologie de Chine méridionale  qui   venait de poster le 6 février qu’il était possible que le virus soit sorti de Wuhan.

Or, l’association US Right to know -, déjà bien connue pour sa lutte contre Monsanto-a révélé l’origine de la rédaction de cet appel du 19 février par des scientifiques de renom. Elle  révèle que Peter Daszak auteur de cet article a publié une vingtaine d’études avec l’institut de virologie de Wuhan et qu’il a contribué au financement de cet institut chinois grâce à des fonds publics américains. La proximité de ce scientifique avec le centre de Wuhan  est révélée malgré les précautions prises par son auteur pour dissimuler son initiative  mais découvertes par US Right.

Cet  appel collectif ainsi publié très tôt dans the Lancet le 19 février 2000 a imposé à la communauté scientifique spécialisée la vision de l’origine naturelle du virus. Le processus a été renforcé par  les revues scientifiques qui censurent alors la théorie de l’origine du laboratoire ne voulant sans doute pas apparaître comme des supports d’une thèse qualifiée de  complotisme scientifique. Les déclarations du président américain Donald Trump sur « le virus chinois »  ont renforcé ce caractère  devenu tabou de l’accident de laboratoire et déclaré d’entrée de jeu comme une hypothèse complotiste.

C’est ainsi qu’ont été censurés plusieurs chercheurs dont les virilogues  norvégien Birger Sorensen et le chercheur anglais Angus Dalgleish  qui disaient avoir observé une capacité d’action particulière du SARS-COV-2 qui pourrait être liée à 6 insertions dans la protéine Spike.

Pour rédiger son article, la journaliste de Marianne a rencontré deux directeurs de recherche français d’orientation scientifique éloignée quant à l’origine du SARS-COV-2.

Etienne Decroly est virologue spécialiste du VIH, directeur de recherche  CNRS à l’Université d’Aix Marseille – afmb-architecture et fonctions des macromolécules biologiques-. Il précise qu’il n’ a pas de position définitive sur la question de l’origine mais s’étonne que l’hypothèse de la zoonose retenue par l’OMS comme la plus favorable mentionne à l’appui de sa conclusion un prélèvement de  quelques 80 000 échantillons effectués avec cette hypothèse  alors que les 80 000 échantillons  étaient tous négatifs par rapport à  la piste de la zoonose. Il affirme qu’en pareil cas, la méthode scientifique veut que l’on teste d’autres hypothèses car la science progresse toujours sur la contradiction et le débat. Il fait observer  aussi que, dans ce débat, existent aussi d’autres intérêts que le seul intérêt scientifique et il souligne des intérêts financiers et politiques. Mais le temps efface les traces et c’est pourquoi la communauté scientifique doit soutenir davantage l’OMS qui souhaite des études approfondies sur la question.

Face à Etienne Decroly, la journaliste Celia Cuordifede a rencontré Yves Gaudin lui aussi directeur de recherche  CNRS et responsable de l’équipe Rhabdovirus à l’institut de biologie intégrative de la cellule  à Paris Saclay.

Ce chercheur a beaucoup étudié les mécanismes d’entrée des virus dans l’organisme. Selon celui-ci, il n’y a que deux hypothèses possibles sur l’origine SARS-COV-2 : la première est celle de l’hôte intermédiaire et la seconde la transmission directe à l’homme par la chauve-souris. Il ne croit pas à la fuite accidentelle du laboratoire. Il penche plutôt pour l’hôte intermédiaire et de citer alors l’origine du SARS-COV-1 avec la civette et du MERS-COV-V avec le dromadaire.

Interrogé sur la découverte d’un « site de clivage de furin  » il reconnaît qu’effectivement  ceci n’a jamais été découvert chez d’autres coronavirus mais il soutient néanmoins l’hypothèse qu’il puisse apparaître spontanément dans la nature. Sa présence ici dans le SARS-COV-2 ne prouverait  donc selon lui pas grand chose.

Interrogé sur les expériences de gain de fonction qui modifient le code génétique d’un virus afin de voir comment il évolue et in fine de créer des vaccins, il reconnait que certaines de ces expériences sont douteuses et il donne l’exemple à l’appui, du gain de fonctions sur la grippe H5N1 en 2012 qui a permis finalement que ce virus passe ainsi à l’homme… Il reconnait donc l’existence d’un précédent scientifique dans la propagation d’un nouveau virus.

Il souligne à contrario, que ces expériences de gain de fonctions ont permis néanmoins de nombreuses avancées scientifiques et précise que cette recherche vise à orienter les virus dans un sens qui intéresse les scientifiques. Par exemple il dit que son équipe travaille sur le virus de la stomatite vésiculaire pour cibler les cellules tumorales de façon préférentielle. A travers le gain de fonction,  on cherche  à ce que le virus entre dans les cellules tumorales et puisse à terme être utilisé en stratégie thérapeutique anticancéreuse.

Revenant sur l’origine du SARS-COV-2 il estime qu’en outre,  l’hypothèse de l’accident de laboratoire sera probablement difficile à prouver.  Il penche pour l’origine naturelle qui doit être absolument explorée car celle -ci peut permettre de découvrir d’autres virus dangereux.

Pour terminer cet article, je conclurai que l’interview de ce chercheur révèle que le domaine même de sa recherche l’empêche d’admettre le besoin de  l’étude de la piste du laboratoire.  Si cette hypothèse devait finalement prévaloir, elle constituerait  un grand discrédit pour les recherches  de ce type et au-delà, compte tenu de l’impact planétaire, elle serait  un énorme revers pour la religion du progrès qui s’appuie justement et quasi exclusivement sur la science pour orienter notre avenir.

Au delà des conflits d’intérêts de certains chercheurs, au delà de l’opposition politique entre Chine, à l’origine géographique de la découverte du  problème et Etats-Unis, il apparaît en toile de fond qu’actuellement, l’immense majorité des spécialistes reste muette face à l’hypothèse de l’origine du laboratoire qui est, comme on vient de le voir dans l’interview du directeur de recherche Yves Gaudin simplement évacuée d’une phrase ou d’un trait de plume : circulez il n’y a rien à voir du côté des laboratoires.

A travers ces comportements, la majorité  des scientifiques  poursuit son  rêve prométhéen de dompter et orienter la nature à sa guise. La balance bénéfices / risques  est toujours mise en avant et souligne, une fois de plus, que les bénéfices, ici seulement espérés sur d’hypothétiques découvertes, viennent  heurter  le coût humain  gigantesque et planétaire mais réel de cette pandémie,   qu’il soit sanitaire – et bien au-delà du simple décompte des morts- mais aussi économique et social.

voir  appel du 31 mars 2021 des Gouvernements de l’Australie, du Canada, de la République de Corée, du Danemark, de l’Estonie, d’Israël, du Japon, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Norvège,  de la Slovénie, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique demeurent fermement déterminés à travailler avec le monde de l’ Organisation de la santé (OMS), des experts internationaux qui ont une mission vitale et la communauté mondiale pour comprendre les origines de cette pandémie afin d’améliorer notre sécurité sanitaire mondiale et notre réponse. Ensemble, nous soutenons une analyse et une évaluation transparentes et indépendantes, sans interférence ni influence indue, des origines de la pandémie COVID-19. À cet égard, nous nous associons pour exprimer les préoccupations communes concernant la récente étude organisée par l’ OMS  en Chine, tout en renforçant dans le même temps l’importance de travailler ensemble pour développer et utiliser un processus rapide, efficace, transparent, scientifique et indépendant pour les évaluations internationales de ces flambées d’origine inconnue à l’avenir.

voir : journal international de médecine 4 mai 2021

voir Watson : la thèse de la fuite d’un labo rejaillit 4 mai 2021

voir Ouest France 14 mai :   Dans une correspondance publiée dans la revue Science, jeudi 13 mai, 18 éminents biologistes appuient les appels en faveur d’une nouvelle enquête sur toutes les origines possibles du virus et demandent aux laboratoires et agences chinoises d’ouvrir leurs dossiers à des analyses indépendantes.

La lettre, écrite par le microbiologiste David Relman de l’université de Stanford et le virologue Jesse Bloom de l’université de Washington, s’en prend à une récente étude conjointe sur les origines du covid-19 menée par l’Organisation mondiale de la santé et la Chine, qui a conclu qu’un virus de chauve-souris avait probablement atteint l’homme via un animal intermédiaire et qu’un accident de laboratoire était « extrêmement improbable ».

Cette conclusion n’était pas scientifiquement justifiée, selon les auteurs de la lettre, puisqu’aucune trace de la façon dont le virus est passé à l’homme n’a été trouvée. La théorie d’un accident de laboratoire n’a été examinée que superficiellement. Une poignée seulement des 313 pages du rapport sur les origines de l’OMS et de ses annexes est consacrée à ce sujet.

Même si les scientifiques chinois ont affirmé qu’aucune fuite n’a eu lieu, les auteurs demandent une enquête plus indépendante. « Une enquête digne de ce nom doit être transparente, objective, fondée sur des données, inclure une large expertise, faire l’objet d’une surveillance indépendante et être gérée de manière responsable afin de minimiser l’impact des conflits d’intérêts », écrivent-ils.

 

Pour répondre à ce refus d’inclure notamment la piste laboratoire un groupe indépendant s’est constitué autour de chercheurs :

DRASTIC : création d’un collectif de recherche indépendant qui enquête sur l’origine du coronaviruscf 20 minutes 29 mars 2021

Une interview de Brice Perrrier sur Thinkerview diffusée le 30 /04/21

( 1:41:44)

sur the Epoch Times (12 juin 2021): Des experts mettent en avant des preuves « accablantes » d’épissage de gènes, indiquant que le virus du PCC provient probablement d’un laboratoire

France 24 -26 août

Après la publication vendredi du résumé d’un rapport d’enquête du renseignement américain, le président américain Joe Biden a accusé la Chine de dissimuler les « informations cruciales sur les origines de la pandémie de Covid-19 ».

Le virus du Covid-19 n’a pas été développé « comme arme biologique » et n’a « probablement » pas été conçu « génétiquement » : telles sont les conclusions des renseignements américains, selon le résumé d’un rapport publié vendredi 27 août. L’origine de ce nouveau coronavirus, apparu fin 2019 en Chine, reste toutefois une énigme. Infection transmise par un animal ? Accident de laboratoire ? Les renseignements américains sont divisés et n’ont pas de réponse claire et définie.

Dans un communiqué diffusé après la publication du rapport d’enquête qu’il avait lui-même demandé au printemps, Joe Biden a accusé la Chine de dissimuler des « informations cruciales sur les origines de la pandémie ». Ces informations « existent », estime le chef d’État, « et pourtant depuis le début, des responsables gouvernementaux en Chine œuvrent pour empêcher les enquêteurs internationaux et les acteurs mondiaux de la santé publique d’y accéder ».

 

Enquête sur la désinformation scientifique

24 septembre 2020

de Stéphane FOUCART (Auteur), Stéphane HOREL (Auteure), Sylvain LAURENS (Auteur)

 Stéphane FOUCART      est un journaliste français né en 1973. Ancien élève de l’École supérieure de journalisme de Lille (5ème promotion de la filière scientifique), il est chargé de la couverture des sciences au sein du journal Le Monde, en particulier les sciences de l’environnement et les sciences de la Terre.

Il décroche, avec Stéphane Horel le Prix européen du journalisme d’enquête en 

Stéphane Horel     est une journaliste et réalisatrice de documentaires française née en 1976. Collaboratrice du Monde, elle a réalisé plusieurs enquêtes sur les conflits d’intérêts et les lobbys.      

Sylvain Laurens est   sociologue    Directeur d’études à l’ EHESS -Habilité à Diriger des Recherches

une interview des auteurs sur Youtube le 6/10/2020 – (1:08)

 

 

 

 

présentation sur -l’ADN edu 

Dans leur ouvrage Les Gardiens de la raison, deux journalistes du Monde et un chercheur mettent en lumière les agissements d’une galaxie d’individus et d’organisations qui – sous couvert de défendre la science – défendent surtout les intérêts de grands groupes industriels.

Au journal Le Monde, Stéphane Foucart est un journaliste scientifique, spécialisé en science de l’environnement et multi récompensé pour ses différentes enquêtes. Mais sur Twitter, il est la bête noire de plusieurs centaines de comptes. Mobilisés contre lui, on trouve un étrange mélange d’ingénieurs, de vulgarisateurs scientifiques, de journalistes très suivis, de lobbyistes, d’agriculteurs, de youtubeurs, de zététiciens et de libertariens. Parmi eux, des personnalités comme le futurologue anti-Greta Thunberg Laurent Alexandre, le présentateur de télé Mac Lesggy, ou les journalistes Géraldine Woessner et Emmanuelle Ducros. On compte aussi des associations comme l’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique). Tous l’invectivent à la moindre occasion en mettant en doute ses papiers, au nom d’une véracité scientifique dont ils seraient les véritables gardiens.

Journalistes d’investigation et anti-vax, même combat ?

Ce camp qui se dit du côté de la science est justement le sujet principal du livre Les Gardiens de la Raison, écrit par Stéphane Foucart, Stéphane Horel, journaliste au Monde spécialisé sur les lobbies et Sylvain Laurens, sociologue et maître de conférences à l’EHESS. Touffu et très documenté, l’ouvrage revient sur la manière dont quelques twittos se sont emparés des débats scientifiques sur les réseaux sociaux. Du glyphosate à la 5G en passant par le nucléaire ou la vaccination, ils sont sur tous les fronts.

Leur objectif : conjurer ceux qu’ils considèrent comme des promoteurs de fake news, rétablir « la vérité » à coup de fact checking et surtout opposer de soi-disants faits scientifiques a un camps jugé hystérique et bien trop porté sur le principe de précaution. Leurs méthodes ? Mettre dans le même panier des journalistes d’investigation, des ONG ou des partis écologistes et des mouvements anti-vax, anti-5G ou des défenseurs de l’homéopathie. Très actifs sur Twitter, ils se font passer pour les combattants de la vraie et bonne science tout en répétant ad nauseam, parfois même sans le savoir, des éléments de langage mensongers issus de cabinets de lobbying. Décryptage d’une guerre culturelle et politique qui ne dit pas son nom.

Dans votre livre vous évoquez une sorte de guerre culturelle qui prend place sur les réseaux et qui tourne autour des sujets scientifiques et techniques. Pourquoi avoir consacré un ouvrage à ces gardiens de la raison ?

Stéphane Foucart : Depuis quelques années nous avons observé, Sylvain Laurens, Stéphane Horel et moi-même des convergences dans le débat public et notamment l’utilisation de l’autorité de la science pour défendre des intérêts économiques ou idéologiques. On a pu apercevoir ce phénomène sur des débats liés à la santé et à l’environnement, mais aussi quand on travaille sur les techniques de lobbying. On a vu comment certains éléments de langage, ou certaines histoires complètement fausses peuvent faire leur chemin et saturer la conversation sur les réseaux, au point de s’imposer dans le débat public. On a donc voulu comprendre comment s’était formé cet écosystème qui relaye massivement ce genre de discours, de manière consciente ou non.

Comment décrivez-vous cet écosystème ?

S.F. : Il engage un certain nombre d’acteurs du monde académique aux réseaux sociaux en passant par des trolls ultralibéraux, des associations de vulgarisation et des agences de communication qui travaillent le débat public. Ces dernières font beaucoup appel à la micro influence c’est-à-dire, l’influence exercée au plus près de l’opinion des amateurs de science, des étudiants ou des youtubeurs. Ils sont bien plus écoutés et crédibles qu’un communiqué de presse venant d’une entreprise. Il ne s’agit pas de dire que tous ces gens sont à la solde des vilains lobbies. Cependant, il existe une synergie entre ces différents acteurs qui finissent par s’agréger, généralement pour des raisons contingentes. Certains veulent défendre le secteur industriel dans lequel ils travaillent, d’autre mettent le doute systématique qui doit être appliqué aux croyances ou bien encore défendent un modèle politique basé sur le libre marché.

Vous évoquiez des discours et des éléments de langage qui sont répétés ad nauseam. Comment cela fonctionne ?

S.F. : Grâce aux Monsanto Papers, on sait comment les firmes de l’agrochimie portent une attention considérable à la fabrication d’arguments et leur diffusion sur les réseaux sociaux. Une fois qu’ils sont mis en circulation, par l’intermédiaire de revues ou de blogs spécialisés, ces éléments vont être réutilisés, souvent de bonne foi par des individus qui y voient de véritables arguments ou discours scientifiques. L’un des exemples les plus marquants est celui de l’interdiction du DDT dans les années 70 qui serait le fait d’une sorte de folie hystérique des écologistes. Cette décision aurait provoqué indirectement la mort de millions de personnes en Afrique et en Asie qui ne peuvent plus se protéger des moustiques qui transmettent le paludisme. En réalité, il s’agit d’une fable, d’une histoire complètement fausse. Ce produit a été interdit aux Etats-Unis, mais uniquement dans ses usages agricoles, et après plusieurs expertises scientifiques conduites par des institutions plutôt conservatrices, sous l’administration Nixon ! On est loin des vilains écolos extrémistes. Son usage est toujours autorisé pour lutter contre les moustiques pour des raisons sanitaires ! La principale raison au fait qu’il est de moins en moins utilisé est simplement qu’il est de moins en moins efficace, du fait de l’adaptation des populations de moustiques… Il ne représente plus aucun intérêt économique et l’histoire de sa prétendue interdiction totale obtenue par les écologistes est une réécriture de l’histoire, destinée à porter un message idéologique : les écologistes et leur principe de précaution sont dangereux.

Dans votre livre vous indiquez que cet écosystème met particulièrement en avant la « sound science ». Vous pouvez expliquer ce concept ?

S.F. : Ce terme est arrivé dans le débat public dans les années 80 aux États-Unis, au moment où l’industrie du tabac a vu arriver les premières études portant sur le tabagisme passif. À cette époque, les communicants de Philip Morris ont inventé le concept de « sound science » qui désigne des études menées en laboratoires et dont les résultats seraient reproductibles et très fiables. Ils l’ont opposé au terme de « junk science », qui représente les études épidémiologiques qui tentent de déterminer l’impact d’un produit ou d’une technologie sur la santé ou l’environnement. Par nature, ces études sont difficilement reproductibles, car elles se basent sur l’observation de grands échantillons de personnes et tous les paramètres ne peuvent être contrôlés. Lorsqu’on étudie les personnes sujettes au tabagisme passif au cours de leur vie, on comprend bien que la même expérience ne pourra être refaite en prenant les mêmes personnes, sans les exposer à la fumée ambiante de cigarette ! Le hiatus entre la « sound science » des laboratoires industriels et la science indépendante réalisée dans le monde réel, existe encore aujourd’hui.

Quelles sont les principales fractures entre ces deux formes de science ?

S.F. : Le concept de « sound science » est très utilisé pour opposer la science académique à la science réglementaire par exemple. La première est composée de recherches qui sont publiées dans la littérature savante. Elle est lisible, transparente et critiquable. La seconde est plutôt une mise en pratique de la science, réalisée par l’industrie et conformément aux réglementations, et qui permet aux autorités de permettre ou de refuser la mise sur le marché d’un produit. Il arrive que sur certains sujets, la science réglementaire soit très en retard sur la science académique. Ça s’est vu pour des médicaments autorisés il y longtemps puis retirés du marché, mais aussi pour des pesticides ou bien plus généralement sur la prise en compte des capacités de certaines substances à être des perturbateurs endocriniens. Ce terme existe dans la science académique depuis les années 1990, mais n’a une existence réglementaire en Europe que depuis trois ans. On voit que la science réglementaire peut avoir plus de deux décennies de retard sur la science académique !

On a beaucoup vu cette opposition pendant toute la polémique qui a accompagné les enquêtes d’Envoyé Spécial sur le glyphosate.

S.F. : En fait, cela remonte même à 2015 quand le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé ce désherbant comme cancérogène probable. À partir de là, une machine de guerre s’est mise en place pour donner l’impression que « la science » disait le contraire. Les défenseurs du glyphosate se sont basés sur les agences réglementaires qui continuent de classer ce produit sans danger cancérogène. Ils vont aussi sortir plusieurs éléments de langages qui vont totalement pourrir le débat : « Le CIRC n’évalue pas le risque, mais le danger », ou bien encore « C’est la dose qui fait le poison donc si on boit un verre de glyphosate, on va bien évidement tomber malade ». Tous ces éléments ont été répétés à l’infini avant, pendant et après l’enquête d’Envoyé Spécial avec l’aide de comptes Twitter influents afin de décrédibiliser le travail sur le sujet. On peut rappeler qu’il existe à ce jour cinq méta-analyses suggérant des associations statistiques significatives entre le glyphosate et des cancers du système lymphatique. Pourtant, aucune de ces études ne sont jamais citées par nos « gardiens de la raison ».

Vous indiquez dans le livre que l’idée de la défense de la science, de l’esprit critique et de la rationalité était historiquement des valeurs de gauche. Or, on retrouve parmi ces nouveaux gardiens, des groupes et des personnalités situés plutôt dans le camps ultralibéral. Comment expliquez-vous ce glissement ?

S.F. : Il y a plusieurs raisons à cette trajectoire. La première, c’est que ça reflète un changement dans la structure de la communauté scientifique. Les chercheurs sont de plus en plus incités à travailler avec des sociétés privées et l’organisation de la recherche publique est de plus en plus axée sur l’innovation technique au détriment de la
recherche fondamentale. La seconde, c’est la place de plus en plus importante des ingénieurs, au détriment des chercheurs, dans les mouvements ou les associations d’amateurs de science. Pour Sylvain Laurens qui a étudié le phénomène, ces derniers ont une approche de la science qui est plus tournée vers la résolution de problèmes techniques et la commercialisation de produits, qu’une démarche exploratoire curieuse. Il ne faut pas non plus oublier l’existence d’une véritable croisade libertarienne menée aux États-Unis et dont l’objectif est de substituer la loi du marché à l’action de l’Etat. Ils considèrent que l’existence et la raison d’être d’une technologie sont justifiées si elle est adoptée par le marché. Tous ces gens défendent la science comme vecteur de progrès techniques qui permettrait d’apporter des solutions à tous nos problèmes.

Certaines personnes faisant partie de ce conglomérat semblent pourtant de bonne foi et veulent vraiment défendre la science. Sont-ils des idiots utiles ?

S.F. : Je n’aime pas vraiment cette expression, mais je pense qu’on est tous susceptibles d’être, à un moment donné, un « idiot utile ». Moi aussi, je me suis déjà fait avoir. Il y a quelque temps j’ai donné une interview à Conspiracy Watch sur le thème du glyphosate et à la fin de l’entretien j’ai dit : « bon, malgré tout ce qu’on peut dire, le glyphosate est quand même réputé être l’un des produits les moins problématiques pour la santé ». Le lendemain, j’ai reçu un mail d’un copain épidémiologiste qui me demande sans animosité quelle est ma source pour cette information. Et je me suis rendu compte que je n’en avais pas, mais que j’avais entendu tellement de fois cet « argument » que j’avais fini par l’intégrer de bonne foi.

Vu la prédominance des discours scientifiques biaisés ou orienté sur les réseaux, comment peut-on vraiment bien s’informer et garder une certaine forme d’objectivité ?

S.F. : Tout d’abord, il faut se méfier des fact checking que l’on a pu voir fleurir sur Twitter et qui tentent de trancher des questions extrêmement complexes. Le fact checking est un très bon outil pour vérifier les déclarations d’un politique, mais il n’est pas destiné à trancher des controverses scientifiques ou sociotechniques.
Ensuite, il faut être attentif à qui nous parle sur les réseaux. Un chercheur qui est vraiment spécialisé sur une question et qui participe à la littérature scientifique dans ce domaine en particulier sera toujours plus crédible qu’un scientifique qui n’est pas spécialiste de ce sujet précis, ou de n’importe quel ingénieur, vulgarisateur, ou amateur de science.
Enfin, il ne faut pas hésiter à se demander si une question scientifique engage un choix politique. Le débat sur la 5G est à ce titre très révélateur. Les défenseurs de cette technologie expliquent que les ondes ne sont pas dangereuses et que par conséquent on doit l’utiliser parce que c’est le progrès. Mais on est aussi en droit de se demander si notre société veut bien d’une technologie qui va interconnecter les objets du quotidien et étendre les capacités de surveillance de la population par exemple. Quand on utilise l’autorité de la science pour défendre « le progrès », il est bon de se demander de quel « progrès » il s’agit !

 

La planète des singes – La technoscience contre l’agriculture paysanne -Jean-Pierre Berlan

 

Le cas du maïs hybride : un mensonge historique des agronomes

Jean-Pierre Berlan est un économiste, ancien directeur de recherche en sciences économiques à l’Institut national de la recherche agronomique à Montpellier. Il est membre du conseil scientifique d’Attac France.

Il a développé, notamment aux côtés de la Confédération paysanne et d’ATTAC, une réflexion très critique envers l’évolution des pratiques actuelles des biotechnologies qu’il accuse d’être devenues des « sciences de la mort » contrairement à leur étymologie qui signifie « sciences de la vie ».

Il participe activement au débat autour des OGM et à la controverse sur les brevets du vivant. Il considère que le but des industriels des biotechnologies est de stériliser les espèces pour substituer au cycle de la reproduction celui de la production4. Il dénonce « le pillage et la marchandisation des ressources génétiques de la planète opérés par les États-Unis et l’Europe »

émission sur Radio Zinzine – racine de moins un : Jean-Pierre Berléan  (à partir de 4: 40)

 

 

sur : Et vous n’avez encore rien vu -27/08/2019

pour Jean-Pierre Berlan, ancien économiste de l’INRA, la confiscation du vivant à des fins de profit ne date pas d’hier.

Dans La Planète des clones (éd. La Lenteur, 2019), il montre que la grande innovation agronomique du XXe siècle, le maïs hybride, relève de la même logique : faire croire que les semences mises au point par des chercheurs sont plus productives que le grain récolté dans les champs. Ce livre se lit comme une enquête policière et démasque l’imposture du progrès le plus célébré de la science agronomique.

Les êtres vivants se reproduisent et se multiplient gratuitement.

Le principe de la Vie s’oppose donc à la poursuite du Profit.

La Vie existe par la singularité de chaque organisme, tandis que l’industrie s’impose par l’uniformité des marchandises.

Pour le capitalisme industriel, la Vie est donc doublement sacrilège.

Depuis la Révolution industrielle, réparer ce double sacrilège est une tâche essentielle des sciences agronomiques et de sa discipline phare, la sélection – devenue « amélioration génétique ». Cet ouvrage vise à montrer qu’en dépit des désastres qui s’accumulent en matière d’agriculture, d’alimentation et de santé, cette tâche s’impose si impérieusement aux scientifiques qu’elle leur enlève tout esprit critique.

La Révolution industrielle ne s’est pas limitée à l’utilisation d’une source nouvelle d’énergie, le charbon. Elle a également induit une transformation de la plupart des activités, et a fini par toucher tous les aspects de la société. Pendant un certain temps, l’agriculture et la paysannerie ont semblé y échapper car la machine à vapeur encombrante, lourde, peu mobile, ne pouvait aisément remplacer les chevaux dans les champs. Non seulement la Première Guerre mondiale décime la paysannerie, mais surtout elle accouche de trois innovations industrielles: les explosifs-engrais, les gaz de combat-pesticides et les chars de combat-tracteurs qui vont liquider la paysannerie, fondement des sociétés humaines depuis 10 000 ans. La « mort de la paysannerie est le changement social le plus spectaculaire et le plus lourd de conséquences de la seconde moitié du XXe siècle, celui qui nous coupe à jamais du monde passé », écrit l’historien Eric Hobsbawm.

Si les champs ont échappé un temps au capitalisme industriel, ce n’est pas le cas des plantes et des animaux que les sélectionneurs se sont efforcés d’adapter aux marchés de masse en formation, tout en créant une nouvelle source de profit : l’hérédité. Dès la fin du XVIIIe siècle, les premiers sélectionneurs professionnels, les éleveurs anglais Bakewell (1726-1795) et autres frères Collins, ne se contentent plus de sélectionner leur cheptel pour satisfaire la demande croissante de viande et de laine et accroître la rentabilité de leurs domaines. Ils s’attachent à quelque chose de nouveau : le profit qu’ils peuvent tirer du « sang » de leurs animaux. Ces éleveurs et hommes d’affaire créent de célèbres races de bovins et d’ovins, en définissent les standards, et reprennent pour leur cheptel le dispo­sitif bureaucratique de contrôle du « sang » des chevaux de course mis en place au cours du siècle écoulé par les aristocrates anglais : seuls les animaux dont le pedigree est inscrit au Livre des Origines appartiennent à la caste (Russell, 1986).

Dans le cas des plantes, dès le début du XIXe siècle, en Angleterre, des gentilshommes fermiers pratiquent pour les céréales la sélection par « isolement » qui assure l’uniformité des cultures. Mais contrôler les « saillies » des plantes et faire du « sang » des végétaux – on rencontre parfois cette métaphore – un monopole et une source de profit sont des tâches autrement difficiles. Ceci moins pour des raisons techniques que politiques. Car il s’agit d’interdire de semer le grain récolté, la pratique fondatrice de l’agriculture, et quelque part, de notre humanité; de démêler ce que la Vie confond, de séparer la production de la reproduction; idéalement de stériliser le grain récolté par un moyen quelconque – réglementaire, administratif, légal, biologique – pour faire de la reproduction une marchandise. Un objectif aussi mortifère et insensé ne peut aboutir qu’après une profonde transformation de la société, une exténuation de ses valeurs morales et humaines, une atrophie de l’espace public et de l’autonomie paysanne. Avec le brevetage du vivant, en cours depuis quelques décennies, cette tâche est désormais presque achevée pour les plantes et les animaux. Et elle a commencé pour les humains.

Dans un monde où les paysans étaient de loin majoritaires, où le vivant relevait du sacré et où la production de semences était entre les mains de petites entreprises, sans pouvoir économique ni politique, cet objectif était inaccessible. Il ne pouvait être atteint que masqué, par des moyens obliques, y compris aux yeux de ceux qui étaient chargés de le faire advenir. En divisant minutieusement le travail agricole pour remplacer les paysans autonomes par des techno-manants enfermés dans des filières étroitement spécialisées; en confiant les semences (sources de vie) aux fabricants de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, gamétocides, nématicides, bactéricides, acaricides, ovocides, molluscicides, etc.)…

La dynamique du capitalisme industriel impliquait, à terme, de faire en sorte que l’agriculteur ne puisse pas semer le grain qu’il récolte et qu’il soit obligé d’acheter ses semences. Tous les moyens d’Etat ont été, sont et seront utilisés pour y parvenir – scientifiques, administratifs, réglementaires, juridiques, économiques, policiers. Le plus décisif est scientifique: stériliser le grain récolté.

« Si l’agriculteur, écrit George Shull, l’inventeur du maïs hybride, veut reproduire les résultats splendides qu’il a obtenu avec le maïs hybride, son seul recours est de retourner chaque année auprès du même hybrideur (sélectionneur) auprès de qui il s’est procuré ses semences l’année précédente » (1946). Et pourtant, la propagande a réussi à faire de cette technique tournée contre les paysans, les peuples et la vie, le symbole des bienfaits de la Science au service des agriculteurs, de l’intérêt public et de l’humanité. […]

Dès l’origine, les généticiens, sélectionneurs et agronomes se contentent d’une explication bancale de l’hétérosis ou vigueur hybride…

Si bancale qu’en 1997, le Centre international d’amélioration du maïs et du blé (connu sous le signe Cimmyt) organise un colloque international sur l’hétérosis dans les cultures, car, indique l’appel à contributions, « nous comprenons mal (relatively little) la génétique, la physiologie, la biochimie, et les bases moléculaires de la vigueur hybride ». Ce que confirmeront tous les participants théoriciens. Arnel Hallauer, membre de l’Académie des sciences, reconnaît même : « La base génétique exacte de l’hétérosis ne sera peut-être jamais connue ou compréhensible » (Hallauer, 1997, p. 346). Si bancale que les hagiographes eux-mêmes sont tracassés par le doute.

Je ne compte pas en rester, comme les sélectionneurs et généticiens depuis un siècle, au constat d’une « étrange » lacune théorique que des tombereaux d’articles et de livres sur les fondements génétiques du maïs hybride pourraient un jour combler. Trop de forêts ont déjà été détruites en vain. Puisque depuis un siècle des généticiens et sélectionneurs extrêmement compétents, intellectuellement agiles, intimement convaincus que leur dévotion au Progrès scientifique sert les agriculteurs, l’intérêt public et l’humanité, et disposant maintenant des formidables outils de la génétique moléculaire, n’ont pu trouver une explication génétique à cette hétérosis sur laquelle la sélection moderne repose, c’est que – soyons logiques – la question n’est pas (ou n’est pas seulement) génétique. Il faut donc procéder autrement.

J’adopterai dans mon enquête sur cette innovation au-dessus de tout soupçon quatre principes méthodologiques : je m’intéresserai en priorité à ce que le Généticien-Sélectionner fait ou préconise de faire, plutôt qu’à ses constructions théoriques et aux justifications qu’elles apportent; je m’efforcerai de toujours vérifier le rapport entre les mots et expressions qu’il emploie et la réalité qu’ils désignent, pour éliminer les contresens et les confusions ; je rattacherai systématiquement les connaissances scientifiques à leur contexte historique ; enfin, je ne perdrai pas de vue les objectifs qu’assigne le capitalisme industriel.

Bonne année 2021 ! Adieu modèle Amish et coronavirus ?

Do You Love Me ?

(1962)

  repris notamment dans  Dirty Dancing (1987), Sleepwalkers (1992), and Getting Even with Dad (1994)

A-t-on le droit de créer Homo Deus ? – Laurent Alexandre -conférence Polytechnique

dernière mise à jour :25 novembre 08:00

 

« A-t-on le droit de créer HOMO DEUS

A-t-on le droit d’être tout puissant ou devons-nous rester des petites créatures sous la dépendance de la transcendance ?

Si nous décidons d’être Dieu , si nous décidons d’être tout puissant, c’est à dire des transhumanistes, comment gère-t-on la phase de transition ? »

C’est par l’affirmation de l’homme  qui devient  Dieu,  faussement présentée sous forme interrogative  mais suivie d’une véritable question sur la phase de transition pour y parvenir, que Laurent Alexandre pose ,- à partir de la 23 ième minute de la vidéo de sa conférence– l’existence de cette nouvelle religion : la transformation technique de l’homme en Dieu, l’homme augmenté – h+. Nous sommes au centre de ce qu’est le transhumanisme. Disons le tout de suite et sans ambage, le transhumanisme est l’aboutissement de la phase de notre histoire que fut l’humanisme qui mettait l’homme au centre de ses préoccupations et évacuait Dieu. Dans notre démocratie, l’idée d’un Dieu transcendant est tolérée dans la sphère privée mais elle en est totalement exclue dans la sphère publique : l’homme se construit sans Dieu, sans transcendance,  voire sans  immanence.

Le transhumanisme est  historiquement le dépassement de l’homme naturel. Il est une  époque nouvelle qui apparaît dans notre histoire : celle de la propre création de l’homme par lui-même dans la perspective notamment de  « la mort de la mort ». Le transhumanisme  ouvre  la possibilité de l’accroissement des capacités humaines,  que l’on peut alors, avec Laurent Alexandre, imaginer sans limite. Alors, l’homme ainsi technologiquement augmenté,  deviendra Dieu. Dans la civilisation grecque dès le VII ième siècle av. JC, le Titan Prométhée avait dérobé le feu sacré pour le transmettre aux humains. Il fut condamné par Zeus  à être attaché au mont Caucase, son foie repoussant chaque jour et dévoré par l’aigle. Voici donc l’avertissement déjà contenu dans la mythologie  grecque.

L’humanisme qui prit naissance au XIV ième siècle en Italie et se développa ensuite en Europe porte en lui l’idée d’affranchissement du divin, l’homme est seul dans l’univers  et construit son avenir.  L’humanisme est une  phase de l’histoire de l’Occident. Il   s’appuie alors sur  le culte de raison – celui-ci est même d’ailleurs rendu un temps à la déesse Raison pendant  la Révolution – cf là .

Emile Chartier, dit Alain,  écrit sous la IIIe République   “Le culte de la raison comme fondement de la République”:   « Je vois que la Raison est éternelle […], et qu’elle est le vrai Dieu, et que c’est bien un culte qu’il faut lui rendre. […] Les hommes sentent bien tous confusément qu’il y a quelque chose de supérieur, quelque chose d’éternel à quoi il faut s’attacher, et sur quoi il faut régler sa vie. Mais ceux qui conduisent les hommes en excitant chez eux l’espoir et la crainte leur représentent un Dieu fait à l’image de l’homme, qui exige des sacrifices, qui se réjouit de leurs souffrances et de leurs larmes, un Dieu enfin au nom duquel certains hommes privilégiés ont seuls le droit de parler. Un tel Dieu est un faux Dieu.
La Raison, c’est bien là le Dieu libérateur, le Dieu qui est le même pour tous, le Dieu qui fonde l’Égalité et la Liberté de tous les hommes, qui fait bien mieux que s’incliner devant les plus humbles, qui est en eux, les relève, les soutient. Ce Dieu-là entend toujours lorsqu’on le prie, et la prière qu’on lui adresse, nous l’appelons la Réflexion. C’est par la Raison que celui qui s’abaisse sera élevé, c’est-à-dire que celui qui cherche sincèrement le vrai, et qui avoue son ignorance, méritera d’être appelé sage. »

Cette période de notre histoire s’appuie essentiellement sur les sciences et techniques pour assurer son développement et aller vers l’homme en devenir. Paralèllement, Nietzsche proclamera la mort de Dieu. Cette époque de l’humanisme touche à sa fin. Elle donne aujourd’hui naissance au transhumanisme  c’est à dire  à une nouvelle période de l’histoire  issue de l’humanisme. Après avoir évacué Dieu dans l’humanisme,  l’homme  veut  devenir Dieu dans le transhumansime. Il veut prendre sa place, en devenant tout puissant  grâce aux sciences et technologies des NBIC.

Laurent Alexandre redoute la  période de transition qui commence, celle où la chrysalide qu’est l’homme doit se transformer en papillon de l’homme augmenté. Cette période dit Laurent Alexandre est très dangereuse car les masses de « gilets jaunes », les inutiles d’Harari, qui vont devenir de plus en plus nombreuses au fur et à mesure du développement de l’IA, peuvent se rebeller, voire tuer la démocratie. Il faut donc que les futurs dieux, ici élèves des grandes écoles du plateau de Saclay, s’engagent en politique pour orienter la société vers la création d’Homo-Deus. C’est la conclusion de sa conférence.

Cet article -épisode 2 -est relatif à cette conférence fondamentale et symbolique en ce sens que le chantre du transhumanisme français s’adresse à une élite scientifique de futurs chercheurs et ingénieurs. Cette conférence est essentielle car elle est réalisée  sous le patronage  d’une députée devenue depuis ministre qui adhère en tant que membre de LREM à cette volonté de faire de la France une startup-nation, une nation conduite par ces élites scientifiques en vue de l’implantation du transhumanisme. Amélie de Montchalin, c’est elle,  a aussi été recrutée en tant que consultante en stratégie par The Boston Consulting Group (BCG), un cabinet multinational. Le bureau parisien de celui-ci, a pour activités la science des données et l’intelligence artificielle appliquées à l’industrie, la finance et la santé. Il compte dans la capitale plus de 600 consultants. Ce bureau parisien est dirigé par son époux. ( réf blog David Affagard – Médiapart)

Nous sommes alors au coeur du capitalisme cognitif dont parle Laurent Alexandre et qui domine déjà le monde  par ses géants des GAFAM, pour l’Occident et dont les dirigeants sont déjà adeptes du transhumanisme. –

Cet article prend la suite d’un précédent, écrit le 19 octobre 2019  à partir d’un article issu d’un blog  de Médiapart. Celui-ci, avait suscité certains commentaires qui m’ont amené à approfondir les termes mêmes de cette conférence et j’ai étendu  cet examen aux  propos des deux invités : Emmanuel Brochier, maître de conférence et titulaire de la chaire de philosophie de la Nature à l’IPC Parisfaculté libre de philosophie et psychologie Paris- et Haïm Korsia     Grand-rabbin de France  depuis 2014. 

Dans sa conférence, Laurent Alexandre  expose l’évolution rapide de notre monde vers celui que nous crée les NBIC -nano-bio -informatique et sciences cognitives- et qui s’attaque à la transformation physique de l’homme. Laurent Alexandre dont on rappellera d’abord  sa profession initiale de chirurgien urologue, est aussi énarque et co-créateur du site Doctissimo. Il est impliqué financièrement dans une quinzaine de sociétés créées autour des NBIC à travers un holding au Luxembourg et il est principalement investi dans la société DNAVision spécialisée dans le séquençage génétique et installée dans la banlieue de Bruxelles. Il va présenter à son auditoire qu’il n’y pas d’alternative à ce monde dont il décrit les grandes avancées qui s’imposent à nous – il fait penser au slogan « There is no alternative « (TINA), traduit en français par « Il n’y a pas d’autre choix »  attribué à Margaret Thatcher–  Ce monde va devenir de plus en plus complexe et le passage vers l’homme augmenté, celui à l’horizon 2050, sera très dangereux du fait des masses d’inutiles de plus en plus grandes dues au développement de l’IA. Celles-ci risquent de saper par leurs révoltes, cette belle évolution et  menacer de ce fait nos démocraties. Sa conférence est un appel aux futurs dieux, ici les plus prestigieuses écoles scientifiques françaises,  pour s’engager en politique afin d’aider à créer les conditions de cette phase de transition pour en même temps sauver la démocratie… qu’il n’entrevoit bien sûr pas autrement que sous la conduite du  capitalisme cognitif et dans le cadre de notre nouvelle  religion transhumaniste.

Nous reviendrons pas à pas sur cette conférence, les principales idées des débatteurs, les propos d’Amélie de Montchalin, devenue, depuis,  ministre de la transformation et de la fonction publiques. Elle est aussi députée de l’Essonne et marraine de ces conférences organisées autour des 3 grandes  écoles –Polytechnique, ENS et Central Supélec– sur le plateau de Saclay  début 2019-.

Mais pour analyser une telle religion transhumaniste et ses conséquences, il faut commencer par le faire au même niveau, c’est à dire au niveau du religieux. Et je le ferai donc en partant  du  commentaire d’Odeline du 13 novembre dernier posté sur mon premier article. Elle s’appuie sur la Bible  et dit ceci   :

L’homme devenu Dieu, c’est la réussite de l’Antichristou Antéchrist– sur terre c’est à dire de l’adversaire du Christ. Ce mot est employé au pluriel dans les épîtres de Jean : (1 Jn 2:181 Jn 2:221 Jn 4:32 Jn1 7)

1 Jn 2:18 : Petits enfants, c’est la dernière heure, et comme vous avez appris qu’un antéchrist vient, il y a maintenant plusieurs antéchrists: par là nous connaissons que c’est la dernière heure.

1 Jn 2:22  : Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ? Celui-là est l’antéchrist, qui nie le Père et le Fils.

1 Jn 4:3 : et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà dans le monde.

2 Jn 1:7  Car plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus  Christ est venu en chair. Celui qui est tel, c’est le séducteur et l’antéchrist.

Le New age ou Nouvel Age dans lesquels s’inscrivent aussi  par exemple la soumission aux esprits, la croyance en la réincarnation, est aussi appelé la « Conspiration du Verseau » l’ère du Verseau vouée à remplacer celle du Poisson, soit le judéo-christianisme. Ce courant de ‘bricolage » spirituel – « bricolage » signifiant que  chacun crée sa spiritualité propre et à la carte en puisant ici ou là. Le New Age est en opposition avec les  religions révélées  où  le message divin  est transmis aux hommes,  là par des rishis ,  comme en Inde, ailleurs par un prophète comme dans l’Islam ou la religion juive, enfin d’abord par des prophètes puis par Dieu incarné chez les chrétiens – Le New Age, comme le transhumanisme, s’épanouit  d’abord dans l’Ouest américain.

Dans son livre Les Enfants du Verseau (1980) qui théorisa le New AgeMarilyn Ferguson définit ce dernier comme « l’apparition d’un nouveau paradigme culturel, annonciateur d’une ère nouvelle dans laquelle l’humanité parviendra à réaliser une part importante de son potentiel, psychique et spirituel. »

Toutes ces fausses doctrines  sont le prélude à l’Antichrist, le Gouvernement Mondial (dit l’ »impie ») et qui précède, dans la Bible, le retour de Jésus-Christ. Ces gens ne savent peut-être pas qu’ils servent Lucifer (Satan- version du Titan grec chez les hébreux) , nous sommes donc selon la Bible dans les derniers temps. qui ne sont pas la fin du monde mais la fin d’un monde et le retour de Jésus sur terre)

Je poursuivrai par un regard sur l’Islam et les protestants évangéliques :

Dans l’Islam aussi,  existent  diverses traditions prophétiques –hadiths– qui mettent en scène Al Dajjâl, l »imposteur« , celui qui apparaît à la fin des temps et doit être éliminé aussi par le prophète Isâ – Jésuslors de son retour. Les prophéties chrétiennes et islamiques convergent  sur ce point à savoir le retour de Jésus. – mais dans l’Islam Jésus n’ est qu’ un prophète

Chez les protestants évangéliques, forts divers et forts nombreux notamment aux USA, il y a un consensus sur l’arrivée d’un dictateur mondial la bête ou antichrist– qui s’appuiera sur une religion universelle –(En 2020, selon le chercheur Sébastien Fath du CNRS, le mouvement compterait environ 660 millions de croyants dans le monde).

Je pense que  le transhumanisme, dans cette perspective, est cette religion mondiale qui s’installe  partout  sur notre planète. Elle  culminera selon cette vision évangélique avec le retour de Christ pour gouverner le monde. L’arrivée en puissance de la religion de l’homme devenu Dieu, en est donc le signe. –La parousie est une notion chrétienne qui désigne la « seconde venue » du Christ sur la Terre dans sa gloire, la première étant sa naissance. On la trouve dans l’Apocalypse de Jean.

Je poursuivrai ce regard religieux sur le transhumanisme  en m’appuyant aussi sur les messages transmis par les Anges à leur messagère et qui ont fait l’objet d’un article publié le 18 novembre dernier. Selon la partie des messages qui concernent les comportements des humains, les déviances des hommes par rapport au message d’Amour du Christ et aujourd’hui de celui des Anges, sont telles  que ceux-ci nous annoncent l’arrivée  de trois jours où les hommes souffriront de multiples manières mais ce ne sera pas encore la fin… Viendra alors le surhomme spirituell’homme orienté vers la spirirtualité au service de Dieu– La lutte face au  Perverti durera encore longtemps.

Ces connaissances transrationnelles – au-delà de la raison pure, cf là la notion de transrationalité -mettent en garde contre l’évolution vers le   surhomme technologique auto-construit, en fait, projet ici de  Satan ou là  d’Al Dajjâl.

Laurent Alexandre – à partir de 41:01– expose les cinq objectifs du transhumanisme :

  1. tuer la mort – et c’est Google qui est avec Calico le plus avancé.
  2. créer une espèce humaine multi-planétaire et c’est Jeff Bezos   avec sa société Blue Origin  qui veut envoyer 1000 milliards d’êtres humains dans l’espace. Ceci suppose de produire, en grande quantité,  des bébés avec des utérus artificiels.
  3. créer des technologies d’augmentation de l’homme
  4. créer la fusion entre l’IA et les cerveaux humains ( Laurent Alexandre pense que nous serons encore en IA faible en 2050,- c’est à dire sous le contrôle des humains qui en sont les spécialistes– contrairement dit-il au « fantasme » d’Elon Musk qui voit le passage vers l’IA forte plus tôt –avec l’IA forte, celle-ci se passe alors totalement de l’humain, s »auto-construit et s’auto-régule –
  5. supprimer les risques à la naissance avec la création des bébés à la carte – Google possède déjà un brevet déposé pour la fabrication des super-bébés –US Patent n° 8.543.339.B2 déposé le 24/09/2013-  L’eugénisme négatif dit Laurent Alexandre est d’ailleurs déjà en place et il  cite  l’exemple de la trisomie 21 détectée avant la naissance et qui conduit les parents  dans  97% des cas à recourir à l’avortement.

Il est temps d’aller pas à pas mieux découvrir la conférence de Laurent Alexandre :

Je passerai sur l’introduction  de cette conférence, faite par un élève de Polytechnique, pour aller à la présentation d’Amélie de Montchalin  qui a suivi et durera plus de 10 mn. Pour elle, l’enjeu est l’homme en 2050 dont elle dit trois choses : capacité à produire, diversité d’expériences, lucidité. Elle s’interroge donc sur ce que les machines vont laisser faire à l’homme, sur la diversité alors que les algorithmes conduisent à l’uniformisation et enfin sur la lucidité en donnant l’exemple négatif de notre évolution avec ce continent de plastique que notre mode de vie a fini par provoquer au milieu du Pacifique. cf là

Elle poursuit en disant  qu’au XXI ième siècle il va falloir choisir entre la « loi du code » et la loi  de la nature et trouve que l’IA responsable est une belle expression. Il s’agit de veiller à l’éthique de l’algorithme. Manifestement, sa présence et son engagement dans la société, montre qu’elle a  choisi la loi du code contre la loi de la nature.

Laurent Alexandre commence sa conférence en remerciant Amélie de Montchalin en qui il voit « une députée de haut vol » loin de tous ces députés qui sont « des burnes en sciences et techno »

Il rappelle qu’il a écrit « la mort de la mort » en 2011 et que Google a fondé en 2013 sa filiale Calico  dont le but est de lutter contre le vieillissement et les maladies qui y sont associées. Il souligne le soutien massif de Google au mouvement transhumaniste et que cette société a engagé Raymond Kurzweil qui en est un  grand représentant. – ce dernier a écrit notamment et il y a déjà 16 ans  : the singularity is near en 2006-cf là ce qu’est la singularité technologique.

À l’image du Santa Fe Institute créé pour regrouper les recherches sur le sujet de la complexité, mais sur une base d’activité saisonnière, une « université d’été de la Singularité » (Singularity University) a été créée en 2009 avec le concours de Google et de la NASA et offrira chaque été neuf semaines de cours sur le sujet à 120 étudiants51 pour la somme de 25 000 dollars.

Mais Laurent Alexandre dit que ce monde devient très compliqué et qu’il pose le problème de désynchronisation entre ce monde techno et notamment l’école et le gouvernement. Il prédit un  décalage entre les inconvénients des nouvelles technologies qui apparaissent avant ses avantages.

Les NBIC –nano-bio-informatique et sciences cognitives– constituent un même ensemble, celui du transhumanisme. Il dit qu’il s’agit de technologies démiurgiques qui interpellent le politique comme les croyants. Elles apportent une intelligence quasi gratuite. L’IA est au coeur de ces technologies et permet leur développement.

L’IA est déjà très puissante. Elle fait déjà mieux que l’homme dans certains domaines, par exemple la lecture des scanners et demain le pilotage des avions et la conduite des autos. Le prix de l’intelligence va s’effondrer et entraîner des conséquences majeures. Les gens complémentaires en IA faible  vont valoir de plus en plus cher et ceux substituables de moins en moins, à cause de la théorie des fonctions de production.   Je ne m’en félicite pas.dit-il.

On va aller vers une fragmentation de l’internet – cf là – d’un réel virtuel et d’une vérité à géométrie variable. Nous allons vers la post-vérité, la post-réalité et le phénomène sera aggravé par les neuro-technologies. Pensez à ce que va pouvoir faire un dictateur des technologies cérébrales qu’Elon Musk développe déjà dans sa filiale Neuralink !  Elon Musk rêve de mettre un microprocesseur dans le cerveau de nos enfants pour les rendre plus compétitifs. Ces méthodes vont permettre l’émergence de neuro-dictatures. Et je précise que l’on peut déjà modifier notre empathie et notre comportement.

Les nouvelles technologies vont nous changer. C’est plus troublant et transgressif que de fabriquer une nouvelle grue !

Le choc technologique va être immense. Vous allez pouvoir le supporter mais l’ensemble des individus non. Sur le plan géopolitique  les USA – GAFAM-Google-Amazon-Facebook-Microsft-et la Chine –BATX-Baidu-Alibaba-Tencent-Xiaomi-vont s’affronter dans cette course   mais l’Europe est absente sur toutes les facettes des NBIC. Il y a le feu au lac !

Ces technologies vont accroître les écarts de niveau de vie et de revenu dans les populations et la concentration de richesse se fera sur un nombre d’individus de plus en plus réduit. L’IA est une machine à produire des inégalités avec des conséquences populistes qui vont s’accentuer si on n’y prend pas garde.

The Economist, qu’on ne peut prendre pour un journal marxiste, lançait il y a peu un cri d’alarme en ce sens, en exposant  que le bonus annuel chez Google pour un grand spécialiste de l’IA était de 100 millions de dollars par an !

Vous , polytechniciens, en sortant de l’école vous serez embauchés à l’INRIA à 3000€ brut par mois… C’est dire que peu d’entre vous resteront en France.

Des Dieux et des inutiles d’Harari  est un cauchemar. En ce sens la crise des gilets jaunes est salutaire : elle nous montre à quelle vitesse on va rentrer dans le cauchemar d’Harari et à quelle vitesse il faut agir pour casser ce déterminisme et sauver la démocratie.  J’ai publié  avec Jean-François Coppé, début 2019, un livre : l’IA va-t-elle tuer la démocratie ?

USA et Chine ont la volonté de fusionner le secteur [ éducation/santé / neurosciences ] pour régler la crise du type de celle des gilets jaunes. Il va être difficile d’empêcher les politiques de faire de l’eugénisme.

Reed Hastings, le dirigeant de Netflix qui est très transhumaniste, ambitionne de vous donner  des gélules pour regarder ses films et vous créer une imprégnation neuro-technologique.

Tous les secteurs de l’emploi vont être atteints par les conséquences des NBIC. Par exemple, le monde de la médecine, le mien, va être très vite touché dans cette évolution. L’IA est déjà 3 fois plus précise qu’un cardiologue pour un diagnostic. Elle est très supérieure aussi en dermatologie et les radiologues vont être éclaboussés. La dernière application de Google – Google Lyna- détecte 99% des cancers du sein contre 62% par les médecins. Bientôt les médecins radiologues feront une faute professionnelle s’ils ne recourent pas à l’IA pour leurs diagnostics.

Kai Fu Lee   informaticien et homme d’affaires chinois, figure médiatique de l’internet chinois  et spécialiste en IA  explique qu’en 2030-2035 les médecins ne vont pas disparaître mais qu’ils vont devenir des compassionnal caregiver,1/3 deviendra infirmiers, 1/3 assistants sociaux et 1/3 techniciens…

Vous imaginez comment  ce sera enthousiasmant pour ces médecins à bac+12 !

Après avoir travaillé chez Apple, Microsoft et  Google, Kai-Fu Lee est aujourd’hui l’un des investisseurs chinois N°1 en intelligence artificielle.
Dans cet ouvrage fascinant devenu un best-seller mondial, il raconte comment la Chine utilise «  le pétrole du 21e  siècle  », c’est-à-dire les données générées par ses centaines de millions d’utilisateurs. 
Grâce à une nouvelle génération d’entrepreneurs et à une course à l’innovation encouragée par les pouvoirs publics, la Chine invente un monde où l’intelligence artificielle se déploie dans toute la société, les restaurants, les hôpitaux, les salles de classe ou les laboratoires.
Kai-Fu Lee démontre à quel point l’IA va changer nos modes de vie et transformer l’économie, en privilégiant les plus agiles et les plus créatifs. Il propose d’utiliser les ressources financières considérables qui seront dégagées afin de soutenir les métiers où l’humain est irremplaçable  : l’éducation, l’artisanat,  les services à la personne.  
 
Un livre qui se lit d’une traite. Vous ne verrez plus jamais l’avenir comme avant.

Il faut lutter contre la concentration de la richesse pour sauver la démocratie. Il n’est pas souhaitable que ça aille si vite et il y a un danger des villes citadelles et métropoles.

Il faut aider les gilets jaunes et il est inacceptable de s’en moquer.  Sundar PIchai, l’actuel dirigeant de Google, dit qu’il est naïf de croire que la technologie règlera tous les problèmes.

Il faut réorganiser complètement le système éducatif.

Alors qu’on espère l’immortalité Laurent Alexandre  observe parallélement que l’espérance de vie des blancs aux USA régresse.

Il faut aller vers une société de la solidarité et gérer la transition cognitive. –sous-entendu sous la conduite des dieux –

Vous avez la clé du changement de l’éthique. Faites de la politique !

Débat avec les deux invités

Première question au Grand-rabbin : Est-ce que nous pouvons et devons devenir Homo -Deus ?

C’est fait pour… Dans le Talmud  Dieu crée le monde, s’efface et dit à l’homme : vas-y ! L’humain est créé à l’image de Dieu. On a cette responsabilité de créer … mais on ne se prend pas   pour Dieu.

Laurent Alexandre : C’est le biologiste Julian Huxley, le frère d’Aldous, qui a créé le mot transhumanisme . Il voulait un eugénisme de gauche mais ce mot était alors inacceptable à entendre. – Huxley était humaniste, et il présida le congrès qui vit la fondation de l’International Humanist and Ethical Union et  il participa au comité consultatif pour la fondation de la First Humanist Society de New York aux côtés de John Dewey, Albert Einstein et Thomas Mann. Huxley était un partisan de l’eugénisme comme moyen d’amélioration de la population humaine.« Une fois pleinement saisies les conséquences qu’impliquent la biologie évolutionnelle, l’eugénique deviendra inévitablement une partie intégrante de la religion de l’avenir, ou du complexe de sentiments, quel qu’il soit, qui pourra, dans l’avenir, prendre la place de la religion organisée. « 

S’agissant de l’éthique, Laurent Alexandre estime qu’elle  change au fur et à mesure de l’évolution de l’homme. Elle n’est pas figée. Ainsi, dans les années 1950 aux USA, on a lobotomisé des garçons qui se masturbaient trop. On a coupé aussi le corps calleux de Rosemary la soeur de John Kennedy  qui aimait trop les garçons, pour ne pas gêner la carrière de John. De telles pratiques seraient impensables aujourd’hui.

Emmanuel Brochier dit que la technique nuit à l’environnement. L’Europe dans un rapport de 2004 s’en inquiétait.  Mais ,en 2009 un nouveau rapport faisait le constat qu’on avait pris du retard dans les nouvelles technologies. Le rapport se rangeait alors à la vision transhumaniste.

S’agissant de la distinction entre les techniques qui réparent et celles qui augmentent l’homme, Laurent Alexandre souligne qu’il est difficile de faire  la séparation. Il donne l’exemple d’un aveugle : si on lui remet 1 million de pixel, on le répare mais si on lui en met 3 millions c’est du transhumanisme…. et qui va résister à être augmenté ?

Emmanuel Brochier conclut que l’on part sur de mauvaises bases car le transhumanisme voit l’homme uniquement comme une machine.

Pour une réflexion en ce sens  :

Penser l’humain au temps de l’homme augmenté: Face aux défis du transhumanisme -mars 2017

 

Thierry Magnin, né le est un prêtre catholique et physicien français – docteur en sciences physiques et docteur en théologie. enseignant-chercheur en physique à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, puis à l’université de Lille.

à travers la critique de l’argumentaire transhumaniste, qui est fondé sur une conception appauvrie de ce qui fait l’humain, Thierry Magnin nous invite à porter un nouveau regard sur notre humble condition. Qu’est-ce que l’homme à l’heure où l’on pourra bientôt remplacer tous ses organes par des machines intelligentes, voire transférer son psychisme ? L’anthropologie chrétienne peut-elle nous aider à aborder avec confiance la révolution annoncée afin que celle-ci nous ouvre, non à un abandon de l’humain, mais à son plein accomplissement ?

 

Mes conclusions :

J’observe à la lumière de la conférence de Laurent Alexandre  l’état d’avancement  des technologies transhumanistes qui vont transformer l’homme. Les conséquences de ces transformations dans la période de transition constituent un grand danger à cause de la croissance exponentielle  du nombre des inutiles dit Laurent Alexandre- Je pense qu’elle reste un espoir, justement, pour  reprendre le pouvoir contre cette folie démiurgique du capitalisme cognitif qui regroupe le monde techno-scientifique – un conglomérat fait de politiques, de capitalistes, de chercheurs, ingénieurs  et techniciens sous la conduite des nouveaux religieux du transhumanisme. Il s’agit d’une course folle pour le profit et les pouvoirs envisagés pour la construction d’homo-deus, de surcroît encore exacerbée par une rivalité géopolitique  entre USA et Chine… à laquelle la vieille Europe voudrait aussi prendre part…

Nous n’allons pas échapper à cette folie démiurgique qui a envahit la planète mais j’oppose une autre vision d’avenir.

Je fais d’abord et surtout le constat que le transhumansime est une nouvelle religion, celle de l’homme-Dieu– Si vous en doutez encore je précise qu’ Anthony Levandowski, le père de la voiture autonome, a fondé  en 2017 aux États-Unis une organisation religieuse qui fait la promotion d’une « divinité » basée sur une intelligence artificielle -cf .

Concernant cet aboutissement, certains ont fait observer que la philosophie humaniste est déjà née au sein de la chrétienté et qu’elle n’aurait pu naître ailleurs. D’autres aujoud’hui voient dans le transhumanisme une nouvelle hérésie d’origine chrétienne- cf là  » le transhumansime, une idée chrétienne devenue folle«  -. Selon cette vision c’est parce que Jésus  est à la fois fils de l’homme et fils de Dieu qu’a pu naître au sein de la chrétienté l’idée de l’homme comme point focal de toutes nos pensées et nos espérances. Dans ce courant humaniste,  Nietzsche, fils de pasteur, se dresse pour  déclarer la mort de Dieu.

Pour certains aujourd’hui encore, Dieu est chose d’un passé révolu qu’il convient de laisser aux temps de l’obscurantisme dénoncé par les Lumières.  Au mieux, Dieu relève pour les agnostiques, sans doute les plus nombreux,  d’un questionnement sans intérêt. Nous  avons mieux à faire : produire, consommer et entre les-deux,  prendre du plaisir. C’est ça la vie  !

Depuis l’époque des Lumières,  notre évolution s’est construite uniquement  autour de la raison et de la pensée grecque  puis essentiellement à partir des sciences et technologies, aussi bien dans le monde capitaliste que marxiste du XX ième siècle. Ces deux mondes, alors ennemis sur le partage des richesses, relevaient d’une même vision productiviste du monde. Il fallait extraire, transformer la nature, produire de plus en plus et dégager du profit ou de la valeur travail grâce à l’activité humaine, la nature étant là, offerte gratuitement à ce projet prométhéen. Pensons, du côté marxiste, à Stakahnov.

Qui se souciait des beautés du monde, de la nature, dont nous parle par exemple un Pierre Rabhi ? Peut-être et éventuellement au cours des périodes de congès ? Celles-ci furent vite, d’ailleurs,   utilisées par d’autres,  pour être transformées,  en industrie du tourisme. Il s’agit bien sûr d’extraire une richesse de cet arrêt d’activité. Cette beauté du monde était gratuite et donc sans  valeur pour  les théories économiques, axées soit sur la valeur du coût marginal pour l’économie libérale soit sur la valeur travail pour l’économie marxiste… Cette beauté de la nature, son immense diversité ne trouvait  éventuellement  de la valeur que par le pinceau du peintre, l’appareil du photographe, la réalisation d’un film. Même cette beauté  n’a de valeur marchande aux yeux de l’homme que lorsqu’il l’a transformée en tableau, photo ou film. Il ne reconnaît de valeur qu’à ce qu’il produit ou qu’il utilise pour sa production. Depuis le développement de la pensée humaniste, l’économie est devenue hégémonique dans nos vies.  L’homme n’a plus d’autre horizon depuis la disparition de la transcendance. Il en est réduit  à produire et consommer d’où l’importance de la publicité pour forcer la consommation en jouant sur des ressorts psychologiques.  Il faut  « faire »  et avoir, même pendant les vacances. On regarde d’un air presque toujours soupçonneux, celui qui ne participe pas suffisamment à ce « faire »ou cet « avoir ». Il ne s’agit plus d’être…

Tout devient économique et peut être source de richesse. Le capitalisme, par ses facultés d’adaptations et de souplesse et sa religion du profit a été,  à ce grand jeu du XX ième siècle, le grand gagnant du productivisme et il a éliminé son frère ennemi le collectivisme… sauf peut-être en Chine où le régime d’abord marxiste a donné naissance à un hybride encore plus dangereux.

Faisons qu’Homo-Deus ne soit pas l’unique vainqueur du XXI ième siècle car le capitalisme cognitif découvre là un nouveau terrain d’aventures économiques pour l’homme, de nouvelles sources d’extraction de richesses tirées de l’homme lui-même, notamment par l’extraction des données, mais aussi par toutes sortes de techniques de transformation du corps, d’adaptation  de celui-ci à son environnement technologique. Après s’être attaqué à la nature, l’homme s’attaque à lui même, dans la perspective de devenir l’homme-dieu surpuissant.

Ce monde là, par le jeu entremêlé du productivisme et de l’évolution des sciences NBIC a pris conscience aujourd’hui de sa capacité, de cet immense chantier d’augmentation de l’homme, des perspectives envisagées par exemple pour la conquête de l’espace  … Après avoir avec la période humaniste réalisé des avancées incontestables l’homme a détruit la planète qui, n’ a à ses yeux pas de valeur.   Alors oui, le transhumanisme peut dire HOMO DEUS… et l’homme se prend pour Dieu !  Mais quelle planète va-t-il habiter ?  Laurent Alexandre n’aborde même pas le sujet, obnubilé par l’esprit de puissance au coeur du capitalisme cognitif d’aujourd’hui …comme  d’ailleurs du capitalisme industriel d’hier.

 L’homme augmenté se construit hors de la nature et contre la nature. Il faut choisir dit Amélie de Montchalin, entre la loi du code et la loi de la nature…peut-être même faut-il fuire dans l’espace vers d’autres planètes comme l’envisage Jeff Besos laissant alors celle-ci, d’ailleurs bien malade, aux inutiles.

Face à ce courant religieux mortifère pour l’homme – cf là mes article sur le transhumanisme et notamment « les chimpanzés du futur » – qui veut faire de celui-ci un dieu par l’accroissement extraordinaire de ses capacités technologiques, j’oppose la vision  de  l’homme qui devient de plus en plus spirituel …. et se rapproche ainsi de Dieu en gardant sur terre une vie de simplicité. Celui-là   sait que son passage ici-bas n’est qu’un moment de  sa vie.   Le combat aujourd’hui entre ces deux horizons  semble particulièrement inégal. Il rappelle là encore celui de David contre Goliath – épisode de la Bible (1Samuel 17, 1-58) mais aussi du Coran –Sourate 2, verset 251-dans lequel David, fils du berger Isaï, le plus petit de ses 7 frères et encore adolescent, abat le héros des Philistins, le géant et courageux Goliath, d’un caillou lancé avec une fronde. 

Chacun sent bien que nous sommes à une intersection, un moment de choix crucial : l’homme s’engage t-il vers la course folle de l’homme augmenté ou s’oriente -t-il vers le surhomme spirituel car  rien ne permet de penser que son évolution est terminée   ?

Pour celles et  ceux qui n’adhèrent pas au  combat entre l’homme spirituel et l’homme augmenté il existe une autre source d’opposition au transhumanisme c’est celle du combat pour la sauvegarde de la nature, y compris  l’homme, contre l’évolution transhumaniste qui se construit hors et donc contre la nature.

Le combat qui s’engage est donc celui de la défense de la Vie  au sens chrétien – « je suis le chemin, la vérité et la vie- Jean 14:6– l’homme est beaucoup plus que sa réduction à des algorithmes, des réactions chimiques ou électriques même s’il est aussi cela. Ce combat est aussi celui de la défense du vivant contre la religion  transhumaniste qui s’épanouit à travers le capitalisme cognitif successeur historique du capitalisme industriel et vainqueur du monde productiviste destructeur du monde naturel.

L’arrivée progressive de la 5G sera à la fois,  le symbole  et l’outil central de ce virage définitif de l’homme vers l’IA. Ce mouvement est  déjà engagé et rappelez-vous ce qu’ a dit Laurent Alexandre : le développement des nano-bio technologies et sciences cognitives dépend essentiellement du numérique et de l’IA pour se développer.   La 5G  devrait et pourrait être au coeur de ce dernier combat possible car elle permettra l’explosion de l’exploitation de l’IA et contribuera à faire de l’homme d’aujourd’hui un chimpanzé du futur. Après …il sera trop tard pour l’homme non augmenté car je n’ai pas toute confiance en l’étique de l’algorithme. Les hommes non augmentés disparaîtront sauf s’ils constituent un intérêt  utilisable par les hommes augmentés  cf là une base documentaire sur la 5G

N’étant pas connaisseur de la religion juive, la position du Grand -rabbin de France m’a surpris. Il explique que dans le Talmud la création a été confiée à l’homme par Dieu : Vas-y, fais le ! La transformation de l’homme par lui-même semble participer selon lui de cet ordre  « fais-le ! »

Il s’oppose néanmoins à Laurent Alexandre car dans cette action l’homme ne se prend pas pour Dieu, ne devient pas Dieu. Il expose par exemple que chaque semaine il fait shabbat , se coupe    à cet occasion    de toutes les technologies avancées – vit alors un jeûne technologique– ce qui lui permet de garder cette humilité devant Dieu.

Mais  le rôle économico-politique d’Amélie de Montchalin, marraine de cette conférence, engagée dans le développement des nouvelles technologies me laisse sans voix.  Il serait intéressant de connaître comment elle articule sa foi chrétienne, que révèle sa page Wikipedia,  et sa raison. Sans doute a-t-on compris qu’elle met  tous ses espoirs dans « l’IA responsable » et « l’éthique de l’algorithme »  dont elle nous a parlé en introduction de cette soirée ?

Mais comment admet-elle, au nom de cette foi chrétienne, la transformation de l’homme et la création de l’homme technologique  qui doit remplacer Dieu. Serait-ce  parce qu’elle se place dans les pas du Père Teilhard de Chardin  aussi archéologue et qui avait, en son temps, développé une approche holistique du « Christ cosmique » ?

Les avertissements contenus dans les Evangiles à propos du combat  entre Lucifer et le Christ rappelés en début de cet exposé et ceux récemment donnés par les Anges à leur messagère- cf l’article que j’ai publié – me conduisent à conclure qu’en allant vers le surhomme technologique,  l’homme ainsi augmenté,  court à sa perte et qu’il y a là les signes effectivement des derniers temps dont parle l’Apocalypse et que d’autres perçoivent, et d’une autre manière, en s’engageant dans le courant écologiste. En effet, l’écologie devrait choisir entre la loi du code et la loi de la nature.

Mais je dois noter  à ce sujet aussi, l’étonnement qui fut le mien,  de voir l’importance du courant transhumaniste parmi les écologistes, vegans et courants de gauche et je rappelle  mon article du 3 août 2017  sur Ecologisme et transhumanisme les connexions contre nature 

Décidément le transhumanisme, la religion aujourd’hui mondiale et  l’aboutissement de l’humanisme, est infiltré partout. Pour un chrétien, il n’y a que Christ  qui peut s’opposer à Lucifer. Mais Lucifer est aujourd’hui partout chez lui.  Oui, nous approchons de la fin de la période historique de l’humanisme.  Chrétien mais aussi non-chrétien, lisez sur ce site le résumé d’un livre fondamental de Laurent Fourquet intitulé le christianisme n’est pas un humanisme, au moins sa première partie, consacrée à l’analyse de notre société. Alors vous comprendrez pourquoi avec la philospophie humaniste nous en sommes arrivés là… Bien sûr  certains, déjà conscients du désastre, nous disent que l’humanisme a dévié ou a été dévié. Nous avions déjà entendu ce genre de propos avec le stalinisme par rapport …au léninisme et même à propos du  léninisme… par rapport au marxisme. On ne va pas sauver l’humanisme. Mais essayons de sauver l’homme … de son immense folie.

Et puis, en prenant encore du temps, vous pourrez terminer par les informations que contient cet article d’actualité à propos des origines de la Covid -19. Sans que ce propos soit anti-scientifique, voir anti-vaccins, et je précise  bien, non conspirationniste, vous comprendrez alors que notre crise sanitaire actuelle a son origine …justement dans un laboratoire.  Il faudra bien que, là encore, « on » finisse par admettre que cette  pandémie selon l’OMS et cette  crise économique et sociale qui en découle, provient d’un laboratoire. Dire que ce laboratoire était situé en Chine, qu’une faute a sans doute été commise, ne peut  exonérer de la réflexion centrale sur les dangers considérables  que nous font courir aujourd’hui les activités scientfiques et technologiques.

Ils voyaient déjà comment tout cela allait finir!

Deux futurs s’offrent à nous avec le transhumansime,

celui d’Huxley et son meilleurs des mondes écrit en 1931 avec sa dictature par le plaisir

et celui  de « 1984 » d’Orwell écrit en 1949 avec sa dictature par l’asservissement

On peut imaginer une comBinaison de ces deux avenirs, un mélange de ces deux mondes vers lequel on glisse chaque jour un peu plus…

 

Voici près d’un siècle, dans d’étourdissantes visions, Aldous Huxley imagine une civilisation future jusque dans ses rouages les plus surprenants : un État Mondial, parfaitement hiérarchisé, a cantonné les derniers humains  » sauvages  » dans des réserves. La culture in vitro des fœtus a engendré le règne des  » Alphas « , génétiquement déterminés à être l’élite dirigeante. Les castes inférieures, elles, sont conditionnées pour se satisfaire pleinement de leur sort. Dans cette société où le bonheur est loi, famille, monogamie, sentiments sont bannis. Le meilleur des mondes est possible. Aujourd’hui, il nous paraît même familier…

Année 1984 en Océanie. 1984 ? C’est en tout cas ce qu’il semble à Winston, qui ne saurait toutefois en jurer. Le passé a été réinventé, et les événements les plus récents sont susceptibles d’être modifiés. Winston est lui-même chargé de récrire les archives qui contredisent le présent et les promesses de Big Brother. Grâce à une technologie de pointe, ce dernier sait tout, voit tout. Liberté est Servitude. Ignorance est Puissance. Telles sont les devises du régime. Pourtant Winston refuse de perdre espoir. Avec l’insoumise Julia, ils vont tenter d’intégrer la Fraternité, une organisation ayant pour but de renverser Big Brother. Mais celui-ci veille…

 

 

table ronde de l’X sur le transhumanisme – la conférence

Pour un plan de sortie de l’enfer où nous nous sommes mis

Nexus.fr magazine n°114- interview de Fabrice Nicolino

… » Le cycle ouvert par 1789 – cette croyance si naïve que l’alliance de la raison, de la science et de machine signifiait un progrès perpétuel – est clairement achevé, mais beaucoup trop d’humains, jusqu’au sommet des Etats, ont intérêt encore à croire le contraire. Nous redécouvrons avec stupeur cette évidence que l’histoire humaine est tragique . Nous entrons dans un nouveau cycle où les signes de régression dominent l’horizon au point de l’obscurcir. La première des priorités serait de s’entendre sur un constat, ce que peu veulent vraiment, puis de réunir des groupes épars, qui continuent à s’éviter, afin de proposer un plan de sortie de l’enfer ou nous sommes mis. »

 

 

« La machine : cela me rend-t-il plus humain ou moins humain » ?

Kevin Boucaud-Victoire – 26 avril 2018

 

Cet article reprend pour l’essentiel  la présentation  faite sur le site Le Comptoir (sauf parties en italique et entre-parenthèses)

Après « La guerre des gauches » (Cerf), Kévin Boucaud-Victoire, rédacteur au Comptoir, sort son deuxième ouvrage : « George Orwell : écrivain des gens ordinaires ». Il y explique la pensée de l’écrivain britannique, socialiste démocratique et antitotalitaire. Le Comptoir reproduit des extraits de son livre qui est sorti en librairie le 12 avril 2018. Dans ce texte, il explique la critique socialiste du Progrès d’Orwell.

 

George Orwell, nom de plume d’Eric Arthur Blair, né le  à Motihari (Inde) pendant la période du Raj britannique et mort le  à Londres, est un écrivain, essayiste et journaliste britannique.

Son œuvre porte la marque de ses engagements, qui trouvent eux-mêmes pour une large part leur source dans l’expérience personnelle de l’auteur : contre l’impérialisme britannique, après son engagement de jeunesse comme représentant des forces de l’ordre colonial en Birmanie ; pour la justice sociale et le socialisme démocratique, après avoir observé et partagé les conditions d’existence des classes laborieuses à Londres et à Paris ; contre les totalitarismes nazi et soviétique, après sa participation à la guerre d’Espagne. Parfois qualifié d’« anarchiste conservateur », il est souvent comparé à la philosophe Simone Weil, en raison de ses prises de positions originales pour un socialiste.

Né au XVIIIe siècle dans le sillage de la pensée des Lumières et théorisée par le philosophe -(et mathématicien)-  révolutionnaire Nicolas de Condorcet, le mythe du Progrès est partagé par l’essentiel de la gauche, marxisme compris. Le Progrès consacre la croyance dans le perfectionnement global et linéaire de l’humanité.

L’augmentation du savoir, notamment scientifique, doit entraîner avec elle le progrès technique   (Ce progrès va se développer avec l’école républicaine dont Condorcet est le théoricien le plus complet – cf là « cinq mémoires sur l’instruction publique »). Jugé bénéfique pour l’homme, qui n’aura plus à accomplir les tâches les plus fatigantes grâce aux machines, celui-ci doit permettre un accroissement des richesses –rebaptisé “croissance économique” – ainsi qu’une amélioration morale et sociale. Les sociétés s’approcheraient ainsi du meilleur des mondes possible, à la fois prospère et composé d’individus bons et libres. Certes, la pensée marxiste est légèrement plus complexe que celle de Condorcet, car elle est dialectique – le Progrès est rendu possible par l’opposition entre les classes sociales –, mais elle reste prisonnière de ce mythe.

Ainsi, si Marx loue le courage des luddites, ces ouvriers anglais qui cassaient les machines, considérant qu’elles étaient la source de leur exploitation et de leur aliénation, il estimait qu’ils se trompaient de combat. Le marxisme a une foi aveugle dans le Progrès. ( Le néo-luddisme est un mouvement moderne d’opposition à tout ou partie du progrès technique. cf l’article de Bill Joy co-fondateur de Sun Microsystem publié en 2000 : pourquoi on n’a pas besoin de nous » – cf la traduction par Michel Roudot  » Pourquoi l’avenir n’a pas besoin de nous »   . Theodore (dit TedKaczynski, surnommé « Unabomber ». s’est battu, selon lui, contre les dangers inhérents à la direction prise par le progrès dans une société industrielle et une civilisation technologique, une société qui s’éloigne de l’humanité et de la liberté humaine pour la majorité sinon pour la totalité de la population – attentats de 1978 à 1994.)

George Orwell perçoit l’affaire tout autrement que l’ont fait les marxistes. Comme le relève Stéphane Leménorel« Orwell n’entend pas seulement comprendre l’emprise technologique sur nos existences, mais aussi ce machinisme dont les ravages sont à la fois plus sournois et radicaux. »

Anti-théoricien, l’écrivain anglais n’est pas victime des illusions de ses camarades intellectuels. Il voit le machinisme tel qu’il est, ou plutôt tel qu’il est ressenti par les classes subalternes. Il fait remarquer que « les gens se rendent confusément compte que le “progrès” est un leurre[iv] ». Car « l’époque de la mécanisation triomphante, nous permet d’éprouver réellement la pente naturelle de la machine, qui consiste à rendre impossible toute vie humaine authentique »« La machine est l’ennemie de la vie ».

L’écrivain déplore d’ailleurs « qu’aujourd’hui les mots de “progrès” et de “socialisme” so[ie]nt liés de manière indissoluble dans l’esprit de la plupart des gens ». La faute en incombe au socialisme qui « n’a à la bouche que les mots de mécanisation, rationalisation, modernisation – ou du moins croit de son devoir de s’en faire le fervent apôtre. 

Nous retrouvons la problématique développée par Bernanos dans La France contre les robots en 1947. Pour les Français, « le danger n’est pas dans les machines », mais « dans le nombre sans cesse croissant d’hommes habitués, dès leur enfance à ne désirer que ce que les machines peuvent donner. »

De même, pour Orwell, le problème est qu’en se livrant aux machines, l’humain perd son humanité. Pour lui, il n’est pas si évident que « le progrès mécanique tend[e] à rendre la vie sûre et douce » comme il est communément admis, car « toute nouvelle invention mécanique peut produire des effets opposés à ceux qu’on en attendait. »

il craint que « la finalité ultime du progrès mécanique [soit] […] d’aboutir à un monde entièrement automatisé – c’est-à-dire, peut-être, un monde peuplé d’automates » et « de réduire l’être humain à quelque chose qui tiendrait du cerveau enfermé dans un bocal. »…(Nous y sommes !)

Enfin, le Progrès enferme l’homme dans un monde totalement artificiel qui le prive de ses plaisirs les plus simples et les plus essentiels, comme celui de contempler la nature. Or, se demande Orwell, « si un homme ne peut prendre plaisir au retour du printemps, pourquoi devrait-il être heureux dans une Utopie qui circonscrit le travail ?  »« Car l’homme ne reste humain qu’en ménageant dans sa vie une large place à la simplicité.

C’est cette pensée qui guide Orwell vers son désir d’« une vie simple et plus dure », proche de la nature, faite de tâches agricoles et de jardinage, « au lieu d’une vie plus molle et plus compliquée », comme celle qui caractérise la société industrielle. Il a cependant conscience qu’il est impossible de retourner en arrière, vers une vie sans machine, car « à l’image de la drogue, la machine est utile, dangereuse et créatrice d’habitudes. »Enfin, s’il a pu écrire dans 1984 que « le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance », Orwell n’est pas technophobe ou réactionnaire pour autant. Mais avant d’accepter une innovation, il faudrait selon lui se demander « cela me rend-il plus humain ou moins humain ?

quatre spécialistes de l’oeuvre d’Orwell par Kevin Boucaud-Victoire dans Marianne -12 juillet 2020 

  • Jean-Claude Michéa professeur de philosophie à la retraite auteur de  Orwell, anarchiste tory (1995) et Orwell éducateur (2003)

“Le délire idéologique de la gauche moderne” en dit long sur l’actualité d’Orwell

  • Stéphane Leménorel, poète et ancien professeur de philosophie, auteur de George Orwell ou la vie ordinaire (Le Passager clandestin, « Les précurseurs de la décroissance », 2017)

la destruction de la langue et du sens :  Les repères ont cédé la place aux paillettes, la raison s’est effacée dans le slogan, les valeurs ont été asphyxiées par les mots d’ordre. Le sens du vrai, la dignité, la décence ordinaire, chère à Orwell, se retrouvent enterrés sous les ruines du spectacle.

  • Jean-Jacques Rosat, professeur de philosophie, éditeur et auteur de Chroniques orwelliennes Collège de France, 2013)

« l’anéantissement de la vie commune » : Les bases de la société décrite dans 1984 ne sont pas à chercher en premier lieu dans l’économie, la sociologie ou l’idéologie, mais dans la politique et dans la volonté de pouvoir. À quoi rêvent ses dirigeants – les « oligarques », comme Orwell les appelle ? Au pouvoir pour le pouvoir. Au pouvoir absolu. « Dieu, c’est le pouvoir. » Le pouvoir sur les choses et sur les corps, sans doute. Mais, surtout et par-dessus tout, le « pouvoir sur l’esprit ». Pour y parvenir, tous les moyens sont bons : substitution aux événements passés de faits alternatifs, négation des lois de la nature, liquidation de la logique et du principe de non-contradiction, rejet de la démarche empirique, destruction de la vérité objective et de tout espace des raisons

Emmanuel Roux, docteur en philosophie et auteur notamment de George Orwell : la politique de l’écrivain (Michalon, « Le bien commun », 2015).

Orwell me semble majeur pour de nombreuses raisons. Il a notamment inventé l’écriture politique comme forme authentique d’engagement contre les postures des « intellectuels ». Mais si je devais souligner deux raisons majeures, ce serait d’une part son « socialisme démocratique », qu’on peut sans problème renommer « populisme civique » : une pensée politique qui privilégie les médiations institutionnelles pour que le plus grand nombre pèse vraiment sur les décisions majeures de la vie civile, qui donne sa place au conflit dans la mesure où celui-ci est régulé et civilisé par des valeurs communes, qui manifeste à l’égard de toute forme d’altérité une générosité et une tolérance de principe, qui est fondamentalement non violent, qui pense ensemble la liberté et l’égalité sans les sacrifier l’une à l’autre, qui refuse par principe toute avancée scientifique destructrice du cadre naturel, qui se méfie du pouvoir jusque dans sa volonté de ne pas l’instrumentaliser.

Pour aller plus loin : Regards vers l’Absolu, regards vers la vie, pour sortir de la théologie et idéologie humaniste

 

 

 

 

La conclusion des Mémoires d’outre-tombe

 

résumé et analyse de l’oeuvre 

lire l’oeuvre 

Chateaubriand et la conclusion de notre histoire –Dedefensa.org

Les Mémoires d’outre-tombe sont la principale œuvre de François-René de Chateaubriand, dont la rédaction commence en 1809, sous le titre Mémoires de ma vie, et s’achève en 1841. L’édition originale des Mémoires d’outre-tombe, titre final du projet, est publiée en douze volumes entre 1849 et 1850.

S’ils comportent des traits qui les rapprochent du genre littéraire des mémoires (au sens classique du terme, comme les Mémoires de Saint-Simon de Saint-Simon), les Mémoires d’outre-tombe s’inspirent également des Confessions de Rousseau, au sens où Chateaubriand traite — outre les événements politiques et historiques auxquels il assiste — de détails de sa vie privée et de ses aspirations personnelles. L’auteur traite donc des événements historiques majeurs dont il fut témoin (Révolution, République, Empire, Restauration, Monarchie de Juillet) mais en même temps nous dévoile son moi intérieur, dans une confidence aussi proche qu’intime à son lecteur.

C’est également dans cet ouvrage qu’on trouve quelques-uns des meilleurs exemples français de prose poétique, genre dans lequel Chateaubriand excellait.

Un des plus importants textes du monde moderne, le premier qui nous annonce comment tout va être dévoré : civilisation occidentale et autres, peuples, sexes, cultures, religions aussi. C’est la conclusion des Mémoires d’outre-tombe. On commence avec l’unification technique du monde :

« La société, d’un autre côté, n’est pas moins menacée par l’expansion de l’intelligence qu’elle ne l’est par le développement de la nature brute. Supposez les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines, admettez qu’un mercenaire unique et général, la matière, remplace les mercenaires de la glèbe et de la domesticité : que ferez−vous du genre humain désoccupé ? Que ferez−vous des passions oisives en même temps que l’intelligence ? La vigueur du corps s’entretient par l’occupation physique ; le labeur cessant, la force disparaît ; nous deviendrions semblables à ces nations de l’Asie, proie du premier envahisseur, et qui ne se peuvent défendre contre une main qui porte le fer. Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force : retirez la malédiction prononcée contre les fils d’Adam, et ils périront dans la servitude : In sudore vultus tui, vesceris pane. »

« La malédiction divine entre donc dans le mystère de notre sort ; l’homme est moins l’esclave de ses sueurs que de ses pensées : voilà comme, après avoir fait le tour de la société, après avoir passé par les diverses civilisations, après avoir supposé des perfectionnements inconnus on se retrouve au point de départ en présence des vérités de l’Ecriture. »

Le basculement immoral de l’homme moderne, grosse bête anesthésiée, ou aux indignations sélectives, qui aime tout justifier et expliquer :

« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ?

C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. »

La corruption va devenir institutionnalisée :

« Les corruptions de l’esprit, bien autrement destructives que celles des sens, sont acceptées comme des résultats nécessaires ; elles n’appartiennent plus à quelques individus pervers, elles sont tombées dans le domaine public. »

On refuse une âme, on adore le néant et l’hébétement

« Tels hommes seraient humiliés qu’on leur prouvât qu’ils ont une âme, qu’au-delà de cette vie ils trouveront une autre vie ; ils croiraient manquer de fermeté et de force et de génie, s’ils ne s’élevaient au-dessus de la pusillanimité de nos pères ; ils adoptent le néant ou, si vous le voulez, le doute, comme un fait désagréable peut−être, mais comme une vérité qu’on ne saurait nier. Admirez l’hébétement de notre orgueil ! »

L’individu triomphera et la société périra :

« Voilà comment s’expliquent le dépérissement de la société et l’accroissement de l’individu. Si le sens moral se développait en raison du développement de l’intelligence, il y aurait contrepoids et l’humanité grandirait sans danger, mais il arrive tout le contraire : la perception du bien et du mal s’obscurcit à mesure que l’intelligence s’éclaire ; la conscience se rétrécit à mesure que les idées s’élargissent. Oui, la société périra : la liberté, qui pouvait sauver le monde, ne marchera pas, faute de s’appuyer à la religion ; l’ordre, qui pouvait maintenir la régularité, ne s’établira pas solidement, parce que l’anarchie des idées le combat… »

Une belle intuition est celle-ci, qui concerne…la mondialisation, qui se fera au prix entre autres de la famille :

« La folie du moment est d’arriver à l’unité des peuples et de ne faire qu’un seul homme de l’espèce entière, soit ; mais en acquérant des facultés générales, toute une série de sentiments privés ne périra−t−elle pas ? Adieu les douceurs du foyer ; adieu les charmes de la famille ; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs, réputés vos compatriotes, vous ne pourriez-vous jeter au cou d’un frère. »

Puis Chateaubriand décrit notre société nulle, flat (cf. Thomas Friedman), plate et creuse et surtout ubiquitaire :

« Quelle serait une société universelle qui n’aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni italienne ? ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni indienne, ni chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu’en résulterait−il pour ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie ? Comment s’exprimeraient des passions ressenties à la fois à la manière des différents peuples dans les différents climats ? Comment entrerait dans le langage cette confusion de besoins et d’images produits des divers soleils qui auraient éclairé une jeunesse, une virilité et une vieillesse communes ? Et quel serait ce langage ? De la fusion des sociétés résultera−t−il un idiome universel, ou bien y aura−t−il un dialecte de transaction servant à l’usage journalier, tandis que chaque nation parlerait sa propre langue, ou bien les langues diverses seraient−elles entendues de tous ? Sous quelle règle semblable, sous quelle loi unique existerait cette société ? »

Et de conclure sur cette prison planétaire :

« Comment trouver place sur une terre agrandie par la puissance d’ubiquité, et rétrécie par les petites proportions d’un globe fouillé partout ? Il ne resterait qu’à demander à la science le moyen de changer de planète. »

Elle n’en est même  pas capable…

Zad, nature, culture et recomposition des mondes avec Alessandro Pignocchi

Ancien chercheur en sciences cognitives eten philosophie, Alessandro Pignocchi s’est lancé dans la bande dessinée avec son blog, Puntish. Son premier roman graphique, Anent. Nouvelles des Indiens Jivaros (Steinkis), publié en 2016, racontait ses découvertes et ses déconvenues dans la jungle amazonienne, sur les traces de l’anthropologue Philippe Descola.

Son Petit traité d’écologie sauvage (Steinkis), publié en 2017, décrit un monde où l’animisme des Indiens d’Amazonie est devenu la pensée dominante. Cette réflexion est encore poursuivie en 2018 dans La Cosmologie du futur (Steinkis), dans lequel l’auteur se débarrasse du concept moderne de « nature ».

Avec ce nouvel album, la recomposition des mondes, qui constitue le premier roman graphique publié dans la collection « Anthropocène » du Seuil, éditeur de sciences humaines, Pignocchi s’attache à des problématiques similaires, mais appliquées à un cas concret et un peu moins lointain que l’Amazonie, puisqu’il part étudier et vivre ces problématiques sur le terrain de la ZAD de Notre-Dames-des-Landes.

partie d’une interview par Nicolas Cazaux sur partage le.com

Avant d’y aller (sur la ZAD), je ne soupçonnais pas du tout la complexité de l’expérience de la ZAD – la richesse, l’intensité et l’originalité de ce que ça fait d’être sur place. Je devais penser que l’intérêt de cette lutte tenait à sa finalité – principalement l’abandon du projet d’aéroport – et que le parcours vers cet objectif était fait de souffrances et de discussions politiques pénibles. Je n’imaginais pas que la beauté d’une telle lutte tenait avant tout à la lutte elle-même, à la densité de vie qu’elle procure.

Les ZAD s’en prennent à deux piliers fondamentaux de l’Occident moderne, ceux-là même que le Green New Deal vise à maintenir en place : la Nature-objet et l’indépendance de la sphère économique. Deux fondamentaux qui s’étayent l’un l’autre et qui érigent un rapport au monde incompatible avec une sortie de la crise écologique.

La notion de Nature-objet, qui est une autre façon de parler de la distinction entre Nature et Culture, désigne le mode de relation privilégié par l’Occident moderne avec les plantes, les animaux, les écosystèmes et les non-humains en général : la relation de sujet à objet. Les seuls sujets sont les humains, et tous les non-humains sont des objets qui n’acquièrent leur valeur qu’en vertu des services qu’ils rendent aux humains. La notion de service écologique, si importante y compris dans des discours prétendument écologistes, est symptomatique de ce mode de relation.

Le point important, c’est que dans l’Occident moderne, c’est la relation de sujet à objet qui façonne le rapport au monde dominant, les normes sociales, les institutions, etc. (y compris, d’ailleurs, de plus en plus souvent entre humains, comme l’illustre la notion de « ressources humaines »).

En Amazonie et, j’y reviendrai, sur une ZAD, c’est au contraire la relation de sujet à sujet avec les non-humains qui est la plus spontanée et qui façonne le rapport au monde du groupe et ses normes sociales. Pour les Indiens d’Amazonie et d’Amérique du Nord, plantes et animaux sont réellement vus comme des personnes, dont la vie sociale est régie par des conventions analogues à celles en vigueur chez les humains.

Dans l’Occident moderne, la relation de sujet à objet se décline selon deux variantes : l’exploitation et la protection. La protection des milieux qui, telle qu’elle est pensée chez nous, reste une forme d’utilisation, où sont mis en avant soit les services écologiques, soit des fonctions de récréation, de contemplation esthétique, etc. Tant que ce mode de relation reste la relation par défaut, celle qui structure notre rapport au monde et les normes de notre société, il n’y aura pas d’issue à la crise écologique, et ce pour deux raisons principales : tout d’abord, l’oscillation entre protection et exploitation est biaisée. Ça n’est pas une oscillation mais un phénomène de cliquet, puisque lorsqu’on choisit de protéger une zone on peut toujours changer d’avis et l’exploiter, alors que l’inverse est plus complexe. Tant que l’on reste prisonnier de cette dichotomie on se dirige donc nécessairement vers des lieux protégés de plus en plus réduits, jusqu’à leur disparition totale.

Le statut d’objet attribué aux non-humains est maintenu en place par l’autre pilier fondateur de l’Occident moderne : le mythe de l’indépendance des faits économiques. Comme le décrit Karl Polanyi dans La grande transformation, au cours du 19e siècle l’utopie libérale a œuvré à détacher l’économie du reste de la vie sociale et à la positionner en surplomb par rapport à elle, à faire de l’activité économique une fin en soi. Là aussi, cette propriété cosmologique est propre à l’Occident moderne : dans les sociétés traditionnelles il n’y a pas de faits économiques. Tout échange, même médié par une forme de monnaie, est toujours plus qu’un simple échange d’objets : il renforce ou déplace les solidarités, les rivalités et s’inscrit globalement dans l’ensemble du tissu social.

L’indépendance des faits économiques en Occident relève du mythe car, bien sûr, l’économie est toute pénétrée par le politique. Mais c’est un mythe que nos classes dirigeantes ont un besoin vital de maintenir en place car il est devenu leur principal outil de légitimation. Ils ont besoin, par exemple, de pouvoir prendre les points de croissance ou le PIB comme des fins en soi, indépendamment des réalités socio-écologiques qu’ils dissimulent.

Si l’on résume le syllogisme très simple auquel on arrive, voici ce que l’on obtient :

(1) Pas d’issue à la crise écologique sans instaurer la relation de sujet à sujet avec les non-humains comme relation structurante.

(2) La sphère économique autonome et surplombante ne peut accepter que des objets.

Conclusion : une proposition écologique ne peut être sérieuse que si elle s’en prend frontalement à l’indépendance des faits économiques. Et c’est très exactement ce qui se passe sur les ZAD. On remet au premier plan des relations basées sur la solidarité, l’entraide, le non-chiffrable, on s’échange de la nourriture à prix libre et, plus généralement, on dissout la sphère économique dans la réalité de la vie sociale. Ce faisant, on libère les espaces permettant de tisser avec les non-humains et le territoire des relations de sujet à sujet, colorées de liens affectifs, empathiques et présentant toutes les nuances de ce qui n’est pas marchandisable. Personne, sur une ZAD, n’aurait l’idée de faire appel à la notion de service écologique ou de séparer les questions sociales et les questions environnementales. Le territoire et ses habitants non-humains ne sont plus ni des ressources ni des sanctuaires mais, en somme, des voisins, avec lesquels il s’agit de partager au mieux un monde commun.

La malédiction progressiste et l’autoritarisme technocratique

 

 

A propos de l'inutilité et de l'ineptie des alternatives soi-disant vertes : http://partage-le.com/2015/03/les-illusions-vertes-ou-lart-de-se-poser-les-mauvaises-questions/

 

 

 

 

partage-le.com

Le progressisme culturel — l’idée que nous sommes destinés, en tant que civilisation, à aller de l’avant, à perfectionner et à sophistiquer toujours plus nos existences, qu’il est certain et normal que demain soit meilleur qu’hier, que nos conditions ne cessent de s’améliorer au fil du temps, et ce grâce au sacro-saint développement des sciences et des techniques —, au sein duquel les civilisés sont éduqués, s’attache à diaboliser le passé, de manière grossière, caricaturale et simplement mensongère. Le passéisme est alors un péché, moqué à l’aide des fameux « on ne va pas revenir en arrière ! »« ce que vous proposez c’est un retour à l’âge de pierre »« on ne va pas recommencer à s’habiller en peaux de bêtes et à s’éclairer à la bougie », etc.

Le bilan du progressisme et de l’autoritarisme technocratique

  • il n’y a plus que 2 véritables forêts sur Terre : l’Amazonie et le Congo

  Assèchement des lacs, des fleuves, des aquifères. Empoisonnement des eaux souterraines et des eaux de surface, surpêche, plastique, tuer les océans :  

-l’assèchement de 90% de la mer d’Aral, 4ième plus grand lac du monde , ou du lac Tchad dans le même pourcentage, par exemple.

-L’asséchement des fleuves : le fleuve Colorado n’atteint plus la mer. L’Indus, autrefois le 21ème  plus grand fleuve du monde — au débit de 200 kilomètres cube par an — n’est plus aujourd’hui qu’un « goutte à goutte qui touche à sa fin ». Le Rio Grande a perdu 80% de son débit. L’accomplissement suprême reste peut-être celui du fleuve jaune de Chine. Il s’agit du sixième fleuve le plus long du monde, avec plus de 5400 kilomètres. Un peu plus court aujourd’hui, puisque l’eau n’est plus gâchée mais utilisée ; 230 jours par an, il n’atteint plus l’océan.

l’asséchement des aquifères ( nappes ou terrains sous-terrains contenant de l’eau) : pour l’aquifère Ogallala aux Etats-Unis de 450 000 km2, les puits en certains endroits sont 90 m plus bas qu’au début du prélèvement. 21 des 37 plus grands aquifères du monde déclinent significativement, 13 d’entre eux sont au bord de l’épuisement. ( dont l’aquifère du bassin de l’Indus, au nord-ouest de l’Inde et du Pakistan qui est le deuxième sur-stress et le bassin de Murzuk-Djado en Afrique du Nord, le troisième. La vallée centrale de la Californie, très utilisée pour l’agriculture et en voie d’épuisement rapide. cf liste des aquifères)

Notre septième plus grand accomplissement concernant l’eau est l’empoisonnement des eaux souterraines  et de surface du monde. La quasi-totalité des plans et des cours d’eau du monde — des profondeurs océaniques jusqu’aux plus petits ruisselets — est contaminée par des toxines fabriquées par l’homme. En Chine, certains fleuves ont été tellement bien pollués que leur contact est toxique.

Il y a assez de plastique dans l’océan pour engendrer des plaques flottantes de la taille de grands états  –cf le septième continent-. Il y a assez de plastique pour qu’un poussin d’oiseau marin sur trois meure de faim sur certains sites de reproduction du pacifique, le ventre plein de plastique.

 Les scientifiques estiment que nous vivons aujourd’hui la sixième extinction de masse : 90% des grands poissons70% des oiseaux marins et, plus généralement, 52% des animaux sauvages, ont disparu ; depuis moins de 40 ans, le nombre d’animaux marins, dans l’ensemble, a été divisé par deux.

Les pays du monde, pris ensemble, produisent actuellement environ 50 millions de tonnes de déchets électroniques (ou e-déchets) par an, dont l’immense majorité (90%) ne sont pas recyclées.

La consommation globale d’eau douce actuelle (imaginez donc ce qu’il en sera demain !) est elle aussi d’ores et déjà largement insoutenable (c’est-à-dire que nous consommons l’eau des nappes phréatiques et des aquifères plus rapidement qu’ils ne se remplissent.

L’entité responsable de cette destruction, nous la connaissons bien, puisque la majeure partie d’entre nous, humains, y vit : il s’agit de la civilisation industrielle – l’organisation sociale dominante, aujourd’hui mondialisée.

Au niveau humain, les effets de la civilisation industrielle sont du même acabit : maladies (dont, bien évidemment, celles dites « de civilisation » : diabète, athérosclérose, asthme, allergies, obésité et cancer), dépressions, anxiétés et divers troubles psychologiques.

L’hybris

Toutes les civilisations sont infectées par une volonté de puissance délirante, l’hybris.

L’hybris, ou hubris, du grec ancien ὕϐρις / hybris, est une notion grecque qui se traduit le plus souvent par « démesure ». C’est un sentiment violent inspiré des passions, particulièrement de l’orgueil. Les Grecs lui opposaient la tempérance et la modération. Dans la Grèce antique, l’hybris était considérée comme un crime. Elle recouvrait des violations comme les voies de fait, les agressions sexuelles et le vol de propriété publique ou sacrée1. On en trouve deux exemples bien connus : les deux discours de Démosthène, Contre Midias et le Contre Conon. C’est la tentation de démesure ou de folie imprudente des hommes, tentés de rivaliser avec les dieux. Cela vaut en général de terribles punitions de la part de ces derniers.

Hybris que nous observons aujourd’hui, par exemple, dans la démence incarnée par une ville comme Dubaï, avec ses pistes de ski en intérieur, ses guépards en animaux de compagnie, ses tours plus hautes les unes que les autres qui atteignent presque le kilomètre ( Burj Khalifa: 830m)& leurs restaurants ultra-chics, ses îles artificielles, ses chambres d’hôtels sous-marines, et sa résidence hôtelière agrémentée d’une forêt tropicale intérieure.

 Tout contrôler 

 La civilisation se caractérise également par une obsession  en lien direct avec l’hubris précédemment mentionné , par une pulsion inhérente à son existence : le besoin de tout contrôler. Cette culture du contrôle, nécessaire pour son expansion, fait que tout ce qui existe doit être analysé et au besoin refaçonné, restructuré, de manière à s’imbriquer dans son modèle machinique (artificiel) de développement.

Ce qui fait, par exemple, que des propriétés aussi indissociables de la vie que la mort et la maladie sont considérées comme inadmissibles et devant être combattues. D’où la philosophie transhumaniste des individus les plus puissants de la civilisation, qui rêvent de ne plus mourir et de posséder des corps bioniques, peu importe les coûts pour les autres espèces, pour l’environnement et l’équilibre de l’écosystème Terre.

Pierre Fournier écrivait à ce propos : « on a trop dit que le robot inquiète, c’est une illusion d’intellectuel. Il inquiète l’homme qui réfléchit, il plait aux autres. Ils ont peur de tout ce qui, sans eux, simplement, existe. Tout ce qui est vivant les menace. Tout ce qui se fabrique les rassure. »

 La plupart des habitants de la civilisation mondiale actuelle ne se soucient même plus de l’absence totale de démocratie. ( toutefois le mouvement actuel des gilets jaunes pourrait être  l’expression de cette prise de conscience d’une partie de la population). Ils sont dépossédés au point de n’avoir plus qu’une votation parodique comme influence, et soumis à des propagandes médiatiques ainsi qu’à la standardisation et au conditionnement éducatifs, la plupart se résignent et acceptent docilement ce qu’ils prennent alors pour une fatalité.

Soulignons le rôle de l’industrie du divertissement (jeux-vidéo, cinéma, film, télévision, musique, roman, etc.), un des plus puissants outils (et peut-être le plus puissant) de contrôle des populations. Son mot d’ordre, qui pourrait se résumer à « divertir pour dominer », repose sur des principes séculaires de contrôle des populations au sein des empires, aussi anciens que les combats de gladiateurs.

La malédiction progressiste et l’autoritarisme technocratique

 

Comme le rappelle Jared Diamond« Les chasseurs-cueilleurs pratiquaient le mode de vie le plus abouti et le plus durable de l’histoire humaine. En revanche, nous luttons toujours avec la pagaille dans laquelle l’agriculture nous a précipités, et il n’est pas certain que nous puissions nous en sortir. » 10 000 ans de civilisation basée sur l’agriculture, puis l’agriculture industrielle et enfin sur l’agro-pétro-chimie ont continuellement dégradé la planète ainsi que la psyché humaine, et nous en sommes désormais rendus au constat introductif de ce texte.

Les soi-disant technologies « vertes » ou « renouvelables », en plus d’être, à l’instar de toutes les hautes technologies, conçues et contrôlées de manière antidémocratique, s’avèrent également destructrices.

En plus (mais surtout à cause) de tout ceci, l’individu, au sein de la civilisation industrielle, en est réduit à n’être qu’un minuscule rouage passif (car dépossédé, rendu impuissant par les institutions du système) d’une machinerie qui le dépasse largement. Il n’exerce (quasiment) aucun contrôle sur les institutions qui le dominent.

La volonté de (continuer à) bénéficier des conforts qu’apportent et que permettent l’industrialisme (et ses hautes-technologies) et la mondialisation implique pareillement ces structures sociales hautement hiérarchisées ainsi que ces pratiques destructrices de l’environnement.

Cependant, et parce que l’évocation même d’un renoncement est une hérésie au sein de la culture progressiste, il est aujourd’hui impensable pour la majorité des civilisés d’abjurer le développement technologique. Mais puisque toutes les hautes-technologies sont destructrices de l’environnement (extractivisme, transports, pollutions innombrables à tous les stades de production, etc.), et parce qu’y renoncer purement et simplement est hors de question, la culture dominante s’échine à trouver des solutions technologiques à ses problèmes technologiques. D’où la culture des alternatives (« altermondialisme »), d’où le commerce « équitable », d’où les smartphones équitables, d’où les éco-véhicules, les énergies « vertes », les bioplastiques, et ainsi de suite. Toutes ces choses, au demeurant polluantes et destructrices, peuvent effectivement l’être parfois dans une (légèrement) moindre mesure. Malheureusement, la croissance démographique et la production par définition infinie (croissance et expansion obligent !) de nouvelles technologies balaient le moindre gain. Et les choses empirent.

 

 

 

La théorie du genre prépare le transhumaniste, objectif final du capitalisme

Né en 1959, Michel Onfray est docteur en philosophie, et auteur de plus de cent livres traduits dans plus de vingt-cinq pays.

pour partie :  interview de Michel Onfray sur familleschrétiennes.fr

Je pose l’hypothèse qu’Orwell est un penseur politique à l’égal de Machiavel ou de La Boétie et que 1984 permet de penser les modalités d’une dictature postnazie ou poststalinienne, et ce dans des formes dont j’examine l’existence dans notre époque.

Quand il m’a fallu synthétiser mon travail, j’ai proposé le schéma d’une dictature d’un type nouveau. Elle suppose un certain nombre d’objectifs : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l’histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l’Empire.

La théorie du genre est le produit d’une société dont l’objectif est de mener une guerre totale à la nature afin de faire de telle sorte que tout, absolument tout, devienne artefact, produit, objet, chose, artifice, ustensile, autrement dit : valeur marchande. C’est, à l’horizon centenaire, la possibilité d’un capitalisme intégral dans laquelle tout se produira, donc tout s’achètera et tout se vendra. La théorie du genre est l’une des premières pierres de ce pénitencier planétaire. Elle prépare le transhumain qui est l’objectif final du capitalisme – autrement dit : non pas la suppression du capital, comme le croient les néo-marxistes, mais son affirmation totale, définitive, irréversible.

En ouvrant la PMA aux couples de femmes on  l’intégre dans ce processus de dénaturation et d’artificialisation du réel. On nie la nature, on la détruit, on la méprise, on la salit, on la ravage, on l’exploite, on la pollue, puis on la remplace par du culturel. Par exemple, avec les corps : plus d’hormones, plus de glandes endocrines, plus de testostérone, mais des perturbateurs endocriniens tout de même ! Allez comprendre…  Ou bien encore des injections hormonales pour ceux qui veulent changer de sexe. Cette haine de la nature, cette guerre de destruction déclarée à la nature, est propédeutique au projet transhumaniste.

Par ailleurs, je n’ai jamais été génétiquement père mais, par le fait d’un mariage avec la femme qui est l’œil vif sous lequel j’écris désormais suivi par l’adoption de ses deux grands-enfants, je suis devenu père et grand-père de l’enfant de celle qui est devenue ma grande fille : je ne suis donc pas contre une « filiation d’intention », puisque j’en incarne et porte le projet, mais le tout dans une logique où  l’on ne prive pas l’enfant des repères auxquels il a droit. J’ai assez bataillé contre la métapsychologie de la psychanalyse freudienne pour pouvoir dire que je me retrouve dans le combat de certains psychanalystes qui s’opposent à cette disparition du père soit dans la promotion d’un double père soit dans celle d’une double mère.

Michel Onfray

 

sur Médiapart : Michel Onfray. Théorie de la dictature
    • 20 AOÛT 2019
    • PAR 
    • Dans ce nouveau livre le philosophe politique et militant athée bien connu Michel Onfray analyse ce qu’il nomme les nouvelles formes de dictature Celles-ci enferment nos sociétés dans la soumission aux intérêts industriels et commerciaux voulant étendre partout le régime de la consommation facile et excluant toute critique politique que ce soit.

En 2007, l’auteur prolixe nous a gratifiés d’une Théorie du voyage où il explorait les motivations à partir au loin. Il omettait cependant les deux conditions nécessaires à voyager : l’argent et la liberté. Sans cette dernière, impossible de partir. Or curieusement, dans son dernier livre, Théorie de la dictature, aucune entrave à la liberté de voyager n’est mentionnée. De nos jours, on va où l’on veut à condition d’avoir de l’argent. C’est que la dictature dont parle Onfray n’a plus rien à voir avec les catégories de la pensée classique (de l’Antiquité au XXème siècle). On emploie le même mot, mais on est entré dans une autre dimension.

Cette dictature n’est douce qu’en apparence, car son aboutissement logique est de substituer à l’homme actuel autre chose : une enveloppe certes humaine, peut-être modifiée avec le transhumanisme, doté de réactions encore humaines, mais à l’intérieur, y aura-t-il toujours la liberté ? L’âme ( nous traduisons : la personnalité et l’indépendance d’esprit) n’aura-t-elle pas été définitivement chassée ?…

Michel Onfray n’offre pas dans ce livre de perspectives permettant d’échapper à cette dictature. Certes en France les pouvoirs dominants n’ont pas encore totalement supprimé la réflexion et la critique. Son livre en est une preuve. Mais quel écho aura-t-il dans les grands médias qui nous imposent une actualité non dérangeante, conforme aux intérêts dominants, et qui donnent très peu de retentissement aux critiques, aussi fondées soient-elles, dès qu’elles deviennent un tant soit peu radicales.

    voir sur Polemia

 

 

 

 

La transmutation posthumaniste

Isabelle Barbéris : maître de conférence en arts de la scène. Université Paris-Diderot, spécialiste  du théâtre  contemporain

Michel  Bel : professeur de philosophie en retraite -spécialiste de Heidegger

Jean-François Braunstein : philosophe – professeur d’université -travaux sur l’histoire des sciences et philosophie des sciences

Paul Cesbron : gynécologue obstétricien ancien chef de la maternité de Creil

Denis Collin : philosophe dans la suite de la pensée de Marx – essaie de concilier socialisme et républicanisme.

Anne Lise Diet : psychologue, psychanaliste 

Emmanuel Diet : psychologue -agrégé de philosophie docteur en psychopathologie

Christian Godin : philosophe , maître de conférence Université Blaise Pascal , Clermont-Ferrand

Aude Mirkovic : juriste, essayiste, maître de conférence sciences criminelles Université d’Evry, militante catholique engagée dans le combat contre la gestation pour autrui et procréation médicalement assistée, combat contre l’avortement

Isabelle de Montmollin : docteur en philosophie Université de Lausanne

François Rastier :  docteur en linguistique-directeur de recherche émérite CNRS

Pierre-André Taguieff : politologue,  sociologue, historien des idées, directeur de recherche  honoraire au CNRS -engagé dans la lutte contre tous les racismes

Patrick Tort : docteur en littérature, linguiste, philosophe , historien des sciences. Il a notamment analysé la dimension anthropologique de l’œuvre de Darwin. Aux yeux de certains, la réflexion de Patrick Tort s’inscrit dans le cadre du marxisme, courant de pensée auquel il a consacré plusieurs ouvrages. 

Patrick Tort conçoit alors le projet d’une encyclopédie mondiale du darwinisme qui réunirait également toutes les connaissances issues de la biologie et des sciences humaines possédant un lien direct ou indirect avec la naissance et les développements du transformisme

Thierry Vincent : journaliste anti Front National , émission « Special Investigation  » sur Canal , 90 minutes et Envoyé spécial en 2017

sur l’inactuelle – revue d’un monde qui vient 

 

Michel Henry publiait en 1987 un livre important, La barbarie, où il s’agissait de montrer que la science, telle qu’elle s’est instituée en discipline maîtresse, détruit la culture dès lors qu’elle est laissée à sa propre dynamique. Pour Michel Henry, cette science livrée à elle-même est devenue la technique, une « objectivité monstrueuse dont les processus s’auto-engendrent et fonctionnent d’eux-mêmes ». Corrélativement, les idéologies célèbrent l’élimination de l’homme et la vie est condamnée à fuir.

Ce que Michel Henry analysait si lucidement voilà plus de trente ans a pris une ampleur considérable. L’élimination de l’homme est en cours, réellement et non pas seulement symboliquement à travers la destruction de la culture, qui était le centre de l’ouvrage de Michel Henry. Sous nos yeux se produit une véritable « transmutation posthumaniste » pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif qui vient de paraître. Le transhumanisme nous conduit au-delà de l’humain, vers un posthumain, puisque nous avons appris que l’homme doit être dépassé ainsi que le disait Nietzsche !

Vers le posthumanisme.

Le posthumain, en effet, n’est plus simplement un thème de science-fiction. Il est revendiqué par des gens très sérieux qui y voient l’avenir même du mode de production capitaliste et l’avenir de l’humanité. Ainsi, fort nombreux sont les membres des cercles dirigeants des entreprises de la « high tech », souvent basées en Californie, qui revendiquent cette recherche du posthumain. Les dirigeants de Google, Larry Page et Sergey Brin, sont des adeptes fervents de la recherche posthumaniste et l’une des têtes pensantes de cette entreprise, Ray Kurzweil, la défend avec ardeur dans de très nombreux ouvrages depuis maintenant près de trois décennies.

C’est Ray Kurzweil qui déclarait : « Il y aura des gens implantés, hybridés, et ceux-ci domineront le monde. Les autres, qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardées au pré ». Et encore ceci : « Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. »

La transmutation posthumaniste.

Bien qu’ils aient des angles de vue différents et des philosophies parfois divergentes, les auteurs de l’ouvrage La transmutation posthumaniste mettent en évidence les principaux aspects de ce qui se joue autour de cette affaire. Je propose de regrouper tout cela sous le terme « trans » : il s’agit bien de transgresser toutes les frontières, frontières des espèces, frontière entre les sexes, frontière entre l’homme et la machine. Toutes ces frontières peuvent être transgressées, nous dit-on, car l’homme peut devenir le maître de ce qu’il deviendra, dans la mesure où, premièrement, ces frontières doivent toutes être considérées comme des constructions sociales et où, deuxièmement, grâce à la science et à la technique, l’homme peut s’émanciper de ce qu’il considère comme un donné naturel. La transgression des frontières de l’humain nous conduira au posthumain – et ici il n’est pas nécessaire de faire des distinguos subtils entre transhumanisme et posthumanisme, puisque, dans tous les cas, c’est l’humain tel que nous le connaissons qui est réputé obsolète.

Pierre-André Taguieff montre ici le lien de l’eugénisme classique (dont il rappelle combien il fut partagé aussi par des politiques et intellectuels de gauche), l’eugénisme nazi et les bricolages posthumanistes. De l’élevage des humains par les nazis à la sélection des gamètes pour obtenir des humains améliorés, il y a une continuité. Alors que les nazis devaient encore faire appel aux méthodes classiques de l’élevage des bêtes, la génétique et les « ciseaux à ADN » (CRISPR) promettent un eugénisme scientifique en évitant la nécessité d’éliminer brutalement tous les sous-hommes.

Godin montre cependant que le posthumanisme est l’accomplissement du rêve libéral. Est-ce contradictoire ? Nullement : le libéralisme veut supprimer tous les obstacles à la domination des forts, comme l’a fort justement montré Domenico Losurdo dans sa Contre-histoire du libéralisme.

La négation des corps.

Ce courant ancien en croise un autre : celui qui veut abolir la différence des sexes et faire des enfants le résultat d’un « projet parental ». La « fabrique des bébés » est justifiée par les revendications des prétendues « minorités opprimées » qui se verraient dénier le droit à l’enfant par l’ordre patriarcal hétérosexuel… Les couples homosexuels ouvrent la voie : ils veulent pouvoir se faire fabriquer des enfants selon leur convenance. La « parenté d’intention » prend le pas sur la parenté biologique remisée au rang des vieilleries, bien que la technique ne puisse pas encore s’en passer complètement. Le bouleversement dans l’édifice du droit civil impliqué par ces notions extravagantes est souligné par la contribution d’Aude Mirkovic. PMA et GPA apparaissent maintenant comme les moyens de cette marche vers l’élimination de la procréation biologique dans la naissance des enfants.

Le dernier pas est l’abolition pure et simple de la différence des sexes et la promotion du « transgenre » en tant que modèle de l’humanité future. L’article de Denis Collin montre que le « transgenre », avec l’invraisemblable et très glauque bricolage des opérations de « réassignation » de sexe, constitue le banc d’essai du posthumain. Il y a dans l’idéologie posthumaniste toute une conception du corps qu’interroge Anne-Lise Diet, un corps réduit à l’état de machine, transformable à volonté et prétendument totalement indépendant du sujet tout-puissant qui le modèle à sa guise.

Le triomphe de la technoscience biologique s’exprime par le développement d’une idéologie folle. Les Dr Frankenstein semblent avoir pris le pouvoir. La génétique combinée à l’Intelligence Artificielle annonce l’avènement d’une nouvelle espèce, comme dans la littérature ou le cinéma de science-fiction. L’un des auteurs du livre, Jean-François Braunstein s’était interrogé sur La philosophie devenue folle, et, aujourd’hui, c’est la technoscience qui est devenue tout aussi folle que la philosophie.

La raison en est à chercher dans la marche du mode de production capitaliste : la course à l’accumulation du capital, qui est le moteur de ce système « économique », suppose la course à la productivité d’une part et l’extension infinie du domaine de la marchandise d’autre part. C’est la domination du travail mort sur l’individu vivant qui en est l’aboutissement. De ce point de vue, le posthumanisme réalise les fins ultimes du mode de production capitaliste et rend l’humanité surnuméraire. Il est donc assez compréhensible que les secteurs les plus avancés du capital (les GAFA) soient les plus enthousiastes pour cette destruction généralisée de l’humain. Inversement, la critique du posthumanisme est devenue le préambule nécessaire d’une critique généralisée du monde dominé par le capital.

Denis Collin

Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine

 

 

Christian Godin : l’Humanité

Christian Godin est maître de conférences de philosophie à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, et collaborant à différents journaux ou périodiques

 » Le drame de notre temps, diagnostique Olivier Rey, vient de ce que notre culture est organisée et dominée par ce qu’il y a de plus antinomique avec la culture, à savoir la science, puisque celle-ci ne cesse de briser notre lien avec la totalité, ce que le poète Hölderlin appelait le divin. »

Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine, d’Olivier Rey, Le Seuil, 338 pages – 1/10/2003

Peut-on en vouloir aux scientifiques d’avoir soumis la totalité du monde à la dictature du calcul et de l’efficacité interroge le mathématicien Olivier Rey dans un brillant essai sur la modernité.

Professeur de mathématiques à l’École polytechnique, chercheur au CNRS, il enseigne aujourd’hui la philosophie à l’Université Paris 1. Olivier Rey nous donne à réfléchir sur l’errance de la science depuis les débuts de l’âge moderne. Itinéraire de l’égarement reprend à nouveaux frais dans un style limpide la question vertigineuse qu’avaient posée les philosophes Whitehead (le Concept de nature) et Husserl (la Crise des sciences européennes) il y a quelques décennies : pourquoi la science, à partir de Descartes et de Galilée, a-t-elle emprunté la voie de la mathématisation de la nature plutôt qu’une autre ?

Est absurde, en effet, ce qui est ruineux pour le sens. Or la science, qui prend le parti de la partie contre le tout et celui de l’élément contre l’ensemble, est ruineuse pour le sens. Ce n’est pas qu’Olivier Rey conteste l’efficacité de la science en matière aussi bien technique que théorique – seulement nous assisterions depuis quatre siècles à un écartement croissant de la connaissance et de la compréhension. Plus nous savons de choses sur le monde, et moins nous le comprenons. Le pacte de connaissance fondé par l’antique sagesse (efforce-toi de connaître et tu comprendras) a été brisé : parce qu’elle ne saisit qu’en amoindrissant, la science aboutit à la dissolution de son objet.

Mise entre parenthèses du sujet, et donc de l’homme, l’objectivité est à ce prix. Plus encore, le réel ne sera considéré que par morceaux. Cette réduction a un symbole : avant même de grossir un objet, le premier rôle d’un microscope et d’un télescope est de l’isoler en restreignant le champ de vision comme le chirurgien masque le corps du patient pour mieux voir la zone à opérer. La neurobiologie qui rabat l’ensemble du mental sur le physiologique représente aujourd’hui le triomphe caricatural d’un réductionnisme auquel Olivier Rey adresse cette objection topique : si un état mental comme une croyance n’est que la traduction d’un état cérébral, à quel état cérébral correspondrait une croyance fausse ?

Mais que serait celui qui appréhende le monde dans son ensemble sur le mode scientifique, sinon, comme l’écrit Rey, un monstre psychopathe ? L’égarement n’est pas seulement théorique, philosophique, il est pratique, existentiel. L’homme moderne a objectivé tout ce qui l’entoure. Il en est résulté un monde d’autant plus aliéné que l’homme, loin d’en être absent, s’y retrouve partout, d’autant plus étranger que, dans quelque direction qu’il se tourne, il ne rencontre que lui-même – ses constructions, ses conceptions. Le rejet de l’anthropomorphisme par la science a abouti à cette situation paradoxale : l’homme se retrouve désormais sans ouverture ni horizon. La seule ressource qui lui reste, pour prévenir l’angoisse qui monte, est de se transformer à son tour en objet, de devenir de part en part justiciable de la science. C’est pour cela que la conception d’une science indifférente au sujet, englobant l’ensemble de la réalité physique, a connu une telle fortune. Le drame de notre temps, diagnostique notre auteur, vient de ce que notre culture est organisée et dominée par ce qu’il y a de plus antinomique avec la culture, à savoir la science, puisque celle-ci ne cesse de briser notre lien avec la totalité, ce que le poète Hölderlin appelait le divin.

Cette domination sans partage, cette pensée unique de la science n’empêchent pourtant pas ses thuriféraires de feindre de se croire menacés et de ferrailler contre des fantômes : le biologiste luttant contre les pensées et les idéologies dominantes, écrit joliment Olivier Rey,  » c’est le peintre pompier fêté au salon, croulant sous les commandes officielles et qui pose en artiste maudit. Le système de pensée et l’idéologie qui règnent, ce sont les siens. Faire comme si une Inquisition féroce et bornée était toujours à vaincre, c’est agir à la manière du chat qui joue avec une bête aux reins brisés, qui s’imagine qu’elle est encore bien vivante pour le plaisir de la terrasser de nouveau « .

table des matières sur pedagopsy.eu

Introduction

I. Misère

1. De l’émerveillement au non-sens

2. Naissance d’une énigme

3. L’énigme n’est pas sans enjeu

4. De l’utilité d’un retour en arrière

5. Des difficultés d’un retour en arrière .

6. Une pensée sous influence

7. Qu’il vaut la peine d’essayer

 II, Le grand tournant

8. La naissance de la science moderne

9. L’alphabet mathématique du monde

1(). Un faisceau préparatoire

11 . La mutation métaphysique

12. L’héritage de Platon

13. D’un monde incréé â un monde créé

14. La réification de la vérité

15. De l’expérience à l’expérimentation

16. Le malentendu

17. La voie cartésienne

18. La science de Descartes

19. Les impasses de la science cartésienne

III, L’individu et la science

20. Religion et science répartition et dispute des rôles

21, La science pour la liberté

22. « À nous deux maintenant »

23. Les souffrances de l’individuation

24. Contre le projet moderne : l’imprécation réactionnaire, la tentation bouddhique

25 L amour-passion

26. La voie de l’action, ou le surmenage et la science

27. Entre autonomie et disparition

28. L’apaisement et l’exacerbation du mal

 IV. Les raisons du succès

29. L’élimination de Dieu

30. La teneur du « miracle »

1. Mathématiques et action

32. Les mathématiques émancipées

33. Des mathématiques à la physique

34. Un monde univoque

35. La science comme langue parfaite

36. La majoration du succès

37. Le rôle de la pensée, et son élimination

V. Les limites du succès

38. L’incomplétude des mathématiques

39. Conséquences de l’incomplétude mathématique

40. L’oubli du sujet

41. L’ébranlement relativiste

.42. La révolution quantique

43. Le rôle de la liberté

44. Ordre et désordre

45. Entropie, temps et vieillissement

46. La fragmentation de la science

47. Par-delà la fragmentation de la science .

48. Les sciences de l’homme

49. Le biologisme

50. Les apories du neurobiologisme

51. La résistance de la conscience

VI. La vie captive

52. Les rnenaces d’effondrement

53. De la peur au ressentiment

54. Du savoir à la recherche

55. Les poses avantageuses, l’affairement, le fatalisme

56. 56. Le grand verrouillage

57. Les affaires sont les affaires

58. Reste un malaise

59. La déchéance spirituelle

60. Le façonnage de la conscience

VII En attendant Godot

61. L’individu autonome et la science

62. Les limites cie la philosophie

63. Le mensonge de l’autonomie

64. Le pas de côté Remerciements

Serge Latouche : « la décroissance implique de sortir de la modernité »

Marianne 15 mars 2019- Kevin Boucaud-Victoire

Serge Latouche est professeur émérite d’économie. Il revient pour Marianne sur le concept de décroissance, qu’il a contribué à forger.

Économiste et contributeur historique de la Revue du MAUSS, dirigée par le sociologue Alain Caillé, Serge Latouche est considéré comme le « pape » de la décroissance. Auteur de nombreux livres, comme L’invention de l’économie (Albin Michel, 2005), L’Occidentalisation du monde (La Découverte, 1989), ou encore Le Pari de la décroissance (Fayard, 2006), il dirige la collection des « Précurseurs de la décroissance », au Passager clandestin. Il vient de publier chez PUF un « Que sais-je ? », intitulé La Décroissance. Il revient avec nous sur ce concept souvent mal compris.

Dès le départ, nous avons précisé que ce n’était pas la croissance négative. Mais beaucoup de gens mal intentionné ont assimilé la décroissance à cela, c’est-à-dire à la récession.

Il ne s’agit pas d’un projet politique, mais d’un projet sociétal, voire civilisationnel. Cela implique de sortir d’un paradigme, pour en inventer un autre. Pour passer d’une société de croissance, à une société d’après croissance – ce que j’appelle « une société d’abondance frugale » –, il faut évidemment une politique de transition. Cette dernière implique une rupture avec le système. Nous vivons dans une société dominée par un pouvoir sans véritable visage, qui est le lobby des 2 000 plus grandes firmes transnationales.

« Décroissance » est un mot provocateur et un slogan. Mais derrière, il y a un projet proche de l' »autonomie«  défendue par Cornelius Castoriadis ou Ivan Illich. Mais ce mot n’a eu aucun impact dans le débat public, alors que celui de « décroissance » en a un immédiatement.

J’ai une formation d’économiste, donc je m’attaque à cette discipline. « Décoloniser les imaginaires », c’est sortir de l’économie. Il faut bien voir que le paradigme de cette société, c’est d’abord la modernité. La décroissance implique donc d’en sortir. Ce qui la caractérise, c’est l’illimitation. Ce paradigme n’est pas comparable aux précédents. De l’Empire romain à l’Europe chrétienne, en passant par la Chine, les empires arabo-musulmans, ou l’empire du Mali, il y a eu des tas de civilisations très diverses. Mais la modernité est radicalement différente de chacune d’entre elles. Elle part de l’idée, bien exprimée chez un de ses prophètes, Bernard Mandeville (1670-1733), que toutes les cultures et civilisations jusqu’ici ont échoué en préconisant la vertu, qui n’a jamais enrichi personne. Les vices privés font la richesse publique. C’est le message fondamental de la modernité. Le système fonctionne par l’accumulation de l’argent. Les premiers de cordées, ce ne sont pas ceux qui traînent les autres, mais ce sont ceux qui les écrasent pour s’élever.

Le principal message porté par la décroissance, c’est que cette illimitation sur de la production de biens, de déchets, signifie la destruction de l’environnement. Cela va bien au-delà de l’économie. La modernité est aussi une illimitation éthique. J’ai écrit à ce sujet L’ère des limites. Par-delà les mesures économiques et écologiques, il y a y une philosophie et une éthique qui sont basées sur le sens des limites et de la mesure.

Après une parenthèse de 300 ou 400 ans – s’il y a des historiens du futur, ils parleront ainsi de la modernité – nous renouerons avec une sagesse ancestrale, d’Epicure, Diogène, ou Sénèque.

Bien avant de parler de décroissance, j’ai critiqué le développement, avec Illich, dès les années 1960. Les éditions Artaud ont ressorti mon très vieux livre de 1986 : Faut-il refuser le développement ?

Par exemple, lorsque j’ai rencontré le chef de la confédération des Amérindiens d’Equateur, il m’a dit : « Ce que tu appelles « décroissance », c’est exactement ce que nous nommons « buen vivir«  ».

voir aussi « Pour une société de décroissance « – le Monde diplomatique -novembre 2003 – Absurdité du productivisme et des gaspillages

Le développement n’est pas la solution c’est le problème -janvier 2002-

La décroissance ou le sens des limites – Le Monde diplomatique -septembre 2018

Pour découvrir la page de Serge Latouche

Pour découvrir la page Aux origines de la décroissance

 

La déconstruction de l’Homme ? « Critique du Système technicien »

 

La déconstruction de l’homme « critique du système technicien »

 

cf le site deconstructionhomme.com

Le livre La déconstruction de l’homme? est un livre collectif paru le 12 octobre 2018 et écrit sous la direction d’Éric Lemaître qui en est l’instigateur et le principal auteur. Il a été commencé en 2016 et achevé en 2017, bien avant l’accès à la présidence d’Emmanuel Macron. Le projet transhumaniste poursuivi par le Président de la République qui souhaite développer la recherche française sur l’intelligence artificielle et positionner la France sur cette thématique en tant que référence mondiale confirme, à bien des égards, les profondes intuitions d’Eric Lemaître. Ce livre permettra donc à ceux qui sont désorientés par le technicisme moderne sans âme de discerner les motivations philosophiques et quasi religieuses qui inspirent cette marche fulgurante vers un nouveau monde et une nouvelle humanité, et d’en repérer les enjeux graves et funestes. Il se veut comme un cri d’alarme lancé à tous les hommes et femmes de bonne volonté pour lequel l’homme, fait à l’image de Dieu, ne peut pas et ne doit pas être déconstruit au gré de la folie d’apprentis sorciers scientistes et de l’ingénierie sociale.

Première partie :

Les fondements philosophiques

de la déconstruction  


1 – Un monde en mutation
2 – Critique du progressisme
3 – L’apparition du transhumanisme !
4 – Racines philosophiques et théologiques du transhumanisme
5 – Les humus du transhumanisme
6 – Les enjeux de la civilisation transhumaniste
7 – Le transhumanisme, une entreprise de déconstruction spirituelle
8 – Le transhumanisme, une vision et un système totalisants
9 – Le transhumanisme et la doctrine de la création
10 – Le transhumanisme, l’inversion théologique de l’anthropologie chrétienne

Deuxième partie :

Les révolutions de la déconstruction 

La révolution anthropologique 


11 – La révolution anthropologique : le concept de genre et ses conséquences bioéthiques
12 – La France in Vitro ou les États généraux de la bioéthique
13 – La révolution génétique, le nouvel eugénisme
14 – L’Europe a-t-elle enterré ses démons ?
15 – Le transhumanisme ou la fin de la femme ?
16 – La famille, le changement de paradigme

La révolution sociétale 


17 – Transhumanisme et révolution sociale
18 – Vers une nouvelle organisation sociale
19 – Transhumanisme et vision politique, la fin du modèle institutionnel
20 – La société iconoclaste, la nouvelle culture numérique
21 – Les mondes numériques et virtuels deviendront-ils demain des univers occultes ?  


La révolution économique 


22 – La nouvelle vision économique du monde numérisé
23 – La dématérialisation de la monnaie, une quadruple menace géopolitique, économique, écologique et sociale
24 – Le culte de la consommation
25 – Babylone, la civilisation du nombre
26 – Serons-nous demain «biopucés» ? 


La révolution technologique 


27 – L’avènement de la « singularité » technologique
28 – L’intelligence artificielle et le transhumanisme
29 – L’intelligence artificielle, fascination et déshumanisation
30 – Le fantasme de l’intelligence artificielle consciente
31 – Le « despotisme éclairé » de la technique  


La révolution écologique 


32 – Écologie et transhumanisme
33 – Renoncer à la toute-puissance et plaider pour la fragilité
34 – Vision sociale et économique dans une perspective biblique 


Conclusion et perspectives 

 

 

 

 

Pourquoi avons-nous écrit ce livre La déconstruction de l’homme ?
Nous avons souhaité l’écrire en raison de notre foi, des convictions spirituelles qui habitent l’entièreté de notre être fait à l’image de Dieu. En écrivant ce livre, nous avons souhaité lire le monde à la lecture des écritures bibliques dont le contenu laisse transpirer dès la Genèse ce qu’il adviendrait d’une humanité éprise de connaissance, d’un savoir déconnecté de toute référence au Dieu créateur.
Dès l’Eden perdu, nous avons compris que l’homme déraciné de toute relation à un Dieu créateur est en effet poussé à s’affranchir de sa finitude et inexorablement tente de se libérer des entraves que constituent son corps et les bornes fixées par Dieu.
Dans ces temps des modernités idéologiques et techniques, l’homme a ainsi engagé dès sa sortie de l’Eden une nouvelle révolution pour dépasser ou enjamber les frontières qui ont jalonné sa dimension existentielle à savoir le corps, le jardin, le travail.
Relativement au corps, un vent de protestations idéologiques souffle chez certains qui ont refusé l’enfermement d’un corps qui fait notre humanité en tant qu’homme ou femme, ceux-là revendiquent la plasticité, la malléabilité des identités « masculin, féminin » et au-delà de notre sexualité qui fonde notre différence en tant qu’homme ou femme. C’est ce rapport au corps qui conduit également l’homme à s’abstraire du monde réel, à aspirer à un monde hors sol, virtuel, déconnecté des réalités qui l’enferment. C’est ce rapport à ce corps limité qui conduit une partie de notre humanité à refuser une vie en relation avec un environnement naturel préférant l’urbanisme, l’artificialisation de la vie la plongeant ou l’immergeant dans la vie virtuelle, une vie virtuelle où se joue par procuration, les fantasmes de l’existence déformée par ces pseudo téléréalités qui résultent de nos usages cathodiques ou d’écrans digitaux.
Nous avons, dès le jardin et avec l’assassinat d’Abel, choisi volontairement d’abandonner le modèle du jardin, convaincus qu’il nous confinait au contact d’une nature que nous avons cru hostile et inamicale. Avec la ville et cette tentation grégaire, d’isolement finalement inconscient, nous avons opté pour une forme d’individualisme qui au bout du compte a fini par ravager l’environnement. Puis nous avons comme instinctivement cherché à gommer avec nos lumières artificielles, la voûte céleste ce qui nous reliait à l’idée de transcendance, nous avons ainsi entamé les ressources de la terre et choisi de dominer outrancièrement la nature plutôt que d’en faire une alliée afin d’assurer une existence harmonieuse louant ainsi le Créateur qui a mis à notre disposition une diversité de biens issus de la faune, de la flore dont de nombreuses espèces disparaissent aujourd’hui du fait même de la folie consumériste.
Enfin, il fallait à l’être humain inverser ce rapport au travail, sortir à jamais de la malédiction séculaire d’un sol rendu à jamais pénible, il fallait, avec l’ingéniosité de l’homme, la puissance de la technoscience, dompter la nature, l’assujettir et faire surgir avec ingéniosité les machines capables de nous libérer enfin du travail et au bout du compte fantasmer l’idée de créer un semblable à nous-mêmes, une machine numérique capable de penser et de réfléchir l’organisation sociale pour nous. Nous avons créé l’économie de services et l’illusion de la gratuité via l’industrie numérique ; or la pollution générée par l’économie virtuelle et son impact sur le climat, est largement équivalente à celle d’autres secteurs industriels. « Nous déplorons ainsi les effets des causes après avoir chéri les causes, » ainsi, pour à nouveau plagier un citation souvent prêtée à Jacques-Bénigne BOSSUET, Dieu se rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes que les humains avaient finalement chéries.

 

 

La haine de la nature

Christian Godin enseigne la philosophie à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Il  collabore à différents journaux ou périodiques (Marianne, Le Magazine littéraire, Sciences et avenir, etc.) Il est également connu pour ses multiples ouvrages pédagogiques.

Ce essai tragique est dédié à tous ceux qui, dans le monde, s’efforcent de le maintenir en un état humainement vivable pour les générations futures.

 

L’homme moderne est en réalité travaillé par une passion sourde, inavouable et inadmissible, qui est son mépris et même sa haine de la nature…

Les gens ont intégré psychiquement l’idée que la nature est un ennemi à vaincre dans un combat perpétuel…

La fin de la nature est allée de paire avec celle de la poésie… Seul Heidegger en a pris toute la mesure. Désormais la nature n’est plus un espace de rêve mais un champ d’action.

Albert Camus a observé que la littérature ne décrit plus de paysage depuis Dostoïevsky. On peut dire dans le même sens que la peinture ne peint plus de paysage depuis Cézanne. La chanson et le cinéma contemporains ignorent systématiquement la nature…Au cinéma la nature ne sert plus que de décors…. Le cosmos contemporain n’est plus celui qu’inventa Pythagore – il n’évoque plus tant l’ordre des astres que les supposées prouesses de la technique et de la science-fiction. Les grands courants philosophiques contemporains – phénoménologie, existentialisme, philosophie analytique, structuralisme, déconstructionnisme, postmodernisme se signalent par un oubli presque total des astres, des plantes et des animaux.

La pensée tend à ne reconnaître d’autres supériorités qu’en elle. La dématérialisation de l’économie conduit à un éloignement toujours plus grand vis-à-vis de la nature.

C’est le mépris de la réalité qui rend possible le changement du monde et l’élévation de l’artifice humain au rang d’absolu.

En s’arrogeant le privilège du faire, l’homo économicus a réduit la nature à un  cadre inerte, espace vide et matière informe, taillable et corvéable à merci-tournant ainsi le dos à la conception millénaire d’une nature féconde et nourricière.

Aujourd’hui nous voyons les Etats, par faiblesse, se coucher devant les puissances tyranniques de l’économie.

L’homme d’aujourd’hui a perdu le sens de la  totalité.

En trente ans le changement du paysage de la planète va dans un seul sens : celui de la dévastation.

Le monde humain devient inhumain à partir du moment où il n’est plus qu’humain.

La Terre a  connu déjà cinq extinctions massives dont la plus connue, la dernière, au début de l’ère tertiaire il y a 65 millions d’années. Nombre de spécialistes pensent que nous sommes en train d’assister à une sixième extinction provoquée par l’homme. Au XVI ième siècle une espèce animale disparaissait tous les siècles, en 1900 c’était une par an et aujourd’hui plusieurs par heure.

La volonté de puissance qui est le moteur de l’histoire humaine surtout depuis cinq siècles, va irrésistiblement dans le sens de la destruction de la nature.

L’homme moderne idéalisait son origine qu’il voyait comme pure et parfaite. Mais l’homme moderne est mort et l’homme postmoderne qui l’a remplacé cultive l’artificiel, le contraint, l’inquiétant, l’anormal, le monstrueux.

cf Revue critique sur France Culture

cf iPhilo

 

 

 

« Avec Dieu, Sans maître »

 

la révélation contre la raison,

la Bible contre Aristote,

Jérusalem contre Athènes

 

Télérama 25 mars 2016

Si Dieu est absolu, alors rien n’est impossible. Tel pourrait être le fil conducteur de la pensée de Léon Chestov, ce philosophe iconoclaste à la devise fracassante — « avec Dieu, sans maître » —, ce déconstructeur des idoles, fussent-elles chrétiennes, qui défend la liberté absolue du croyant contre toutes les nécessités ainsi que la philosophie existentielle contre la philosophie spéculative. Ce fil conducteur amène l’émigré russe, ami de Berdiaev et de Boulgakov et inspirateur d’un Albert Camus, à proclamer l’absurde salvateur contre la réalité implacable, la révélation contre la raison, la Bible contre Aristote — Jérusalem contre Athènes.

Léon Issaakovitch Chestov (en russe : Лев Исаакович Шестов), né Yehuda Leyb Schwarzmann (russe : Иегуда Лейб Шварцман) le 31 janvier 1866 ( dans le calendrier grégorien) à Kiev et mort le  à Paris, est un avocat, écrivain et philosophe russe.

Il étudie la philosophie rationaliste de la tradition grecque et influence, dès 1933, Albert Camus, notamment dans Le mythe de Sisyphe et Caligula.

extraits de PHILITT – Adrien Boniteau

« Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ? », demande Paul, l’apôtre de l’Église, dans sa première épître aux Corinthiens. Avant d’ajouter : « Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. […] Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages. » (1 Cor. 1, 20-27). Est ainsi affirmée l’opposition absolue entre la sagesse de Dieu, qui est folie aux yeux du monde, et la sagesse du monde, qui est folie aux yeux de Dieu. Pour Léon Chestov, cette sagesse du monde désigne la raison, la sophia grecque, la philosophie léguée par la pensée hellénistique. Or, comme le montre l’auteur russe dans Athènes et Jérusalem, il existe une contradiction indépassable entre la philosophie grecque et la pensée biblique, ces deux traditions antagonistes irriguant la pensée occidentale.

D’après notre auteur, la raison se définit elle-même comme la découverte, par l’intellect, de vérités supposées éternelles : « Les hommes, les grands comme les petits, naissent et meurent, apparaissent et disparaissent, mais les vérités demeurent. Quand personne n’avait commencé à penser, à chercher, les vérités qui plus tard se sont révélées aux hommes existaient déjà. Et lorsque les hommes auront définitivement disparu de la face de la terre, ou auront perdu la faculté de penser, les vérités n’en pâtiront pas. » Or, ces vérités sont éternelles parce que l’univers fonctionne selon des lois immuables, les lois physiques. La raison consiste alors à comprendre ces lois en admettant leur nécessité, l’anankè d’Aristote. Ainsi, la philosophie, l’usage de la raison, implique l’acceptation, voire la justification, de la nécessité.

La philosophie spéculative, inspirée de la pensée grecque, pousse les êtres humains à se soumettre aux lois du cosmos et à leur obéir, quel qu’en soit le coût. Les hommes, « contraints par la vérité même » (Aristote), n’ont d’autre choix que d’obéir à la nécessité, à laquelle même les dieux olympiens sont assujettis. Se révolter contre la nécessité relèverait de la pure folie, de l’hubris.

Mais, pour Chestov, cette soumission à la nécessité témoigne d’un fatalisme, d’un renoncement à la liberté. Bien plus, la raison elle-même n’a aucun fondement rationnel : nul ne peut prouver rationnellement que les lois naturelles sont éternelles, il s’agit là d’une pure croyance. ( cf sur ce sujet l’exposé sur le livre de Sheldrake : « réenchanter la science »: 3) les lois de la nature sont-elles immuables ?)

Pour Chestov, toute la pensée biblique constitue une révolte contre la nécessité et, partant, un attentat contre l’autorité de la raison. Telle est la foi pour le penseur russe : l’homme touché par la grâce « oublie le pouvoir de la nécessité, la toute-puissance de cet ennemi ». Il affirme, contre l’inévitabilité de la mort, la résurrection des corps.

Contre la tentation de maints philosophes d’assujettir Dieu aux vérités de la raison, Chestov choisit, à l’opposé, de soumettre la vérité à Dieu : la vérité n’est pas une entité incréée et éternelle surplombant Dieu, elle est assujettie à Dieu qui peut donc l’abolir ou la modifier. Ainsi, choisir de suivre Dieu revient à remettre en cause la nécessité et ses contraintes : « ce qui paraissait impossible devient possible et ce qui paraissait inaccessible devient accessible », puisque « Dieu, cela veut dire que tout est possible, qu’il n’y a rien d’impossible ». Dans les récits bibliques, les droits de la nécessité sont bafoués et, par conséquent, le pouvoir de la raison est mis en cause, puisque les morts peuvent ressusciter, les malades guérir, les faibles triompher des forts, les hommes marcher sur l’eau, la vierge enfanter… : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc. 1, 37).

De l’injonction de Chestov, après Pascal, à nous « abêtir » et à refuser la dictature de la raison découle sa critique d’une seconde idole, la morale : « Notre moralité, fondée sur la religion, nous interdit de nous hâter vers l’éternité. « 

Pour Chestov, la recherche de la morale et de la vertu est ainsi à la base du péché et « le contraire du péché n’est pas la vertu mais la foi », c’est-à-dire la croyance selon laquelle rien n’est impossible à Dieu. Or, la foi conteste la morale puisqu’elle conduit « à fonder l’univers sur un arbitraire illimité » dépassant toute règle morale : la volonté de Dieu.

Outre la morale, Chestov s’en prend, au nom du christianisme, à toutes les autres idoles que l’homme rend absolues, c’est-à-dire qu’il met à la place de Dieu : « Le péché mortel des philosophes, ce n’est pas la poursuite de l’absolu : leur plus grand tort, c’est que lorsqu’ils constatent qu’ils n’ont pas trouvé l’absolu, ils sont prêts à reconnaître pour l’absolu l’un des produits de l’activité humaine — la science, l’État, la morale, la religion, etc. »

« Le juge suprême dans tous les différends, ce n’est pas l’homme, mais Celui qui est au-dessus des hommes. Et, par conséquent, pour trouver le vrai il faut se libérer de ce que les hommes considèrent ordinairement comme vrai. »Tout savoir, toute réalité, tout absolu humains sont donc, pour le croyant, relatifs et relativisés devant le « juge suprême » qu’est Dieu.

« la foi n’examine pas, elle ne regarde pas en arrière » vers un passé nostalgique mais constitue une lutte pour l’avenir, pour l’irruption du Royaume de Dieu futur dans notre présent humain. Ainsi que l’exprime Chestov, « une grande et dernière lutte attend les âmes. La philosophie […] est lutte. Et cette lutte n’aura pas de fin. Le royaume de Dieu, ainsi qu’il est dit, s’obtient par la violence ». Le croyant doit ainsi lutter, tel Jacob, contre Dieu, c’est-à-dire face à Dieu, auprès de Dieu, pour faire advenir l’impossible dans un monde fini, limité, humain.

Le Christianisme n’est pas un humanisme

 

Le Christianisme n’est pas un humanisme de Laurent Fourquet est paru le 26 avril 2018. Il a donné lieu à une présentation du Temple des Consciences  le 20 décembre 2018 à partir de celle du  site Philitt.fr. 

 

Cet ouvrage m’apparaît comme un ouvrage fondamental qui clarifie l’opposition entre Christianisme et humanisme et place ces deux mouvements comme les deux forces de l’Occident qui s’affrontent.  Aujourd’hui, l’humanisme nous a entraîné dans une dérive mortelle et Laurent Fourquet invite les chrétiens à retrouver le chemin de la dissidence plutôt qu’à revendiquer un humanisme chrétien . L’humanisme apparaît comme la barbarie qui efface l’homme selon Laurent Fourquet  et il convient au chrétien de s’opposer à celle-ci en même temps qu’à celle du fondamentalisme qui se construit en réaction.

Voici une présentation de la conclusion d’un ouvrage majeur pour le Temple des Consciences

 

 

Il faut toujours se méfier des analogie mais on ne peut nier ici les profondes similitudes entre le climat spirituel de l’Occident contemporain et celui de l’Empire romain des deux premiers siècles après Jésus Christ.

Comme aujourd’hui une classe dirigeante, solidaire par l’intérêt et l’idéologie, régissait les peuples, était convaincue d’incarner le nec plus ultra de la culture et de la modération.

Pline le Jeune constituait sans doute le modèle le plus achevé de l’aristocratie romaine. Pline n’a pas seulement brillamment réussi sa vie professionnelle mais il se veut un honnête homme qui se flatte d’aborder les autres hommes avec bienveillance, un progressiste sans excès, un conservateur à l’écoute de la modernité, l’ami de tout ce qui est bon et bien, le chantre du convenable.

Pourtant ce bel esprit, partisan déclaré de la tolérance, n’hésite pas un instant à faire torturer, très probablement à mort, deux servantes qui passaient pour pratiquer le culte chrétien. Et pourtant Pline n’est pas un monstre, c’est un sénateur bienveillant qui respecte tous les cultes, bien trop subtile et raffiné pour prendre au sérieux des histoires de dieux. Pline est un véritable humaniste avant l’heure.

Nous autres Occidentaux sommes convaincus que, à la différence de celui de Pline, notre humanisme est réel.

Nous pensons pourtant et tout cet ouvrage s’est construit autour de cette conviction que, après tant de siècles, c’est une scène identique, ou à peu près identique , qui se joue.  Si l’on oublie les circonstances historiques,  c’est la même confrontation entre deux forces  spirituelles ,l’humanisme et le christianisme, qui se répète et qui continuera de se répéter puisque ces deux forces sont antagonistes.

Pourquoi l’humanisme dans sa forme antique ou actuelle s’en prend-il nécessairement au christianisme ? Parce que l’humanisme clôture tandis que le christianisme ouvre. Le monde de Pline est un monde de mesure et de modération, de « tolérance  » et « d’ouverture d’esprit « . Le monde chrétien est le lieu de cet étrange fanatisme dont parle Pline c’est à dire  le monde de la force ouvert à l’absolu.

L’humanisme, qu’il chemine avec un rouleau de papyrus ou une déclaration des droits à la main, est toujours ce qui borne, comme la sagesse, alors que le christianisme est toujours ce qui va au-delà, comme l’amour.

De fait, il arrive que les notions paraissent se ressembler, au point que pour nombre de contemporains la morale des droits de l’homme et la morale évangélique sont voisines. En réalité, leur foyer central et leur mouvement demeurent continûment et absolument étrangers.

Plus, peut-être, qu’à toute autre époque dans toute l’histoire du christianisme, les chrétiens sont constamment sommés de se réconcilier avec la longue liste des notions raisonnables : la modernité, le progrès, l’évolution des moeurs, la relativité des cultures, etc…Aussi, plus que jamais , il nous faut nous inspirer de l’exemple de nos grands ancêtres et répondre comme eux : Non possumus.

Si nous faisons un bond de presque deux millénaires, il est évident, pour tout observateur un peu perspicace , que l’Occident a commencé son déclin.

Parce qu’il décline , l’Occident se voit contraint de jeter toutes ses forces dans la bataille pour universaliser son modèle, le Consommateur, ultime héritier de l’humanisme. L’Occident veut donc le Consommateur pour le monde entier et parce que la survie de son modèle est à ce prix, il ne transigera pas sur cette volonté.

Parallélement en Europe et en Amérique, la « société », c’est à dire la classe dirigeante, sera de moins en moins tolérante vis à vis des formes sérieuses de contestation. Les chrétiens seront donc toujours davantage des dissidents peut-être surveillés et punis dans un avenir moins lointain qu’on ne l’imagine. Ils retrouveront cette fonction de sel de la terre dont parle l’Evangile.

Le camp progressiste, la « gauche  » culturelle et institutionnelle en Occident, est au minimum corresponsable de tous les mouvements de « dérégulation » des institutions, de la famille en particulier, exigés par la figure du Consommateur. Comme le Consommateur, le camp progressiste croit que la liberté se résume à la faculté de consommer l’ensemble de ses désirs, que l’individu se ramène à une somme de droits, qu’il faut « libérer » définitivement l’homme de la transcendance. Les prétendus « super-contestataires » font l’offrande au système de leur « contre-culture » qui depuis longtemps est devenue la culture officielle de l’Occident. Ce camp progressiste ouvre un boulevard aux différents fondamentalismes, l’islamisme en premier, qui veulent revenir en arrière du Consommateur en utilisant leur dynamique négative.

Si rien n’est fait pour susciter et organiser une opposition effective au monde du Consommateur, allant vers la vie et non vers le néant nous laisserons alors en face à face deux barbaries : la barbarie du système qui efface l’homme au profit de sa détermination et celle du fondamentalisme qui par réaction deviendra toujours plus destructrice.

Il est peut-être encore possible d’échapper à la catastrophe en réapprenant le chemin de la dissidence. Il faut que les chrétiens réapprennent ce chemin  et il faut que ceux qui luttent sincérement pour la sortie du monde du Consommateur par le haut comprennent que le christianisme, seul, offre les ressources spirituelles permettant d’édifier la sortie.

Deux citations du livre de Laurent Fourquet sur infocatho.fr:

L’humanisme se perçoit comme un mouvement d’émancipation de la raison, rejetant la prétention des Églises, l’Église catholique romaine en particulier, à vouloir régenter la conscience de l’homme et l’organisation politique et sociale des sociétés humaines. Menant le combat de la raison organisatrice contre le « fanatisme » et l’« obscurantisme », il ne saurait, croit-il, conserver en lui la moindre trace de sentiment religieux. Pourtant, plutôt qu’une épopée de la raison, l’humanisme est une forme nouvelle de religion, et la science qui l’explique est donc la théologie et non la philosophie. Cette forme religieuse est toutefois singulière : elle conserve les caractéristiques de la transcendance, mais cette transcendance ne se nomme plus « Dieu » ou, plus exactement, c’est l’humanité qui prend la place de Dieu et devient l’être suprême auquel nous sommes sommés d’obéir.

Dans les pays occidentaux, les chrétiens seront donc, toujours d’avantage, des dissidents ; peut-être même ces dissidents seront-ils surveillés et punis, dans un avenir moins lointain que l’on ne l’imagine. Mais ceci n’est pas grave. Seul ce qui menace la vérité est grave. Les chrétiens se portent toujours mieux, au demeurant, lorsqu’ils assument une stature de dissidents, plutôt que celle de défenseurs sans risque de l’orthodoxie. Peut-être cette stature de dissidents leur délivrera-t-elle définitivement de la tentation de rester en bons termes avec ce monde. Ils retrouveront alors, même s’il faut en passer par l’ostracisme, les moqueries et les humiliations, cette fonction de sel de la terre dont parle l’Évangile et sans laquelle il n’y a ni christianisme ni chrétiens. 

 

pour accéder à un résumé de ce livre sur le site

« La crise écologique est d’abord une crise spirituelle »

Editions des Syrtes (23 août 2018)

Jean Claude Larchet est un théologien orthodoxe – docteur en philosophie et théologie et professeur des Universités

 

 

 

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Les racines de la crise écologique que nous traversons actuellement sont très anciennes. Et il s’agit d’abord d’une crise spirituelle. Jusqu’à la fin du Moyen Âge, il y avait, dans la société traditionnelle occidentale, un sens aigu de la sacralité de la nature. Parce qu’il y percevait la présence et l’action de Dieu, l’homme nourrissait à son égard du respect. À la Renaissance s’est développé l’humanisme et l’homme a perdu ce sentiment d’un lien entre Dieu et la nature. La nature n’a plus été considérée que comme un objet, utilisable par l’homme à ses propres fins, comme un ensemble de ressources à exploiter. À la même époque est apparue chez Descartes l’idée que la tâche de l’homme est de se rendre maître et possesseur de la nature. L’homme s’est alors attribué un pouvoir sur la nature qui n’était auparavant reconnu qu’à Dieu, et qui n’était plus de l’ordre du respect mais d’une domination et d’une exploitation sans limite. Cette attitude s’est développée à la fin du XIXesiècle et au XXe siècle avec le développement de l’industrie et de l’agriculture intensive suscité par le capitalisme. Fondées sur le rationalisme des « Lumières » les sciences ont remplacé l’approche intuitive et contemplative de la nature par une froide approche rationnelle, et la technique a transformé l’usage respectueux de la nature en une exploitation forcenée et destructrice de ses ressources, avec un développement croissant qualifié de « progrès ».

Qu’est-ce que le progrès ?
Il y a eu un changement considérable dans la façon dont on a conçu le progrès. Avant, dans notre société occidentale, comme dans toutes les sociétés dites « traditionnelles », le progrès était conçu comme spirituel, il s’agissait d’un progrès intérieur. À partir de la Renaissance, le progrès est devenu un progrès extérieur, ne se réalisant que dans l’accumulation de biens, dans l’accumulation matérielle. Il y a eu une transmutation, une dévaluation. Nous sommes passés de la recherche d’un progrès dans l’être à la recherche d’un progrès dans l’avoir. Mais cette extériorisation de la notion de progrès aliène complètement l’humanité. Le capitalisme a imposé cette idée très ‘bourgeoise’ que le bien-être consiste en une accumulation de biens matériels et dans la jouissance d’objets de consommation sans cesse renouvelés. La logique de croissance indéfinie dans laquelle nous nous trouvons n’est pas la bonne pour sortir de la crise écologique : il faut entrer dans une logique de décroissance et renouer avec un bien-être fondé sur le spirituel par un retour aux vraies valeurs.

sur orthodoxie.com

C’est donc une question cruciale pour notre temps et pour notre avenir qu’aborde Jean-Claude Larchet dans son dernier ouvrage. L’originalité et la pertinence de son approche résident dans ce qu’il va à la racine de cette question et ce fondement, comme pour tout, est spirituel, sinon, l’on se contente d’une agitation superficielle qui ne fait que repousser les problèmes. Il le fait de manière très pédagogique en se fondant sur la Bible, la tradition patristique et ascétique. Tout d’abord, il examine la place de l’homme dans la Création, celui-ci dit-il est son « couronnement ». Il a pour responsabilité d’en être le gardien, d’être le médiateur entre Dieu et la nature et d’en user tout d’abord et avant tout dans la dynamique d’un cheminement spirituel dans lequel tout prend son sens plénier et sa cohérence. L’auteur s’attache aussi à montrer comment le péché de l’homme rejaillit sur la nature. Un autre apport non moins passionnant de l’ouvrage est l’historique de la situation actuelle. Celle-ci prend son essor à la Renaissance, lorsque la pensée en Occident s’éloigne de l’enseignement chrétien et s’appuie toujours plus sur le rationalisme, le naturalisme, l’individualisme, le dualisme corps-âme, la mécanisation des corps (et des animaux), le capitalisme, le mythe du progrès et de la toute-puissance de la technique. Cette situation est également déclinée en lien avec les passions, car celles-ci s’y expriment pleinement. Là, Jean-Claude Larchet est dans le prolongement de plusieurs autres de ses ouvrages sur la théologie ascétique dont il montre qu’elle est aussi au cœur de ce sujet. Enfin, le livre se termine par des voies ascétiques de restauration des relations de l’homme avec la nature, restauration qui passe par la sobriété et la décroissance. Ce nouvel ouvrage, qui offre une synthèse nécessaire et très utile, est appelé à être une référence sur cette question pour tous ceux qui veulent aller au fond des choses.

Limite n°13 – janvier 2019 

 

géoingénierie à Bangkock

d’après Sciences et Avenir  16 janvier 2019

Dans un article du 30 novembre 2018 je montrais que la géoingénierie devenait une solution crédible proposée par la technoscience pour lutter contre les méfaits … de la technoscience sur le climat un peu comme une nouvelle molécule chimique est proposée pour lutter contre les méfaits  d’une autre molécule chimique dans le domaine de la santé. 

Voici  comment le serpent se mord la queue au pays d’un nouveau petit dragon.

« Bangkok a annoncé avoir mené avec succès une opération d’ensemencement des nuages le 15 janvier 2019 afin de provoquer des pluies artificielles. L’enjeu : soulager la ville d’un sévère épisode de pollution aux particules fines. Le point sur une technologie qui, pour la science, ne fait pas consensus.

L’objectif était ici de drainer les particules fines d’un épisodes de pollution sévère sur Bangkok, à l’aide de la pluie (il s’agit du pire épisode de pollution depuis début 2018, selon Greenpeace). Une technologie initialement développée contre la sécheresse, que le pays avait déjà déployée face à la pollution en février 2018. Ailleurs, en Inde, une ville comme New Delhi a pu utiliser des hélicoptères pour arroser la ville avec de l’eau, et lessiver l’air de ses particules fines.

L’ancien roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, mort en 2016, a commencé à travailler sur cette technologie en 1969.

L’opération consiste à larguer à l’aide d’avions de vastes quantités de produits chimiques dans les nuages afin de provoquer la formation de cristaux de glace qui accélèrent la survenue des précipitations.

 

 

 

Le transhumanisme, objectif du capitalisme financiarisé

Le 19/10/19 j’ai publié un article concernant une conférence faite au plateau de Saclay par Laurent Alexandre, chantre du transhumanisme, devant  les élèves de l’Ecole Polytechnique. «  Des Dieux et des inutiles » était donc le titre de cet article qui contenait l’enregistrement de cette conférence où Laurent Alexandre développait l’idée des dieux -hommes et femmes supérieurs auditeurs de cette conférence appelés à travailler à crééer l’homme de demain, le cyborg et à envisager le destin de tous les autres – les gilets jaunes-devenus pour lui des inutiles.

Régis Portales est justement polytechnicien, mathématicien et informaticien.  Voici sur son blog l’analyse qu’il faisait  le 2/12/19 des thèses de Laurent Alexandre présentées à l’occasion de cette conférence. 

par Régis Portales sur son blog Mediapart

Ce texte essaie de montrer l’absurdité du système de pensée de Laurent Alexandre. Mais Laurent Alexandre n’est pas seulement ridicule, il est dangereux. Il arrive à diffuser ses idées, au point où elles pourraient cristalliser en porte de sortie pour un capitalisme financiarisé devenu honni. Visons plutôt la démocratie pleine, l’égalité réelle, la République sociale.

Le capitalisme financiarisé dont le macronisme est l’incarnation est un stalinisme de marché : un délire paranoïaque. Face à la dure réalité des faits, le système néo-libéral, parfaitement logique en lui-même, ne tient pas une minute. Et ça commence à se voir. Confronté à son délire par divers mouvements populaires, le gorafiste réagit par la violence ou en s’enfonçant dans un nouveau délire. Laurent Alexandre porte un discours qui pourrait bien remplir cette fonction.

Il place une foi absolue dans la technologie. Il réduit les pauvres (parmi lesquels il inclut les Gilets Jaunes) à des sous-hommes bloqués dans leur condition par les « inégalités neuro-génétiques ». Seuls certains – dont les polytechniciens sont l’état suprême de cette nouvelle aryanité – méritent par leur simple état leur place dans « l’économie de la connaissance ». En lisant ses écrits de science-fiction comme l’effrayant « Adrian, humain 2.0 », on imagine aisément que le futur déjà sordide qu’il entrevoit (un mélange du Meilleur des mondes et des Onze mille verges) s’effondrerait quelque part entre La liste de Schindler et Soleil vert.

Laurent Alexandre à plusieurs reprises s’exclame que les polytechniciens sont des dieux et les Gilets Jaunes des êtres substituables. Il se trouve que je suis polytechnicien. En plus d’être un dieu à ses yeux, j’ai étudié les mathématiques et je travaille dans l’informatique depuis dix ans. Ceci me rend tout à fait légitime à dire que tout ce qu’il dit est faux.

D’abord l’économie de la connaissance n’existe pas. Quand on a travaillé dans l’informatique, on sait que la plupart des ingénieurs dans ce domaine ne font rien de plus compliqué qu’un plombier – un vrai, pas un plombier de France Info. Ils suivent un plan et soudent entre eux des tuyaux en s’assurant qu’il n’y a pas de fuite. Ces ingénieurs (et il s’agit de l’immense majorité) sont donc techniquement des ouvriers. Il n’y a pas plus d’intelligence (quoi que puisse recouvrer ce terme) à mobiliser pour faire un service web ou entraîner TensorFlow que pour installer une chaudière à gaz ou tourner une goupille. L’économie moderne n’a rien de neuf. Elle relève simplement de la division capitaliste du travail.

Par ailleurs nous disposons tous à peu près de la même intelligence. Nous l’employons chacun à ce à quoi nous sommes exposés socialement, ce qui nous plaît et ce dans quoi nous pouvons persévérer. Pour moi ce furent les mathématiques. Pour ce cher docteur la médecine. Pour un autre, ce serait l’ébénisterie ou la paléographie. Etant moi-même un besogneux, je crois qu’il n’y a rien d’insurmontable dans les mathématiques et que quiconque fait l’effort (et en a le goût et la possibilité) de lire patiemment des livres et de faire un grand nombre d’exercices finira par y arriver. Je pense qu’il en est de même de la médecine, de la chaudronnerie ou de la chromodynamique quantique.

Il se trouve par ailleurs que je suis également un fervent partisan des Gilets Jaunes. Et les Gilets Jaunes prouvent que le traitement que leur réserve Laurent Alexandre ne repose sur rien. C’est bien facile de pérorer sur « l’homme augmenté » depuis un salon bien chaud. Quand on est intérimaire et qu’on doit aller tous les matins au marché au travail pour remplir le frigo et payer le loyer, ça l’est moins. C’est cet état de précarité et d’isolement auquel sont réduits de plus en plus de nos concitoyens qui les a longtemps empêchés de voir plus loin que la fin de leur mois. Il ne s’agit pas « d’inégalités neuro-génétiques » mais de profondes inégalités sociales qui sont la conséquence directe d’un capitalisme financiarisé dont les modèles de Laurent Alexandre sont les premiers promoteurs.

La libre circulation des capitaux a conduit à la délocalisation des emplois intermédiaires bien avant qu’on ne s’intéresse à leur automatisation. La destruction de ces emplois qualifiés a fermé à une grande part de la classe populaire toute possibilité d’évolution en rendant hors de portée les emplois assez rémunérateurs pour épargner, se loger et payer les études des enfants.

Pourtant ces intérimaires, ces retraités, ces employés résignés ont un jour revêtu un gilet jaune et ont décidé de se réunir sur des ronds-points, puis à Paris. N’étant plus seuls, ils n’étaient plus désespérés. Et en quelques semaines ils sont partis de la taxe carburant pour arriver à des revendications constitutionnelles. Leurs 42 revendications font un programme politique bien meilleur que la plupart de ceux des dernières élections présidentielles. Qui est Laurent Alexandre pour penser qu’une élite incapable de gouverner ce pays depuis 30 ans peut valoir mieux qu’eux ?

On pourrait donc ranger Laurent Alexandre dans la catégorie des olibrius de plateaux, des bêtes curieuses qu’on invite au cirque pour se faire peur. Mais ce discours dément plaît à d’autres déments. Et il peut être constitué en force politique, voire en continuation délirante du capitalisme financier. Comment continuer d’accroître les profits dans un environnement en plein effondrement ? En augmentant le monde pardi ! Comment s’assurer que les gens survivront aux saloperies qu’on leur vend ? En augmentant les hommes ! La technologie au-dessus de tout, et donc ceux qui la vendent au-dessus des hommes.

Car la vraie faillite de Laurent Alexandre est là. Au-dessus de la technologie, de l’économie, du droit, il y a la politique. Et quand le peuple se charge lui-même de la politique, il fait mieux que tous les polytechniciens, les urologues et les inspecteurs des finances du monde. L’urgence écologique et sociale a une seule et même source : la démesure du capitalisme qui porte en lui la destruction comme la nuée porte l’orage. Y répondre ne suppose pas plus de capitalisme, mais beaucoup moins. La démocratie pour tous et partout. L’égalité réelle. La République sociale.

Au 5 décembre.

 

 

Elevages intensifs : élevages sordides

 

L214 éthique et animaux

Cette enquête, présentée par Yann Arthus-Bertrand a été menée dans un élevage du Finistère sur la commune de Dirinon (29460). Cette ferme XXL a l’autorisation d’élever 800 truies reproductrices et d’engraisser plusieurs milliers de cochons. Elle est affiliée à la coopérative Triskalia, fournisseur de référence des abattoirs de l’entreprise Bigard-Socopa.

95% des 25 millions de cochons élevés chaque année en France proviennent d’élevages intensifs, d’élevages sordides.

N’oublions pas les éleveurs qui gèrent ces élevages et dont 1/3 gagnent moins de 350 € par mois.

Notre système marche sur la tête. Il faut que ça change. Des millions de repas sont servis chaque année dans nos écoles et nous votons dans quelques mois pour le renouvellement des conseils municipaux.

Demandons aux candidats de s’engager à ne plus faire servir dans ces cantines de repas contenant de la viande provenant d’élevages intensifs et à augmenter en conséquence le nombre de repas végétariens.

 

Lire le rapport produit par L 214 sur cette enquête 

info complémentaire : condamnation association L214

L214 condamnée pour avoir révélé la souffrance des animaux

NOUS CONTINUERONS À DÉVOILER LA RÉALITÉ DES ABATTOIRS

Le tribunal correctionnel de Pau a rendu lundi 18 octobre sa décision concernant les poursuites à l’encontre de l’association L214, suite à la diffusion d’une enquête filmée à l’abattoir de Mauléon-Licharre en 2016. Les juges ont relaxé L214 pour la diffusion des images, mais l’ont condamnée à 5 000 € d’amende pour complicité d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Le tribunal a également condamné l’association à verser 1 500 € à chacun des salariés de l’abattoir. L’association fait appel de cette décision.

Celle-ci nous semble profondément injuste : l’association n’a jamais dévoilé l’intimité de la vie privée des salariés. Elle ne fait que montrer les conditions de mises à mort des animaux dans les abattoirs pour rendre visible une machine destructrice réglée en France à 2 400 mises à mort à la minute.

Si nous pouvions informer et faire prendre conscience de l’horreur qui se déroule derrière les murs des abattoirs ou des élevages autrement qu’en dévoilant des images, évidemment, nous le ferions.

Mais il faut se rendre à l’évidence : jusqu’à présent, seules les images ont permis de mettre en lumière la violence inouïe qui se déroule quotidiennement dans les abattoirs. En plus des prises de conscience, les images de Mauléon ont donné lieu à la condamnation de l’abattoir, de son ancien directeur et de quatre salariés notamment pour abattage sans équipement conforme, abattage sans personnel qualifié, abattage sans précaution pour éviter de faire souffrir, abattage sans étourdissement, immobilisation sans précaution et saignée tardive.

Voir la vidéo

Les images que nous avons diffusées ont permis la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les abattoirs à l’Assemblée nationale et poussé l’ex-ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll à ordonner des inspections dans tous les abattoirs de boucherie en France. Cet audit avait révélé que 80 % des chaînes d’abattage présentaient des non-conformités : la terreur et la souffrance inhérentes à la mise à mort sont encore accentuées par le non-respect de la réglementation.

→ Lire notre communiqué de presse

Les images que L214 a révélées ont permis de s’intéresser également aux conditions de travail scandaleuses des personnels des abattoirs : la violence touche également les ouvriers chargés de faire le sale boulot. Si des salariés doivent répondre de leurs actes devant la justice, L214 s’est toujours attachée à souligner la responsabilité de nos choix de société et des dysfonctionnements qui incombent le plus souvent aux abattoirs et aux services de l’État.

Pour mettre fin à ce système injuste, cruel, effroyable pour les animaux et les humains et désastreux pour l’environnement, nous continuerons de divulguer ce que les industries agroalimentaires cherchent à nous cacher.

À bientôt,
L’équipe de L214

 

 

Des dieux et des inutiles – conférence de Laurent Alexandre à Polytechnique

La République En Marche cautionne l’eugénisme numérique en conférence à Polytechnique – article Médiapart du 6 mars 2019

mise à jour 23 novembre 2020

Amélie de Montchalin députée LREM de l’Essone introduit la conférence transhumaniste de Laurent Alexandre à Polytechnique dans le cadre des « Tables rondes du plateau de Saclay » du 14 au 18 janvier 2019 en tant que marraine de cet événement.  Trois grandes écoles de la République, Polytechnique, CentraleSupelec et Normale Sup, conviaient leurs étudiants pour « une semaine de réflexion sur l’homme augmenté » en organisant trois conférences et débats sur le thème du transhumanisme.

Amélie de Montchalin  a été recrutée en tant que consultante en stratégie par The Boston Consulting Group (BCG), un cabinet multinational, implanté à Paris pour des activités en science des données et intelligence artificielle appliquées à l’industrie, la finance et la santé.

Amélie de Montchalin est mariée à Guillaume de Lombard de Montchalin Directeur du bureau parisien du Boston Consulting Group depuis 2009. Son mari Guillaume a donc recruté sa femme, mais, concomitamment, Boston Consulting Group a ouvert en 2016 sur le plateau de Saclay, donc sur le lieu même de cette conférence, le territoire républicain d’Amélie de Montchalin, une usine-école pour l’industrie du futur, l’industrie dite 4.0 –cf article l’Usine Nouvelle 27/07/2018

Le centre du propos de Laurent Alexandre est le suivant : de notre chemin vers 2050, émergera une classe d’humains inutiles, la classe des gilets jaunes, une classe de personnes qui ne seront pas ou plus employables.

« cette affaire des gilets jaunes, nous en avons pour cent ans »« J’adore les gilets jaunes, ajoute-t’il, mais je ne pense pas que ce sont les gilets jaunes qui vont gérer la complexité du monde qui vient, […] le monde complexe de demain ne peut être géré que par des intellectuels. »

Au cours de cette conférence, il cite mais déforme les travaux de l’historien israélien Yuval Noah Harari dont il reprend  l’expression  » des dieux et des inutiles ».

Alexandre entérine froidement l’utilisation généralisée et inévitable des algorithmes pour façonner une nouvelle intelligence dite artificielle au profit d’une classe supérieure, alors que Harari nous alerte en écrivant que « plus que du chômage de masse, nous devrions nous inquiéter du glissement de l’autorité des hommes aux algorithmes, lequel risque de détruire le peu de foi qui subsiste dans le récit libéral et d’ouvrir la voie à l’essor de dictatures digitales ». ( « 21 leçons pour le 21ème siècle » – Y. N. Harari – p.61 ).

Harari présente là un risque qu’il faut prendre au sérieux, mais qui n’est aucunement une fatalité. Harari signale qu’il y a urgence pour le genre humain à garder le contrôle, et que s’impose une remise en cause des méthodes classiques et datées, devenues doctrines, par lesquelles nos sociétés se sont construites, en particulier le capitalisme.

Harari distingue le capitalisme du libéralisme, ce que ne fait pas Laurent Alexandre. Harari distingue aussi le libéralisme du libéralisme économique. Le capitalisme apparaît entre le 13ème et 14ème siècle en Europe occidentale entre la République de Venise et Bruges en Flandres. Ce sont les premières places marchandes où apparaissent les obligations pour financer les expéditions terrestres vers le marché oriental ou l’armement de flottes destinées au commerce maritime. Le moteur du capitalisme, comme le décrit Harari, est l’espoir d’un futur meilleur.

Dans une Angleterre en crise d’autorité religieuse, John Locke propose avec sa « Lettre sur la Tolérance » en 1667 et « Sur la différence entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil » en 1674, une société où la conscience de l’homme, qui « connait l’état de nature », est libérée du sceau féodal et divin.

Dans notre modernité, depuis la République de 1789 et le développement des sciences et de la médecine, l’état de nature devient « l’égalité biologique ». C’est la conscience des Lumières qui fit émerger l’égalité biologique en donnant la même valeur à toutes les vies humaines : riche, noble, paysan, bourgeois, ouvrier, homme, femme. L’égalité biologique doit s’articuler avec l’égalité sociale grâce au « contrat social ».

Harari révèle que les connaissances amènent aujourd’hui les biologistes à considérer la vie humaine (et la vie en général) comme « un assemblage d’algorithmes organiques façonnés par la sélection naturelle » pour lesquels, finalement, le support organique ou inorganique importe peu ( « Homo Deus, une brève histoire du futur » – Y. N. Harari – p.343 ). Ce constat est le fruit du développement des sciences du 17ème siècle jusqu’à nos jours, un développement rationnel analytique, validé par les résultats spectaculaires des prédictions qui permettent tant de soigner une angine que de modifier un gène pour un maïs résistant à la pyrale et tolérant aux herbicides.

La vie biologique réduite à une somme d’algorithmes est baptisée « dataïsme » : l’accumulation et le traitement massif de la donnée (data en latin) alimentent les algorithmes et supplantent l’homo sapiens dans la maîtrise de la connaissance. L’homme « algorithme » devient transposable sur des supports inorganiques grâce aux biotechnologies, il devient « l’homme augmenté », un homme aux capacités physiologiques décuplées par la puissance du numérique.

Mais, signale Harari, la biologie et les sciences en général ne se sont jamais préoccupées de la conscience. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrit l’humaniste François Rabelais dans « Pantagruel » en 1532. C’était un credo politique et la question de la conscience est restée à ce jour une question politique, car nul ne peut témoigner de l’existence de l’âme… ni par la science, ni par les biotechnologies, ni par le numérique.

Aujourd’hui, ignorant la nature de la conscience, le capitalisme et sa classe dirigeante transfèrent le pouvoir aux algorithmes numériques pour créer l’intelligence artificielle qu’ils mettent en compétition, sur le terrain économique et social, avec l’intelligence humaine. Le numérique est une aubaine pour le capitalisme car, quelque soit la science, le numérique va plus vite, il est plus fiable et permet plus de profits.

Mais quel est le réel niveau d’intelligence de l’intelligence artificielle ? Est-ce que singer l’homme suffit à être intelligent ?

Le transhumanisme est le mouvement qui revendique l’adoption du nouveau mariage de l’intelligence artificielle aux biotechnologies. Il excelle à développer les sciences et les technologies numériques pour lutter contre la mort, la souffrance, la maladie, mais aussi le handicap physique ou mental et finalement à dessiner les contours d’un humain prétendument parfait. Et si le transhumanisme propose des conclusions politiques et philosophiques, il n’associe pas, au dessein de l’humanité, l’ensemble des cultures et des civilisations, l’ensemble des savoirs, l’ensemble des humains et des (autres) volontés politiques.

La posture du transhumanisme qui donne tous pouvoirs aux technologies numériques est prompte à produire un eugénisme bien plus féroce que celui des empereurs ou dictateurs de ces trois derniers millénaires. Le transhumanisme ouvre les portes de Gattaca. Ce nouvel eugénisme forge la sélection par la technologie, il est le moyen pour une nouvelle classe d’humains de s’arroger le pouvoir, de diriger le monde et de supplanter Homo Sapiens en lui faisant subir « ce que ce dernier à fait subir à tous les autres animaux » ( « Homo Deus, une brève histoire du futur » – Y. N. Harari – p.424 ).

Malgré la mesure et la bienveillance d’Harari, Laurent Alexandre, sur le ton du millénariste, se lance dans une conjecture sans considérer la question de la nature de l’humanité. Il affirme un monde futur empreint d’intelligences artificielles où le « capitalisme cognitif », troisième du nom après le capitalisme vénitien et le capitalisme industriel, poursuit, sans questionnement, son hégémonie féroce. Pour Alexandre, le capitalisme décomplexé des grandes puissances internationales s’empare des technologies numériques et des biotechnologies au bénéfice exclusif d’une classe qualifiée de supérieure par son intelligence. Pour Alexandre, l’Europe, déjà à la traîne, ne devrait plus tergiverser sur les questions de la morale, elle devrait se mêler à cette compétition transhumaniste et technologique. Alexandre accomplit ce que craint Harari.

Alors le conférencier, en cette tribune Polytechnique, grossit son trait en qualifiant le « camp des inutiles », le camp des gens à l’intelligence limitée voire absente, en « camp des gilets jaunes ».

Laurent Alexandre, chirurgien urologue, est co-fondateur de l’indispensable start-up Doctissimo, une start-up qui surfe sur l’émergence du juteux marché de l’auto-médication.

 

La thèse d’Alexandre rebondit sur l’émergence de l’intelligence artificielle, qui, selon lui, est la seule intelligence capable de gérer la complexité du monde : seule une élite hautement intellectuelle serait capable de gérer, de créer et de faire progresser l’humanité dans un monde farci d’intelligences artificielles.

Le conférencier est autoritaire, l’élite intellectuelle, « c’est vous, étudiants dans cette salle qui managerez ce monde » ( ne lisez pas « mangerez ce monde »). Étudiants de cette grande école Polytechnique, c’est vous qui serez sauvés… « Les inutiles sont des gilets jaunes » avec lesquels « il faudra en finir d’une manière ou d’une autre ».

C’est dit.

Là, il a gagné l’auditoire. 

pour lire l’intégralité de l’article sur Médiapart 

 

pour écouter l’intégralité de la conférence :

 

mise à jour du 23/11/2020

Un nouvel article, beaucoup plus complet et relatif à cette conférence, a été publié le 19 novembre 2020 sous le titre : A-ton le droit de créer Homo Deus ?

Civilisation contemporaine : la lie du réalisme matérialiste …

par Camille Loty Mallebranche

 

Je désigne sous le vocable de réalisme matérialiste, la manière d’introjection opportuniste de tous les principes idéologiques de réussite sociale via la prépondérance matérielle dont opèrent des individus et des groupes dominants dans notre société de clivage et d’étouffement des non opportunistes. C’est le matérialisme froid et morbide qui veut à tout prix maintenir la société telle qu’elle est, afin de profiter de ses horreurs, ses injustices aux dépens d’autrui toujours perçus comme moyen à utiliser… 

Le réalisme est ici un goulot strangulatoire contre les rêves dignes de ceux qui refusent de se salir en intériorisant la weltanschauung abjecte du succès comme fin justifiant tout…

Il faut constater que même au stade étatique, le réalisme matérialiste, le fameux pragmatisme économique des États poussé à l’excès, fait du monde qu’il influence, un espace blême et morbide sans rêve authentiquement humain car le rêve vrai est transcendance et donc par essence, contraire au réalisme utilitaire et ennemi du pragmatisme forcené.

C’est sans doute l’une des causes de l’effondrement outrancier des valeurs, le nœud de la crise axiologique apparemment indénouable qui sévit au monde. C’est que la civilisation a tellement plongé dans les grands fonds abyssaux, ténébreux du réalisme jusqu’à l’absurde, jusqu’à en être repue, surchargée qu’elle en a fini par devenir élément de la crasse sédimentaire dudit réalisme d’où elle n’arrive plus à s’envoler par le rêve.

Boire le calice du réel jusqu’à la lie, tue la vérité ailleurs qu’est le rêve… Les individus ne sont que les dépouilles hagardes, ombres desséchées du réalisme, singeant un sens inéprouvé quand la société ne mobilise que les pulsions et instincts matérialistes.

La barbarie

 

la barbarie sur le site de Michel Henry

Wikipédia : Michel Henry est un philosophe et un romancier français né le  à Haiphong (actuel Viêt Nam) et mort le  à Albi (France). Son œuvre appartient au courant de la phénoménologie française du xxe siècle.

 

Dans son essai La Barbarie (1987), Michel Henry s’interroge sur le lien entre barbarie et science ; celle-ci se fonde en effet sur l’idée d’une vérité universelle et comme telle objective et qui conduit donc à l’élimination des qualités sensibles du monde, à l’élimination de la sensibilité et de la vie.La science n’est pas mauvaise en soi aussi longtemps qu’elle se borne à étudier la nature, mais elle tend à exclure toutes les formes traditionnelles de culture, à savoir l’art, l’éthique et la religion. La science livrée à elle-même conduit à la technique dont les processus aveugles se développent d’eux-mêmes de façon monstrueuse sans référence à la vie.

 

 

Le propos de Michel Henry est de prendre en vue la catastrophe majeure de notre temps, la barbarie, et de mettre en lumière sa cause : on ne saurait y voir un fléchissement accidentel de civilisation comme il y en a tant eu. Il s’agit, montre M.H., d’une dénaturation de la vie tout entière dont l’essence est de faire effort pour se transformer et s’accomplir. Inversion de ce processus, la barbarie résulte de la progression aveugle de la technique, généralement considérée comme positive.

Ce qui ne s’était jamais vu :

Le développement sans précédent des savoirs scientifiques va de pair avec l’effondrement des autres activités et entraîne la ruine de l’homme.

I – Culture et barbarie :

Produit de l’auto-transformation de la vie, la culture est savoir originel, subjectif, de cette vie et diffère du savoir scientifique, objectif, tel que l’a formulé au XVIe siècle Galilée, fondateur de la science moderne : ce second savoir repose sur la mise hors jeu des qualités sensibles du monde et n’en retient que les formes abstraites ; d’autre part, ne s’occupant que de l’extériorité du monde, il ignore les limites de son champ de recherche.

II – La science jugée au critère de l’art

Ce n’est pas le savoir scientifique qui est en cause, mais l’idéologie actuelle qui le tient pour l’unique savoir.

III – La science seule : la technique

Les opérations que la science inspire à la technique reposent exclusivement sur l’auto développement d’un savoir théorique livré à lui-même qui ne sait rien des intérêts supérieurs de l’homme. Pourtant l’essence de la technè est originairement savoir-faire individuel. La mise en œuvre de nos pouvoirs subjectifs est la forme première de la culture. Mais quand ce déploiement de la praxis dépend d’une abstraction, il y a bouleversement ontologique, l’action cesse d’obéir aux prescriptions de la vie. Coupée de sa racine humaine, elle n’existe plus que sur un mode purement matériel…

L’univers technique prolifère à la manière d’un cancer.

IV – La maladie de la vie

Il s’agit essentiellement des sciences humaines dont l’éclosion caractérise la culture moderne. Théoriquement c’est l’homme qu’elles prennent en vue : langage, historicité, socialité etc. Toutefois elles font abstraction de l’Individu transcendantal que nous sommes, mettant hors jeu sa subjectivité, au mépris de leur finalité réelle. Leur traitement de type mathématique appauvrit le fait humain. Devant le suicide, la sexualité, l’angoisse, que valent des statistiques ? Plus on accumule de connaissances positives, plus on ignore ce qu’est l’homme. Et pourtant la vie, écartée à notre époque, n’en subsiste pas moins sous une forme élémentaire, vulgaire, voire dans son auto négation.

VI – Pratiques de la barbarie

Les figures de la barbarie sont là, comportements grossiers, fuite frénétique dans l’extériorité engendrant l’échec à se débarrasser de soi, idéologie scientiste, positiviste qui se substitue à la science, démission de la vie transcendantale, engluement dans la télévision qui est la vérité de la technique, avec sa recherche de la brutalité du fait, l’incohérence de ses images qui se substituent à la vie personnelle, sa censure idéologique qui rassemble les stéréotypes d’une époque.

 

Il faut décoloniser les sciences

sur Sciences critiques par Gary Libot 

Professeur émérite d’Economie Politique à l’Université Paris-Sud, Serge Latouche développe, depuis les années 1960, une critique radicale du développement et de la croissance économique. Selon lui, la science, devenue technoscience au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec l’alliance − inédite dans l’Histoire − des scientifiques et des techniciens, a joué, et joue plus que jamais de nos jours, un rôle moteur dans l’expansion du capitalisme thermo-industriel. « Le Mal », selon cet « objecteur de croissance », qui en appelle à la « dissidence  » face à un système « insoutenable » menant tout droit au « suicide de l’espèce humaine ».

Serge Latouche — Comme toujours lorsque nous cherchons des origines, c’est un peu arbitraire. Le mot « développement » appartient à la biologie évolutionniste, tout comme le mot « croissance ». On peut trouver, depuis très longtemps, dans des textes allemands, le mot « entwicklung », qui traduit « développement ». Mais, en anglais et en français, l’utilisation du mot « développement » − dans son sens économique − est venue bien après, autour de la Seconde Guerre mondiale. Si le fameux discours d’Harry Truman, le 20 janvier 1949, est pris comme date symbolique de la naissance de la notion de « développement », c’est parce qu’il envoie un signal fort. Pour la première fois, Truman, président des Etats-Unis, va parler de développement et de sous-développement économique.

Auparavant, le monde était divisé en cinq continents, avec des centaines de pays et des coutumes très variées. Il y avait, bien sûr, les « sauvages » et les « barbares » d’un côté et les « civilisés » de l’autre. Mais ces catégories demeuraient assez floues.

ON PENSE L’ÉCONOMIE COMME UN ORGANISME, CE QUI EST UNE IMPOSTURE, PUISQUE L’ÉCONOMIE NE PEUT ÊTRE QU’UNE PARTIE ET NON LE TOUT.

Les Américains ont gagné la guerre parce qu’ils étaient les plus développés techniquement. Pour que les autres peuples se développent, l’idée qu’il suffit de leur transférer les moyens techniques s’impose alors. C’est le début de l’assistance technique lancée par l’Organisation des Nations-Unies (ONU) vers les pays dits « en voie de développement », qui permet en même temps aux États-Unis de s’emparer des marchés des ex-empires coloniaux.

Le développement dont parle Truman est donc la transposition, dans le domaine de l’économie, de concepts nés dans la biologie. Chez Charles Darwin, la croissance, c’est la transformation quantitative des organismes ; et le développement, c’est la transformation qualitative. Par conséquent, on pense l’économie comme un organisme, ce qui est une imposture, puisque l’économie ne peut être qu’une partie et non le tout.

Quel rôle joue la science dans le développement économique ?

C’est la pièce-maîtresse. Mais il faut tout de même noter que les premières techniques de la révolution thermo-industrielle ne viennent pas de scientifiques, mais d’artisans. Que ce soit James Watt pour la machine à vapeur ou John Kay pour le perfectionnement de la machine à tisser, tous deux ne sont pas des scientifiques mais des bricoleurs, des bricoleurs de génie certes, mais des bricoleurs !

C’est à partir de l’époque où cette notion de « développement économique » émerge − c’est-à-dire au cours de la seconde moitié des années 1940 − que l’on commence à parler des « technosciences ».

Quand Albert Einstein met au point sa théorie de la relativité, c’est un scientifique. Ce n’est pas un technicien.

Avec le Projet Manhattan ( cf l’article déjà publié sur le projet Manhattan)− projet technoscientifique par excellence −, des techniciens vont travailler avec des scientifiques. Les techniciens se font scientifiques et les scientifiques, techniciens. À partir de cette époque, il va y avoir l’apport de procédés techniques et de moyens colossaux dans la recherche scientifique. Aujourd’hui, si l’on regarde aux États-Unis, le moindre laboratoire de recherche a du matériel qui vaut plusieurs millions de dollars. Ce sont les technosciences, plus que la science, qui vont endosser un rôle essentiel dans le développement.

Je crois qu’il faut décoloniser les sciences. La science occidentale – on la fait remonter à Galilée – part du principe que la nature serait more geometrico, qu’elle obéirait à la raison mathématique. Or, si les mathématiques sont effectivement une science abstraite − une formidable construction par ailleurs −, en revanche, la nature n’obéit pas à cette réalité mathématique.

C’est pour ça que les économistes se sont plantés. Ils ont construit leur discipline sur les bases de la mécanique rationnelle d’Isaac Newton alors que la vie économique se déroule dans un monde qui obéit aux lois de la thermodynamique, et en particulier à la loi de l’entropie. Il y a dans la nature une irréversibilité qu’il n’y a pas dans les mathématiques sur lesquelles l’économie classique s’est fondée.

Et alors, la science qui pense qu’il n’y a pas de limite aux possibilités de l’homme de tout faire, de tout résoudre, c’est ce qu’on appelle « la science prométhéenne », qui pense l’homme comme un démiurge. Cette science-là, il faut la réviser. Toutes les autres conceptions de la science avaient, bien sûr, un idéal de la connaissance, de la curiosité scientifique, mais elles n’étaient pas dévorées par la volonté de puissance, si caractéristique de notre conception.

Nous débouchons sur une situation où, aujourd’hui, si nous prenons l’exemple du secteur de la santé, il y a très peu de recherches sur les perturbateurs endocriniens, par exemple, car ce sujet n’intéresse pas les laboratoires pharmaceutiques. Les crédits vont plutôt à la recherche sur la génétique. Idem pour l’agriculture. Il n’y a presque aucun crédit de recherche sur l’agro-écologie et la vie des sols, au profit de recherches sur les engrais et les pesticides.  L’un des problèmes fondamentaux, c’est que la science s’est petit-à-petit vendue au Marché et au Capital.

À l’origine, le développement est une affaire d’État. Le Marché n’a pas les instruments pour s’en saisir. Le développement, c’est une forme de guerre. Pour Ivan Illich, c’est la guerre aux pauvres. Même certains économistes assez orthodoxes, comme Jacques Austruy – auteur du Scandale du développement. Vingt-cinq ans après (Payot, 1987) − explique que les sociétés qui ont été « émancipées » après la Seconde Guerre mondiale n’avaient aucune aspiration au développement. Elles avaient des aspirations concrètes contre la famine, des aspirations à vivre mieux, mais en aucun cas des aspirations au développement.

La première chose pour atteindre le développement, c’est de créer des besoins. Et pour les créer, il faut rendre insatisfaits les gens de ce qu’ils ont. En ce sens, le développement, c’est la guerre au vernaculaire. C’est-à-dire la guerre à la façon dont les gens s’en sortaient par eux-mêmes, de façon autonome, pour qu’ils deviennent dépendants du Marché. Mais, pour qu’ils puissent acheter des produits, il leur faut en retour avoir quelque chose à vendre : c’est leur force de travail.

Dès l’origine, il n’y a que l’État qui peut détruire les anciennes conditions d’existence pour en imposer de nouvelles. C’est notamment ce que fera Jean-Baptiste Colbert en imposant la création de manufactures dans lesquelles les gens travailleront comme des esclaves. Quand Lénine puis Joseph Staline ont voulu développer la Russie, cela s’est fait avec des moyens d’une grande brutalité pour casser le vernaculaire et obliger les gens à se soumettre à la discipline capitaliste. Le développement, c’est le développement du capitalisme. Mais il ne se produit pas spontanément par le Marché, qui peut co-exister avec une société traditionnelle sans problème. Le Marché existait en Afrique depuis des millénaires − Hérodote en parlait déjà –, mais ça n’a pas créé le développement. Le développement est une entreprise de recherche de puissance, avant tout à des fins militaires, qui ne peut se faire que par l’appui de l’État.

 

Fort heureusement, cette opération ne peut jamais totalement réussir. Dans un État totalitaire soft, comme celui dans lequel nous sommes − totalitarisme qui passe par le contrôle médiatique, différent, bien sûr, du totalitarisme soviétique ou nazi −, il y a toujours des dissidences. C’est là une deuxième contradiction du développement mais, nous le voyons bien, elle n’est pas suffisante. À l’heure actuelle, les limites environnementales et le défi écologique apparaissent comme la contradiction pour remettre en question et détruire les fondements insoutenables de notre système.

 Nous avons une expérience très intéressante, qui existe depuis le 1er janvier 1994, quand les néo-zapatistes sont arrivés à San Cristóbal de Las Casas, au Chiapas, et ont commencé à libérer les cinq zones que l’on appelle les « Caracoles » – cf les caracoles. Une expérience qui perdure aujourd’hui encore − et qui est bien documentée par Jérôme Baschet. Nous avons vu aussi les deux révolutions équatorienne et bolivienne sur le credo du « buen vivir » – cf article -, qui montrent la capacité de résurgence, de résilience, des aborigènes, qui n’ont pas complètement disparus. cf article sur la transition vers le Buen Vivir.

Ça n’est pas un hasard si ce mouvement a pris corps au Mexique car, à San Cristóbal, il y a l’Université de la Terre-Ivan Illich -cf là- . Et l’on sait que, de manière indirecte, le sous-commandant Marcos fut un élève d’Illich.

En Occident, on observe une dissidence chez ceux qui se battent contre les « grands projets inutiles et imposés » − l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la ligne à grande vitesse Lyon-Turin dans le val de Suse, etc…−, comme chez les apiculteurs qui se battent contre les néonicotinoïdes, ou chez ceux qui luttent contre la destruction de l’État social. Les combats revêtent de nombreuses formes. Les luttes ne manquent pas, et elles doivent arriver de tous les côtés.

 

 

 

 

 

 

 

Existe-t-il une écologie de droite ?

JiHo pour Marianne

L’écologie scientifique  est une science qui étudie les êtres vivants dans leur milieu en tenant compte de leurs interactions. Cet ensemble, qui contient les êtres vivants, leur milieu de vie et les relations qu’ils entretiennent, forme un écosystème. L’écologie fait partie intégrante de la discipline plus vaste qu’est la science de l’environnement (ou science environnementale).

Le terme écologie est construit sur le grec οἶκος / oikos (« maison, habitat ») et λόγος / lógos (« discours ») : c’est la science de l’habitat. Il fut inventé en 1866 par Ernst Haeckel, biologiste allemand darwiniste.

L’écologie politique est de plus en plus présente dans le discours politique et dans les média en général. Pourtant, ce sont bien les préoccupations définies par la science qui sont à la base de l’invention de l’écologie politique. De nombreux écologues rejoignent le militantisme écologique.( source Wikipédia)

Existe-t-il une écologie de droite ?

C’est l’objet d’un article signé Pauline Porro dans Marianne n°1164

Le 18 mars 2019 sur France Culture l’économiste Hervé Juvin nouveau député élu au parlement européen sur la liste du Rassemblement National affirmait : « l‘écologie doit prendre le pas sur l’économie « .

L’essayiste Hervé Juvin auteur d’une quinzaine de livres mais aussi ancien associé et fondateur d’Eurogroup Consulting est un chantre du localisme qu’il applique aussi aux populations : priorité au local avant le global.

Il est l’auteur en 2013 de : la grande séparation : pour une écologie des civilisations 

puis en 2018 de : France, le moment politique manifeste écologique et politique 

L’écologie a une dimension conservatrice selon l’auteure de cet article. Et de citer les penseurs de l’écologie que sont Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, personnalistes technocritiques même si Pauline Porro relève à contrario que des figures marquées à gauche comme le géographe anarchiste Elisée Reclus ont été à la pointe du combat écologiste.

Le sociologue Yann Raison du Cleuzio affirme : « il y a toutes les ressources dans l’histoire des droites pour que l’écologie s’y acclimate « . Une partie de la droite antirévolutionnaire s’est structurée autour du rejet de l’idée de progrès héritée des Lumières.

Le philosophe  Serge Audier  dans la société ecologique et ses ennemis paru en 2017 pointe la responsabilité de la gauche dans la crise écologique actuelle. Il observe que nombre de critiques pré-écologistes du XIX e sont héritières de la rupture romantique qui réhabilite le sentiment face à la raison. Des penseurs de l’écologie comme Georges Bernanos avec son essai la France contre les robots (1947) sont un caillou dans la chaussure écologique. Outre atlantique, cette vision romantique accouchera du mouvement wilderness à l’origine des parcs nationaux aux Etats-Unis dont le premier Yellewstone en 1872-cf le Wilderness Act de 1964 aux Etats-Unis.

Serge Latouche précise qu’il y a toujours eu une pensée antilibérale de droite , un anti-utilitarisme dans le romantisme en particulier et cela a été  d’autant plus fort que la gauche était à l’origine libérale et capitaliste. Pour le philosophe Jean-Claude Michéa droite et gauche ont partagé l’idéologie de l’illimité.

A l’inverse, les présupposés écologistes reposeraient sur une vision du monde fondamentalement anti-moderne. C’est la thèse que défend l’historien Stéphane François dans l’écologie politique. Une vision du monde réactionnaire qui divise l »écologie entre une branche progressiste acquise à la philosophie des Lumières et une seconde visant un retour du règne de la nature ouvrant la voie à un discours différentialiste et inégalitaire.

Une autre conception de la nature est celle de la ruralité présente dans le roman de droite : la destruction des campagnes par le capitalisme et la révolution industrielle relève Yann Raison du Cleuzio. Dans Eléments Hervé Juvin développe sa théorie de « l’écologie des civilisations ».

Le philosophe Frédéric Dufoing auteur de l’écologie radicale (2012) – cf là : il y a une longue tradition critique à l’égard du christianisme, un fonds de défense des cultures locales, de l’enracinement bioculturel et des arguments concernant la surpopulation. Est en cause une vision anthropocentriste chrétienne plaçant l’homme au coeur de la création et l’érigeant en « maître » de la nature. D’où un tropisme pour les cultures païennes.

L’intellectuel de la Nouvelle Droite Alain de Benoist défend la décroissance : Décroissance ou toujours plus ? Penser l’écologie jusqu’au bout 

On peut affirmer à l’instar de Cornelius Castoriadis en 1986 qu’il y a longtemps que le clivage gauche-droite ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques opposés. Aux dires de nombreux écologistes les vrais clivages seraient ailleurs :

productivistes vs antiproductivistes

biocentrés vs anthropocentrés

terriens vs destructeurs

croissants vs décroissants

Le fondateur et rédacteur en chef de la Décroissance , Vincent Cheynet notait dans son essai Décroissance ou décadence « que cet horizon s’oppose à la fois à la gauche dans son refus de l’idéologie progressiste et à la droite par son anticapitalisme. »

Quant à l’écologie intégrale développée en terres chrétiennes par le journaliste Falk Van Gaver elle a pour but « d’unir l’écologie humaine et environnementale dans une écologie totale intégrant toute la vie humaine comme non humaine. « 

Depuis que le pape a consacré en 2015 son encyclique Laudato Si à l’écologie intégrale la revue Limite en a fait son credo et Delphine Batho s’en revendique dans une version laïque à la tête de Génération écologie. Néanmoins, le terme écologie intégrale lui aussi divise et le philosophe Dominique Bourg qui s’en réclamait aux dernières élections européennes avec Delphine Batho et Antoine Waechter à la tête de la liste Urgence Ecologie  refusera de participer en août à l’Université d’été sur l’écologie intégrale  considérant que le terme est désormais piégée- cf là.

Gaultier Bès, professeur de lettres est une des figures de l’écologie intégrale. Il déplore qu’elle soit associée aux droites dures par la gauche libérale du fait de ses positions sur les sujets dits sociétaux « alors que nous essayons de montrer que du transhumanisme à la manipulation des embryons il y a la même volonté de toute-puissance démiurgique qu’envers la biosphère. »

 

 

 

 

Manifeste pour maîtriser la science

Science et Société

19 mars 1988

Par Jean Marc Levy Leblond

Né en 1940 Jean-Marc Lévy Leblond   est docteur d’État en  sciences physiques (physique théorique) -université d’Orsay en 1965-professeur à l’université Paris 7, et à Nice.  Il a enseigné dans les départements de physique, de philosophie et de communication. Il fut directeur de programme au Collège international de philosophie de 2001 à 2007. Il a publié de nombreux articles sur ses travaux de recherche qui portent principalement sur la physique théorique et mathématique et sur l’épistémologie.« Depuis longtemps, Jean-Marc Lévy-Leblond tire la sonnette d’alarme sur la nécessité d’une intelligence publique des sciences, où se noueraient savoirs, recherche, culture et politique. »

Cet article est paru dans l’édition du Monde du 19.03.88. Il a également été diffusé en anglais dans la revue Nature (télécharger la version anglaise en pdf).

Ce texte est signé par de nombreuses personnalités scientifiques ( cf ci-dessous renvoi 1)

Le désir de connaitre le monde est aujourd’hui débordé par le besoin de l’exploiter. La production des connaissances scientifiques et des innovations est largement prise en charge par des institutions à buts technologiques. La recherche, qu’elle soit dite “fondamentale” ou “appliquée”, est orientée par des choix économiques, sociaux, sanitaires ou militaires.

Le chercheur ne peut ignorer cette orientation, et la société est en droit de la juger. Fonctionnant sur un mode réductionniste, en ignorant toute autre forme de connaissance et de vérité, la science entre en conflit avec la nature, la culture et les personnes.

Ainsi, sauf à être contrôlée et maîtrisée, elle fait courir des risques graves à l’environnement, aux peuples et aux individus. Pourtant le processus de développement scientifique s’auto-accélère avec l’assentiment naïf de sociétés qui acceptent de ne rêver l’avenir que dans l’artifice technique, alors que l’identification de la production scientifique au progrès, et même au bonheur, est largement une mystification.

Au nom de la vérité scientifique, la vie est réduite à ses aspects mesurables. La spécialisation de plus en plus étroite des chercheurs encourage leur myopie quant à leur fonction dans la société et crée des cloisons étanches entre les disciplines scientifiques.

Nous croyons que la lucidité doit primer sur l’efficacité et la direction sur la vitesse. Nous croyons que la réflexion doit précéder le projet scientifique, plutôt que succéder à l’innovation. Nous croyons que cette réflexion est de caractère philosophique avant d’être technique et doit se mener dans la transdisciplinarité et l’ouverture à tous les citoyens.

(1)Ce texte a été signé par les personnes suivantes : Jean Arsac, informatique, univ. Paris-VI ; Michel Bounias, biochimie, univ. Avignon ; Michel Cassé, astrophysique, CEA Saclay ; Jean-Paul Deleage, physique, univ. Paris-VII ; André Gsponer, physique des hautes énergies, ISRI, Genève ; Albert Jacquard, génétique, INED Paris ; Jean-Marc Levy-Leblond, physique théorique, univ. nice ; Jean-Marc Meyer, embryologie, univ. Strasbourg ; Michel, pneumologie, univ. Montpellier ; Jacques Panijel, immunologie, CNRS-Pasteur ; Bernard Prum, statistique médicale, univ. Paris-V ; Jean-Paul Renard, embryologie, INRA-Pasteur ; Jean-Claude Salomon, cancérologie, CNRS, Villejuif ; Jean-Louis Scheidecker, astronomie, CNRS, Nice ; Jean-Paul Shapira, physique nucléaire, Orsay ; Michel Sintzoff, informatique, univ. Louvain ; Jacques Testart, biologie, INSERM, Clamart

 

 

 

Emergence d’une communauté technocritique-Conférence Paris 29 mai 2019

Communauté technocritique

 

 

« Pourquoi (et comment) critiquer la technologie à l’heure de la crise sociale et écologique ?

Pour l’émergence d’une communauté technocritique !

 

 

Sciences Critiques invite à deux conférences-débats le mercredi 29 mai, à Paris, de 15h à 22h30 :

 

Seront présents avec nous : Paul Jorion, Serge Latouche (sous réserve), Jean-Baptiste Fressoz, Alain Gras, François Jarrige, Fabrice Flipo, Célia Izoard, Cédric Biagini et Joël Decarsin

Nous aborderons, entre autres sujets, l’histoire du mouvement technocritique en Europe, les imaginaires du progrès technique, l’apparition de l’Anthropocène comme conséquence de la « démesure technicienne », les effets et les méfaits du techno-capitalisme et enfin la nécessité de faire émerger une communauté technocritique aujourd’hui, à travers notamment le projet politique alternatif de la décroissance, l’action directe contre les machines ou encore le retour à une véritable culture humaniste.

« Pourquoi (et comment) critiquer la technologie à l’heure de la crise sociale et écologique ?

Première table-ronde (de 15h à 18h)
– L’Anthropocène, ou les dégâts du Progrès
– Une (brève) histoire de la technocritique
– Les imaginaires de l’innovation technique
– Les effets et les méfaits du techno-capitalisme

Pour l’émergence d’une communauté technocritique ! ,

Seconde table-ronde (de 19h30 à 22h30)
– Pour l’émergence d’une communauté technocritique
– La décroissance pour sortir de la « Mégamachine »
– La révolte contre les machines aujourd’hui
– La culture face à la tyrannie technologique

 

Vous pouvez aborder les sujets suivants sur le site de Sciences critiques :

– « Se débarrasser du capitalisme est une question de survie ». Un « Grand Entretien » avec Paul Jorion.

Paul Jorion (né le  à Bruxelles) est un anthropologue, sociologue et essayiste belge

Nous vivons aujourd’hui dans un système politique extrêmement inégal, qui engendre la concentration de la richesse par quelques-uns. Or, les personnes bénéficiaires de ce système bloquent l’accès à une vie meilleure pour tout le monde. 

Le développement technologique est indépendant du développement des sociétés. Il peut être une catastrophe uniquement parce qu’il manque autour de lui l’environnement pour le canaliser.

En janvier dernier, des chercheurs d’Oxford ont affirmé que la robotisation créera à l’horizon 2022 un million d’emplois aux États-Unis. 

En réalité, il y aura peut-être un million de travailleurs supplémentaires, mais 100 millions d’emplois vont disparaître dans le même temps… Il est très difficile, en réalité, d’imaginer les conséquences du développement technologique.

Ceux qui calculent combien d’emplois vont disparaître dans les années qui viennent sont naïfs, parce qu’ils considèrent que seul l’emploi manuel sera remplacé. Or, le système financier actuel conduit aussi à remplacer le travail qui coûte cher, même, et surtout, le travail intellectuel. 

Si l’on accepte le principe que c’est le marché qui dirige, c’est-à-dire le simple rapport de force entre la main-d’œuvre et les employeurs, les salaires se rapprocheront de zéro… A fortiori dans un monde où la concurrence entre les candidats pour un emploi augmente. Il n’y a plus de limite, c’est ça le problème ! 


– « Il faut décoloniser les sciences ». Un « Grand Entretien » avec Serge Latouche.

Serge Latouche, né à Vannes le , est un économiste français, professeur émérite de l’université Paris-Sud.

La science occidentale – on la fait remonter à Galilée – part du principe que la nature serait more geometrico, qu’elle obéirait à la raison mathématique. Or, si les mathématiques sont effectivement une science abstraite − une formidable construction par ailleurs −, en revanche, la nature n’obéit pas à cette réalité mathématique.

la science qui pense qu’il n’y a pas de limite aux possibilités de l’homme de tout faire, de tout résoudre, c’est ce qu’on appelle « la science prométhéenne » 4, qui pense l’homme comme un démiurge. Cette science-là, il faut la réviser. 

Toutes les autres conceptions de la science avaient, bien sûr, un idéal de la connaissance, de la curiosité scientifique, mais elles n’étaient pas dévorées par la volonté de puissance, si caractéristique de notre conception. Toutes les autres conceptions de la science avaient, bien sûr, un idéal de la connaissance, de la curiosité scientifique, mais elles n’étaient pas dévorées par la volonté de puissance, si caractéristique de notre conception.

– Qu’est-ce que le progrès technique ?. Une tribune libre d’Alain Gras.

Alain Gras, né le , est un sociologue français et professeur des universités émérite.

L’idée de progrès ne fait plus recette, c’est un fait. Les politiques, ou plutôt les acteurs de ce « pouvoir » qui n’est pas nécessairement politique, ont tiré depuis longtemps les leçons de cette désaffection et les économistes de service ont rebaptisé « croissance » le progrès en lui enlevant tout contenu éthique.

Mais qu’y a-t-il de plus absurde qu’une croissance illimité dans un monde limité ?

Dans le domaine techno-scientifique survit cet aphorisme archaïque : « On n’arrête pas le progrès ! ». Même si l’on sait que cette direction nous amène dans une voie sans issue !

L’une des raisons doit être, selon moi, à chercher dans la manière dont l’évolutionnisme progressiste bénéficie d’un privilège méta-philosophique.

Et de citer Peter Sloterdijk :

« C’est dans l’évolutionnisme qu’est la racine logique des cynismes théorisants qui jettent sur la réalité le regard olympien des maîtres.
Les théories de l’évolution recueillent l’héritage métaphysique au bénéfice des sciences.
Elles seules ont une force logique suffisante pour intégrer d’un regard englobant le Mal, la décadence, la Mort, la douleur, toute la somme des négativités qui sont la part de l’être vivant.
L’« évolution » (progrès) est pour cela la théodicée moderne, cette théodicée permet l’ultime interprétation logique de la négativité
. » 

– Aujourd’hui, il est trop tard. Une tribune libre de Joël Decarsin.

Joël Decarsin, artiste de formation et membre fondateur de l’association Technologos.

En novembre 2017, un cri d’alerte a été lancé par 15 364 scientifiques de 184 pays, dont la revue américaine BioScience puis le journal Le Monde ont fait leurs unes : « Notre planète est en danger, il sera bientôt trop tard. »

Refuser d’admettre que si l’idéologie de la croissance a pris l’ampleur que l’on connaît, c’est justement parce qu’elle a pour corolaire la sacralisation de l’État, quasiment théorisée dès le XVème siècle par Machiavel.

Parce que nous avons laissé les scientifiques − dont ceux qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie… − jouer aux apprentis-sorciers en triturant la matière dans ses plus intimes retranchements et parce que, contrairement à la fable de Goethe, aucun maître-sorcier ne viendra jamais mettre un terme au sortilège déclenché, la catastrophe est inéluctable.

– Impasse de la technoscience. Une tribune libre de Joël Decarsin.

Joël Decarsin, artiste de formation et membre fondateur de l’association Technologos.

L’idée domine par conséquent qu’on peut jouer avec le feu tant que l’on dispose d’extincteurs toujours plus performants, réalité que résume l’adage : « On n’arrête pas le progrès ».

Ce goût du risque est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après qu’il a été d’usage d’afficher sa foi dans ce fameux progrès et sans que l’on ait vraiment pris la peine ensuite de peser le sens de ce mot. Aux tranchées de Verdun avaient succédé les Années folles, Hiroshima et Auschwitz ont distillé un parfum d’angoisse et d’incertitude : chacun a appris que les applications de la science pouvaient être létales à grande échelle.

e qui la lie à la science et à la technique à la fois et ce sur quoi elle s’appuie quand elle prétend en même temps comprendre la société et agir sur elle, c’est l’exercice de la modélisation.

« Je propose, écrit Saint-Simon vers 1830, de substituer le message suivant à celui de l’Évangile : l’homme doit travailler. L’homme le plus heureux est celui qui travaille, la famille la plus heureuse est celle dont tous les membres emploient utilement leur temps ».

Et dix ans plus tard, Ernest Renan déclare : « Organiser scientifiquement l’humanité, tel est le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse mais légitime prétention. » Or, c’est là précisément l’objectif que s’assignent l’économiste – du moins dans sa version néo-classique, qui domine aujourd’hui – puis l’entrepreneur.

– L’université sous hypnose numérique. Une tribune libre de François Jarrige.

François Jarrige est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne

L’UNIVERSITÉ française et la science qu’elle produit sont en phase de mutation accélérée. Elles sont lancées dans une course effrénée à l’innovation, sans cesse stimulée par les injonctions de l’État et des milieux économiques, ainsi que par la mode des classements internationaux, tel celui de Shanghai.

Depuis les années 1980, les innovations et les trajectoires technoscientifiques sont de plus en plus modelées par un nouveau régime de production néolibéral des sciences avec sa flexibilité accrue, sa valorisation des performances à court terme et son pilotage croissant de la recherche par les grandes firmes et les marchés financiers.

Comme de nombreux autres secteurs de la société, l’université est envahie par les outils et les discours du numérique censés résoudre « la crise ». En dépit des idéologies de l’horizontalité et du partage qui devaient accompagner les nouvelles technologies numériques, c’est bien l’imposition par en haut qui l’emporte dans les faits. Mais à l’égard du numérique, les universitaires semblent plongés dans une véritable hypnose collective qui met en péril leur capacité critique. 

– La technologie est une politique. Une tribune libre de Philippe Godard.

Philippe Godard, né en 1959, est un écrivain et essayiste français. Il écrit notamment, pour la jeunesse, des ouvrages documentaires sur des sujets de société et, pour les adultes, des essais. Il est par ailleurs intervenant à l’Institut Régional du Travail Social de Franche-Comté et a été directeur de collections chez différents éditeurs.

La rationalité politique n’est plus compréhensible par les citoyens puisqu’elle est dominée par une autre rationalité, cachée, celle d’un système économique dominé par des réalités technologiques. Or, de nos jours, cette rationalité technologique, qui a envahi le champ du politique, rend encore plus illusoire une émancipation politique, culturelle et sociale, sans repolitisation du corps social.

– Religiosité de la technoscience. Une tribune libre de Simon Charbonneau.

Simon Charbonneau, est né en 1941, il a été  professeur de droit de l’environnement à l’Université de Bordeaux Montesquieu et à l’Université d’Aix-Marseille, a publié de nombreux ouvrages et articles sur le thème de l’écologie militante, dans la lignée de son père Bernard Charbonneau.

 

La science remplit dans notre société technicienne le rôle que la religion jouait jadis dans les sociétés du passé. C’est donc la posture de liberté d’esprit qui doit être aujourd’hui à l’origine de sa remise en question comme religion séculière.
– « Les deux cultures », ou la défaite des humanités. Un texte du collectif Pièces et Main-d’Oeuvre (PMO).

Puisque le vivant est désormais computable, pourquoi la culture ne le serait-elle pas ? Bienvenue dans l’ère des humanités numériques, un mouvement qui a pris son essor dans les années 2000 au sein des sciences humaines et sociales, des arts et des lettres, pour les rendre, eux aussi, connectés, numérisés, big datés. Reductio ad numerouniverselle, dont l’objectif est d’annihiler toute humanité dans la compréhension et le récit du monde.

– La technologisation de la vie : du mythe à la réalité. Un article d’Anthony Laurent.

Après des années d’études de sciences naturelles à l’Université de Franche-Comté, à Montbéliard (Doubs), Anthony Laurent se tourne vers le journalisme scientifique. Deux années de formation à l’Université Paris 7-Denis Diderot l’ont ensuite conduit à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) où il obtient un Master de sociologie, histoire et philosophie des sciences au Centre Alexandre Koyré. Anthony s’intéresse notamment à la place de la technique dans la société contemporaine au sein de l’association Technologos. Il est co-créateur et rédacteur en chef du site Sciences Critiques (site d’information dédié exclusivement aux sciences, traitant tout particulièrement des sciences « en train de se faire », dans les laboratoires comme en-dehors – par opposition aux sciences « déjà faites » que sont les découvertes scientifiques et les innovations technologiques)

Le déferlement technologique bouleverse notre vie quotidienne. Le travail, les relations familiales et amicales, les loisirs, etc. Quasiment plus aucun pan de l’existence humaine, individuelle comme collective, n’échappe désormais à l’emprise numérique. Or, cette « technologisation » de la vie et de la société − largement impensée − a des effets déterminants, voire des impacts préoccupants, et pour la plupart irréversibles, sur la nature, la santé, la politique et in fine sur le devenir de notre « communauté de vie et de destin ». Dans le cadre d’une séance publique, tenue en janvier dernier à l’Université du Bien Commun à Paris ( cf ici  lancement de cette université), Sciences Critiques était invité à dresser un constat critique de cet état de fait. 

 

 

 

 

 

Matérialisme, Terreur, relativisme moral… : le côté obscur des Lumières

d’après l’interview de Paul Sugy Figarovox

 

Bertrand Vergely est normalien, agrégé de philosophie et théologien. Professeur en classes de Khâgne et enseignant à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, il vient de publier Obscures Lumières (éd. du Cerf, 2018), essai philosophique décapant qui fait voler en éclat certains des mythes qui entourent le siècle des Lumières, pour en révéler aussi la part d’ombre.

 

La religion est ce qui relie les hommes à Dieu. Vivre religieusement conduit à élever sa conscience au plus haut niveau qui soit. Mais les hommes peuvent détourner le religieux, et quand c’est le cas, cela donne les tyrannies et les sectes qui font basculer le religieux dans la violence.

La bonne réponse à l’obscurantisme religieux consiste à revenir au religieux authentique, celui de l’homme profond se purifiant de la soif de pouvoir afin de faire vivre une conscience transformée.

Au XVIIIe siècle, lors de la Révolution Française, c’est l‘inverse qui s’est produit. Sous prétexte de libérer la société de l’obscurantisme, les révolutionnaires opposent au pouvoir de l’obscurantisme religieux le pouvoir non religieux dit des Lumières. Ils ne suppriment pas la soif de pouvoir, ils la déplacent seulement de son expression cléricale vers une expression laïque.

Ils mettent en place une idolâtrie, celle de l’homme total contrôlant la nature et l’homme par la raison humaine.

Au XVIIIe siècle cette idolâtrie débouche sur la Terreur,

au XIXe siècle, sur le nihilisme intellectuel,

au XXe siècle, sur le totalitarisme.

Quand les villes se développent, une civilisation se développe avec elles, la civilisation commerçante et marchande. La bourgeoisie est l’expression de cette civilisation.

En Occident, le développement de cette civilisation aurait pu garder sa conscience religieuse. Tel n’a pas été le cas. La civilisation urbaine, commerçante et marchande qui s’est mise en place a décidé de se débarrasser de cette conscience en mettant à sa place une conscience se préoccupant non plus de l’être mais du bien être, non plus de la vie spirituelle mais de la vie matérielle. L’esprit bourgeois réside dans ce nouveau type de conscience. À sa base, on trouve un agnosticisme se muant en pragmatisme.

-Selon cet esprit bourgeois, ce que les hommes  veulent-,c’est pouvoir manger et être heureux. Cela donne l’empirisme et la quête du bonheur, le matérialisme, l’utilitarisme et l’hédonisme.

Quand on a comme projet de transformer ce qui fait l’essence de l’humanité, que peut-il se passer? Sur un plan théorique et culturel, on est obligé de se prendre pour Dieu en remplaçant la loi divine par la loi humaine qui devient une nouvelle loi divine. Hobbes dans le Léviathan réécrit le livre de la Genèse en faisant naître l’homme du contrat social et, derrière lui, du Droit humain. Résultat: c’est désormais l’État qui garantit le Droit, devenant en quelque sorte le nouveau Dieu sur terre.

La morale qu’ont inventée les Lumières est une morale libertine, dont j’ai montré qu’elle pouvait être illustrée par trois visages: la critique intellectuelle, Don Juan, et le Marquis de Sade. Cette nouvelle morale repose donc sur un triptyque: Liberté d’esprit – Séduction – Transgression. On retrouve ces valeurs, très présentes, en art contemporain!

Que manque-t-il à la révolution des Lumières ? Il faudrait qu’elle prenne le chemin inverse de ce qu’elle a accompli dans l’histoire, à savoir tuer le religieux du cœur de l’homme occidental afin de le remplacer par une idolâtrie de l’homme total. Le cœur de l’homme recèle un potentiel et des richesses inouïes. Encore faut-il qu’il rentre en lui-même et qu’il accepte que ce potentiel et ces richesses lui soient donnés, au lieu de vouloir être un homme auto-créé dans une folle solitude.

 

Nous demeurons aveuglés par les Lumières

 

 

Le 2 février 2018 Jean François Colosimo chrétien orthodoxe , directeur des Editions du Cerf publiait son livre Aveuglements

Dans un article du 10 septembre publié sur ce blog je présentais cet ouvrage à travers une interview donnée au magazine La Vie et une présentation par Jean Birnbaum dans le journal Le Monde du 29 mars 2018.

Un peu plus d’un an après la parution de ce livre je reviens sur celui-ci qui m’apparaît fondamental par rapport à l’existence de  ce site et blog. Le thème central du livre est  le constat que Les Lumières  sont venues jeter la vision d’un homme seul et maître de lui-même et du monde. Elles ont voulu s’extraire de  ce qu’elles ont qualifié l’obscurantisme moyen-âgeux. Elles  ont en fait jeté un terrible voile qui nous étreint et nous rend aveugle en nous confinant dans un monde strictement rationnel et voué, corps sans âme, au mythe du Progrès, notre nouvelle religion. De ce monde, au XX ième siècle, ont surgi le nihilisme, le nazisme, le communisme, le génocide du Cambodge. J’ajouterai que ce mythe ou religion du Progrès – cf là par exemple -, largement partagée mondialement, nous entraîne vers une fin de l’homme – cf Fin de l’homme de Fukuyama– avec l’extinction des espèces, la déforestation, les déséquilibres planétaires qui commencent dont celui du climat. La seule issue envisageable actuellement par cette humanité vouée à la religion du Progrès est de nous proposer le surhomme technologique . Il faut poursuivre ce mythe du Progrès et s’orienter vers le transhumanisme, l’homme machine pourra seul résister au développement de la machine, à l’intelligence artificielle. L’homme poursuit donc sa course folle vers l’abîme dominé  qu’il est par l’hybris.

“Nous demeurons aveuglés par les Lumières” – La Vie  – Henrik Lindell  le 27/02/2018

Iconoclaste, l’historien et théologien s’attaque à la part obscure de la « religion du progrès » née en Europe au XVIIIe siècle. Et il pourfend le nihilisme qu’elle aurait, selon lui, enfanté.

Dans Aveuglements, puissante fresque de plus de 500 pages, le bouillonnant Jean-François ­Colosimo, directeur des éditions du Cerf, règle ses comptes avec la modernité, toutes ses guerres et ses nouvelles idéologies trompeuses.

Vous dénoncez la « face cachée » des trois derniers siècles, à savoir le nihilisme qui serait à l’origine des idéologies meurtrières modernes. Et la source de nos aveuglements serait les Lumières. Pouvez-vous expliquer ?

Ce livre procède d’un constat : la modernité, qui est née avec les Lumières, et particulièrement les Lumières françaises, a marqué l’avènement d’un temps qui se voulait radicalement nouveau. Il fallait en finir avec « l’obscurantisme », et la religion était le signe éminent de tous les esclavages passés. Pendant deux siècles, l’idéologie dominante a été que l’homme devait devenir le créateur de lui-même. Mais cette époque-là est révolue.

Nous assistons désormais à la fin du mythe du progrès et de ce que j’appelle la religion du progrès. Fini l’homme autonome, l’homme sans transcendance et sans limites. Problème : nous ne l’avons pas encore bien compris, car nous demeurons aveuglés par le soleil des lendemains radieux que promettaient les Lumières. Il en va de ce soleil comme des astres quand ils vieillissent et meurent : ils deviennent noirs. Ils irradient alors d’une lumière qui est fausse, ce qui provoque une forme d’éclipse et on ne voit plus rien. Nous n’avons pas pris la mesure de cet échec monstrueux que sont les Lumières.

( cf l’exposé sur la page du Temple des Consciences )

Vous suggérez même que les Lumières, contrairement à ce qu’elles prétendaient, ont fait naître des religions plus oppressives que jamais. N’est-ce pas aller trop loin ?

Les Lumières françaises ont critiqué radicalement le fait religieux. Elles l’ont stigmatisé comme le signe de l’humanité débile qui n’a pas pris la pleine mesure de ses pouvoirs. Elles l’ont condamné en le réduisant à la soumission à un Dieu faux, inexistant, arbitraire. À une idiotie ou à une pathologie. La modernité nous a bercés de l’illusion que la religion appartenait au passé. Mais que voit-on aujourd’hui ? Il suffit d’allumer la télévision et il saute aux yeux qu’on tue au nom de Dieu.

On parle de « retour de la religion » ou de « revanche du sacré ». On dit que « le Moyen Âge resurgit ». Ce qui prouve que l’on n’a vraiment rien compris. La stratégie des Lumières a été de noircir le passé pour mieux exalter un futur libéré du religieux. Mais, à la vérité, le religieux ne nous a jamais quittés. La grande tromperie de la modernité est là : elle a prétendu qu’elle allait chasser le religieux, alors qu’elle n’a fait que créer des religions séculières qui, oui, sont plus criminelles que ne l’ont jamais été les religions historiques.

Mais quelles religions ?

En 1793, Robespierre crée le culte de l’Être suprême, avec son catéchisme, ses rites, son calendrier (Le « culte de l’Être suprême » était une cérémonie déiste, influencé par la pensée des philosophes des Lumières, et consistait en une « religion » qui n’interagissait pas avec le monde et n’intervenait pas dans la destinée des hommes. Il ne s’agissait pas d’un culte, au sens fort du terme, mais plutôt une sorte de religion civile à la Rousseau). Robespierre s’est alors opposé aux Hébertistes et leur culte de la Raison (Le culte de la Raison procède de l’athéisme et du naturalisme de Denis Diderot, dont s’inspirait Jacques-René Hébert. Plusieurs églises furent transformées en temples de la Raison, notamment l’église Saint-Paul-Saint-Louis dans le Marais. Le mouvement s’est radicalisé en arrivant à Paris avec la fête de la Liberté à la cathédrale Notre-Dame le , organisé par Pierre-Gaspard Chaumette. Le culte était célébré par une beauté figurant la déesse de la Raison. ) . Il se montre en cela plus religieux que Louis XVI. Il sait également que, sans la croyance dans ­l’immortalité, on ne peut fonder la vertu publique et mobiliser les masses. La conscription lui permet de faire de tous les citoyens des soldats (créée par la Révolution française, avec la fameuse levée en masse de l’an II ( au ). Il ouvre ainsi l’ère des grandes apocalypses. D’abord le « populicide » en Vendée , bien sûr – terme alors employé par Babeuf en 1794 – cf là « la République populicide : du système de dépopulation de Babeuf par Ronan Chalmin)-. Puis les massacres à l’échelle industrielle lors de la Première Guerre mondiale – cf ici les pertes mondiales de la première guerre- cf là « guerre de masse » et ceux de la deuxième guerre mondiale – cf pertes humaines-. Enfin, la Shoah cf ici, le Goulag cf làet tous les charniers sans nom.

Ces religions modernes réclament le sang. Elles sont sacrificielles.

C’est le cas du nazisme avec ses grandes messes, son culte de la personnalité et ses folies scientistes, qui représentent une manipulation typique de la modernité : dans sa volonté illimitée, l’homme-Dieu se fabrique lui-même.

Même constat pour le communisme, avec ses pontifes Lénine et Staline, ainsi que l’hérétique en chef, Trotski, et son Internationale missionnaire. Quoi de plus religieux que les liturgies militaires sur la Place Rouge ? Lénine embaumé s’inscrit dans le mythe de l’immortalité.

Le génocide au Cambodge -cf conflit cambodgien-revêt, lui aussi, un aspect religieux. Dans les camps, les Khmers rouges diffusent pour message : « Jusqu’après ta mort, l’Organisation continue de te surveiller. » Il y a donc eu un au-delà même pour l’athéisme militant.

LE MONDE |  |Par Jean Birnbaum

Dans un bref essai paru à Vienne en 1938 et immédiatement confisqué par la Gestapo, le philosophe Eric Voegelin (1901-1985) faisait du nazisme une expérience religieuse, une espérance apocalyptique, une mystique sanglante : « Et le geste sera bon, si rouge coule le sang », disait un poème récité par les zélateurs hitlériens. Raillant les intellectuels qui refusaient d’envisager le noyau religieux du totalitarisme, Voegelin écrivait : « La question religieuse reste taboue pour ces esprits sécularisés ; et la soulever sérieusement et radicalement aujourd’hui leur apparaît comme douteux – peut-être aussi comme une barbarie ou un retour vers le sombre Moyen Age. » Ce petit livre indispensable, Les Religions politiques, a été traduit en français en 1994 aux éditions du Cerf.

Un demi-siècle plus tard, Jean-François Colosimo, le patron de cette vénérable maison fondée par des frères dominicains, s’inscrit en partie dans le même sillage. Alors que d’autres fanatiques font couler le sang avec ferveur, il publie Aveuglements, livre plus épais que celui de Voegelin, mais qui décrit également le « lien impensé » entre politique et théologie. Déjà auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Colosimo signe ici son essai le plus personnel. On y retrouve son érudition exaltée, mais aussi cette écriture subtilement ténébreuse qui vaut sans doute fidélité à son maître, le penseur post-maurrassien Pierre Boutang (1916-1998).

« A quoi mourons-nous symboliquement et de quoi meurent, assassinés, trop d’entre nous ? » D’entrée de jeu, la question est vaste. Pour y répondre, Colosimo emmène son lecteur dans une méditation de longue haleine, où il croisera de nombreux auteurs d’époque et d’horizon différent.

Aux racines de la critique des sciences

Survivre et vivre : Critique de la science, naissance de l’écologie  – 13 février 2014

 

Renaud Debailly, maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne sur Sciences critiques

La culture du narcissisme ou la critique de l’idéologie du progrès

Thibault Isabel sur l’Inactuelle 

Thibault Isabel est docteur en esthétique. Il est directeur de publication de L’inactuelle.

Christopher Lasch, né le  à Omaha (Nebraska) et mort le  à Pittsford (en) (État de New York), est un historien et sociologue américain, intellectuel et critique social important de la deuxième moitié du xxe siècle.

EFrance, Lasch est présenté par la Revue du MAUSS comme « spécialiste de l’histoire de la famille et des femmes, critique de la société thérapeutique et du narcissisme contemporains, pourfendeur des nouvelles élites du capitalisme avancé1 » et comme un « historien et philosophe d’inspiration marxiste » par la revue Raisons politiques.

C’est vers la fin des années 1970 que Lasch entreprend ses recherches sur l’apparition d’un nouveau type d’individu caractérisé par une « personnalité narcissique » (en même temps que les travaux de Richard Sennett sur le « repli sur le privé »)8. Pour Danilo Martuccelli, chez Lasch, « le narcissisme comme figure sociale de repli ou d’implosion vers soi apparaît comme une conséquence de l’effondrement de l’autorité et des sources possibles d’identification normative ».

 

Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, la pensée de Christopher Lasch (1932-1994) a marqué au fer rouge l’analyse critique du libéralisme. Ancien marxiste et héritier de l’école de Francfort, Lasch se distingue surtout par une réflexion iconoclaste sur les ambiguïtés du progrès, qu’il accuse d’avoir favorisé l’essor du monde industriel et de la consommation.

Dès les années 1970, Christopher Lasch a tenté de démontrer que la puérilité et le dévergondage étaient les conditions de possibilité morales du capitalisme mondialisé : notre système économique repose sur ce que le philosophe et historien appelait la « culture du narcissisme ».

Il faut que les consommateurs soient frivoles pour gaspiller leur argent dans des gadgets inutiles au lieu d’épargner et de préparer l’avenir de leurs enfants.

Il faut que les hommes d’affaires soient cupides pour vouloir sans cesse s’enrichir au lieu de privilégier les biens existentiels comme la communion et le partage.

Il faut que les laboratoires scientifiques soient présomptueux pour s’affranchir des contraintes de la nature au lieu d’en respecter modestement le cours : c’est ce qui débouche désormais sur le transhumanisme, c’est-à-dire le désir de transformer l’homme par l’entremise de la science.

L’optimisme libéral

La réflexion politique de Lasch s’articule autour d’une critique de l’idée de progrès. Le progressisme a en effet toujours été au service de l’optimisme libéral. Au lien d’entraver l’expansion du capitalisme, il lui a servi d’ai­guillon.

Selon Lasch, le libéralisme recouvre un patri­moine commun à la droite et à la gauche, ou tout du moins à une certaine droite et à une certaine gauche : à savoir le culte de la raison instrumentale, le goût du confort et la croyance en la supériorité de l’avenir sur le passé.

L’idéologie du progrès est liée à la mainmise du désir sur tous les comportements humains ; dans l’Antiquité et au Moyen Âge, nos penchants étaient toujours modérés par la morale commune, qui leur mettait un frein. La « réhabilitation du désir » dissimule en réalité une dévalorisation de la morale, qui conduit à son tour au consumérisme et à la domination technologique du monde : plus rien ne vient entraver notre soif de possession, de contrôle et de conquête. Les sociaux-démocrates et les gens de gauche, en réclamant une meilleure répartition des richesses, s’opposent certes à l’idéologie libérale ; ils refusent que le « progrès de l’éco­nomie » soit poussé trop loin. Mais ils restent fermement attachés au « progrès des mœurs », sans admettre un seul instant que l’excès de permissivité et de relativisme moral favorise l’avidité, qui favorise elle-même le marché capitaliste. En soi, il est évident que les mœurs anciennes méritent à plus d’un titre d’être amendées : Lasch n’était pas un conservateur au sens où nous entendons généralement ce terme aujourd’hui. Il n’empêche que les sociaux-démocrates modernistes ont échoué à comprendre combien le « laisser-aller » moral convergeait avec le « laissez-faire » économique. Ils ont été les idiots utiles du capitalisme.

Les sociaux-démocrates sont restés assujettis à la logique du confort et de l’indus­trialisation, censée permettre à chacun de vivre matérielle­ment épanoui.

Les élites gagnées à la cause de l’éga­litarisme individualiste ont donc permis à leur insu l’hégémonie de la société de consom­mation. Les sociaux-démocrates n’ont jamais cessé de souscrire à la mobilité professionnelle, au festivisme consumériste et à la promotion de la vie matérielle, au détriment de la vie spirituelle. 

Face au libéralisme envisagé sous toutes ses formes et au culte du progrès qui y est associé, Lasch en appelle à la revivis­cence du populisme. Le courant d’idées historique auquel il fait référence n’a cependant rien à voir avec le populisme actuel, qui s’appuie plutôt sur une rhétorique nationaliste et plébiscitaire, alors que le populisme historique des Etats-Unis était farouchement localiste et hostile à toute centralisation du pouvoir.

Sur le plan philosophique, le populisme constitue selon Christopher Lasch une résurgence du républicanisme de l’Antiquité et de la Renaissance, et trouve par conséquent ses premières influences chez Aristote et Machiavel. Ces deux auteurs avaient la conviction que la « vertu » doit être l’objet de la citoyenneté. Lasch envisage le mot « vertu » au sens ancien de « virtù », qui signifiait « cou­rage » et « noblesse » ; ce terme constitue en quelque sorte l’équivalent chez lui de ce que Michéa appelle la « décence commune », en référence à George Orwell.

 

 

 

Aux origines de la décroissance

 

 

 

 

Dans un article publié le 10 mars l’Est Républicain,  sous la plume d‘Elodie Bécu , titre sur deux pages : « Comment les collapsologues se préparent à la fin du monde« . Elle interview Gauthier Chapelle coauteur avec Pablo Servigne et Raphaël Stevens de « Une autre fin du monde est possible ».

Elle rappelle qu’un  deuxième salon des survivalistes aura lieu à Paris du 22 au 24 mars.

Voilà un exemple qui montre que la presse régionale s’intéresse aux conséquences possibles et désastreuses de nos modèles économiques.

Cette dénonciation des orientations de nos modes de vie traverse déjà  la pensée  de nombreux  écrivains du XX siècle. Elle est à l’origine du terme décroissance employé pour la première fois par André Gorz en 1972 puis du mouvement et des actions qui s’y rattachent.

Sur sa page la décroissance,  Timothée Duverger rappelle l’histoire de cette idée de décroissance.

Timothée Duverger est docteur en histoire contemporaine, maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux et chercheur associé au Centre Émile Durkheim (CED). Il se présente comme  spécialiste de l’histoire des alternatives et ses  travaux portent sur la décroissance, l’économie sociale et solidaire et le revenu de base.

Voici quelques unes des idées qui caractérisent selon lui la décroissance :

Considérant que la croissance économique n’est ni possible ni souhaitable, elle dénonce le concept de développement durable, qualifié d’oxymore. C’est un concept-plateforme riche de plusieurs sens, travaillé par cinq sources de pensée :

1- la source écologiste, qui affirme le primat de la nature ;
2- la source bioéconomiste, qui assume les limites de la croissance économique ;
3- la source anthropologique, qui remet en cause l’uniformisation du monde ;
4- la source démocratique, qui re-légitime le débat public ;
5- la source spirituelle, qui répond à la crise de sens des sociétés modernes.

Cet article me donne l’occasion de présenter un long travail sur ce site effectué autour des penseurs à l’origine de l’idée de décroissance. Celui-ci est effectué à partir d’un ouvrage collectif paru en mars 2017 qui présente les 50 penseurs et écrivains qui au XX e siècle ont lancé des cris d’alarme et contesté l’orientation de notre société occidentale.

Cette page est visible dans « projets de lecture » avec le lien suivant : https://www.cielterrefc.fr/des-projets-de-lecture-des-videos/aux-origines-de-la-decroissance/

Voici d’abord quelques citations issues de cette page :

Edward Abbey, : Dans le Fou sur la montagne en 1962 Edward Abbey écrit « je me dis que dans 40 ans la civilisation sera effondrée »

Dans Désert solitaire en 1968 il écrit : « Car il y a un nuage à l’horizon. Un petit nuage noir pas plus gros que mon poing et dont le nom est progrès. »

Georges Bernanos

Dans une interview de 1944

« A quoi bon distinguer entre le capitalisme d’Etat et le capitalisme privé ? Ils procèdent tout deux d’une même conception de la vie, de l’ordre, du bonheur..« .

Murray Bookchin

Dans une société à refaire (1989) :  » Une économie structurée autour de la maxime croître ou mourir doit nécessairement prendre le monde naturel comme adversaire… »

Albert Camus (discours de Suède 1957) :

« Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. »

 Cornelius Castoriadis

Une société à la dérive. Entretiens (1974-1997) : »...il faut que l’idée que la seule finalité de la vie est de produire et consommer davantage -idée à la fois absurde et dégradante – soit abandonnée; il faut que l’imaginaire capitaliste d’une pseudo-maîtrise pseudo-rationnelle, d’une expansion illimitée soit abandonnée »

Bernard Charbonneau – le changement (2013) « La vraie question n’est plus de choisir entre capitalisme et socialisme mais de dominer un développement sans frein ne pouvant mener qu’à la destruction de la nature et de la liberté »

 Gilbert Keith Chesterton:  Plaidoyer pour une société anticapitaliste (1926) « Nous ne sommes pas tenus d’être plus riches, plus affairés plus efficaces, plus progressistes si tous nos efforts ne tendent pas à nous rendre plus heureux »

pour rejoindre la page Aux  origines de la décroissance 

L’usine aux mille sapiens

Ana Minski-partage-le.com

Michel Odent est un chirurgien et obstétricien français. Les éditions le Hêtre Myriadis ont publié plusieurs de ses ouvrages dont Le fermier et l’accoucheur et L’humanité survivra-t-elle à la médecine ?

Dans Le fermier et l’accoucheur, Michel Odent identifie plusieurs similitudes entre l’industrialisation de l’élevage et l’industrialisation de la naissance. L’une et l’autre évoluent parallèlement au cours du 20ème siècle. Elles imposent centralisation et standardisation, entraînant la disparition des petites fermes, blâmant l’accouchement à la maison, condamnant les petites maternités à la disparition.

Aux problèmes de pollution s’ajoute les effets pervers d’une standardisation des naissances humaines en milieu hospitalier.

Progrès médicaux et plus particulièrement chirurgicaux obligeant, la naissance en milieu hospitalier devient très rapidement la norme. Elle impose toute une série de protocoles que doivent désormais respecter sages-femmes et obstétriciens, et évoque de plus en plus le travail à la chaîne.

L’anesthésie péridurale se développe et devient la méthode la plus efficace pour contrôler la douleur pendant l’accouchement. La médecine fœtale repose désormais sur l’utilisation d’équipements sophistiqués et coûteux.

En très peu de temps la mère est devenue une patiente.

Michel Odent prévient de l’urgence à laquelle sapiens doit se confronter, et du rôle intrusif de la médecine :

« Le contrôle médical est une corruption du rôle de la médecine. Le rôle de la médecine en général, et de l’obstétrique en particulier – est à l’origine limité au traitement de situations pathologiques ou anormales. Il n’inclut pas le contrôle des processus physiologiques. »

Interroger le passé permet de mieux comprendre comment les mammifères que nous sommes doivent mettre au monde leur petit. C’est en s’appuyant sur les dernières données de la science et de l’ethnologie que Michel Odent nous présente des solutions à long terme.

Les dangers que la médecine peut représenter pour Homo sapiens ne s’arrêtent pas là. Comme Michel Odent le développe dans son livre L’humanité survivra-t-elle à la médecine, sapiens est de plus en plus dépendant, et ce dès sa naissance, des techniques et cocktails chimiques de la médecine. La naissance dans des milieux stériles fragilise le système immunitaire et place l’enfant de plus en plus tôt entre les mains des spécialistes de la santé. En même temps, les thérapies géniques — insertion d’un gène dans les cellules d’un sujet pour éviter une maladie – permet à la médecine de neutraliser peu à peu les lois de la sélection naturelle, ce qui a un effet dysgénique certain sur le long terme.

Pour lire tout l’article 

La gouvernance par les nombres

 

 

revue Limite

 

 

« Le calcul, sous l’égide duquel on contracte, tend à occuper la place jadis dévolue à la loi comme référence normative ». Ainsi est introduit le cours intitulé « La Gouvernance par les nombres » enseigné par le juriste Alain Supiot entre 2012 et 2014 au Collège de France. Cette introduction est un modèle de densité et de clarté, une perle à lire. Quelle est la vocation de la loi ? Supiot explique comment la globalisation remet en cause la vision traditionnelle de la loi. Elle serait devenue aujourd’hui instrument d’un marché compétitif, au détriment in fine de la protection des plus faibles. Éléments de réflexion.

« La règle de droit, à la différence de la norme biologique ne procède pas exclusivement de l’observation des faits. Elle ne donne pas à voir le monde tel qu’il est, mais tel qu’une société pense qu’il devrait être, et cette représentation est l’un des moteurs de sa transformation ». La loi est comme l’expression de la société sur ce qu’elle voudrait être.

« La gouvernance par les nombres partage avec le gouvernement par les lois l’idéal d’une société dont les règles procèdent d’une source impersonnelle et non pas de la volonté des puissants. Elle s’en distingue par son ambition de liquider toute espèce d’hétéronomie, y compris celle de la loi. Car là où la loi règne souverainement, elle constitue une instance hétéronome qui s’impose à tous, et cette hétéronomie est la condition première de l’autonomie dont jouissent les hommes sous son règne ». La loi est comme une règle du jeu, venant du dehors, qui permet l’autonomie de tous.

Toujours dans sa brillante introduction, Supiot pose le constat suivant « On n’attend plus des hommes qu’ils agissent librement dans le cadre des bornes que la loi leur fixe, mais qu’ils réagissent en temps réel aux multiples signaux qui leur proviennent pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés. » La normativité n’est plus en termes de législation, mais en termes de programmation. La loi n’est plus la règle du jeu, mais l’instrument de performance. Car pour Supiot « Le projet de globalisation est celui d’un marché total, peuplé de particules contractantes n’ayant entre elles de relations que fondées sur le calcul d’intérêt. »

Ce ne sont plus les États qui posent les normes (le « droit dur ») mais le droit serait issu d’une coproduction avec acteurs (de type Google ou Facebook?). L’État est fragilisé, les « groupes d’allégeance » se renforcent.

Ainsi Le Gouvernement par les nombres pose juridiquement la question d’une fabrique de la loi soumise au calcul. Cette nouvelle référence normative fragilise la capacité des États à poser la loi comme expression de la société et cadre d’autonomie ; elle les soumet plutôt à un impératif de performance. La loi devient un instrument au service du chiffre.

Dans cette optique, quelle place pour le plus faible? Parce qu’historiquement le droit est l’outil de protection du faible, l’État prête sa puissance coercitive au démuni. Dans le gouvernement par la Loi, l’État venait ainsi protéger les plus faibles au nom d’une norme extérieure – le principe de fraternité par exemple. Mais désormais dans la gouvernance par les nombres, puisque le débat n’est plus sur la finalité (on parle d’indicateurs) mais sur les moyens efficaces, et puisque l’État est affaibli dans sa capacité à poser le droit, la solidarité doit justifier sa mesurabilité. Le plus faible doit fournir les « faits », les chiffres pour espérer bénéficier de la protection d’un plus fort, donc de l’État. Ce n’est plus l’égalité devant la loi, c’est la course aux faits à fort retentissement. Dans cette perspective, quelles nouvelles solidarités dans la société d’allégeances?

pour voir la présentation du livre et les analyses de celui-ci

Le christianisme n’est pas un humanisme

 

 

 

Laurent Fourquet : « Les chrétiens doivent être les dissidents du monde moderne »

-Philitt.fr

Le christianisme n’est pas un humanisme  – 26 avril 2018
Né en 1964, agrégé de sciences sociales, normalien et énarque Laurent Fourquet a notamment publié, en 2011, aux Editions du Cerf l’Ere du Consommateur et, en 2014, aux éditions François Bourin le Moment M4. 
juanasensio.com
« Comment sortir de la caverne, quelle révolte peut être assez puissante pour s’opposer au mensonge de l’idéologie humaniste qui promettait l’émancipation de l’homme et qui aboutit à une domestication sans précédent de l’espèce humaine ? »
Laurent Fourquet rejoint la pensée de Baptiste Rappin lorsqu’il met en lumière le processus de néantisation qu’on peut identifier au projet technoscientifique du management (3).
La seule révolte à la hauteur d’un tel processus est d’ordre métaphysique :
«J’appelle révolte métaphysique, en effet, une révolte s’attaquant au système des forces qui nous empêchent de vivre» écrit Laurent Fourquet (p. 165).
Ce système de forces, nous l’avons vu, nie la vie parce qu’il ne peut la soumettre à la détermination :
«L’existence est un constat scientifique ; la vie est le contraire d’un constat scientifique. L’existence est ce qui se pose là ; la vie est ce qui ne se pose jamais là. L’existence est déterminable ; la vie ne l’est pas» (p. 166).
Toutefois, la vie laisse des traces. La révolte métaphysique est l’une de ces traces. Elle est le premier pas nécessaire pour sortir de l’humanisme. Elle manifeste le désir d’absolu inhérent à la vie. Elle requiert le sacrifice des idoles – l’argent, les marchandises qu’il promet –, elle exige un travail d’ascèse qui retranche l’insignifiant.
S’ouvre alors le vide où peut se poser la question essentielle : quel absolu désirer, quelle vérité chercher ? L’absolu est une «notion dangereuse» (p. 187), car il y a un absolu du mal. « 
(3) «Cette domestication commencera par la conception de l’objet-embryon, qui sera soustraite au hasard de la nature pour être parfaitement programmée. […] Elle se poursuivra par l’organisation scientifique des désirs du sujet humain et la planification de la réponse économique et sociale de ces désirs. Elle se clôturera par la gestion bureaucratique de la mort, automatiquement activée dès lors que le sujet n’est plus apte à consommer, physiquement ou intellectuellement. Pendant ce temps, l’industrie du divertissement fournira les produits adéquats pour que l’homme, bombardé continûment d’images et de sons, de mots creux et de fantasmes, oublie sa domestication et finisse peut-être par l’aimer» (p. 168)

 

Votre titre à lui-seul constitue une provocation. Pensez-vous qu’elle est vraiment nécessaire et même urgente ?

Laurent Fourquet : Le fait même de percevoir mon titre comme une «  provocation  » témoigne du caractère hégémonique de l’humanisme dans la société occidentale, faisant de celui-ci l’une de nos ultimes vaches sacrées. Or, comme je tente de le démontrer dans mon ouvrage, l’humanisme procède d’une logique profonde qui, non seulement est différente de celle du christianisme, mais qui est à l’opposé de la parole chrétienne. Là où celle-ci valorise le don pur, libre et gratuit, l’humanisme, au contraire, est l’idéologie d’une appropriation généralisée du monde, et des choses au sein de ce monde, par le savoir qui les détermine, pour les classer et les ordonner au service d’une utilisation technique et/ou économique.

L’humanisme constitue ainsi l’une des formes les plus systématiques de la volonté de puissance dont on sait, dès le récit de la Genèse, comment elle contrevient au verbe de Dieu.
Dès lors, toutes les tentatives, naïves ou intéressées, pour «  sauver  » le christianisme en faisant de celui-ci une anticipation de l’humanisme, ou une forme spiritualisée de celui-ci, aboutissent au résultat contraire de celui souhaité par leurs promoteurs : non seulement parce qu’il n’est au pouvoir de personne de rendre un cercle carré, mais surtout parce que, en l’espèce, ce cercle et ce carré s’apparentent surtout à l’eau et le feu : deux principes qui s’excluent. Dès lors, toutes les tentatives de «  conciliation  », de limage des aspérités du christianisme pour ramener celui-ci à une simple sagesse humaniste vaguement spiritualisée ne seront jamais assez : il faut que le christianisme aille toujours plus loin dans la dénégation de soi et la soumission à une logique qui lui est étrangère ; il faut qu’il meure pour être accepté.

Voilà pourquoi il y a urgence à dénoncer de telles tentatives et une urgence de plus en plus urgente : c’est l’essence même de notre foi qui est en cause, et la possibilité d’entendre encore, en tout cas en Occident, une parole qui mette en cause l’appropriation nihiliste du monde, qui constitue le grand mouvement de notre époque.

Pensez-vous que cette identification humanisme/christianisme constitue un leurre, préjudiciable à l’annonce de l’Évangile ?

Pour les raisons que je viens de mentionner, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir entre le christianisme et l’humanisme une relation d’indifférence polie où chacun d’eux rend un hommage distrait aux vertus de l’autre. Nous nous situons dans une contradiction métaphysique, qui nous oblige à choisir, quand bien même nous voudrions être dispensés d’un tel choix : soit l’humanisme «  a raison  », c’est-à-dire que la domestication du monde et de lui-même par l’homme, la course au pouvoir technique et économique, constituent la fin, dans les deux sens de ce terme, de l’aventure humaine et, dans cette hypothèse, le christianisme est définitivement discrédité puisqu’il promeut la désappropriation de soi au service des autres ; ou bien, nous considérons que le chemin actuellement emprunté par l’Occident (et le reste du monde «  occidentalisé  » avec lui) est un sentier de perdition, une course au néant, parce qu’aucun pouvoir, aussi sophistiqué soit-il, ne comblera ce que Pascal appelait la «  misère de l’homme sans Dieu  », l’homme n’étant grand que lorsqu’il parvient à contempler de face cette misère, et le christianisme retrouvera alors, pour les hommes de ce temps, sa jeunesse, son éternelle jeunesse.

Par-delà la relation à l’authenticité du christianisme, n’est-ce pas la civilisation contemporaine que vous visez dans ses fondements et ses pratiques ?

Même si je déplore la trahison de leur passé, dans ce qu’il eut de plus glorieux, qui caractérise les Occidentaux actuels, ce n’est pas cette sensation, en tant que telle, qui gouverne ma réflexion. En d’autres termes, je ne critique pas la modernité occidentale pour son infidélité au passé, mais pour ce qu’elle est aujourd’hui, pour son présent. Dans cette perspective, mon propos constitue, effectivement, une critique radicale de cette modernité et des forces qui la gouvernent, mais, pour moi, la critique de la modernité et la quête du sens le plus authentique du christianisme ne se dissocient pas.
C’est bien parce que cette quête gouverne ma réflexion que la «  modernité  » occidentale me paraît injustifiable, dès lors évidemment que l’on ne confond pas cette modernité avec, par exemple, le progrès scientifique mais que l’on saisit sous ce terme un système d’organisation et d’exploitation des choses au service de la volonté de puissance.

Réciproquement, c’est bien parce que la civilisation contemporaine est régie, à un point jusqu’alors jamais atteint dans l’histoire, par des forces de dévastation de l’environnement tout autant que de l’esprit, par la recherche obsessionnelle du pouvoir et du profit, par une gestion organisée des désirs au bénéfice de ceux-là seuls qui ont les moyens de satisfaire ceux-ci, c’est bien parce que ce monde et cette société, bâtis autour de la domination et de l’appropriation, sont, dans les faits, de plus en plus pauvres, de plus en plus tristes, que seul un christianisme vécu véritablement me paraît pouvoir nous sortir de l’ornière dans laquelle nous enfonçons chaque jour davantage.

voir aussi l’interview de Laurent Fourquet  sur Philitt

et ses réponses au questionnement suivant :

PHILITT : Votre ouvrage, Le christianisme n’est pas un humanisme, s’inscrit dans la continuité de vos deux premiers livres, L’Ère du consommateur et Le Moment M4, qui critiquent tous deux la société de consommation actuelle. Néanmoins, vous proposez ici une critique spécifiquement chrétienne de notre époque. En quoi le christianisme constitue-t-il une force de subversion de la modernité ?

Vous insistez sur le lien historique et logique qui existerait entre l’idéal humaniste, dont vous situez l’apparition au XVIIIe siècle, et l’apparition de la figure contemporaine du consommateur. Une telle évolution est-elle inéluctable ?

Beaucoup en appellent à la tradition et au passé contre la modernité. Cependant, vous refusez de prendre parti entre le progressisme et la figure de celui que vous appelez le « réactionnaire révolutionnaire ». Pouvez-vous revenir sur cette opposition et montrer pour quelles raisons elle s’avère fictive ?

Le titre de votre ouvrage, Le christianisme n’est pas un humanisme, paraît renvoyer, en s’y opposant, au célèbre L’existentialisme est un humanisme de Jean-Paul Sartre. D’autre part, en insistant sur la vie, l’absolu et l’impossibilité de déterminer Dieu par la raison, vous semblez assez proche des figures de l’existentialisme chrétien comme Søren Kierkegaard. Opposeriez-vous un existentialisme athée, symptôme du subjectivisme moderne que vous combattez, et un existentialisme chrétien que vous adopteriez ?

Vous proposez, pour lutter contre l’imaginaire marchand de notre société, de penser une éthique du don absolu. Quelles en seraient les caractéristiques ? En quoi le chrétien serait-il plus perméable qu’un autre à une telle éthique ?

Vous prédisez, à la fin de votre ouvrage, une inimitié du « monde du Consommateur » de plus en plus accrue contre le christianisme et vous incitez les chrétiens à devenir des dissidents. Comment se manifesterait, selon vous, cette dissidence ? Quelles formes pourrait-elle prendre ?

le dernier mirage des techno-sciences : la géo-ingénierie pour lutter contre le réchauffement climatique

 

 

La géo-ingénierie c’est manipuler le climat en vue d’atténuer le réchauffement climatique

(Voici l’histoire de nouveaux pyromanes- pompiers  présentant au GIEC  d’autres  solutions technico-industrielles  en vue de réduire les effets  des orientations  négatives de nos sociétés)

Il faut que des débats publics s’engagent sur ces nouvelles orientations qui veulent mettre le climat sous contrôle de la techno-industrie. Ces orientations  montrent le vrai nez de ce que représente la notion de développement durable dans un monde laissé au capitalisme technico-industriel.

Cet article est publié à l’occasion de l’ouverture dans quelques jours de la Conférence de Katowice en Pologne sur le réchauffement climatique – COP 24-qui aura lieu à Katowice du 3 au 14 décembre 2018. Elle est la 24ᵉ des conférences annuelles de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Cet  article met en garde et informe sur l’orientation probable, totale ou partielle, de l’usage de la géo-ingénierie pour lutter contre le réchauffement climatique tout en maintenant le sacro-saint développement durable  projet commun au monde technologique et au monde industriel hélas partagé par une partie du courant qui se revendique de l’écologie.

 

La géo-ingénierie apparaît dans les années 1950. Elle trouve sa première grande application durant la guerre du Vietnam entre 1967 et 1972. Durant cette période l’opération Popeye a consisté a ensemencer  les nuages avec de l’iodure d’argent pour accentuer avec succès les effets de la mousson.

Dans la vidéo qui suit le présentateur expose que le GIEC a fait état pour la première fois de cette possibilité dans le résumé à l’intention des décideurs en 2013.

Amy Dahan directeur de recherche émérite au CNRS et co-auteur en 2015 de l’ouvrage « gouverner le climat ? vingt ans de négociations internationales » met en garde contre cette nouvelle orientation prométhéenne.

 

Il y a deux grandes orientations actuelles en ce sens qui ont déjà donné lieu à des dépôts de brevets :

La première s’appelle SRM – Solar Radiation Management-Elle consiste à émettre des aérosols stratosphériques pour réfléter les rayons du soleil.

La seconde dite CDR – Carbon Dioxyde Removal telles que la bioénergie avec captage et stockage du carbone – cf document sur ce sujet-, le biochar , la fertilisation des océans , l’ altération améliorée des conditions atmosphériques et la capture directe de l’air associée au stockage- capture et stockage du CO2-, envisage de capter le CO2.

Ce deuxième procédé est beaucoup plus avancé dans la réflexion des structures qui réfléchissent à limiter le réchauffement climatique ainsi qu’en témoigne les renseignements tirés de Wikipédia sur ce sujet :

« Le besoin probable CDR a été publiquement exprimé par une série de personnes et organisations impliquées dans les questions de changement climatique, y compris du GIEC chef Rajendra Pachauri , [6] la CCNUCC secrétaire exécutif Christiana Figueres , [7] et le World Watch Institute . [8] Les institutions avec grands programmes mettant l’ accent sur les CDR comprennent le Centre Lenfest pour l’ énergie durable à l’ Institut de la Terre, Université de Columbia , [9] et la décision climatique Faire Center, [10] une collaboration internationale a été mise en place par le département d’ingénierie et de politique publique de l’université Carnegie-Mellon. »

cf là sur le site Mit Technology Review l’exposé de Julio Friedmann qui a supervisé les efforts de recherche et de développement sur le charbon propre et le captage du carbone à l’Office of Fossil Energy du département de l’Énergie des États-Unis. Il travaille entre autres avec le Global CCS Institute, la Energy Futures Initiative et Climeworks , une entreprise basée en Suisse qui construit déjà des usines pilotes qui extraient le dioxyde de carbone de l’air.

 

 

 

la capture et le stockage du carbone – CSC-sur le site de l’Agence internationale de l’énergie :

Le captage et stockage du carbone, ou CSC, est une famille de technologies et de techniques permettant de capter le dioxyde de carbone (CO ) provenant de la combustion de combustibles ou de procédés industriels, de transporter le CO  par des navires ou des pipelines et de le stocker sous terre, en épuisement. champs de pétrole et de gaz et formations salines profondes.

Le potentiel pour le captage et le stockage du CO2 de générer des émissions négatives lorsqu’il est associé à la bioénergie fait partie intégrante de l’utilisation de l’énergie et devient  neutre en émissions de CO 2 en 2060. La construction d’  infrastructures de transport et de stockage du CO 2 est essentielle pour débloquer le déploiement du captage à grande échelle.

Les technologies de captage et de stockage du carbone devraient jouer un rôle important dans la réponse climatique mondiale. Suite à la ratification de l’Accord de Paris, la capacité du CSC à réduire les émissions provenant de l’utilisation de combustibles fossiles dans la production d’électricité et les processus industriels – y compris des installations existantes – sera cruciale pour limiter les augmentations de température à « bien en dessous de 2 ° C », comme prévu dans l’accord. La technologie CSC sera également nécessaire pour produire des « émissions négatives » dans la seconde moitié du siècle si nous voulons atteindre ces objectifs ambitieux.

Les technologies CCS ne sont pas nouvelles. Cette année marque la vingtième année d’activité du projet Sleipner CCS en Norvège, qui a capté près de 17 millions de tonnes de CO2 provenant d’une installation de production de gaz naturel en mer et les a stockées de manière permanente dans une formation de grès située sous le fond de la mer. Les applications individuelles du CSC sont utilisées dans les processus industriels depuis des décennies, et des projets d’injection de CO2 pour la récupération assistée du pétrole sont mis en œuvre aux États-Unis depuis le début des années 1970.

Cette publication examine les progrès réalisés par les technologies CSC au cours des 20 dernières années et examine leur rôle dans la réalisation des objectifs de 2 ° C et bien en dessous de 2 ° C. Sur la base du scénario 2 ° C de l’Agence internationale de l’énergie, il examine également les implications pour le changement climatique si le CSC ne faisait pas partie de la réponse. Il examine également les possibilités d’accélérer le déploiement futur du captage et du stockage du CO2 pour atteindre les objectifs climatiques fixés dans l’Accord de Paris.

cf les projets au 30 septembre 2016

Vers un climat artificiel ?

Sur le site climat artificiel. com, créateur du site l’observatoir du réelPatrice Hernu docteur en mathématiques et en économie appliquée indique que la géo-ingénierie s’oriente sur la pente glissante de la recherche non contrôlée

Les 10 et 11 octobre 2017, chercheurs et décideurs se réunissaient pour débattre de l’émergence de la géo-ingénierie, de ses procédés (BECCSCDRSRM [1]), des moyens de convaincre l’opinion public comme faire intervenir des responsables religieux, de la montée du populisme et de son influence sur l’implémentation de ces projets, des expérimentations passées et à venir (SCoPEx) : injection d’aérosols par ballon dirigeable à 20 000 m d’altitude à l’automne 2018 !

La conférence de quatre jours a été organisée par l’ Institut de recherche sur la durabilité (IASS) à Potsdam, en Allemagne, et comprend des orateurs et des participants du monde entier, notamment du Japon, de la Jamaïque, des États-Unis et de l’Inde.

  • Les articles de Patrice Hernu sur « Climat Artificiel Urgence »
  • Vers la géo-ingénierie : analyse du rapport du GIEC 2018

« Le rapport spécial du GIEC est paru le 8 octobre 2018. Il alerte sur les conséquences d’une augmentation des températures globales de 1,5°C à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Il insiste sur l’urgence à agir, dresse la liste des actions à mener et décrit les procédés de géo-ingénierie visant à contenir cette augmentation. On y est : comment lutter contre les effets de la pollution industrielle avec une industrie manipulant le climat encore plus polluante mais compatible avec le modèle économique en place et les profits qu’il génère. »

Voici un passage du communiqué de presse du GIEC 2018 à l’intention des décideurs :

« Il est indiqué dans le rapport que la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C nécessiterait des transitions «rapides et de grande envergure» dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment, du transport et de l’urbanisme. Les émissions mondiales nettes de dioxyde de carbone (CO2) d’origine anthropique devraient être réduites d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030, et il faudrait atteindre un «bilan nul» des émissions aux alentours de 2050, ce qui signifie que les émissions restantes devraient être compensées en éliminant du CO2 de l’atmosphère.
«Du point de vue des lois de la physique et de la chimie, la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 ºC est possible, mais il faudrait, pour la réaliser, des changements sans précédent» a précisé Jim Skea, coprésident du Groupe de travail III du GIEC.
Laisser le réchauffement dépasser temporairement l’objectif de 1,5 ºC impliquerait une plus grande dépendance vis-à-vis des techniques d’élimination du CO2 atmosphérique si l’on souhaite ensuite revenir en dessous des 1,5 ºC en 2100. L’efficacité de ces techniques reste à prouver à grande échelle, certaines étant même susceptibles de représenter un risque considérable pour le développement durable, est-il précisé dans le rapport. » Communiqué de presse du 8 octobre 2018 : résumé à l’intention des décideurs

 

 

 

Géo-ingénierie : la science de la modification du climat, plongez au cœur de cette investigation incroyable sur une science aux méthodes singulières et aux conséquences climatiques et sanitaires sans précédent.

documentaire de  13 mn

journaliste et photographe professionnelle, Jacqueline Roche a toujours été à la recherche de fonds de ciels bleus pour son travail sur l’image. Avec le temps, elle observe que ces fonds ne sont plus aussi intensément bleus, que notre ciel est souvent voilé, nettement moins lumineux.

Ce constat l’entraîne dans une enquête sur les modifications climatiques, les accords les concernant, leurs enjeux, la mission intergouvernementale dédiée à l’évolution climatique et la controverse sur le réchauffement.

Elle rencontre alors une personnalité indépendante bien informée et connue pour ses avis documentés, Patrice Hernu. Celui-ci révèle que certains scenarii de la COP21 recourent à la géo-ingénierie.

Dès lors les questions se multiplient. Pourquoi ce manque d’informations ? Qu’est-ce que la géo-ingénierie ?

II s’agit d’une science ; une technologie industrielle qui consiste à pulvériser des aérosols dans l’atmosphère pour créer un ensemencement des nuages et filtrer le rayonnement solaire.

Quelles sont les conséquences ou les dangers de cette manipulation du climat ? Le réchauffement est-il la conséquence du niveau du CO2 dans l’atmosphère ou des modalités de son émission ?

Son enquête l’a conduite à la rencontre de Renaud Suquet, issu d’une famille d’agriculteurs de père en fils et directement concerné par le climat et ses changements.

Quelles conséquences sur l’acidification de notre corps ? S’agit-il d’un nouvel épisode sanitaire ? Sommes-nous correctement informé sur les recherches scientifiques liées au climat ? Sur la croissance des métaux lourds ? Les pics de pollution aux particules fines ? Les interactions de tous ces phénomènes climatiques ?… notre réalité ?

Ainsi les méthodes de géo-ingénierie, sont en passe de devenir la finalité d’une industrie émergente aux possibilités prometteuses, le discours sur le réchauffement climatique ne serait-il qu’un prétexte à défaut d’une légitimité ?

Si cette technologie recours à des projets réels et si les questions posées rejoignent celles d’autres citoyens du monde, il est juste de susciter un vrai débat citoyen et de commencer à l’alimenter sans parti pris.

 

 

Extractivisme : l’envers de la mine

 

(Zite.fr)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sciences Critiques et le Festival du livre et de la presse d’écologie (Felipé)ont le plaisir de vous inviter à un débat sur l’extractivisme, intitulé « Extractivisme : l’envers de la mine », le dimanche 14 octobre, à Paris, de 14h à 15h30.

Lieu :
100 Etablissement Culturel Solidaire (100 ECS)
100 rue de Charenton – 75012 PARIS
Accès : Gare-de-Lyon (métro 1 et RER A), Reuilly-Diderot (métros 1 et 8) et Ledru-Rollin (métro 8)

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L’extractivisme représente la face cachée, si ce n’est obscure, de notre société de croissance. Au soubassement de notre mode de vie occidental moderne, l’extraction minière – à l’histoire longue et mouvementée – figure parmi les activités industrielles les plus polluantes au monde. Contaminations irréversibles des écosystèmes, impacts néfastes sur les populations autochtones, mainmise des multinationales privées sur les biens communs naturels, etc. Les nuisances de l’exploitation industrielle de la nature – et, plus globalement, du productivisme – sont dévastatrices autant qu’insoutenables.

A l’instar d’autres pays (Brésil, Canada, Afrique du Sud…), la France n’est pas épargnée par la « folie extractive ». Le projet controversé de la mine de la Montagne d’Or, en Guyane, est une illustration de ce que certains élus, suivant le sillon des industriels, appellent le « renouveau minier français ». Sur le terrain – comme à Salau, en Ariège, ou encore en Bretagne –, les résistances s’organisent. Citoyens, collectifs, associations et ONG environnementales se mobilisent, en France comme dans le reste du monde, pour mettre en échec les méga-projets miniers, au cœur de conflits sociaux parfois violents.

Face à l’extractivisme forcené, que faire ? L’ouverture de mines « made in France », respectant les normes environnementales françaises, constitue-t-elle une alternative crédible à l’exploitation des mines dans les pays du Sud ? Que penser du concept de « mine responsable » défendu par le gouvernement ? Une solution durable ne réside-t-elle pas, en réalité, dans une décroissance de notre consommation de ressources naturelles – et, en premier lieu, de minerais et de métaux – et d’énergie ?
En présence de :
– Anna Bednik, journaliste indépendante, auteure de Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances (Le Passager clandestin, 2015) et de Creuser jusqu’où ? Les limites de la croissance (Ecosociété, 2015)
– Nicolas Sersiron, ex-président de CATDM-France (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes), auteur de Dette et extractivisme. La résistible ascension d’un duo destructeur (Éditions Utopia, 2014)
– Mathieu Brier, membre de la Revue itinérante d’enquête et de critique sociale Z, co-auteur de Mauvaises mines. Combattre l’industrie minière en France et dans le monde (Les Ami-e-s de Clark Kent, 2018) cf défaire l’industrie

Le monde comme projet Manhattan

le passager clandestin

Début août 1945, le monde, fasciné, découvre la puissance du feu nucléaire. Les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, deux villes choisies dans le but de « causer le maximum de dégâts et de pertes en vies humaines », sont l’aboutissement inévitable du projet Manhattan. Initié et mené dans le plus grand secret, ce dernier a réuni quatre années durant la fine fleur de la science internationale, les industries de pointe étatsuniennes (de Monsanto à Westinghouse) et la puissance de l’État adossé à son armée.

Or le projet Manhattan est le strict contemporain d’une autre entreprise de mort massive, celle qui culmine à Auschwitz-Birkenau. La thèse de ce livre est que ces deux moments (Auschwitz et Hiroshima) sont les « points de bascule » d’une histoire inaugurée un siècle plus tôt dans l’alliance entre mode de connaissance scientifique, capitalisme industriel et États-nations, qui a débouché sur les premières lois eugénistes et les massacres de la « Grande Guerre »

 

Lumières : aveuglements

 

Jean-François Colosimo, né le  à Avignon, est un historien, théologien, éditeur, documentariste et essayiste français. Il est Président du directoir et directeur général  des éditions du Cerf depuis 2013, après avoir été président du Centre national du livre de 2010 à 2013.

Spécialiste du christianisme et de l’orthodoxie (il est lui-même chrétien orthodoxe), il enseigne depuis 1990 l’histoire de la philosophie et de la théologie byzantine à l’Institut Saint-Serge. Il est membre du comité d’orientation scientifique de l’Institut européen en sciences des religions créé en 2002 au sein de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. 

« Nous demeurons aveuglés par les Lumières » – La Vie  – Henrik Lindell  le 27/02/2018

 

Iconoclaste, l’historien et théologien s’attaque à la part obscure de la « religion du progrès » née en Europe au XVIIIe siècle. Et pourfend le nihilisme qu’elle aurait, selon lui, enfanté.

Dans Aveuglements, puissante fresque de plus de 500 pages, le bouillonnant Jean-François ­Colosimo, directeur des éditions du Cerf, règle ses comptes avec la modernité, toutes ses guerres et ses nouvelles idéologies trompeuses.

Vous dénoncez la « face cachée » des trois derniers siècles, à savoir le nihilisme qui serait à l’origine des idéologies meurtrières modernes. Et la source de nos aveuglements serait les Lumières. Pouvez-vous expliquer ?

Ce livre procède d’un constat : la modernité, qui est née avec les Lumières, et particulièrement les Lumières françaises, a marqué l’avènement d’un temps qui se voulait radicalement nouveau. Il fallait en finir avec « l’obscurantisme », et la religion était le signe éminent de tous les esclavages passés. Pendant deux siècles, l’idéologie dominante a été que l’homme devait devenir le créateur de lui-même. Mais cette époque-là est révolue.

Nous assistons désormais à la fin du mythe du progrès et de ce que j’appelle la religion du progrès. Fini l’homme autonome, l’homme sans transcendance et sans limites. Problème : nous ne l’avons pas encore bien compris, car nous demeurons aveuglés par le soleil des lendemains radieux que promettaient les Lumières. Il en va de ce soleil comme des astres quand ils vieillissent et meurent : ils deviennent noirs. Ils irradient alors d’une lumière qui est fausse, ce qui provoque une forme d’éclipse et on ne voit plus rien. Nous n’avons pas pris la mesure de cet échec monstrueux que sont les Lumières.

( cf l’exposé sur la page du Temple des Consciences )

Vous suggérez même que les Lumières, contrairement à ce qu’elles prétendaient, ont fait naître des religions plus oppressives que jamais. N’est-ce pas aller trop loin ?

Les Lumières françaises ont critiqué radicalement le fait religieux. Elles l’ont stigmatisé comme le signe de l’humanité débile qui n’a pas pris la pleine mesure de ses pouvoirs. Elles l’ont condamné en le réduisant à la soumission à un Dieu faux, inexistant, arbitraire. À une idiotie ou à une pathologie. La modernité nous a bercés de l’illusion que la religion appartenait au passé. Mais que voit-on aujourd’hui ? Il suffit d’allumer la télévision et il saute aux yeux qu’on tue au nom de Dieu.

On parle de « retour de la religion » ou de « revanche du sacré ». On dit que « le Moyen Âge resurgit ». Ce qui prouve que l’on n’a vraiment rien compris. La stratégie des Lumières a été de noircir le passé pour mieux exalter un futur libéré du religieux. Mais, à la vérité, le religieux ne nous a jamais quittés. La grande tromperie de la modernité est là : elle a prétendu qu’elle allait chasser le religieux, alors qu’elle n’a fait que créer des religions séculières qui, oui, sont plus criminelles que ne l’ont jamais été les religions historiques.

Mais quelles religions ?

En 1793, Robespierre crée le culte de l’Être suprême, avec son catéchisme, ses rites, son calendrier. Il se montre en cela plus religieux que Louis XVI. Il sait également que, sans la croyance dans ­l’immortalité, on ne peut fonder la vertu publique et mobiliser les masses. La conscription lui permet de faire de tous les citoyens des soldats. Il ouvre ainsi l’ère des grandes apocalypses. D’abord le « populicide » en Vendée, bien sûr. Puis les massacres à l’échelle industrielle lors de la Première Guerre mondiale. Enfin, la Shoah, le Goulag et tous les charniers sans nom.

Ces religions modernes réclament le sang. Elles sont sacrificielles.

C’est le cas du nazisme avec ses grandes messes, son culte de la personnalité et ses folies scientistes, qui représentent une manipulation typique de la modernité : dans sa volonté illimitée, l’homme-Dieu se fabrique lui-même.

Même constat pour le communisme, avec ses pontifes Lénine et Staline, ainsi que l’hérétique en chef, Trotski, et son Internationale missionnaire. Quoi de plus religieux que les liturgies militaires sur la Place Rouge ? Lénine embaumé s’inscrit dans le mythe de l’immortalité.

Le génocide au Cambodge revêt, lui aussi, un aspect religieux. Dans les camps, les Khmers rouges diffusent pour message : « Jusqu’après ta mort, l’Organisation continue de te surveiller. » Il y a donc eu un au-delà même pour l’athéisme militant.

LE MONDE |  |Par Jean Birnbaum

Dans un bref essai paru à Vienne en 1938 et immédiatement confisqué par la Gestapo, le philosophe Eric Voegelin (1901-1985) faisait du nazisme une expérience religieuse, une espérance apocalyptique, une mystique sanglante : « Et le geste sera bon, si rouge coule le sang », disait un poème récité par les zélateurs hitlériens. Raillant les intellectuels qui refusaient d’envisager le noyau religieux du totalitarisme, Voegelin écrivait : « La question religieuse reste taboue pour ces esprits sécularisés ; et la soulever sérieusement et radicalement aujourd’hui leur apparaît comme douteux – peut-être aussi comme une barbarie ou un retour vers le sombre Moyen Age. » Ce petit livre indispensable, Les Religions politiques, a été traduit en français en 1994 aux éditions du Cerf.

Un demi-siècle plus tard, Jean-François Colosimo, le patron de cette vénérable maison fondée par des frères dominicains, s’inscrit en partie dans le même sillage. Alors que d’autres fanatiques font couler le sang avec ferveur, il publie Aveuglements, livre plus épais que celui de Voegelin, mais qui décrit également le « lien impensé » entre politique et théologie. Déjà auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Colosimo signe ici son essai le plus personnel. On y retrouve son érudition exaltée, mais aussi cette écriture subtilement ténébreuse qui vaut sans doute fidélité à son maître, le penseur post-maurrassien Pierre Boutang (1916-1998).

« A quoi mourons-nous symboliquement et de quoi meurent, assassinés, trop d’entre nous ? » D’entrée de jeu, la question est vaste. Pour y répondre, Colosimo emmène son lecteur dans une méditation de longue haleine, où il croisera de nombreux auteurs d’époque et d’horizon différent.

 

Quand un tenant du rationalisme scientifique et communiste révolutionnaire dénonce l’écologie

 

 

Cet article sur un blog de Médiapart s’inspire de l’article de Jean-Baptiste Mallet dans le Monde diplomatique d’août 2018 :

« Frugalité et marketing : le système Pierre Rabhi « 

Le ton est donné et ci-dessous Yann Kindo reprend le propos et l’étend à certaines figures de l’écologie politique comme Michèle Rivasi, à la pensée écologique spirituelle chrétienne comme Limite.

 

Le 13 août 2018 Fabrice Nicolino produit un long texte d’analyse et de dénonciation du procédé du journaliste Jean-Baptiste Mallet qu’on peut lire ici. Il y dénonce toutes les manipulations intellectuelles auxquelles se livre Mallet  pour détruire l’image de Pierre Rabhi .

Que le lecteur prenne le temps de cette lecture dont voici la conclusion :

 

« Il reste et il demeurera pour moi que Jean-Baptiste Malet et Le Monde Diplomatique ont commis ensemble une mauvaise action contre un homme qui ne méritait pas cela. Pierre Rabhi a ses limites, ses contradictions et ses défauts, ce qui n’étonnera personne. Mais tel qu’il est, il appartient à la très vaillante race des prophètes. Qui montrent par l’exemple de leur vie qu’il est possible de bâtir autre chose. Et selon moi, ce quelque chose que nous apporte à tous Rabhi, et même à Malet à son corps défendant, c’est l’espoir. L’espoir d’un monde où la solidarité, la coopération, l’amour de la nature et des bêtes, la pauvreté digne auront triomphé de la domination de quelques-uns sur tous.« 

 

 

 

A l’intersection  de la pensée du rationalisme scientifique et du communisme révolutionnaire :

 

Une pensée ultra conservatrice dans le domaine de la science – référence au consensus scientifique- qui défend sans l’avouer la religion du Progrès scientifique et ses clercs comme en d’autres temps lointains d’avant la modernité d’autres défendaient l’Eglise. Une pensée qui dénonce  à travers l’action et la pensée de Pierre Rabhi , de Limite ou de Michèle Rivasi les courants spirituels et les écologistes  investis dans la lutte contre notre dérive matérialiste, scientifique, technologique et industrielle.  Bref, rien de nouveau sous le soleil : une pensée du XIX ième siècle strictement rationaliste et communiste, arc-boutée sur sa vision matérialiste du monde  et qui défend becs et ongles les acquis de la modernité …sans en voir – ou vouloir voir – tous les ravages.

Certains naissent trop tard dans un monde trop vieux…ce qui n’empêche pas de les écouter et d’entendre parfois leurs critiques comme par exemple celles-ci : ce travail non rémunéré qui est pointé du doigt : fermes agroécologiques :

notre visite chez des agroécologues ardéchois 

fermes du Bec Hellouin et microfermes 

 

sur le blog bien renseigné de la faucille et le labo sur Médiapart

sous la plume de Yann Kindo, qui se présente enseignant en histoire et géographie

« La faucille et le labo , qui défend à la fois les idées du  rationalisme scientifique et celles du communisme révolutionnaire.

On peut y trouver un fil politique :

« Ainsi, même si ce blog que je rédige passe la majeure partie de son temps à attaquer l’écologie politique au nom de la grille de lecture communiste, en ma prime jeunesse j’étais plutôt tenté par la synthèse des deux [c’qu’on peut faire comme conneries quand on est jeune, quand même…]. Même que sur mon premier micro-ondes que j’ai eu pour mes 18 ans, j’y avais collé un autocollant du PSU « Verts Rouges, enfin ça bouge « 

L’origine de la pensée ici exprimée sur ce blog  se trouve dans une attaque frontale contre l’alterscience représentée ici selon l’auteur par Michèle Rivasi – cf ici le livre d’Alexandre Moatti, –polytechnique, corps des mines– sur le sujet-:   » Du haut de son agrégation de biologie, Michèle Rivasi s’est fait une spécialité de promouvoir différentes facettes de l’alterscience, en contestant systématiquement ce qui est le consensus scientifique sur certains sujets majeurs« .  ( le « consensus scientifique » c’est pas très révolutionnaire  comme référence de la pensée !    Comment la pensée scientifique évolue-t-elle sinon parfois par ruptures révolutionnaires par rapport au consensus scientifique pour parvenir  ensuite à un nouveau consensus. )

 

Il y a donc dans ce blog bien documenté, présentant certaines critiques qui peuvent être entendues, une attaque  en règle de la pensée écologique d’inspiration spirituelle Limite, revue d’écologie intégrale « pour les catho réac« , « mystique de la Terre » chez Rabhi (PR)- cf là l’interview de PR pour le « le chant de la Terre » –  et critique chez cet historien-géographe de la mise en cause des dérives de la science dans l’agrochimie ou la médecine au nom sans doute de la défense du  » consensus scientifique. »

Ne touche pas au consensus scientifique, bible de la religion du Progrès et qui nous promet des lendemains qui chantent  ?  Ceux qui le font au nom de leur spiritualité, de leur vision poétique, sont accusés à ce titre de leurs liens ou sensibilités avec d’autres religions, courants spirituels, ou de dérive scientifique  vers « l’alterscience » , mot valise introduit par Alexandre Moatti en 2013.

 

Voici là le passage d’une critique par Yann Kindo de la pensée de Gaultier Bès qui développe sa vision d’une écologie intégrale dans une émission consacrée à la PMA.

14 juillet 2018 : A propos d’une émission les rencontres de Pétrarque sur France Inter à propos de la PMA

dénonciation de la revue Limites qui se revendique l’ « écologie intégrale » : approche qui est fondamentalement « conservatrice » pour ne pas dire « réactionnaire » et citation du propos  de Gaultier Bès, le « catho réac » de la revue Limites.

« Ce que je prône et ce que nous essayons de vivre, c’est une économie beaucoup plus domestique, où l’on change complètement de paradigme : on quitte l’idée du salariat, de gagner de l’argent qui nous permet de nous offrir des loisirs et des produits mondialisés, et où on essaie de relocaliser nos existences. »

« Comment on fait pour vivre le plus harmonieusement possible avec nos corps ? Comment on fait pour composer le mieux possible notre existence avec nos corps ? Il y a là à mon avis un paradigme socio-économique à changer de fond en comble, et là il y a du travail, et je pense que les anticapitalistes sont attendus là-dessus ».

« Nous vivons dans la société des pesticides, des perturbateurs endocriniens, et de pollutions qui sont partout, partout, partout, et donc nous créons aussi, par notre mode de vie, par notre frénésie collective, les conditions de notre propre infertilité. »

puis, à propos de la PMA : « Est-ce que contourner la nature par des moyens techniques est une émancipation ? C’est effectivement le progrès de la technique, du système technicien, qu’on nous a vendu depuis des décennies. Mais le problème, c’est que ce contournement d’une limite naturelle – l’âge, le sexe, d’éventuelles pathologies – en fait, cache, et de plus en plus mal à mon sens, une véritable aliénation (…) qui passe par une soumission des personnes à un système technicien, à un système d’experts en blouse blanche, et à un système marchand. Parce que (…)  le système des dons, ce n’est pas seulement de donneurs de sperme très gentils, très généreux, très altruistes, c’est d’abord un énorme business.  Un simple chiffre : le chiffre d’affaire des banques de sperme dans le monde, c’est 5  milliards de dollars par an (…). Moi j’y vois plutôt une extension du domaine du capitalisme, du techno-capitalisme, qui essaie de faire profit, de faire fric d’une frustration bien compréhensible »

Yann Kindo :

« ce que dit le catho Bès, c’est pile poil sur tous ces sujets ce que dit le gaucho Testart,

Dans ces cas de conjonctions « brunes-vertes », on est au-delà des simples apparences. Ce n’est pas comme lorsque les fascistes utilisent une phraséologie socialisante pour faire de la démagogie à destination de leurs cibles dans les classes populaires. Ce que j’essaie de montrer sur ce blog depuis des années, c’est que l’écologie politique est une pensée qui est en elle-même réactionnaire, et que les similitudes éclatantes dans la bouche de Gaultier Bès ne sont pas de surface mais bien essentielles. Dans cette histoire, il y a certes des récupérations de thèmes écolos par l’extrême droite, mais ce n’est qu’un  juste retour des choses car il y a aussi et d’abord eu des récupérations de thèmes d’extrême-droite par les écolos. Un exemple éminemment symbolique en est le fait qu’avant qu’elle ne devienne un lobby pseudo alternatif, l’agriculture bio a été en France fondée par des militants poujadistes : »

http://www.bio-lelivre.com/Raoul-Lemaire-1884-1972.html

On y trouve aussi le dézingage en règle de Rabhi : cf Le  Rabhi-bashing est un axe important de ce blog

On y dénonce son incompétence crasse, notamment dans le domaine agricole qui l’a rendu célèbre, et dans lequel il a formé des disciples à son image, c’est à dire  incompétents.

On y développe le caractère parfaitement réactionnaire de sa pensée philosophico-mystique fondée sur l’adoration de la nature.

On cite René Dumont : https://www.youtube.com/watch?v=gCT5FA8_cRA

tout en le dézinguant au passage pour sa vision malthusienne .

dénonciation du bide du bio 

dénonciation de la lutte contre le glyphosate

dénonciation de la lutte contre la vaccination 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le sens de la technique est une question politique

Mr Mondialisation : À la veille des (f)Estives de la décroissance qui se tiendront du 20 au 23 juillet prochains sur le thème du « sens de la technique », Michel Lepesant, (p)artisan de la décroissance et membre de l’organisation, nous explique pourquoi il est urgent de penser de manière politique notre quotidien fait d’ordinateurs, de téléphones portables et d’intelligences artificielles. Interview.

la décroissance sur Wikipédia 

Le terme « décroissance » a été utilisé pour la première fois par André Gorz en 1972.

Selon les acteurs du mouvement de la décroissance, le processus d’industrialisation a trois conséquences négatives :

des dysfonctionnements de l’économie (chômage de masse, précarité, etc.),

l’aliénation au travail (stress, harcèlement moral, multiplication des accidents, etc.)

 la pollution, responsable de la détérioration des écosystèmes et de la disparition de milliers d’espèces animales.

L’action de l’homme sur la planète a fait entrer celle-ci dans ce que certains scientifiques considèrent comme une nouvelle époque géologique, appelée l’Anthropocène (qui aurait succédé à l’Holocène), et cette action menacerait l’espèce humaine elle-même. L’objectif de la décroissance est de cesser de faire de la croissance un objectif.

pour découvrir la décroissance sur Wikipédia

10e anniversaire des conférences internationales de la Décroissance

sur Médiapart : Federico Demaria,Recherche et Décroissance, Institute of Environmental Science and Technology, Universitat Autònoma de Barcelona-Article publié initialement en anglais dans The ecologist – TRADUCTION: Anne Robert

Nous célébrons cette année le 10e anniversaire de la première conférence internationale sur la décroissance tenue à Paris en 2008. Cet évènement marque la percée dans le monde anglophone du slogan militant français de la décroissance ainsi que l’entrée de ce concept dans la sphère académique où on s’y réfère sous le terme de «Degrowth».
Le collectif académique Research and Degrowth (R&D) vise à faciliter la mise en réseau et le partage d’idées entre les multiples acteurs qui travaillent sur la décroissance en particulier dans le milieu académique :première conférence (Paris, 2008), la deuxième (Barcelone, 2010) et a soutenu celle de groupes de soutien pour des  conférences à Montréal et à Venise (2012), à Leipzig 2014 et la cinquième à Budapest.

1) En 2018 auront lieu trois grandes rencontres internationales de la décroissance

La sixième conférence internationale sur la décroissance: «Les formes de dialogue par des temps difficiles» à Malmö en Suède les 21 et 25 août.

La première conférence nord-sud sur la décroissance: «Décoloniser l’imaginaire social»à Mexico les 4-6 septembre.

La décroissance au parlement européen : une conférence post-croissance pour remettre en question la pensée économique des institutions européennes en s’adressant à des acteurs importants de la formulation de politiques publiques au parlement européen les 18 et 19 septembre à Bruxelles (Belgique).

 

2) Publications académiques: éditions spéciales, articles et livres

En 2008, il n’existait qu’un nombre restreint de publications en anglais sur la décroissance (Latouche, 2004 et Fournier, 2008. Je pense que les huit éditions spéciales ont joué un rôle important et ont permis d’établir la légitimité des questions de recherches que soulèvent la décroissance en tant que concept académique. (Schneider et al. 2010Cattaneo et al 2012Saed 2012Kallis et al. 2012Sekulova et al 2013Whitehead, 2013Kosoy, 2013Asara et al, 2015).

Après cette première vague d’éditions généralistes, j’anticipe une deuxième vague sur des thèmes plus spécifiques: Technologie et décroissance par Kerschner et al 2015, à venir: Tourisme et décroissance dans le Journal of Sustainable Tourism, Justice environnementale et decroissance dans Ecological Economics et éventuellement un autre sur Féminisme et décroissance ou d’autres qui présenteraient la décroissance comme une discipline à part entière.

 

Pour la vie, contre la dérive strictement rationaliste et mécaniste des Lumières

 

 

pour lire un extrait du livre

 

Le texte présenté date de 1913. Il est sans doute le premier manifeste écologique moderne qui met en garde contre la tendance prométhéenne du rationalisme mécaniste qui s’exprime dans l’industrialisation, fruit des Lumières, auxquelles Klages oppose une philosophie de la vie.

Klages n’est pas le premier lanceur d’alerte. Dès la fin du XVIIIe siècle, des voix s’étaient élevées pour s’inquiéter de l’excessive consommation de bois exigée par les machines à vapeur.

La mise en garde contre les dangers « prométhéens » du rationalisme théorique et pratique (résumé par la parole de Francis Bacon « Science is power ») s’est exprimée dès le siècle des Lumières lui-même.

Les Romantiques allemands, au nom des valeurs traditionnelles, mais aussi devant les premiers effets négatifs de l’industrialisation, tels qu’ils se manifestaient déjà en Angleterre,  s’en sont pris à l’idéologie du progrès.

Leurs analyses reposent sur l’opposition du mécanique et de l’organique. Ils condamnent un rationalisme qui sur le plan cognitif considère le monde comme une machine et sur le plan pratique comme un objet à exploiter. Ils sont les premiers à formuler le thème de la « mécanisation du monde  » dont traitera Walther Rathenau encore un siècle plus tard, ainsi que la critique d’un capitalisme aliénant l’homme. Dans le dernier quart du XIXième  siècle, la critique de la civilisation moderne sera alimentée en Allemagne par une révolution industrielle et une urbanisation rapides et brutales. À côté d’anti-lumières traditionalistes, se développera tout particulièrement ici une « philosophie de la vie » (Lebensphilosophie) qui verra dans l’esprit ou la raison une instance destructrice du «  monde de la vie  ». Parallèlement, apparaît en terres allemandes toute une nébuleuse de
mouvements sociaux qui expriment une protestation contre les dommages de l’industrialisation. On peut y distinguer les mouvements de réforme de vie qui prônent un mode de vie alternatif, plus sain et plus libre (aujourd’hui encore on trouve en Allemagne des « Maisons de la réforme » qui proposent des produits diététiques), des mouvements de protection de la nature et du patrimoine, et enfin, le plus connu d’entre eux, Klages est l’héritier de toute cette tradition. A l’origine, son texte est précisément un discours tenu lors de la «  fête de la jeunesse  » organisée les 11 et 12 octobre 1913 sur une montagne moyenne de la Hesse, près de Kassel, le Haut Meissner.

Klages se rattachait à la philosophie de la vie et faisait partie
au tournant du XXsiècle du groupe des « cosmiques » (Kosmiker), intellectuels munichois influencés par les travaux du mythologue suisse Johann Jakob Bachofen (1815-1887) sur le matriarcat primitif. Leurs
autres références étaient Goethe, qui faisait alors en Allemagne l’objet d’un véritable culte, et Nietzsche.
Leur but était de remettre en honneur les mythes païens, antérieurs au judaïsme et au christianisme, et de diffuser une sorte de religiosité reliant l’individu à l’univers par l’« Eros cosmogonique »

Klages est celui qui exprimera avec la plus grande vigueur  l’antirationalisme et la détestation du progrès matériel que tous partageaient. Il commencera à travailler dès 1915 à son opus magnum qu’il publiera en trois gros volumes entre 1929 et 1932 sous le titre significatif « L’esprit adversaire de l’âme  » (Der Geist als Widersacher der Seele). Au logocentrisme triomphant depuis les Lumières, il y oppose son «  biocentrisme  » ou son panvitalisme. Comme tout bon philosophe de la vie, il part de l’opposition entre l’esprit et la vie. Mais il la formule autrement : l’âme est ce qui relie l’homme au macrocosme et lui donne accès à des expériences et des visions archétypales.
L’esprit est une conscience de soi « acosmique » et au service exclusif d’une volonté qui cherche à façonner la réalité à son image. Comme Spengler au sein de ses « hautes cultures », Klages voit à l’œuvre dans l’histoire
une sorte de « dialectique de la raison ».

« Au vu de ces raisons-là, les soupçons ne devraient pas tarder à assaillir même ceux dont demeurent étrangères les terribles conséquences provoquées par la pensée maîtresse du « progrès ». L’antique
Hellène avait pour plus haute aspiration la  « kalokagathie », à savoir la beauté intérieure et extérieure de l’homme que lui renvoyait l’image de
l’Olympien ; l’homme du Moyen-Âge se souciait du « salut de l’âme », par quoi il entendait l’élévation spirituelle vers Dieu ; l’homme goethéen aspirait à la perfection de la personne, entendait être « maître »
de son sort ; et, aussi différents que soient ces buts, nous saisissons d’emblée le profond bonheur d’atteindre l’un ou l’autre. Mais ce dont l’homme du progrès s’enorgueillit n’est constitué que de succès, d’accroissements de puissance de l’humanité qu’il prend étourdiment pour un accroissement de valeur, et il y a de fortes raisons de douter de sa capacité à honorer un bonheur pour ne connaître que la creuse satisfaction que la conscience attribue à la domination. Le pouvoir seul est aveugle à toutes les valeurs, aveugle à la vérité et au droit et, là où il doit encore les souffrir, assurément aveugle … »

 

« Je vais maintenant plaider, et même longuement, la cause animale »

 

François Ruffin à l’Assemblé nationale : Pour que l’agro-alimentaire cesse de traiter vaches poules et cochons comme une matière première.

 

« Je vais maintenant plaider, et même longuement, la cause animale. Pour que l’agro-alimentaire cesse de traiter vaches, poules et cochons comme une matière première.Et je sais combien quand on prend la parole pour ces êtres sensibles, on est vite soupçonné de sentimentalisme, de sensiblerie et sujet à moquerie…..
Et parfois on m’accuse « et les hommes et les salariés vous y avez pensé? Comme si en défendant les animaux je trahissais l’homme. Au contraire, c’est un continuum.

Depuis le XXème siècle, l’économie, écrase tout : La nature, les animaux.. Mais comment ne pas voir qu’ensuite ce sont les hommes qu’elle maltraite, qui deviennent à leur tour une matière à profit au gré des caprices de la finance…

 

….

Un mec a dit, il y a environ deux mille ans, ce que vous faites aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites.
Et même mieux, je dirais : ce que nous faisons aux plus petits d’entre les nôtres, c’est à nous que nous le faisons.
C’est notre âme qui se tarit, qui s’assèche, qui se racornit.
C’est notre tolérance à l’injustice, voire à l’horreur, qui s’accroît. »

ll sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec

 

 

C’est une alerte solennelle que publient, lundi 13 novembre 2017 dans la revue BioScience et reprise dans le Monde du 14 novembre plus de 15 000 scientifiques de 184 pays. Les auteurs mettent en garde contre la destruction rapide du monde naturel et le danger de voir l’humanité pousser « les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie ».

C’est un deuxième avertissement lancé à l’initiative du Professeur William J. Ripple de l’université d’état de l’Oregon après celui de 1992. Depuis, à l’exception de la stabilisation de la réduction de la couche d’ozone, l’ensemble des indicateurs se sont considérablement dégradés.

Le réchauffement climatique devient potentiellement catastrophique et depuis 1960 la température moyenne du globe s’est élevée d’environ 0,8°.

Dans le même temps les ressources en eau douce sont passées de 14 000 m3 par habitant à 6 000 m3 et les tonnages de pêche de 50 millions à plus de 110 millions.

Les zones mortes maritimes ( zones d’absence d’oxygène et de vie) sont passées dans le même temps de 20 à 600.

La déforestation au profit notamment de l’agriculture a fait perdre dans le même temps des surfaces boisées équivalente à celle de l’Afrique du sud.

Entre 1970 et 2012 la biodiversité a perdu 58% des espèces dont 81% de celles en eau douce et 35% pour les espèces terrestres et marines.

Parallèlement, la population mondiale est passée de 3 milliards à plus de 7 milliards.

 

 

 

 

 

« Vous, les petits frères, vous ne voyez que les choses matérielles… »

Le message des Kogis

 

« Vous, les petits frères, vous ne voyez que les choses matérielles,

Si on continue à construire un monde artificiel

Nous allons mourir, la Terre souffre, elle n’a plus rien.

Le petit frère comprend-t-il ce qu’il fait ? »

 

 

Association Tchendukua

Géographe français, Eric JULIEN est à l’origine de la démarche.

Sauvé d’un oedème pulmonaire par les Kogis, alors qu’il découvrait leur territoire, il s’est mis dans la tête de les aider à récupérer leurs terres. Ces terres sans lesquelles, coupés de leurs racines, les Kogis deviennent des êtres flottants, des êtres morts.

D’après lui, permettre aux Kogis d’entretenir leur différence, c’est s’enrichir de leur regard sur le monde, tant il est vrai que la vie naît de la richesse des confrontations et non du rejet des différences.

En 1997, il fonde Tchendukua – Ici et Ailleurs, association loi de 1901. En février 1998, une première terre est achetée (50 ha), une seconde en avril 1999 (70 ha)… une troisième en mai 2000 (50 ha) et enfin une quatrième en décembre 2000 (60 ha).

 

 

 

 

 

Yves Cochet : »Il est trop tard pour éviter l’effondrement »

De la fin d’un monde à la renaissance en 2050-Libération 23 août 2017

Yves Cochet, né le 15 février 1946 à Rennes (Ille-et-Vilaine), est un homme politique français, membre des Verts puis d’Europe Écologie Les Verts. Il est député du Val-d’Oise de 1997 à 2002, puis de la 11e circonscription de Paris de  à . Il est président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale durant ce dernier mandat. Il est député européen de 2011 à 2014.

Sous l’angle écologique de l’état géo-bio-physique de la France – de l’Europe et du monde – avouons que l’état de santé de ces territoires ne cesse de se dégrader par rapport à celui de 1984, comme le montrent à l’envie les rapports successifs du GIEC – cf le climat change-, du PNUE, du Programme Géosphère-Biosphère et autres publications internationales.

Sous l’angle social et démocratique, le constat est du même ordre : creusement des inégalités, accroissement de la xénophobie, raidissement des régimes politiques.

Jadis, inspirés par le rapport Meadows (1972-1973) ou les écrits de Bernard Charbonneau,(1910-1996) René Dumont (1904-2001)et André Gorz,(1923-2007) nous connaissions déjà les principales causes de la dégradation de la vie sur Terre et aurions pu, dès cette époque et à l’échelle internationale, réorienter les politiques publiques vers la soutenabilité. Aujourd’hui, il est trop tard, l’effondrement est imminent. (ère de l’anthropocène)

Bien que la prudence politique invite à rester dans le flou, et que la mode intellectuelle soit celle de l’incertitude quant à l’avenir, j’estime au contraire que les trente-trois prochaines années sur Terre sont déjà écrites, grosso modo, et que l’honnêteté est de risquer un calendrier approximatif. La période 2020 – 2050 sera la plus bouleversante qu’aura jamais vécu l’humanité en si peu de temps. À quelques années près, elle se composera de trois étapes successives : la fin du monde tel que nous le connaissons (2020-2030), l’intervalle de survie (2030-2040), le début d’une renaissance (2040-2050).

L’effondrement de la première étape est possible dès 2020, probable en 2025, certain vers 2030. Une telle affirmation s’appuie sur de nombreuses publications scientifiques que l’on peut réunir sous la bannière de l’Anthropocène, compris au sens de rupture au sein du système-Terre, caractérisée par le dépassement irrépressible et irréversible de certains seuils géo-bio-physiques globaux. La croyance générale dans le système libéral-productiviste renforce ce pronostic. La prégnance anthropique de cette croyance est si invasive qu’aucun assemblage alternatif de croyances ne parviendra à la remplacer, sauf après l’événement exceptionnel que sera l’effondrement mondial dû au triple crunch énergétique, climatique, alimentaire. La décroissance est notre destin.

La seconde étape, dans les prochaines années 30, sera la plus pénible au vu de l’abaissement brusque de la population mondiale (épidémies, famines, guerres), de la déplétion des ressources énergétiques et alimentaires, de la perte des infrastructures (y aura-t-il de l’électricité en Ile-de-France en 2035 ?) et de la faillite des gouvernements.Ce sera une période de survie précaire et malheureuse de l’humanité, au cours de laquelle le principal des ressources nécessaires proviendra de certains restes de la civilisation thermo-industrielle, un peu de la même façon que, après 1348 en Europe et pendant des décennies, les survivants de la peste noire purent bénéficier, si l’on peut dire, des ressources non consommées par la moitié de la population qui mourut en cinq ans. Nous omettrons les descriptions atroces des rapports humains violents consécutifs à la cessation de tout service public et de toute autorité politique, partout dans le monde.

Sans doute peut-on espérer que s’ensuive, autour des années 50 de ce siècle, une troisième étape de renaissance au cours de laquelle les groupes humains les plus résilients, désormais privés des reliques matérielles du passé, retrouvent tout à la fois les techniques initiales propres à la sustentation de la vie et de nouvelles formes de gouvernance interne et de politique extérieure susceptibles de garantir une assez longue stabilité structurelle, indispensable à tout processus de civilisation.

 

Gouverner la décroissance

à l’initiative de William Ripple le cri d’alarme de plus de 15 364 scientifiques de 184 pays pour sauver la planète : Il sera bientôt trop tard – journal Le Monde 14 novembre 2017

comment tout peut s’effondrer : le livre

 

Notre-Dame-des-Landes : une autre vie est possible

 

 

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 d’après l’article de Charlie Hebdo -13/12/17 – Fabrice Nicolino

…En un peu moins de dix ans, tout a changé. La ZAD est désormais une zone sociale d’expériences uniques. Aussi étrange et baroque que cela paraisse, des centaines de jeunes en rupture de société ont été et sont toujours soutenus par des paysans et une partie du petit peuple réel de la région. C’est bien cela qu’il s’agit d’écraser : une rencontre sociale, écologique, politique, qui brasse du savoir, des techniques, des itinéraires, des constructions, du travail, du rêve, des rires. On peut ne pas être d’accord avec les zadistes, mais nul ne peut nier qu’ils nous posent des questions universelles. Qu’est-ce qu’une vie qui mérite d’être vécue ? Qu’est-ce que le travail ? Et le temps ? Et la contrainte ? Et la loi ? Et la liberté ? Et la nourriture ? Et le groupe ? Et la personne ? Et l’amour, pour tout dire ? De ce chaudron bouillant qu’est la ZAD émerge une vérité microcosmique : il est donc possible de se livrer à des activités économiques sans détruire la biodiversité, dont tout le reste dépend. N’est-ce pas exactement le principal défi posé à toute l’humanité : produire sans ruiner les écosystèmes ? Certes, la ZAD a des limites évidentes, et ses enthousiasmes ne seront jamais ceux de tous. Mais en bâtissant pierre après pierre leur phalanstère, les habitants des lieux montrent avec une clarté éblouissante qu’un autre monde est vraiment possible. Et cela, on ne l’oubliera pas, quelle que soit la suite…

 

… C’est donc partout dans la ZAD qu’on travaille et qu’on construit. Si l’on doit faire une liste, allons y. On compte désormais dans le bocage deux boulangeries, un mur d’escalade, une conserverie, une infirmerie, une zone Internet, une épicerie, un atelier couture, une table d’hôtes, un formidable  « hangar de l’avenir », une taverne, une salle de sports, un espace enfants, un studio d’enregistrement, une salle de concerts, un jardin de plantes médicinales. Un mot sur le «hangar de l’avenir », prouesse architecturale, cathédrale de bois montée par 80 charpentiers, armés de haches et de cœur.  Et un autre sur l’auberge des Q de plomb, qui aura permis à d’anciens habitants, Claude et Christiane, de créer un lieu de banquets et de joie. Sur la dalle, gravés dans le béton pour l’éternité, ces mots d’anthologie : « Ici, nous vivons excellemment. » On ne saurait quitter la ZAD sans parler de la nature et des bêtes sauvages. À la fin de 2012, le grand historien breton François de Beaulieu lance une initiative sans précédent : réunir des botanistes, des ornithologues, des naturalistes, pour réaliser un inventaire exhaustif des richesses naturelles de la ZAD. Au premier dimanche de janvier 2013, plus de 200 connaisseurs et spécialistes arpentent les quelque 2000 hectares, et vont découvrir une richesse biologique devenue rare. Jean-Marie, botaniste de grande valeur, qui partage sa vie entre Morbihan et ZAD – La Rolandière, la Maison Rose, les 100 Noms –, n’en est pas revenu : « Comme la zone a été gelée il y a cinquante ans en prévision de l’aéroport, l’ensemble du paysage rural, ici, est extraordinaire. Tout ce qui a été détruit ailleurs – les talus, les haies, les mares, les landes humides – est intact. » Les oiseaux, les insectes, les plantes sont là.

Parlons chiffres :

…Sur les 1 650 hectares de l’emprise du projet d’aéroport, 400 sont cultivés ou utilisés par quatre familles de paysans locaux, opposants historiques ; 400 autres représentent les chemins et les routes, les friches et les forêts, les lieux habités ; et il en reste 850. « Ces 850 hectares, raconte Marcel, un autre zadiste, ont été préemptés par le conseil général, puis refilés à l’État, qui les a concédés au groupe Vinci. Chaque année, depuis 2008 ou 2009, Vinci accorde des baux précaires aux anciens proprios qui ont accepté de vendre leurs terres, qui sont du coup des cumulards, car ils ont touché, et continuent pourtant à exploiter. Nous et nos amis paysans du groupe Copain2, on a fini par refuser ces baux précaires qui permettent à certains d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Et on s’est mis à occuper les terres que Vinci concédait chaque année en attendant la construction. Depuis 2013, on s’est emparés comme ça de 270 hectares, et c’est pas fini. On veut aussi les 580 hectares qui restent. »

cf aussi le numéro 213 de Bretagne vivante consacré à NDL

cf aussi l’article de François de Beaulieu du 21 décembre 2017 sur son blog

Notre-Dame-des-landes : un livre pour comprendre 50 ans de luttes- article du 31/10/2017 de François de Beaulieu

Eloge des communs -article 27 juillet 2015 de François de Beaulieu

 

Je n’étais jamais venue sur la ZAD

Une collaboration entre des habitant-es de la zad, le réalisateur Leo Leibovici et l ‘actrice Lizzie Brochere, Je n’étais jamais venue sur la ZAD est un petit film qui nous invite à un voyage intime à travers le territoire libéré de la zad, à la recherche d’espoir en ces temps tourmentés.

Lettre ouverte à Monsieur Cedric Villani , chargé d’une mission sur l’intelligence artificielle

 

A Monsieur Cedric Villani, député LREM de la 5ième circonscription de l’Essonne,

Bonjour Monsieur le député,

Par un article du journal le Monde paru ce jour je lis que vous avez été chargé  par le gouvernement d’une mission sur l’Intelligence artificielle – IA dans la suite du propos-et qu’un rapport doit être remis avant la fin de l’année.

Cet article rappelle qu’un précédent rapport a été remis sur ce sujet il y a

moins de 6 mois à François Hollande.

Le passage suivant de cet article résume votre mission :

« Elle consiste à dresser une feuille de route sur l’intelligence artificielle pour le gouvernement dans les années à venir. Quels axes actionner du point de vue économique, politique, culturel, éthique, dans l’éducation… ? Bref, tout. Avec l’idée que l’IA ne doit pas être vue comme un domaine spécialisé, mais comme l’affaire de tout le monde. »
« ici la vocation est d’aller plus sur le terrain des recommandations très concrètes sur les actions à prendre par les uns et les autres. Et cela à l’échelle française, mais aussi européenne. »

Je lis  avec satisfaction mais permettez, une certaine défiance, que vous vous interrogerez aussi sur les aspects potentiellement négatifs de l’IA et vous dites notamment : « Un certain nombre d’exemples montrent que dans certains cas l’utilisation de l’IA peut avoir des effets ravageurs sur les questions économiques et le tissu démocratique. »

Ces propos semblent presque rassurants même si les effets ravageurs dépassent l’aspect économique – vous avez sans doute pensé aussi par là social- et démocratique.

La volonté de réfléchir au plus haut niveau sur les moyens à mettre en oeuvre pour faire face au géant américain puis chinois est sans doute, dans cette stratégie de lutte économique mondialisée l’axe principal. Nous sommes donc bien dans une logique où vous allez chercher les meilleurs moyens de renforcer l’IA qui, sous-entendu serait l’avenir de l’homme et du rang de nos sociétés. Je doute que dans une telle orientation les aspects négatifs soient réellement appréciés à leur exacte valeur et pourtant je vous fais à priori confiance car vous avez en tête, comme moi,  l’avenir de l’homme.

Mais de quel homme parlons-nous ? Je pense à l’Homme en tant que transcendance de l’homme actuel, et non à l’homme-machine   qui va renforcer son propre mental, et devenir ainsi  l’Homme-Dieu qui, de fait, deviendra tout simplement l’esclave du système-machine qu’il aura mis en place. Je pense à un humanisme spirituel tel que l’expose Wu Weiming, directeur de l’Institut supérieur humaniste à l’Université de Pékin – cf ici

Vous avez semble-t-il des réserves par rapport aux déclarations d’Elon Musk mais vous dites « admirer son intelligence visionnaire ».

Permettez- moi de vous rappeler cette lettre signée le 10 janvier 2015 par 700 personnalités – l’appel des 700- dont Elon Musk et Stephen Hawking et que j’avais publiée sur mon site ici . Il y a effectivement là une vision que j’aimerais vous voir partager.

 

« Les progrès de l’intelligence artificielle sont fulgurants, mais peu de recherches sont effectuées sur les conséquences de cette révolution technologique. C’est l’avertissement émis dans une lettre ouverte par un groupe de chercheurs et d’entrepreneurs. Parmi eux, Stephen Hawking et Elon Musk. »

Enfin j’attire votre attention sur la conférence d’Elon Musk  devant l’Assemblée des gouverneurs des Etats-Unis le week-end du 15 juillet 2017 relatée ici par exemple.  Selon lui, l’intelligence artificielle est désormais «le plus grand risque auquel notre civilisation sera confrontée».

Pour y faire face aujourd’hui et en transhumaniste convaincu, il ne voit guère que le développement d’un de ses projets homme-machine avec l’aide d’implants cérébraux ce qui n’est pas pour nous rassurer.

Pour terminer je voudrais vous dire que je procède actuellement au regroupement des ouvrages de langue française qui nous alertent de diverses manières sur la religion du Progrès, les méfaits ravageurs qu’elle entraîne sur nos sociétés et la direction toute tracée où elle conduit l’homme.

Sous ce lien vous avez plus de 80 ouvrages d’auteurs différents qui alertent sur les aspects divers de cette dérive de nos sociétés. Je ne citerai que le premier, Lewis Mumford et je vous renvoie à l’article d’avril 1974 du Monde diplomatique à propos de son livre : « le mythe de la machine« .

 

S’agissant de l’IA je ne peux conclure sans évoquer le transhumanisme vers lequel nous entraîne les dérives d’un monde scientifique, industriel et technologique pour partie devenu fou et si peu contrôlé par le pouvoir politique de nos démocraties. J’ai regroupé là près de 40 ouvrages qui traitent du sujet et j’ai posté là un article sur le transhumanisme.

 

Je termine en espérant que cette lettre retiendra toute votre attention et celle de votre équipe. Je précise enfin que j’agis en simple citoyen intéressé entre autre par la chose publique et le devenir de l’homme mais non engagé politiquement. J’estime aussi que cette affaire est l’affaire de tout le monde et qu’en rédigeant cette lettre appuyée de ses renvois hyper-textes j’ai ainsi, à ma manière et suffisamment contribué à votre mission.

 

 

Je vous prie de croire en mes respectueuses et cordiales salutations.

 

Denis Brossier

 

 

le rapport rendu public le 28 mars 2018 : donner un sens à l’intelligence artificielle

 

 

 

 

 

 

 

 

Aux origines de la décroissance

La civilisation industrielle ne s’est pas imposée sans résistances. De grands esprits critiques se sont toujours levés contre la liquidation des artisans et des paysans, contre la destruction de l’environnement et le bouleversement des modes de vie, contre l’emprise du marché et des machines sur les individus. La contestation de l’idéologie du Progrès que porte aujourd’hui le courant de la décroissance se situe dans cette longue filiation. Parmi ces illustres devanciers, les cinquante penseurs présentés ici -dont les oeuvres très diverses se déploient sur les deux derniers siècles- ont de quoi alimenter les réflexions actuelles de toutes celles et tous ceux qui aspirent à une société centrée sur l’humain, et non plus soumise à la mégamachine. Leurs pensées, profondes, intemporelles et clairvoyantes, exposées dans ce livre de manière simple et didactique, remettent radicalement en cause le culte de la croissance, l’esprit de calcul, la foi dans les technologies, l’aliénation par la marchandise… Elles en appellent à une sagesse immémoriale : il n’y a de richesse que la vie.

 

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