La déconstruction de l’Homme ? « Critique du Système technicien »

 

La déconstruction de l’homme « critique du système technicien »

 

cf le site deconstructionhomme.com

Le livre La déconstruction de l’homme? est un livre collectif paru le 12 octobre 2018 et écrit sous la direction d’Éric Lemaître qui en est l’instigateur et le principal auteur. Il a été commencé en 2016 et achevé en 2017, bien avant l’accès à la présidence d’Emmanuel Macron. Le projet transhumaniste poursuivi par le Président de la République qui souhaite développer la recherche française sur l’intelligence artificielle et positionner la France sur cette thématique en tant que référence mondiale confirme, à bien des égards, les profondes intuitions d’Eric Lemaître. Ce livre permettra donc à ceux qui sont désorientés par le technicisme moderne sans âme de discerner les motivations philosophiques et quasi religieuses qui inspirent cette marche fulgurante vers un nouveau monde et une nouvelle humanité, et d’en repérer les enjeux graves et funestes. Il se veut comme un cri d’alarme lancé à tous les hommes et femmes de bonne volonté pour lequel l’homme, fait à l’image de Dieu, ne peut pas et ne doit pas être déconstruit au gré de la folie d’apprentis sorciers scientistes et de l’ingénierie sociale.

Première partie :

Les fondements philosophiques

de la déconstruction  


1 – Un monde en mutation
2 – Critique du progressisme
3 – L’apparition du transhumanisme !
4 – Racines philosophiques et théologiques du transhumanisme
5 – Les humus du transhumanisme
6 – Les enjeux de la civilisation transhumaniste
7 – Le transhumanisme, une entreprise de déconstruction spirituelle
8 – Le transhumanisme, une vision et un système totalisants
9 – Le transhumanisme et la doctrine de la création
10 – Le transhumanisme, l’inversion théologique de l’anthropologie chrétienne

Deuxième partie :

Les révolutions de la déconstruction 

La révolution anthropologique 


11 – La révolution anthropologique : le concept de genre et ses conséquences bioéthiques
12 – La France in Vitro ou les États généraux de la bioéthique
13 – La révolution génétique, le nouvel eugénisme
14 – L’Europe a-t-elle enterré ses démons ?
15 – Le transhumanisme ou la fin de la femme ?
16 – La famille, le changement de paradigme

La révolution sociétale 


17 – Transhumanisme et révolution sociale
18 – Vers une nouvelle organisation sociale
19 – Transhumanisme et vision politique, la fin du modèle institutionnel
20 – La société iconoclaste, la nouvelle culture numérique
21 – Les mondes numériques et virtuels deviendront-ils demain des univers occultes ?  


La révolution économique 


22 – La nouvelle vision économique du monde numérisé
23 – La dématérialisation de la monnaie, une quadruple menace géopolitique, économique, écologique et sociale
24 – Le culte de la consommation
25 – Babylone, la civilisation du nombre
26 – Serons-nous demain «biopucés» ? 


La révolution technologique 


27 – L’avènement de la « singularité » technologique
28 – L’intelligence artificielle et le transhumanisme
29 – L’intelligence artificielle, fascination et déshumanisation
30 – Le fantasme de l’intelligence artificielle consciente
31 – Le « despotisme éclairé » de la technique  


La révolution écologique 


32 – Écologie et transhumanisme
33 – Renoncer à la toute-puissance et plaider pour la fragilité
34 – Vision sociale et économique dans une perspective biblique 


Conclusion et perspectives 

 

 

 

 

Pourquoi avons-nous écrit ce livre La déconstruction de l’homme ?
Nous avons souhaité l’écrire en raison de notre foi, des convictions spirituelles qui habitent l’entièreté de notre être fait à l’image de Dieu. En écrivant ce livre, nous avons souhaité lire le monde à la lecture des écritures bibliques dont le contenu laisse transpirer dès la Genèse ce qu’il adviendrait d’une humanité éprise de connaissance, d’un savoir déconnecté de toute référence au Dieu créateur.
Dès l’Eden perdu, nous avons compris que l’homme déraciné de toute relation à un Dieu créateur est en effet poussé à s’affranchir de sa finitude et inexorablement tente de se libérer des entraves que constituent son corps et les bornes fixées par Dieu.
Dans ces temps des modernités idéologiques et techniques, l’homme a ainsi engagé dès sa sortie de l’Eden une nouvelle révolution pour dépasser ou enjamber les frontières qui ont jalonné sa dimension existentielle à savoir le corps, le jardin, le travail.
Relativement au corps, un vent de protestations idéologiques souffle chez certains qui ont refusé l’enfermement d’un corps qui fait notre humanité en tant qu’homme ou femme, ceux-là revendiquent la plasticité, la malléabilité des identités « masculin, féminin » et au-delà de notre sexualité qui fonde notre différence en tant qu’homme ou femme. C’est ce rapport au corps qui conduit également l’homme à s’abstraire du monde réel, à aspirer à un monde hors sol, virtuel, déconnecté des réalités qui l’enferment. C’est ce rapport à ce corps limité qui conduit une partie de notre humanité à refuser une vie en relation avec un environnement naturel préférant l’urbanisme, l’artificialisation de la vie la plongeant ou l’immergeant dans la vie virtuelle, une vie virtuelle où se joue par procuration, les fantasmes de l’existence déformée par ces pseudo téléréalités qui résultent de nos usages cathodiques ou d’écrans digitaux.
Nous avons, dès le jardin et avec l’assassinat d’Abel, choisi volontairement d’abandonner le modèle du jardin, convaincus qu’il nous confinait au contact d’une nature que nous avons cru hostile et inamicale. Avec la ville et cette tentation grégaire, d’isolement finalement inconscient, nous avons opté pour une forme d’individualisme qui au bout du compte a fini par ravager l’environnement. Puis nous avons comme instinctivement cherché à gommer avec nos lumières artificielles, la voûte céleste ce qui nous reliait à l’idée de transcendance, nous avons ainsi entamé les ressources de la terre et choisi de dominer outrancièrement la nature plutôt que d’en faire une alliée afin d’assurer une existence harmonieuse louant ainsi le Créateur qui a mis à notre disposition une diversité de biens issus de la faune, de la flore dont de nombreuses espèces disparaissent aujourd’hui du fait même de la folie consumériste.
Enfin, il fallait à l’être humain inverser ce rapport au travail, sortir à jamais de la malédiction séculaire d’un sol rendu à jamais pénible, il fallait, avec l’ingéniosité de l’homme, la puissance de la technoscience, dompter la nature, l’assujettir et faire surgir avec ingéniosité les machines capables de nous libérer enfin du travail et au bout du compte fantasmer l’idée de créer un semblable à nous-mêmes, une machine numérique capable de penser et de réfléchir l’organisation sociale pour nous. Nous avons créé l’économie de services et l’illusion de la gratuité via l’industrie numérique ; or la pollution générée par l’économie virtuelle et son impact sur le climat, est largement équivalente à celle d’autres secteurs industriels. « Nous déplorons ainsi les effets des causes après avoir chéri les causes, » ainsi, pour à nouveau plagier un citation souvent prêtée à Jacques-Bénigne BOSSUET, Dieu se rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes que les humains avaient finalement chéries.

 

 

Le transhumanisme, objectif du capitalisme financiarisé

Le 19/10/19 j’ai publié un article concernant une conférence faite au plateau de Saclay par Laurent Alexandre, chantre du transhumanisme, devant  les élèves de l’Ecole Polytechnique. «  Des Dieux et des inutiles » était donc le titre de cet article qui contenait l’enregistrement de cette conférence où Laurent Alexandre développait l’idée des dieux -hommes et femmes supérieurs auditeurs de cette conférence appelés à travailler à crééer l’homme de demain, le cyborg et à envisager le destin de tous les autres – les gilets jaunes-devenus pour lui des inutiles.

Régis Portales est justement polytechnicien, mathématicien et informaticien.  Voici sur son blog l’analyse qu’il faisait  le 2/12/19 des thèses de Laurent Alexandre présentées à l’occasion de cette conférence. 

par Régis Portales sur son blog Mediapart

Ce texte essaie de montrer l’absurdité du système de pensée de Laurent Alexandre. Mais Laurent Alexandre n’est pas seulement ridicule, il est dangereux. Il arrive à diffuser ses idées, au point où elles pourraient cristalliser en porte de sortie pour un capitalisme financiarisé devenu honni. Visons plutôt la démocratie pleine, l’égalité réelle, la République sociale.

Le capitalisme financiarisé dont le macronisme est l’incarnation est un stalinisme de marché : un délire paranoïaque. Face à la dure réalité des faits, le système néo-libéral, parfaitement logique en lui-même, ne tient pas une minute. Et ça commence à se voir. Confronté à son délire par divers mouvements populaires, le gorafiste réagit par la violence ou en s’enfonçant dans un nouveau délire. Laurent Alexandre porte un discours qui pourrait bien remplir cette fonction.

Il place une foi absolue dans la technologie. Il réduit les pauvres (parmi lesquels il inclut les Gilets Jaunes) à des sous-hommes bloqués dans leur condition par les « inégalités neuro-génétiques ». Seuls certains – dont les polytechniciens sont l’état suprême de cette nouvelle aryanité – méritent par leur simple état leur place dans « l’économie de la connaissance ». En lisant ses écrits de science-fiction comme l’effrayant « Adrian, humain 2.0 », on imagine aisément que le futur déjà sordide qu’il entrevoit (un mélange du Meilleur des mondes et des Onze mille verges) s’effondrerait quelque part entre La liste de Schindler et Soleil vert.

Laurent Alexandre à plusieurs reprises s’exclame que les polytechniciens sont des dieux et les Gilets Jaunes des êtres substituables. Il se trouve que je suis polytechnicien. En plus d’être un dieu à ses yeux, j’ai étudié les mathématiques et je travaille dans l’informatique depuis dix ans. Ceci me rend tout à fait légitime à dire que tout ce qu’il dit est faux.

D’abord l’économie de la connaissance n’existe pas. Quand on a travaillé dans l’informatique, on sait que la plupart des ingénieurs dans ce domaine ne font rien de plus compliqué qu’un plombier – un vrai, pas un plombier de France Info. Ils suivent un plan et soudent entre eux des tuyaux en s’assurant qu’il n’y a pas de fuite. Ces ingénieurs (et il s’agit de l’immense majorité) sont donc techniquement des ouvriers. Il n’y a pas plus d’intelligence (quoi que puisse recouvrer ce terme) à mobiliser pour faire un service web ou entraîner TensorFlow que pour installer une chaudière à gaz ou tourner une goupille. L’économie moderne n’a rien de neuf. Elle relève simplement de la division capitaliste du travail.

Par ailleurs nous disposons tous à peu près de la même intelligence. Nous l’employons chacun à ce à quoi nous sommes exposés socialement, ce qui nous plaît et ce dans quoi nous pouvons persévérer. Pour moi ce furent les mathématiques. Pour ce cher docteur la médecine. Pour un autre, ce serait l’ébénisterie ou la paléographie. Etant moi-même un besogneux, je crois qu’il n’y a rien d’insurmontable dans les mathématiques et que quiconque fait l’effort (et en a le goût et la possibilité) de lire patiemment des livres et de faire un grand nombre d’exercices finira par y arriver. Je pense qu’il en est de même de la médecine, de la chaudronnerie ou de la chromodynamique quantique.

Il se trouve par ailleurs que je suis également un fervent partisan des Gilets Jaunes. Et les Gilets Jaunes prouvent que le traitement que leur réserve Laurent Alexandre ne repose sur rien. C’est bien facile de pérorer sur « l’homme augmenté » depuis un salon bien chaud. Quand on est intérimaire et qu’on doit aller tous les matins au marché au travail pour remplir le frigo et payer le loyer, ça l’est moins. C’est cet état de précarité et d’isolement auquel sont réduits de plus en plus de nos concitoyens qui les a longtemps empêchés de voir plus loin que la fin de leur mois. Il ne s’agit pas « d’inégalités neuro-génétiques » mais de profondes inégalités sociales qui sont la conséquence directe d’un capitalisme financiarisé dont les modèles de Laurent Alexandre sont les premiers promoteurs.

La libre circulation des capitaux a conduit à la délocalisation des emplois intermédiaires bien avant qu’on ne s’intéresse à leur automatisation. La destruction de ces emplois qualifiés a fermé à une grande part de la classe populaire toute possibilité d’évolution en rendant hors de portée les emplois assez rémunérateurs pour épargner, se loger et payer les études des enfants.

Pourtant ces intérimaires, ces retraités, ces employés résignés ont un jour revêtu un gilet jaune et ont décidé de se réunir sur des ronds-points, puis à Paris. N’étant plus seuls, ils n’étaient plus désespérés. Et en quelques semaines ils sont partis de la taxe carburant pour arriver à des revendications constitutionnelles. Leurs 42 revendications font un programme politique bien meilleur que la plupart de ceux des dernières élections présidentielles. Qui est Laurent Alexandre pour penser qu’une élite incapable de gouverner ce pays depuis 30 ans peut valoir mieux qu’eux ?

On pourrait donc ranger Laurent Alexandre dans la catégorie des olibrius de plateaux, des bêtes curieuses qu’on invite au cirque pour se faire peur. Mais ce discours dément plaît à d’autres déments. Et il peut être constitué en force politique, voire en continuation délirante du capitalisme financier. Comment continuer d’accroître les profits dans un environnement en plein effondrement ? En augmentant le monde pardi ! Comment s’assurer que les gens survivront aux saloperies qu’on leur vend ? En augmentant les hommes ! La technologie au-dessus de tout, et donc ceux qui la vendent au-dessus des hommes.

Car la vraie faillite de Laurent Alexandre est là. Au-dessus de la technologie, de l’économie, du droit, il y a la politique. Et quand le peuple se charge lui-même de la politique, il fait mieux que tous les polytechniciens, les urologues et les inspecteurs des finances du monde. L’urgence écologique et sociale a une seule et même source : la démesure du capitalisme qui porte en lui la destruction comme la nuée porte l’orage. Y répondre ne suppose pas plus de capitalisme, mais beaucoup moins. La démocratie pour tous et partout. L’égalité réelle. La République sociale.

Au 5 décembre.

 

 

Des dieux et des inutiles – conférence de Laurent Alexandre à Polytechnique

La République En Marche cautionne l’eugénisme numérique en conférence à Polytechnique – article Médiapart du 6 mars 2019

mise à jour 23 novembre 2020

Amélie de Montchalin députée LREM de l’Essone introduit la conférence transhumaniste de Laurent Alexandre à Polytechnique dans le cadre des « Tables rondes du plateau de Saclay » du 14 au 18 janvier 2019 en tant que marraine de cet événement.  Trois grandes écoles de la République, Polytechnique, CentraleSupelec et Normale Sup, conviaient leurs étudiants pour « une semaine de réflexion sur l’homme augmenté » en organisant trois conférences et débats sur le thème du transhumanisme.

Amélie de Montchalin  a été recrutée en tant que consultante en stratégie par The Boston Consulting Group (BCG), un cabinet multinational, implanté à Paris pour des activités en science des données et intelligence artificielle appliquées à l’industrie, la finance et la santé.

Amélie de Montchalin est mariée à Guillaume de Lombard de Montchalin Directeur du bureau parisien du Boston Consulting Group depuis 2009. Son mari Guillaume a donc recruté sa femme, mais, concomitamment, Boston Consulting Group a ouvert en 2016 sur le plateau de Saclay, donc sur le lieu même de cette conférence, le territoire républicain d’Amélie de Montchalin, une usine-école pour l’industrie du futur, l’industrie dite 4.0 –cf article l’Usine Nouvelle 27/07/2018

Le centre du propos de Laurent Alexandre est le suivant : de notre chemin vers 2050, émergera une classe d’humains inutiles, la classe des gilets jaunes, une classe de personnes qui ne seront pas ou plus employables.

« cette affaire des gilets jaunes, nous en avons pour cent ans »« J’adore les gilets jaunes, ajoute-t’il, mais je ne pense pas que ce sont les gilets jaunes qui vont gérer la complexité du monde qui vient, […] le monde complexe de demain ne peut être géré que par des intellectuels. »

Au cours de cette conférence, il cite mais déforme les travaux de l’historien israélien Yuval Noah Harari dont il reprend  l’expression  » des dieux et des inutiles ».

Alexandre entérine froidement l’utilisation généralisée et inévitable des algorithmes pour façonner une nouvelle intelligence dite artificielle au profit d’une classe supérieure, alors que Harari nous alerte en écrivant que « plus que du chômage de masse, nous devrions nous inquiéter du glissement de l’autorité des hommes aux algorithmes, lequel risque de détruire le peu de foi qui subsiste dans le récit libéral et d’ouvrir la voie à l’essor de dictatures digitales ». ( « 21 leçons pour le 21ème siècle » – Y. N. Harari – p.61 ).

Harari présente là un risque qu’il faut prendre au sérieux, mais qui n’est aucunement une fatalité. Harari signale qu’il y a urgence pour le genre humain à garder le contrôle, et que s’impose une remise en cause des méthodes classiques et datées, devenues doctrines, par lesquelles nos sociétés se sont construites, en particulier le capitalisme.

Harari distingue le capitalisme du libéralisme, ce que ne fait pas Laurent Alexandre. Harari distingue aussi le libéralisme du libéralisme économique. Le capitalisme apparaît entre le 13ème et 14ème siècle en Europe occidentale entre la République de Venise et Bruges en Flandres. Ce sont les premières places marchandes où apparaissent les obligations pour financer les expéditions terrestres vers le marché oriental ou l’armement de flottes destinées au commerce maritime. Le moteur du capitalisme, comme le décrit Harari, est l’espoir d’un futur meilleur.

Dans une Angleterre en crise d’autorité religieuse, John Locke propose avec sa « Lettre sur la Tolérance » en 1667 et « Sur la différence entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil » en 1674, une société où la conscience de l’homme, qui « connait l’état de nature », est libérée du sceau féodal et divin.

Dans notre modernité, depuis la République de 1789 et le développement des sciences et de la médecine, l’état de nature devient « l’égalité biologique ». C’est la conscience des Lumières qui fit émerger l’égalité biologique en donnant la même valeur à toutes les vies humaines : riche, noble, paysan, bourgeois, ouvrier, homme, femme. L’égalité biologique doit s’articuler avec l’égalité sociale grâce au « contrat social ».

Harari révèle que les connaissances amènent aujourd’hui les biologistes à considérer la vie humaine (et la vie en général) comme « un assemblage d’algorithmes organiques façonnés par la sélection naturelle » pour lesquels, finalement, le support organique ou inorganique importe peu ( « Homo Deus, une brève histoire du futur » – Y. N. Harari – p.343 ). Ce constat est le fruit du développement des sciences du 17ème siècle jusqu’à nos jours, un développement rationnel analytique, validé par les résultats spectaculaires des prédictions qui permettent tant de soigner une angine que de modifier un gène pour un maïs résistant à la pyrale et tolérant aux herbicides.

La vie biologique réduite à une somme d’algorithmes est baptisée « dataïsme » : l’accumulation et le traitement massif de la donnée (data en latin) alimentent les algorithmes et supplantent l’homo sapiens dans la maîtrise de la connaissance. L’homme « algorithme » devient transposable sur des supports inorganiques grâce aux biotechnologies, il devient « l’homme augmenté », un homme aux capacités physiologiques décuplées par la puissance du numérique.

Mais, signale Harari, la biologie et les sciences en général ne se sont jamais préoccupées de la conscience. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », écrit l’humaniste François Rabelais dans « Pantagruel » en 1532. C’était un credo politique et la question de la conscience est restée à ce jour une question politique, car nul ne peut témoigner de l’existence de l’âme… ni par la science, ni par les biotechnologies, ni par le numérique.

Aujourd’hui, ignorant la nature de la conscience, le capitalisme et sa classe dirigeante transfèrent le pouvoir aux algorithmes numériques pour créer l’intelligence artificielle qu’ils mettent en compétition, sur le terrain économique et social, avec l’intelligence humaine. Le numérique est une aubaine pour le capitalisme car, quelque soit la science, le numérique va plus vite, il est plus fiable et permet plus de profits.

Mais quel est le réel niveau d’intelligence de l’intelligence artificielle ? Est-ce que singer l’homme suffit à être intelligent ?

Le transhumanisme est le mouvement qui revendique l’adoption du nouveau mariage de l’intelligence artificielle aux biotechnologies. Il excelle à développer les sciences et les technologies numériques pour lutter contre la mort, la souffrance, la maladie, mais aussi le handicap physique ou mental et finalement à dessiner les contours d’un humain prétendument parfait. Et si le transhumanisme propose des conclusions politiques et philosophiques, il n’associe pas, au dessein de l’humanité, l’ensemble des cultures et des civilisations, l’ensemble des savoirs, l’ensemble des humains et des (autres) volontés politiques.

La posture du transhumanisme qui donne tous pouvoirs aux technologies numériques est prompte à produire un eugénisme bien plus féroce que celui des empereurs ou dictateurs de ces trois derniers millénaires. Le transhumanisme ouvre les portes de Gattaca. Ce nouvel eugénisme forge la sélection par la technologie, il est le moyen pour une nouvelle classe d’humains de s’arroger le pouvoir, de diriger le monde et de supplanter Homo Sapiens en lui faisant subir « ce que ce dernier à fait subir à tous les autres animaux » ( « Homo Deus, une brève histoire du futur » – Y. N. Harari – p.424 ).

Malgré la mesure et la bienveillance d’Harari, Laurent Alexandre, sur le ton du millénariste, se lance dans une conjecture sans considérer la question de la nature de l’humanité. Il affirme un monde futur empreint d’intelligences artificielles où le « capitalisme cognitif », troisième du nom après le capitalisme vénitien et le capitalisme industriel, poursuit, sans questionnement, son hégémonie féroce. Pour Alexandre, le capitalisme décomplexé des grandes puissances internationales s’empare des technologies numériques et des biotechnologies au bénéfice exclusif d’une classe qualifiée de supérieure par son intelligence. Pour Alexandre, l’Europe, déjà à la traîne, ne devrait plus tergiverser sur les questions de la morale, elle devrait se mêler à cette compétition transhumaniste et technologique. Alexandre accomplit ce que craint Harari.

Alors le conférencier, en cette tribune Polytechnique, grossit son trait en qualifiant le « camp des inutiles », le camp des gens à l’intelligence limitée voire absente, en « camp des gilets jaunes ».

Laurent Alexandre, chirurgien urologue, est co-fondateur de l’indispensable start-up Doctissimo, une start-up qui surfe sur l’émergence du juteux marché de l’auto-médication.

 

La thèse d’Alexandre rebondit sur l’émergence de l’intelligence artificielle, qui, selon lui, est la seule intelligence capable de gérer la complexité du monde : seule une élite hautement intellectuelle serait capable de gérer, de créer et de faire progresser l’humanité dans un monde farci d’intelligences artificielles.

Le conférencier est autoritaire, l’élite intellectuelle, « c’est vous, étudiants dans cette salle qui managerez ce monde » ( ne lisez pas « mangerez ce monde »). Étudiants de cette grande école Polytechnique, c’est vous qui serez sauvés… « Les inutiles sont des gilets jaunes » avec lesquels « il faudra en finir d’une manière ou d’une autre ».

C’est dit.

Là, il a gagné l’auditoire. 

pour lire l’intégralité de l’article sur Médiapart 

 

pour écouter l’intégralité de la conférence :

 

mise à jour du 23/11/2020

Un nouvel article, beaucoup plus complet et relatif à cette conférence, a été publié le 19 novembre 2020 sous le titre : A-ton le droit de créer Homo Deus ?

Au péril de l’humain

Au péril de l’humain – 1 mars 2018
Le transhumanisme, un mirage au bénéfice de quelques privilégiés

9 mai 2018 / Jean-Pierre Tuquoi (Reporterre)

Le transhumanisme, c’est-à-dire la quête de tout ce qui peut « améliorer » l’homme, l’« augmenter » en quelque sorte en faisant appel à la science, touche à tout et ne s’interdit rien. Dans le recensement passionnant des innovations disponibles ou à l’étude dans des laboratoires, les auteurs — le biologiste Jacques Testart, le père du premier bébé-éprouvette français, et la journaliste Agnès Rousseaux — éclairent tout ce qui se prépare.

L’objectif ultime des transhumanistes, leur Graal, est bien sûr de vaincre la mort biologique. Les laboratoires explorent toutes les pistes. Certains tentent de comprendre les moyens d’action de gènes identifiés chez certains animaux et réputés doubler leur durée de vie. D’autres privilégient non pas les gènes, mais les cellules et les moyens de les rajeunir (sinon de ralentir leur dégradation), un phénomène encore mal connu. Une troisième voie s’appuie sur l’étude statistique et les algorithmes en croisant des millions d’arbres généalogiques et le plus grand nombre possible d’échantillons génétiques pour identifier les facteurs héréditaires. En définitive, sera proposé au candidat « antivieillissement » un traitement personnalisé accordé à son génome.

Si Jacques Testart et Agnès Rousseaux épinglent quelques bonimenteurs aux délires loufoques, aux promesses absurdes, ils se gardent bien de sous-estimer l’importance du courant qui les porte. Car dans les rangs transhumanistes figurent les grands noms de la Silicon Valley, aux poches profondes. Google, IBM, Microsoft… financent l’Université de la singularité (Singularity university), le think tank transhumaniste dont les ramifications s’étendent depuis peu de ce côté-ci de l’Atlantique. ( Singularity University a été fondée en 2008 par Peter DiamandisRay Kurzweil et Salim Ismail ) dans le NASA Research Park de Californie près de San Rosé. Ce parc a été  fondé en 2002 et regroupe aussi les campus de plusieurs universités américaines : l’Université Carnegie Mellon, l’Université de Californie, l’Université de Santa Clara. Divers instituts et organismes en font aussi partie ou collaborent avec ses chercheurs dont l’Institut virtuel de recherche sur l’exploration du système solaire (Solar System Exploration Research Virtual Institute – SSERVI), l’Institut de recherche d’aéronautique de la NASA (NASA aeronautics research institute). Des plateformes y sont également d’usage telles le portail spatial de la NASA (NASA Space Portal) et le NASA Earth Exchange (NEX).)

Les auteurs du livre n’hésitent pas à dresser un parallèle entre les scientifiques pétris de transhumanisme et les terroristes islamistes (p.171). Loin d’être fascinés par les promesses de l’homme « augmenté », « amélioré » et le rêve d’un « transhumanisme soft et positif », ils parlent de mirages et de catastrophes potentielles dont seuls tireront profit quelques privilégiés. « Pourquoi risquer un suicide par négligence active ? »s’interrogent-ils. S’appuyant sur Jacques Ellul et Ivan Illich, ils rappellent que l’histoire de l’humanité a conduit à instaurer « un ordre naturel des choses » dans lequel il est possible de s’épanouir. « Cet ordre ne résulte pas d’un dessein, ils n’est pas immuable, mais l’harmonie entre nous et “le dehors” n’est possible que si les changements de l’un et de l’autre arrivent de façon synergique, ce qui nécessite lenteur et adaptation. C’est en quoi il faut craindre les interventions brutales et arbitraires tant sur la nature que sur l’homme », mettent en garde Jacques Testart et Agnès Rousseaux. Et d’appeler à la mobilisation des « structures mondiales », en premier lieu des Nations unies, à préserver ce qui constitue le « bien commun » de l’humanité, à mettre en avant l’intelligence collective et le souci des autres. La recette, malheureusement, est un peu courte pour conjurer un péril qu’ils ont fort bien dénoncé dans leur ouvrage.

La déconstruction de l’homme

Extrait :
Fabriquer un être humain supérieur, artificiel, voire immortel, dont les imperfections seraient réparées et les capacités améliorées. Telle est l’ambition du mouvement transhumaniste, qui prévoit le dépassement de l’humanité grâce à la technique et l’avènement prochain d’un « homme augmenté » façonné par les biotechnologies, les nanosciences, la génétique. Avec le risque de voir se développer une sous-humanité de plus en plus dépendante de technologies qui modèleront son corps et son cerveau, ses perceptions et ses relations aux autres. Non pas l’« homme nouveau » des révolutionnaires, mais l’homme-machine du capitalisme.

Bien que le discours officiel, en France, résiste encore à cette idéologie, le projet technoscientifique avance discrètement. Qui impulse ces recherches ? Comment se développent-elles dans les champs médicaux, militaires et sportifs ? Comment les débats démocratiques sont-ils éludés ? Et comment faire face à des évolutions qui ne feront que renforcer les inégalités ? Surtout, quel être humain va naître de ces profondes mutations, de ces expérimentations brutales et hasardeuses sur notre espèce, dont l’Homo sapiens ne sortira pas indemne ?

Jacques Testart, biologiste, est le père scientifique du premier bébé-éprouvette français né en 1982. Il développe une réflexion critique sur les avancées incontrôlées de la science et de la technique dans ses nombreux écrits, dont Faire des enfants demain, Seuil, 2014 et L’Humanitude au pouvoir, Seuil, 2015.

Agnès Rousseaux, journaliste, coordonne le média indépendant Basta ! (www.bastamag.net) suivi par plus d’un million de lecteurs chaque mois. Elle a codirigé Le Livre noir des banques LLL, 2015.

Le transhumanisme en chair et en os

Le Temps.ch

 

Le journaliste Mark O’Connell sonde la fascination des mortels pour l’éternité radieuse promise par les nouvelles technologies. Son reportage en immersion auprès d’apprentis sorciers 4.0. vaut mille analyses sur le sujet

Mark O’Connell est un ancien professeur de littérature anglaise irlandais reconverti dans le journalisme.

«S’il te plaît, Google, résous le problème de la mort»: c’est munis de cette pancarte que des convertis au transhumanisme ont manifesté devant le siège de Google, peu après que cette entreprise eut investi, en 2014, des centaines de millions de dollars dans le groupe Calico, spécialisé dans les biotechnologies.

Ce fut la première action de rue transhumaniste sur sol américain. Le slogan des manifestants résumait bien le cœur de leur doctrine: nous délivrer de la mort par le moyen des nouvelles technologies, raison pour laquelle la Silicon Valley est le berceau naturel de ce nouveau credo…

Deux portraits retiennent particulièrement l’attention, où le pittoresque le dispute au pathétique. D’abord, celui de Max More (un pseudonyme qui est identiquement un programme; sa femme s’appelle Vita-More, plus de vie), connu de tous les transhumanistes pour avoir rédigé en 1999 une Lettre à Mère Nature qui est devenue un véritable manifeste du mouvement.

Ce philosophe de formation est aujourd’hui reconverti dans une entreprise de cryonie (congélation) qui conserve les cadavres pour 200 000 dollars et les «céphalons» (entendez: les têtes découpées du corps) pour 80 000 dollars. »«Et voilà aujourd’hui où cet homme brillant en était: il passait ses journées dans un petit bureau de la banlieue de Phoenix… »

Désormais, le problème de ce théoricien du transhumanisme est d’élargir la base de sa clientèle. Sa femme partage son rêve: troquer son enveloppe actuelle «pour une multitude de corps physiques et virtuels»…

 

 

 

 

Résultat de recherche d'images pour "bus de l'immortalité"

Changement de décor avec l’inénarrable István Zoltán, candidat à la dernière élection présidentielle américaine ayant traversé les Etats-Unis d’ouest en est à bord de son «bus de l’immortalité», un vaste camping-car customisé en cercueil géant.

Au fil des pages, O’Connell suggère que ce nouvel espoir relève d’un instinct fondamentalement religieux. La thèse mérite en effet discussion. Mais on l’a compris, ce livre n’est pas un livre théorique; c’est plutôt un reportage en immersion. Il nous en apprend pourtant beaucoup plus que nombre d’essais philosophiques sur la question.

pour un approfondissement cf la présentation de Laurent Ottavi dans Limite

Jacques Ellul ou l’impasse de la technique

 

 

sur le journal du Mauss : par Jean-Pierre Jéséquel

Pourquoi Jacques Ellul, l’un des principaux penseurs de la technique, précurseur de la décroissance, français, reste-t-il somme toute si mal connu, et notamment en France ? Sans doute, conclut J-P. Jézéquel au terme d’un exposé très éclairant de sa doctrine, parce que cette critique du règne de la technique s’inscrit dans une perspective en dernière instance théologique. Reste à le reprendre en des termes purement laïques.

Jacques Ellul est un des penseurs français les plus considérables de la seconde moitié du vingtième siècle. C’est aussi l’un des plus méconnus ; méconnu, mais pas tout à fait inconnu. Cette affirmation quelque peu péremptoire repose sur le constat de son travail précurseur, original et visionnaire consacré au phénomène technique dans nos sociétés. On peut dire que, chaque jour, l’actualité économique, socio-politique ou climatique fournit des illustrations de la pertinence de ses analyses prémonitoires.

La technique : une question centrale, une analyse incontournable

Au cœur d’une production éditoriale prolifique qui comprend une cinquantaine d’ouvrage, Ellul a publié trois ouvrages consacrés exclusivement à la technique.
La technique ou l’enjeu du siècle  , écrit dès 1950 mais publié seulement quatre ans plus tard est l’ouvrage fondateur. Le système technicien  sorti en 1977 systématise sa pensée sur le phénomène. En 1988, le bluff technologique  actualise ses réflexions avec en particulier de longs développements sur la généralisation de l’informatique. Il n’est pas question de résumer ici un travail qui s’étale sur les quelque 1220 pages que totalisent ces trois ouvrages, sans compter les articles consacrés directement ou indirectement à ce sujet ni le cours enseigné à l’IEP de Bordeaux tout au long de sa carrière universitaire. Il s’agit d’abord de retracer l’originalité de ses analyses et la permanence de leur portée…

Pour Ellul, la technique ne se définit pas par une accumulation de machines. Il se distingue en cela d’un précédent observateur du phénomène technique, Lewis Mumford [6]. La technique a un rapport étroit avec la rationalité : c’est la recherche du moyen le plus efficace dans tous les domaines. Le développement technique s’exprime donc autant dans le domaine matériel que dans l’immatériel, en particulier dans le domaine de l’organisation sociale. A partir de cette définition large, Ellul a longuement analysé les caractères de la technique. D’abord, la technique est devenue un phénomène autonome : autonomie par rapport à l’économique, le politique, le culturel, la morale et, en fin de compte, autonomie par rapport à l’homme lui-même. Il y a une automaticité du progrès technique : une avancée dans tel domaine en provoque inéluctablement une autre dans un domaine voisin ou plus éloigné. Il s’opère une dissolution des fins (assignables par une collectivité humaine) dans les moyens de la technique : « la technique se développe parce qu’elle se développe ». Cette confusion des moyens et des fins est un des points-clé de l’analyse. La technique est devenue globale, universelle. Cette extension de la technique concerne l’ensemble des domaines d’activités de l’homme ainsi que l’ensemble des sociétés . Ellul a été souvent classé, à tort, dans les technophobes, source de contresens majeur sur ses analyses,. Pour lui, la technique n’est ni bonne, ni mauvaise ; elle est ambivalente.

pour lire tout l’article

Facebook détecte notre classe sociale et déclenche la lutte (algorithmique) finale

 

 

Depuis le temps que je vous raconte que le projet des grandes plateformes de l’internet est avant tout un projet politique. Depuis le temps que je dénonce le risque d’un fascisme documentaire opposant une humanité sous-documentée à une humanité sur-documentée. …

Le 1er Février 2018 Facebook a obtenu la publication d’un brevet qu’il avait déposé en Juillet 2016, brevet intitulé « Socioeconomic group classification based on user features ». (disponible en pdf et en intégralité par ici)

 

La prédiction est le soupir de la créature opprimée.

Et voilà tout. Qu’il soit ou non finalement utilisé, l’histoire de ce brevet de détection de la classe sociale, c’est une nouvelle histoire de l’oppression d’une classe sur une autre. Une oppression qui est une automatisation qui est elle-même une essentialisation. En fait, la conclusion de l’article que vous êtes en train de lire a déjà été écrite dans un ouvrage paru bien avant la publication du brevet des classes sociales, ouvrage de Virginia Eubanks titré « De l’automatisation des inégalités« , que je n’ai personnellement pas lu mais dont Hubert Guillaud nous livre, comme il en a l’habitude, une synthèse et une mise en perspective brillante et exhaustive.

En enquêtant sur une poignée de systèmes automatisés développés pour optimiser les programmes sociaux américains, elle dénonce une politique devenue performative … c’est-à-dire qui réalise ce qu’elle énonce. Selon elle, les programmes sociaux n’ont pas pour objectif de fonctionner, mais ont pour objectif d’accumuler de la stigmatisation sur les programmes sociaux et renforcer le discours montrant que ceux qui bénéficient de l’assistance sociale sont, au choix, des criminels, des paresseux ou des profiteurs. La rationalisation des programmes d’aide publics du fait de la crise et des coupes budgétaires les contraint à toujours plus de performance et d’efficacité. Or cette performance et cette efficacité s’incarnent dans des outils numériques qui n’ont rien de neutre, pointe la chercheuse. »

A lire tout cela on se souvient bien sûr de Lawrence Lessig et de son Code Is Law. De l’importance qu’il soulignait déjà en 1999 de former les ingénieurs et les développeurs à des questions juridiques, éthiques, philosophiques ; à ce qu’il racontait sur le fait que les programmes transmettaient avant tout des chaînes de valeurs, et que ces valeurs n’étaient pas uniquement des « variables » mais bien des postures et des postulats relevant de la morale. Une thèse reprise et développée par Virginia Eubanks :

« Quand on parle de technologies, on évoque toujours leurs qualités. Leurs promoteurs parlent de technologies disruptives, arguant combien elles secouent les relations de pouvoirs instituées, produisant une gouvernementalité plus transparente, plus responsable, plus efficace, et intrinsèquement plus démocratique. » Mais c’est oublier combien ces outils sont intégrés dans de vieux systèmes de pouvoirs et de privilèges. »

La métaphore de l’hospice numérique qu’elle utilise permet de résister à l’effacement du contexte historique, à la neutralité, que la technologie aimerait produire. L’hospice numérique produit les mêmes conséquences que les institutions de surveillance passées : elle limite le nombre de bénéficiaires des aides, entrave leur mobilité, sépare les familles, diminue les droits politiques, transforme les pauvres en sujets d’expérience, criminalise, construit des suspects et des classifications morales, créé une distance avec les autres classes sociales, reproduit les hiérarchies racistes et ségrégationnistes… Sa seule différence avec les institutions d’antan est de ne plus produire de l’enfermement physique. Certainement parce que l’enfermement dans les institutions de surveillance a pu produire des solidarités qui ont permis de les combattre … Les outils numériques produisent non seulement de la discrimination, mais aussi de l’isolement entre ceux qui partagent pourtant les mêmes souffrances.

 

Le transhumanisme et les chimpanzés du futur

 

sur inf’OGM et Pièces et maind’oeuvre mars 2017

Le transhumanisme est l’héritier du mouvement eugéniste du début du XXè siècle. Le mot est forgé par Julian Huxley, le frère de Aldous, biologiste et promoteur de « l’amélioration de l’espèce humaine« .

A l’ère des technologies convergentes –  nano, bio et neuro-technologies associées à la puissance informatique-les eugénistes modernes prônent une prise en main de l’évolution par la technologie afin de créer le post-humain.

Le post-humain est un surhomme-machine doté de nouvelles fonctionnalités et débarrassé des contingences naturelles, naissance, maladie, vieillesse, mort.

Le transhumanisme est l’idéologie de la technocratie au pouvoir en quête de toute-puissance et de maîtrise totale.

Aujourd’hui les laboratoires publics et privés, les start-up et multinationales du monde entier sont en concurrence pour développer l’homme-machine : prothèses et implants électroniques, interfaces homme-machine, ingénierie homme-machine etc…

Les adeptes du posthumain vantent eux-mêmes les innovations « disruptives » celles qui font changer de nature : modifier le génome humain, mettre des implants électroniques dans le cerveau ou greffer une rétine connectée.

Ce n’est pas pareil de soigner et réparer c’est à dire de maintenir un état de santé et d’augmenter les capacités voire d’en inventer des nouvelles. La rupture se situe dans la nature même du projet et de ses objectifs.

« Les chimpanzés du futur » est une expression inventée par le cybernéticien anglais Kevin Warwick en 2002. Vous ne serez pas obligés de vous augmenter, simplement ceux qui ne le feront pas formeront une sous-espèce qu’il appelle « les chimpanzés du futur.« 

La lutte des classes cède la place à la lutte des espèces entre les surhommes « augmentés » et les sous-hommes « diminués ».

La société transhumaniste c’est le techno-totalitarisme où les puissants « augmentés » se débarrassent des inférieurs, les superflus.  Le progrès technologique n’est pas synonyme de progrès social et humain mais plutôt l’inverse.

pour lire tout l’article 

transhumanisme : du progrès de l’inhumanité

l’appel des chimpanzés du futur contre le techno-totalitarisme

LETTRE OUVERTE À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR CERTAINES ARMES CLASSIQUES

sur Future of Life

FLI AOÛT, 2017 LETTRE D’INFORMATION

Les leaders de la robotique de pointe et les entreprises de l’IA appellent à l’interdiction des robots tueurs

« Les armes offensives autonomes [capables de tuer] permettront des conflits armés à une échelle jamais vue auparavant et à des vitesses difficiles à concevoir pour les humains, » ont prévenu une centaine de responsables d’entreprises de robotique ou spécialisées dans l’intelligence artificielle, dont le milliardaire Elon Musk

En tant qu’ entreprises construisant les technologies de l’Intelligence Artificielle et de la Robotique qui pourraient être réutilisées pour développer des armes autonomes, nous nous sentons particulièrement responsables de cette alerte. Nous accueillons chaleureusement la décision de la Conférence des Nations Unies sur certaines armes classiques de créer un groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létales autonomes. Nombre de nos chercheurs et ingénieurs sont désireux d’offrir des conseils techniques à vos délibérations.

Les armes autonomes létales menacent de devenir la troisième révolution de la guerre. Une fois développés, elles permettront de mener un conflit armé à une échelle plus grande que jamais, et à des échelles de temps plus rapides que les humains peuvent comprendre. Ceux-ci peuvent être des armes de terreur, des armes que les despotes et les terroristes utilisent contre des populations innocentes, et des armes piratées pour se comporter de manière indésirable. Nous n’avons pas longtemps à agir. Une fois que la boîte de Pandore est ouverte, il sera difficile de la refermer. Nous implorons donc les Hautes Parties contractantes de trouver un moyen de nous protéger tous contre ces dangers.

Parmi la centaine d’entrepreneurs, 7 français :

Raul Bravo , fondateur et PDG de DIBOTICS, France. , fondateur et président d’AIXTREE, France. Raphael Cherrier , fondateur et PDG de Qucit, France. Alain Garnier , fondateur et PDG d’ARISEM (acquis par Thales), fondateur et PDG de Jamespot, France. Jerome Monceaux , fondateur et PDG de Spoon.ai, fondateur et CCO d’Aldebaran Robotics France. Charles Ollion , fondateur et directeur de la recherche chez Heuritech, France. Anis Sahbani , fondateur et PDG d’Enova Robotics, France. Alexandre Vallette , fondateur de SNIPS & Ants Open Innovation Labs, France.

Pour lire et diffuser la lettre ouverte au député Villani

Pour accéder aux autres articles publiés sur l’intelligence artificielle et le trnshumanisme

Le transhumanisme : un crime contre l’humanité

-> Pour accéder à la lettre ouverte adressée au député Villani le 9 septembre et la diffuser

 

-> pour accéder aux articles sur le transhumanisme et l’intelligence artificielle

 

tempsréel.nouvelobs.com n-11 mars 2013

Le transhumanisme français : que des surhommes, pas de sous-hommes

Le courant transhumaniste, né dans les années 1980 en Californie, repose sur un postulat simple  : les progrès scientifiques permettront bientôt à l’homme de s’améliorer lui-même, d’augmenter ses capacités existantes, d’accéder à de nouveaux sens, voire à un nouveau niveau de conscience. Bref, l’homme pourra et devra bientôt transcender son humanité.

Marc Roux :

«  En réalité, quand on parle de cyborgs, ça existe déjà depuis l’implant cochléaire : c’est une technologie bionique qui rétablit le contact avec le nerf auditif. Qu’en est-il du pacemaker  ? Pour s’améliorer, ce n’est qu’une question de réglages. La réflexion transhumaniste se résume ici  : pourquoi ne pas faire ce choix, pourquoi ne pas nous améliorer  ?  »

les exemples ne manquent pas  :

 

sur le site de Science et Avenir 

 Le 9 avril 2016, le neurologue de l’Inserm François Berger participait à la table ronde « Embryon, génome, cerveau : faut-il craindre les manipulations ? », dans le cadre des Grands débats de la science, organisés par les magazines Sciences et Avenir et La Recherche au Collège des Bernardins, à Paris.

« La banalisation du transhumanisme n’est pas éthique, s’est alarmé François Berger. Il faut vraiment lutter contre ce discours, qui se développe depuis 4 ou 5 ans. Les idées de post-humain qui sont véhiculées par ce mouvement transhumaniste sont des choses qui sont un crime contre l’humanité », a asséné le neurologue.

Pour un inhumanisme à visage humain  – sur le site Pièce et Main d’oeuvre:

Retenez cette date : à l’automne 2017, l’université grenobloise affiche pour la première fois sa connivence avec les fanatiques de l’homme-machine. La Fête de la Science, du 7 au 15 octobre 2017, lui en fournit l’occasion : outre ses habituels ateliers de formatage technoscientiste ludiques, interactifs et bétifiants (« Pepper, le robot compagnon », « Rob’Air, le ptit nom mignon du robot de l’université »), la Communauté universitaire Grenoble Alpes  accueille sur le campus l’Association française transhumaniste (AFT) Technoprog tout l’après-midi du 12 octobre. Non comme invitée, mais comme organisatrice d’un forum intitulé : « Transhumanisme, bonnes pratiques ». Vous avez bien lu. Bienvenue dans nos
ateliers « Pour un inhumanisme à visage humain », « Déontologie de l’anthropophobie » et « Vers une fin de l’espèce humaine équitable, durable et responsable »


Une gelée de mots typique de l’Association française transhumaniste (AFT) Technoprog. Son président,Marc Roux, répète à tous les micros : « un autre transhumanisme est possible » – comprendre, un transhumanisme « de gauche », « collaboratif », « encadré », « responsable », « égalitaire »
et remboursé par la sécu. Mais sa vraie pensée, exprimée dans ses « Propositions technoprogressistes », est d’un banal libertarisme :
« La société et l’État devrait (sic) intervenir le moins possible face à la
responsabilité du choix des individus, mais aussi celle des parents ou futurs parents, quant à l’usage du corps
. »

Technoprog (abrégé de « techno-progressisme ») a bien choisi son nom. Le progrès, pour les anthropophobes, est le progrès des machines et des maîtres des machines. Chacun constate déjà, dans sa propre vie, à quel point ce techno-progrès est synonyme de regrès social et humain.

À l’élite « augmentée » par manipulations génétiques ou par hybridation avec la technologie, le techno-progrès promet un surcroît de puissance digne de sa soif de domination. Aux autres, humains non-augmentés, inférieurs et superflus, il réserve le sort des espèces menacées. Comme le disent les transhumanistes sur leurs forums : « Il sera intéressant de voir la pression s’inverser peu à peu et les hyper-valides devenir les nouveaux
valides » – c’est-à-dire, de voir les valides devenir les handicapés de demain.

Ainsi, Alim-Louis Benabid, neurochirurgien vedette de la cuvette, avait reçu trois millions de dollars du « Breakthough Prize 2015 » créé et abondé par Mark Zuckerberg (Facebook), Sergeï Brin (Google), Art Levinson (California Life Compagny, pour « la mort de la mort »)
et autres patrons transhumanistes californiens, en remerciement de sa contribution à leur programme inhumaniste.
.
Le fondateur de Clinatec, la clinique grenobloise qui expérimente implants
neuroélectroniques et interfaces homme-machine futuristes, a sans doute été impressionné par sa réception à Mountain View, dans les locaux de Google. Lui aussi assume désormais son transhumanisme, dans les colonnes de Sciences et avenir de juillet 2017 :
« « On m’interroge toujours sur ce qu’on appelle ‘l’augmentation' », constate le Pr Benabid, qui pratique le BCI (brain computer interface), interface cerveaumachine portée au pinacle par le célèbre entrepreneur américain Elon Musk, qui a tout récemment clamé vouloir doter l’humain d’intelligence artificielle.
Autrement dit, se faire fort d’augmenter ses capacités, et notamment pour faire face aux machines, elles-mêmes dotées d’intelligence artificielle. À ce sujet, « mon attitude a changé » explique A.-L. Benabid.

10 octobre 2017 : rapport du Sénat : L’impact et les enjeux des nouvelles technologies d’exploration et de thérapie du cerveau

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