Etats-Unis : la souffrance animale et l’élevage intensif

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Dans une très longue enquête, le New York Times a dévoilé le fonctionnement pour le moins choquant de l’United States Meat Animal Research Center, un centre qui mène depuis les années 1960 des recherches sur l’élevage des animaux pour l’adapter aux besoins du XXIe siècle. Officiellement, il s’agit d’« accroître l’efficacité de la production tout en maintenant un produit de bonne qualité ». En réalité, selon le journal, les expériences scientifiques qui y sont pratiquées ont pour objectif d’augmenter les naissances des vaches, des moutons ou des porcs pour profiter à l’industrie. Le centre cherche aussi à rendre les viandes « plus faciles à mâcher » et à améliorer la traçabilité.

« Peu connu en dehors de l’industrie agricole, le centre a cependant une mission qui domine toutes les autres : aider les producteurs à augmenter leurs profits alors que la tendance diététique est au poulet, au poisson et aux légumes. »

Une des particularités du centre est de ressembler à une base secrète de l’armée. D’une superficie de 88 km2, il se trouve dans le fin fond des plaines désertes du Nebraska, et est entouré de barrières de sécurité.

Une autre de ses particularités est qu’il est financé directement par le contribuable américain. Créé par le Congrès et supervisé par le ministère de l’agriculture, le centre bénéficie d’une impunité presque totale dans ses expérimentations qui se font souvent au détriment des animaux, selon l’enquête. Ce qui est d’autant plus choquant lorsqu’on sait que c’est le ministère de l’agriculture qui est chargé d’appliquer l’Animal Welfare Act, qui empêche l’abus sur les animaux dans les laboratoires de recherche.

D’anciens et d’actuels salariés du centre, des vétérinaires qui ont pu le visiter ou des responsables ont été interrogés par le New York Times. Il en ressort que les animaux sont particulièrement maltraités. « Ils s’intéressent énormément à l’augmentation de la production de l’animal, et à peine à leur bien-être », résume James Keen, un scientifique et vétérinaire qui a travaillé au centre durant vingt-quatre ans.

« Peut-être que ça ne les gêne pas parce qu’ils n’y pensent pas trop, et que personne ne les surveille. Mais la plupart des Américains et même les producteurs de viande auraient du mal à cautionner certaines des choses que ce centre a faites. »

Morts écrasés à la naissance

Au moins 30 000 animaux sont actuellement dans le centre. Depuis 1985, 580 000 y ont transité et, selon des documents obtenus par d’anciens employés, 6 500 y sont morts de faim. La maltraitance, à des degrés divers, est souvent la conséquence d’expériences dont le but est d’augmenter les naissances artificiellement :

  • Pour créer des agneaux plus grands, les scientifiques leur ont injecté des hormones mâles. Mais les organes génitaux de leurs bébés ont commencé à se déformer à la naissance. Devant le grand nombre de décès, l’expérience a été abandonnée.
  • Des mesures ont été prises pour que les truies aient plus de petits, « jusqu’à quatorze au lieu des huit habituels ». Le résultat a été la mort à la naissance de centaines de bébés, écrasés par leur mère lorsqu’elle bougeait.
  • Chez les vaches, l’expérience fut plus longue. Depuis 1981, le centre tente d’augmenter les naissances de jumeaux ou de triplés, pour augmenter la productivité des vaches. Grâce à des techniques d’insémination artificielle, la probabilité qu’une vache ait des jumeaux est passée de 3 pour 100 naissances à 55 pour 100 naissances. Les conséquences ont été désastreuses : les petits avaient souvent des déformations et le taux de mortalité à la naissance chez les jumeaux a atteint 16,5 %, quatre fois plus que la moyenne.

Le directeur du centre, John E. Pollak, n’a pas répondu aux questions du New York Times. Le ministère de l’agriculture a déclaré, via un communiqué, que le centre respectait les règles fédérales sur la protection des animaux. « Nous sommes aussi préoccupés que les autres par le traitement des animaux sans cruauté », a déclaré Sherrill E. Echternkamp, un scientifique qui a pris sa retraite du centre en 2013. Avant d’ajouter :

« Ce n’est pas un monde parfait. Nous essayons de nourrir une population qui se développe très rapidement, pour arriver à 9,5 milliards d’individus d’ici à 2050. Si nous voulons continuer à la nourrir, il y a des compromis à faire. »

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