Christian Godin enseigne la philosophie à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Il collabore à différents journaux ou périodiques (Marianne, Le Magazine littéraire, Sciences et avenir, etc.) Il est également connu pour ses multiples ouvrages pédagogiques.
Ce essai tragique est dédié à tous ceux qui, dans le monde, s’efforcent de le maintenir en un état humainement vivable pour les générations futures.
L’homme moderne est en réalité travaillé par une passion sourde, inavouable et inadmissible, qui est son mépris et même sa haine de la nature…
Les gens ont intégré psychiquement l’idée que la nature est un ennemi à vaincre dans un combat perpétuel…
La fin de la nature est allée de paire avec celle de la poésie… Seul Heidegger en a pris toute la mesure. Désormais la nature n’est plus un espace de rêve mais un champ d’action.
Albert Camus a observé que la littérature ne décrit plus de paysage depuis Dostoïevsky. On peut dire dans le même sens que la peinture ne peint plus de paysage depuis Cézanne. La chanson et le cinéma contemporains ignorent systématiquement la nature…Au cinéma la nature ne sert plus que de décors…. Le cosmos contemporain n’est plus celui qu’inventa Pythagore – il n’évoque plus tant l’ordre des astres que les supposées prouesses de la technique et de la science-fiction. Les grands courants philosophiques contemporains – phénoménologie, existentialisme, philosophie analytique, structuralisme, déconstructionnisme, postmodernisme se signalent par un oubli presque total des astres, des plantes et des animaux.
La pensée tend à ne reconnaître d’autres supériorités qu’en elle. La dématérialisation de l’économie conduit à un éloignement toujours plus grand vis-à-vis de la nature.
C’est le mépris de la réalité qui rend possible le changement du monde et l’élévation de l’artifice humain au rang d’absolu.
En s’arrogeant le privilège du faire, l’homo économicus a réduit la nature à un cadre inerte, espace vide et matière informe, taillable et corvéable à merci-tournant ainsi le dos à la conception millénaire d’une nature féconde et nourricière.
Aujourd’hui nous voyons les Etats, par faiblesse, se coucher devant les puissances tyranniques de l’économie.
L’homme d’aujourd’hui a perdu le sens de la totalité.
En trente ans le changement du paysage de la planète va dans un seul sens : celui de la dévastation.
Le monde humain devient inhumain à partir du moment où il n’est plus qu’humain.
La Terre a connu déjà cinq extinctions massives dont la plus connue, la dernière, au début de l’ère tertiaire il y a 65 millions d’années. Nombre de spécialistes pensent que nous sommes en train d’assister à une sixième extinction provoquée par l’homme. Au XVI ième siècle une espèce animale disparaissait tous les siècles, en 1900 c’était une par an et aujourd’hui plusieurs par heure.
La volonté de puissance qui est le moteur de l’histoire humaine surtout depuis cinq siècles, va irrésistiblement dans le sens de la destruction de la nature.
L’homme moderne idéalisait son origine qu’il voyait comme pure et parfaite. Mais l’homme moderne est mort et l’homme postmoderne qui l’a remplacé cultive l’artificiel, le contraint, l’inquiétant, l’anormal, le monstrueux.
cf Revue critique sur France Culture