La stratégie diabolique des futures plantes OGM

Le Monde

Jeudi 1er août, le Conseil d’Etat a annulé le moratoire qui frappait depuis 2012 le MON810, un maïs transgénique de la firme américaine Monsanto. Le MON810 est une plante à laquelle un gène a été ajouté pour qu’elle produise une toxine dite « Bt » (du nom de la bactérie Bacillus thuringiensis qui la synthétise naturellement), toxine qui tue les insectes ravageurs de ce maïs, comme la pyrale, en paralysant l’intestin des larves. Dans l’esprit des créateurs de cette plante transgénique, faire fabriquer le pesticide directement par la plante évite aux agriculteurs d’en épandre sur leurs cultures. Cette décision du Conseil d’Etat a une nouvelle fois relancé le débat sur la culture d’organismes génétiquement modifiés (OGM) en France, les opposants aux OGM soulevant plusieurs arguments, comme les risques pour la santé des consommateurs (humains ou animaux d’élevage), la contamination des cultures non-OGM et du miel, le fait que certains insectes utiles seraient victimes de la plante ou bien le développement de résistances à la toxine chez les nuisibles.

Ce débat, qui a depuis longtemps quitté le domaine de la science pour tomber dans celui de la politique – les arguments exploités par les uns et les autres étant plus d’ordre idéologique que biologique –, pourrait bien de toute manière devenir rapidement un combat d’arrière-garde avec la future génération de plantes transgéniques, ainsi que le souligne Science dans son numéro spécial du 16 août, consacré à l’épineuse question des pesticides. En effet, les OGM de demain ne seront plus conçus suivant le principe assez basique qui consistait à leur faire produire l’insecticide. Non, ils seront l’insecticide, grâce à une stratégie diabolique, celle de l’interférence ARN.

Derrière cette expression se cache un phénomène dont la découverte a valu à Craig Mello et Andrew Fire le Nobel de médecine 2006. Pour le comprendre, il faut entrer dans le mécanisme cellulaire. Dans le noyau se trouve l’ADN, qui constitue le support de l’information génétique et détient la recette de fabrication des protéines indispensables à la vie. En revanche, l’usine qui synthétise ces protéines est située dans le cytoplasme de la cellule, c’est-à-dire à l’extérieur du noyau. Pour fabriquer une protéine, il faut par conséquent copier l’information contenue dans le gène qui, au sein de l’ADN, correspond à cette protéine, puis la transporter à l’extérieur du noyau. C’est le rôle de l’ARN messager.

Ce qu’ont découvert Mello et Fire, c’est que l’on pouvait, à l’aide d’un ARN dit « interférent », intercepter le facteur en cours de route : de tout petits morceaux de cet ARN interférent viennent se coller à l’ARN messager, ce qui entraîne sa destruction. Conclusion : le message ne parvient jamais à l’usine à protéines, la protéine n’est pas synthétisée et son gène est comme éteint. Le phénomène de l’interférence ARN se retrouve dans la nature, soit pour lutter contre l’introduction de génomes étrangers (de virus, par exemple), soit pour moduler l’expression de certains gènes.

L’idée des fabricants de semences OGM consiste à faire fabriquer à leurs plantes un micro-ARN interférent réduisant au silence une protéine-clé pour l’organisme des insectes ravageurs. Une fois que ces derniers auront croqué dans la plante et assimilé l’ARN interférent en question, celui-ci empêchera la production de la protéine vitale et l’animal mourra. 

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