Pour une gouvernance écologique des organisations

 

Par Isabelle Desplats

Notre capacité d’empathie les uns les autres s’avère au moins aussi forte que notre penchant pour l’agressivité.

Au début des années 90 des chercheurs en biologie ont révélé l’existence dans le cerveau humain de « neurones miroirs » permettant à l’homme de ressentir physiquement les émotions vécues par ses congénères.

Face à la finitude de nos ressources naturelles, pourquoi ne pas chercher à développer la coopération, entre individus et entre organisations, plutôt que la concurrence à tout prix ?

Les méthodes de gestion actuelles focalisées sur les profits à  court terme, ne tiennent compte ni des individus, ni de l’environnement. La pression vécue par les salariés devient souvent intolérable.

Après des responsabilités au sein de diverses structures Isabelle Desplats est depuis 10 ans formatrice et consultante. Elle accompagne les organisations dans la mise en place d’une gouvernance porteuse de sens. Ses méthodes favorisent la coopération plutôt que la compétition et les antagonismes, permettent l’épanouissement des individus et l’émergence d’une intelligence collective. Elles se basent sur des outils précis et rigoureux : communication non violente, sociocratie, holacratie notamment.

La vie politique de notre pays et tous les secteurs de l’économie doivent s’engager dans une mutation profonde pour remettre le respect de l’homme et de la nature en tête de leurs priorités.

Le noeud central, en amont de toutes ces questions, est d’abandonner le culte de la compétition, de la concurrence et de l’individualisme pour accepter d’apprendre la coopération. Cela illustre ce que dit Pierre Rabhi : « il n’y aura pas de changement de société sans changement humain. »

Pour l’heure, les relations entre individus sont souvent marquées par des comportements archaïques : repli sur soi, individualisme, agressivité, luttes de territoire sont des réactions défensives qui s’enracinent dans des peurs et des insatisfactions. Il suffit d’observer le niveau de stress des cadres. les méthodes de management traditionnelles se heurtent à l’instabilité désormais chronique liée aux crises qui rend obsolète le mode de pilotage « prévoir et contrôler ».

Vers des systèmes auto-organisés

Une véritable mutation est possible vers une gouvernance plus adaptée aux enjeux actuels et qui permette que chacun puisse s’épanouir et devenir acteur dans son périmètre de compétence et travailler avec ses valeurs. En dépit des idées reçues cette dimension éthique n’est pas réservée aux organisations à but non lucratif.

La gestion pyramidale n’est pas une fatalité et des fonctionnements auto-organisés et auto-régulés émergent ça et là. (exemple des AMAP)

Faire émerger une intelligence collective

Les individus fonctionnent comme nos neurones : isolés ils restent inefficaces et ne deviennent « intelligents » qu’une fois connectés les uns aux autres.

Prenons l’exemple d’un grand constructeur automobile qui m’a sollicité pour initier de nouvelles pratiques. Plutôt que de grandes théories nous avons utilisé un mode collaboratif « en cercle » en s’appuyant sur des règles du jeu facilitant la qualité d’écoute et d’expression, la créativité et la prise de décision à l’unanimité.

Ce cas illustre une attitude pour changer de modèle de gouvernance : la stratégie des petits pas beaucoup utilisée par les japonais et qu’ils appellent la loi du Kaisen.

La progressivité permet de lever un frein majeur au changement : la peur face à l’inconnu.

 

Une gouvernance fondée sur l’équivalence des individus

La communication non violente nous permet de construire une posture relationnelle à la fois constructive dans un cadre de travail collectif et bénéfique pour soi-même. Elle permet d’éviter les parasites relationnels et de libérer l’énergie pour avancer.

L’initiation à la CNV est un préalable idéal pour découvrir les méthodes de gouvernance participatives telles que l’holacratie.

La manière la plus rapide et la plus efficace consiste à impliquer les personnes concernées le plus tôt possible dans les prises de décision de manière à ce qu’elles s’y reconnaissent vraiment.

La sociocratie offre un mode opératoire destiné à prendre des décisions « par consentement ». Son objectif est de favorisier le partage du pouvoir et de la responsabilité entre les membres d’un collectif.

Concrètement cet outil préconise de créer au sein des équipes des temps de concertation « en cercle »pour prendre des décisions stratégiques à son échelle et des décisions de gouvernance sur son propre fonctionnement.  Ces cercles reliés entre eux viennent se superposer à la structure d’exécution opérationnelle, sans la remplacer, pour lui permettre d’agir avec plus de clairvoyance et de puissance grâce à une meilleure implication des membres.

Ces processus supposent une triple capacité à s’écouter soi, écouter les autres en conscience des priorités de l’organisation dans son environnement. Ils permettent la difficile articulation entre l’individu et l’organisation.

Cas pratique : L’histoire du Groupe Solid’Aire.

En 1992 , les habitants de la commune d’Arbent ( Ain) décident de se mobiliser pour accompagner quatre personnes à trouver du travail. Les résultats ont dépassé les attentes   et cette intiative s’est officialisée sous la forme d’une association devenue depuis le Groupe Solid’Aire qui emploie 350 personnes chaque année avec 22 salariés professionnels.

A partir de 2007 le directeur Pascal Corniquet Estevez souhaite adopter de nouveaux outils de gouvernance au sein du groupe afin que la gestion du personnel soit en adéquation avec les valeurs de coopération et de solidarité de l’association.

La réussite de ce  changement qui ne se résume pas à un assouplissement des méthodes ou une meilleure écoute des collaborateurs est notamment le résultat de la formation du directeur à la sociocratie, l’holacratie, la communication non violente.

Depuis janvier 2011, la gouvernance du Groupe fonctionne avec trois niveaux de prise de décision :

– Certaines décisions sont individuelles

– d’autres nécessitent la formation d’un espace dédié

– enfin certaines relèvent d’un cercle existant déjà.

 

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<—– vers la page : (R)évolutions-Pour une politique en actes

 

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