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Selon une étude publiée dans le journal Frontiers in Ecology and the Environment, et reprise par l’ONU, les chauves-souris peuvent être plus efficaces et moins coûteuses que les pesticides traditionnels.
Le « syndrome du nez blanc » a tué des millions de chauves-souris aux Etats-Unis et au Canada ces dernières années. Selon une étude publiée le 9 avril, la maladie viendrait d’Europe et aurait pu être introduit par des touristes. La maladie, provoquée par le champignon Geomyces destructans qui a commencé à détruire des colonies de chauves-souris en 2006 dans l’Etat de New York, n’est pas apparue en Europe, ce qui laisse supposer que les chauves-souris du Vieux continent sont naturellement immunisées. Une expérience auprès de chauves-souris européennes doit toutefois confirmer l’an prochain cette découverte. Les animaux atteints de ce syndrome ont des comportements inhabituels comme voler à l’extérieur en plein jour durant les mois d’hiver, ce qui réduit leurs chances de survie au froid.
L’étude révèle ainsi que les chauves-souris brésiliennes (Tadaridabrasiliensis) pourraient être utilisées aux Etats-Unis comme alternative aux pesticides sur les champs de coton. Une solution dont la valeur économique est même estimée à 740.000 US dollars, l’étude prenant en compte la valeur des cultures de coton qui auraient été perdues en l’absence de chauves-souris, et des économies réalisées grâce à l’utilisation réduite des pesticides.
‘Les chauves-souris jouent un rôle essentiel en tant qu’agent de contrôle naturel des ravageurs en générant des avantages économiques, sociaux et environnementaux dans l’Economie Verte,’ a ainsi déclaré Elizabeth Maruma Mrema, la secrétaire exécutive par interim de la Convention du PNUE sur la conservation des espèces migratoires appartenant à la faune sauvage (CMS).
Comment les chauve-souris peuvent-elles remplacer les pesticides?
Durant les mois d’été, la chauve-souris brésilienne migre de son habitat du centre du Mexique jusqu’aux aires de reproduction dans le nord du pays et les zones du sud-ouest des Etats-Unis, où elle se nourrit de papillons et d’autres ravageurs agricoles très destructeurs tels que le ver de l’épi de maïs, le ver de la capsule de coton, le ver d’automne et le ver des bourgeons de tabac.
Les chauves-souris brésiliennes peuvent former d’énormes colonies de reproduction estivale, qui peuvent atteindre 10 millions. La population totale des colonies de la région peut même dépasser les 100 millions de chauves-souris chaque saison.
Comme prédateurs, les chauves-souris sont très efficaces pour éliminer les parasites sur une large zone. On peut notamment constater une augmentation de l’activité nocturne de chauve-souris lorsque les papillons commencent à émerger vers les champs de coton.
Une seule chauve-souris brésilienne femelle consomme huit grammes d’insectes adultes chaque nuit, ce qui représente à peu près deux tiers de son poids. Jusqu’à 20 papillons de nuit adultes sont ainsi mangés par une seule chauve-souris chaque nuit.
Une seule chauve-souris qui consomme 1,5 femelle adulte par nuit empêche alors cinq larves d’endommager les plantes cultivées. D’un autre côté, une larve détruit jusqu’à trois capsules (la capsule de protection dans laquelle le coton pousse) au cours de sa vie. Durant la haute saison en juin, lorsque les plants de coton sont très sensibles aux agressions externes, une seule chauve-souris pourrait donc empêcher un dommage pouvant aller jusqu’à 10 capsules par nuit (pour produire un kilo de graine de coton, 120 capsules sont nécessaires).
Dans la zone étudiée, la région Winter Garden du sud du Texas, les agriculteurs appliquent des pesticides tout au long du mois de juillet, au moment où la densité maximale des larves est atteinte. Bien que les pesticides détruisent près de 100% des oeufs et presque 90% des larves, les ravageurs deviennent de plus en plus résistants aux pesticides chimiques après seulement quelques jours, si bien que près de 80% des oeufs finissent finalement par survivre. En revanche, selon l’étude, une population d’1 million de chauves-souris empêcherait 5 millions de larves d’éclore par nuit.
Le coût d’une seule application de pesticide sur une superficie de 4.000 hectares peut atteindre 100.000 US dollars. L’utilisation des chauves-souris pourrait donc ainsi permettre une énorme économie !
De plus, parallèlement aux coûts financiers, il existe des risques environnementaux à l’application de pesticides. Les pesticides peuvent notamment contaminer les eaux souterraines et causer la perte d’ennemis naturels des chenilles de capsules, tels que fourmis, coccinelles et parasites, ainsi que des services de pollinisation par les oiseaux et les chauves-souris. Ces pertes potentielles augmentent encore l’importance des chauves-souris comme moyen de contrôle des insectes nuisibles.
Rodrigo Medellin, co-auteur de l’étude et ambassadeur de l’année de la chauve-souris (2011-2012) a ainsi déclaré : « Nous devons nous efforcer à conserver les habitats des chauves-souris à travers le monde pour le seul bien des avantages économiques. En plus de leur rôle en tant que contrôle de ravageurs, les chauves-souris offrent des services clés tels que la dispersion des graines et la pollinisation des plantes économiquement et écologiquement importantes. »
Voici donc une étude qui prouve qu’il prouve que la préservation de certaines espèces pourrait permettre de protéger la planète et même de faire d’importantes économies. Et qui prouve également qu’il est possible, et nécessaire, de se passer des pesticides… A bon entendeur !
Mathilde Emery