Hervé Kempf : l’autorité publique est aux mains du système financier

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Pour Hervé Kempf, journaliste et écrivain français, les sociétés occidentales marchent vers la dictature, les modèles qui régissent aujourd’hui les sociétés démocratiques d’Occident sont une démocratie en carton pâte qui obéit seulement à un maître : le système financier. En 2011, il a publié L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie, dans lequel il décrit la dérive des sociétés démocratiques occidentales vers des régimes oligarchiques, c’est-à-dire dans lesquels un petit nombre de personnes détient les pouvoirs politique, économique et médiatique.

Il a consacré un entretien à Pagina 12  que nous reproduisons ici.

 

Vous démontrez avec des exemples innombrables comment le monde glisse vers une sorte de régime autoritaire dont l’intention unique est de maintenir les privilèges d’une caste, l’oligarchie. Cela vous amène à une conclusion socialement et politiquement dramatique : la fin possible de la démocratie.

L’oligarchie est la définition d’un régime politique. L’oligarchie est un concept inventé par les grecs aux IVe et Ve siècle av. J.-C. Les grecs ont défini les façons selon lesquelles les sociétés humaines pouvaient être gouvernées : la dictature, le despotisme, la monarchie, la tyrannie, la démocratie, qui est le pouvoir du peuple pour le peuple et par le peuple, et ensuite ils ont défini une autre forme de gouvernement qui est précisément l’oligarchie. L’oligarchie est le pouvoir aux mains de peu de personnes. Ce que je dis alors c’est que, au moins en Europe, nous glissons vers l’oligarchie. Le système politique actuel fait qu’un groupe de peu de personnes imposent ses critères au reste de la société.

Vous suggérez que nous sommes dans une phase de post-démocratie dans laquelle, avec l’objectif de se maintenir au pouvoir, l’oligarchie maintient une fiction démocratique.

Bien sûr. L’oligarchie répète sans cesse que nous sommes dans une démocratie et que tout est parfait. C’est une fiction. Même les intellectuels ont oublié le concept d’oligarchie et contribuent à nourrir la fiction. Tous les intellectuels en syntonie idéologique avec le capitalisme ont maintenu l’idée selon laquelle existaient seulement deux alternatives : ou la démocratie, ou le totalitarisme. Cela pouvait être compris au début à travers deux exemples : dans les années ’30 avec Hitler, ou dans les années ’50 ou ’60 avec l’Union soviétique, on pouvait dire qu’il était précis d’opter entre la démocratie et ces deux dictatures. Mais cela est fini : depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et le naufrage de l’Union Soviétique, nous passons à un autre ordre. Mais les intellectuels qui sont au service du capitalisme ont persisté dans l’idée selon laquelle il y a seulement deux chemins : ou la dictature, ou la démocratie. C’est pourquoi il est important que le concept d’oligarchie soit bien présent pour comprendre que, progressivement, la démocratie nous a été volée. Les pays européens, et beaucoup plus les États-Unis, ont glissé vers un régime oligarchique où le peuple n’a déjà plus de pouvoir. La démocratie européenne est malade, elle s’est beaucoup affaiblie, et s’oriente de plus en plus vers l’oligarchie. En revanche, les États-Unis ont arrêté d’être une démocratie : c’est une oligarchie, parce que c’est l’argent qui détermine les orientations des décisions politiques. En réalité, l’oligarchie est une démocratie qui fonctionne seulement pour les oligarques. Dès qu’ils se sont mis d’accord entre eux, ils imposent les décisions. Nos systèmes ne peuvent plus s’appeler démocratie, parce que la puissance financière détient un pouvoir démesuré. L’autorité publique est dans les mains du système financier. Les pouvoirs publics ne prendront jamais de décision que puisse nuire aux intérêts économiques, aux intérêts de l’oligarchie financière. Nous devons accepter l’idée que ceux qui ont les rênes du pouvoir politique de l’État ne prennent pas de décisions pour le bénéfice de l’intérêt général. Leurs décisions peuvent aller à l’ encontre de l’intérêt public.

les oubliés de la démocratie

Editeur : MICHALON -6 octobre 2011-

François Miquet-Marty

Sociologue et sondeur, François Miquet-Marty est président de Viavoice, institut d’édutes et de conseil en opinions. Il a notamment publié L’idéal et le Réel: enquête sur l’identité de la gauche(Plon, 2006)

 

 

Présentation de l’éditeur

Pour choisir notre avenir nous sommes tous appelés aux urnes.
Et pourtant pensons-nous avoir encore un lien avec cette démocratie? Combien, dans la France d’aujourd’hui, se sentent en réalité ignorés, laissés pour compte? Combien estiment que leurs voix ne sont plus entendues ? Pour mener l’enquête, François Miquet-Marty a rencontré des Français de tous horizons. A Paris, en Touraine, à Toulouse ou ailleurs. Étudiants, ouvriers, retraités ou autres. Tous ont parlé de leur quotidien et de ce qui, à leurs yeux, peut en améliorer le cours. Ou ne le peut pas. Cette investigation sans concession dresse un portrait inquiétant de notre société. Une société clivée et sourde à elle-même. Enrichie par des entretiens avec des dirigeants politiques, cette exploration propose également des scénarios pour l’avenir de la démocratie. Afin de mieux imaginer le sens d’une action collective en faveur de nos vies.

 

 

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