L’enfance de l’Univers dévoilée

Vu sur le Monde 

 

 

 

 

 

 

Si une image vaut mille mots, celle rendue publique jeudi 21 mars par une équipe européenne d’astrophysiciens en vaut encore dix fois plus. Sous l’égide de l’Agence spatiale européenne, ces chercheurs viennent en effet de prendre une photo qui nous ramène 13,8 milliards d’années en arrière. Elle montre l’Univers le plus jeune qui soit possible d’observer, tel qu’il était à ses tout débuts, 380 000 ans seulement après sa création – elle dévoile un rayonnement qui a voyagé jusqu’à nous depuis la nuit des temps.

La qualité de l’image de ce bébé-Univers prise par le satellite Planck est dix fois plus grande que le dernier cliché disponible pris par la NASA en 2003. De quoi non seulement mieux décrire l’histoire qui conduit de l’enfance à l’adulte qu’il est devenu aujourd’hui. Mais aussi de quoi plonger pour la première fois de l’autre côté du miroir et saisir à quoi a ressemblé le Big Bang, moment-clé de nos origines. Avec à la clé quelques surprises.

« LE NOM SUR LE BRACELET »

« Une collègue, pour illustrer la qualité de ce travail, a réalisé trois photos de son enfant. L’une, très floue, correspondant à la précision d’il y a vingt ans. L’autre, plus nette, où l’on reconnaît le bébé, avec la précision d’il y a dix ans. Et enfin, la dernière, avec la qualité d’aujourd’hui, sur laquelle on distingue le nom sur le bracelet ! », explique Alain Riazuelo de l’Institut d’astrophysique de Paris et du CNRS.

Il faut cependant avoir l’œil du spécialiste pour reconnaître un Univers en formation sur l’image prise par la collaboration de Planck, forte de plus de deux cents personnes. A cette époque, l’Univers ne ressemble à rien de ce qu’il est aujourd’hui. Nulle étoile, nulle galaxie, pas le moindre caillou. La matière est chaude, à environ 3 000 °C et elle n’est faite que de particules microscopiques, des électrons et des protons qui, des millions d’années plus tard, s’assembleront en atomes lourds et molécules…

MÉLASSE BOUILLONNANTE

Elle est même totalement opaque, car nul grain de lumière ou photon ne peut en sortir. Ceux-ci sautent d’électron en électron sans pouvoir s’extraire de la mélasse bouillonnante. Mais ces électrons jouent aussi avec les protons et finissent par se regrouper avec eux, privant les photons de leurs partenaires. La lumière jaillit. Les instruments du satellite Planck envoyé en 2009 à quelque 1,5 million de kilomètres de la Terre n’ont plus qu’à l’enregistrer.

C’est finalement comme s’approcher d’une boîte de nuit bien insonorisée et ouvrir la porte : soudain un bruit assourdit les tympans. Reste à déduire de ce vacarme combien il y a de personnes, combien d’hommes et de femmes, ou l’heure qu’il est…

 

 

 

 

 

 

Dans le cas de Planck, en guise d’ondes sonores, les chercheurs ont affaire à du rayonnement micro-onde (à des fréquences 15 à 500 fois plus élevées que celles des téléphones mobiles en 3G), qu’ils convertissent en température. En outre ce « bruit » ne varie pratiquement pas : quel que soit l’endroit vers lequel pointent les détecteurs, la même température est mesurée, équivalente à quelque –270 ºC. D’où son nom de fond diffus cosmique ou rayonnement fossile.

Mais tout est dans le « pratiquement ». En réalité, des murmures sont audibles, un million de fois plus faibles que le bruit dominant. « Planck est capable de repérer des cailloux d’un millimètre au sommet d’une montagne de 1 000 mètres de haut », compare Jean-Loup Puget, de l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay et du CNRS, responsable d’un des instruments de Planck. D’où l’aspect granuleux du cliché, équivalent aux vagues à la surface d’un océan. Ces petites vagues deviendront grandes et donneront naissance aux étoiles, galaxies, amas de galaxies…

 

GIGANTESQUE CRÊPE

« Les quelque 5 millions de pixels de l’image sont finalement transformés en six paramètres qui décrivent l’Univers et son évolution », explique François Bouchet, du CNRS, l’un des responsables de la mission. Le verdict décrit finalement la recette de la soupe cosmique. L’Univers est composé de 4,8% de la matière ordinaire que sont nos atomes, de 25,8% de matière dite noire, invisible aux télescopes (et de nature encore inconnue) et de 69,4 % d’énergie noire, qui le pousse à grossir. Cet Univers est également plat comme une gigantesque crêpe, alors que les estimations précédentes laissaient entrevoir la possibilité d’une légère courbure. Les chercheurs estiment aussi la vitesse avec laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres à quelque 66 kilomètres par seconde.

A cette moisson déjà bien fournie, il faut ajouter quelques surprises. La première : les résultats sont légèrement différents de ceux obtenus par le satellite précédent de la NASA, WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe). « Le taux d’expansion de l’Univers que nous trouvons est plus faible et nous avons quelques pourcents de plus de matière noire et ordinaire, mais nous trouvons finalement le même âge pour l’Univers – 13,8 milliards d’années », constate Jean-Loup Puget. Cela promet quelques discussions agitées.

Deuxième surprise, « le modèle standard simple qui décrit l’Univers et son évolution reproduit bien tout ce qu’on observe », ajoute François Bouchet. En particulier, ces analyses valident l’hypothèse qu’un phénomène incroyablement spectaculaire a bien eu lieu juste après le Big Bang et bien avant 380 000 ans : l’inflation.

Cette phase, aux détails encore flous, correspond à une fantastique dilatation de l’espace. Quelques milliardièmes de milliardièmes de milliardièmes de seconde après le Big Bang (le chiffre précis n’est pas encore connu !), l’Univers passe d’une tête d’épingle à sa taille presque actuelle. Les mots en fait ne suffisent pas à décrire l’événement, car l’expansion correspond en réalité à une multiplication des distances par 1025, un « un » suivi de 25 zéros…

 

 

 

 

 

 

Ce faisant, les petites imperfections initiales, les moindres fluctuations primordiales se retrouvent propulsées et imprimées dans l’image du fond diffus, formant les vaguelettes repérées par les instruments. Et de ces variations de densité de matière naîtront les grains de poussière, les étoiles…

LES ENFANTS DE FLUCTUATIONS QUANTIQUES

Par définition, ces perturbations sont de nature quantique, l’adjectif idoine pour décrire l’infiniment petit. Si bien que nous sommes finalement aussi les enfants de fluctuations quantiques. « L’inflation, c’est un peu ce qui fait bang dans Big Bang », ironise Benjamin Wandelt, à l’Institut d’astrophysique de Paris. « Les détails du fond diffus permettent même de voir comment cette inflation s’est terminée », rappelle François Bouchet. C’est donc aussi une partie invisible de l’histoire que révèle ce cliché. « Nous avons aussi éliminé pas mal de modèles sans inflation », confirme Benjamin Wandelt, qui a testé bon nombre d’hypothèses alternatives.

En outre, cerise sur le gâteau, les chercheurs ont découvert quels objets massifs les photons fossiles ont rencontré sur leur trajet jusqu’à nous. Des analyses subtiles ont tenu compte des déviations imposées par des structures gigantesques comme les amas de galaxies sur la trajectoire du rayonnement durant ces milliards d’années. « Le travail doit se poursuivre mais d’ores et déjà la coïncidence entre notre carte des grandes structures et celles obtenues par d’autres observations est remarquable », constate Alain Riazuelo.

Enfin, les chercheurs confirment qu’il existe bien une anomalie non encore expliquée par le modèle standard, ni même par aucun autre actuellement. « C’est comme si les amplitudes des vagues de notre image situées très loin l’une de l’autre étaient plus faibles qu’attendu », estime Jean-Loup Puget. « Dans les semaines à venir, des dizaines d’articles fleuriront pour tenter d’expliquer le phénomène », prévoit Alain Riazuelo.

 

 

 

 

 

 

L’histoire est donc loin d’être terminée. Planck ne se contente pas de rendrepublics 29 articles d’analyses accompagnés de ces fameuses photos. Il fournit aussi les données pour que d’autres s’en emparent et les confrontent à des théories ou aux autres expériences. « Cette grosse dose d’informations va occuperla communauté pendant au moins dix ans », anticipe Jean-Philippe Uzan de l’Institut d’astrophysique de Paris et qui n’a pas participé à la mission.

L’équipe n’a pas non plus achevé l’analyse de ses propres données. Outre la température, elle a en effet aussi enregistré une propriété du rayonnement, appelée polarisation, qui pourrait encore améliorer nos connaissances sur l’inflation. Cette dernière, en déchirant l’espace avec une telle violence, a créé des ondes de matière qui s’impriment aussi dans le fond diffus. Personne n’a encore vu ces ondes dites gravitationnelles, mais la collaboration Planck dans un an espère soit les voir pour la première fois, soit mieux les cerner. Le bébé Univers n’a pas fini de crier.

prix Nobel de physique pour la découverte de l’accélération de l’expansion de l’univers

   vu sur : http://www.20minutes.fr/sciences/799456-prix-nobel-physique-decerne-perlmutter-schmidt-riess

 

 

SCIENCES – Les chercheurs ont découvert le phénomène d’accélération de l’expansion de l’Univers…

Les astrophysiciens Saul Perlmutter, Brian Schmidt et Adam Riess se sont vus attribuer ce mardi le prix Nobel de physique. Ils sont récompensés pour leur travaux, qui ont permis de révéler «l’accélération de l’expansion de l’Univers» grâce à «l’observation de supernovas lointaines», a révélé l’académie royale suédoise des Sciences dans un communiqué.

Permutter, 52 ans, et Riess, 42 ans, sont Américains, tandis que Schmidt, 44 ans, possède la double nationalité américaine et australienne.

Saul Permutter, responsable du «Supernova cosmolgy project» , une des deux équipes qui a permis de mener à la découverte, touchera la moitié de la récompense de 10 millions de couronnes suédoises. Brian Schmidt et Adam Riess se partageront l’autre moitié. Les vainqueurs recevront leur prix  lors d’une cérémonie qui aura lieu le 10 décembre.

«Cela semblait complètement fou comme résultat»

«Ils ont étudié plusieurs dizaines d’étoiles en explosion, appelées supernovae, et découvert que l’expansion de l’univers accélère constamment. Cette découverte a été une surprise totale pour les lauréats eux-mêmes», a déclaré l’Académie royale des sciences. Cette découverte remonte à 1998, dix ans après les premiers travaux lancés par Saul Perlmutter et son équipe, quatre ans après ceux entamés par Brian Schmidt et Adam Riess.

Les chercheurs s’en sont rendu compte en étudiant les supernovae très éloignées, dont ils ont observé la lumière pâlir. «Cela semblait complètement fou comme résultat et je crois qu’on avait un peu peur», s’est souvenu Brian Schmidt lors d’une conférence de presse téléphonique. Depuis les années 1920, on sait que l’univers s’étend, conséquence du Big Bang il y a 14 milliards d’années, mais on ignorait jusqu’aux travaux du trio que cette expansion allait en s’accélérant. Si cette accélération se poursuit, prédisent d’ailleurs les chercheurs, l’univers finira glacé.

Cette accélération serait due à l’énergie noire, une sorte de gravité inversée, qui repousse tout ce qui s’en approche. L’énergie noire, qui demeure une des grandes énigmes de la physique, constituerait les trois quarts de l’univers.

Le prix Nobel de physique a été créé il y a 110 ans, en 1901. Il avait été décerné cette année-là à l’inventeur des rayons X, l’Allemand Wilhem Röntgen.

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