Après avoir vécu toute ma carrière en Alsace, je revins sur Besançon, ma ville natale où je retrouvais, comme curé de ma nouvelle paroisse, celui de mon enfance. Espérant pouvoir parler avec lui de mes découvertes spirituelles, je lui déclarais que, pour moi, l’idéal du chrétien était de pouvoir dire comme Saint-Paul en Gal 2 ,20 : » Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. », mais il me répondit: »- C’est de l’orgueil« , coupant court à toute espérance de dialogue.
Si ce constat de Saint-Paul est vrai, ce que je crois profondément, ce n’est pas de l’orgueil et cette réflexion du prêtre résume ce que l’Eglise annonce bien souvent depuis mon enfance : la morale à respecter pour mériter le Ciel, alors que le respect de la morale est le fruit de Jésus en nous. On n’a pas à inverser les choses pour essayer de mériter ce que Jésus nous offre gratuitement au prix de son sacrifice.
Encore une autre anecdote : Suite à la lecture de mon premier livre, un bon catholique, animateur d’un groupe de prière, me dit un jour: -« Ce n’est pas la bible qui dit la vérité, c’est l’Eglise, elle ne s’est jamais trompée ».( J’avais quand même appris au catéchisme que la bible était « Parole de Dieu », mais c’est vrai qu’on ajoutait toujours: » lue en Eglise »). Ce bon catholique enseigne dans son groupe de prières: « C’est les oeuvres qui comptent« , sous entendu: « pour aller au Ciel« . Tout se passe comme si Jésus était un simple exemple à essayer d’imiter alors que c’est Dieu par son Esprit qui doit vivre en nous et à travers nous. On n’a pas à essayer de mériter le Ciel, Jésus nous l’a mérité. Notre rôle est de le laisser vivre en nous et à travers nous.
C’est suite à mon expérience du 23 février 1975 et de la Parole qui me fut adressée: « vous n’êtes plus sous la loi, mais sous l’amour (#Rm 6,14)que je découvrais brusquement tout cela. c’est un évêque qui m’appris, par téléphone, que ce que j’avais vécu, se nommait dans le Renouveau : « baptême dans l’Esprit« ( Act 1,5;8,16-17;11,16). (Dans mon premier livre je parlais de « conversion »). Les évangéliques emploient le terme de « nouvelle naissance » en référence à l’histoire de Nicodème (Jn 3,1.21) et c’est le terme utilisé par St Paul dans ses épitres. Cette expérience, apparemment courante chez les premiers chrétiens, accompagnait, parfois même précédait le baptême (ACT 10,44-47 ). Elle me parait fondamentale à retrouver pour éviter de tordre le message chrétien et d’en faire une religion du mérite.
(Comment les leaders du Renouveau Charismatique n’ont-ils pas eu à coeur de réintroduire cette expérience d’effusion d’Esprit dans l’Eglise ? )
L’amour de Dieu pour nous est gratuit, premier et inconditionnel, même si parfois, pour nous, c’est difficile à admettre. Je pense à la parabole des ouvriers de la onzième heure en Mt 20,1-16 : Le propriétaire d’une vigne embauche des ouvriers pour aller travailler à sa vigne en convenant avec eux d’un salaire pour la journée. Rencontrant ultérieurement ,au cours de cette journée, des personnes désoeuvrées, il les envoie aussi à sa vigne. Le soir venu, chacun est rémunéré avec promesse d’un salaire juste, en commençant par les derniers arrivés qui reçoivent aussi le salaire promis aux premiers. S’attendant à recevoir d’avantage, les premiers venus récriminent contre le propriétaire qui leur répond : »Mon ami je ne te fais pas de tort …..« c’était bien la somme convenue »…. »ton oeil est -il mauvais parce que je suis bon. ? ( La Parole de Dieu est première même si, parfois, elle va à l’encontre de ce que dit notre morale humanitaire. Dans le cas présent : » à travail égal, salaire égal »).
En règle générale, le christianisme n’est pas un humanisme. Ainsi dans notre monde laïc le prosélytisme est condamné alors que Jésus ressuscité nous dit: « allez donc: de toutes les nations faites des disciples... »(Mt 28,19). Le chrétien n’a pas à essayer de plaire au monde, mais à laisser Dieu agir à travers lui, ne sachant pas ,à priori où cela va le mener. (« Quoi qu’Il vous dise, faites-le » nous dit Marie en Jn 2,5 ).