La gauche (im)morale de Robespierre aux islamo-gauchistes

 

 

Front populaire n°11

Dossier: La gauche (im)morale :

N’en déplaise aux apôtres du politiquement correct, la droite n’a pas le monopole de l’immoralité. Des guerres de Vendée au Traité de Maastricht en passant par la colonisation, l’histoire de la gauche française est jonchée de crimes et de fautes, qui n’effacent pas bien sûr les acquis sociaux et la conquête des libertés, mais qui devraient pour le moins inspirer une certaine humilité aux progressistes d’aujourd’hui.

Retrouvez dans ce numéro les analyses de Michel Onfray, Barbara Lefebvre (sur le pédagogisme), Jacques Sapir (sur le virage de 1983), Anne-Sophie Nogaret (sur la gauche germano-pratine), Pierre-André Taguieff (sur l’islamo-gauchisme), Régis de Castelnau (sur les Tartuffe sexuels de la Nupes)…

 

 

 

Thierry Lentz

 

Marcel Gauchet

Pierre-Yves Rougeyron

Pierre-André Taguieff

 

Jacques Sapir

 

Guillaume Bigot

Pascal Cauchy

Georges Kuzmanovic

Eric Gueguen

Barbara Lefebvre

Anne-Sophie Noguaret

Thierry Wolton 

 

 

 

 

 

Terreur

décolonialisme : (études décoloniales)

pédagogisme

européisme (europhilie)

racialisme

indigénisme

révisionnisme

désindustrialisation

 

Les dépossédés : les bobos ont dépossédé les classes moyennes

 

19 octobre 2022

 

 

 

 

 

Revue éléments.com : la chronique de François Bousquet 

On attend toujours impatiemment les livres de Christophe Guilluy comme on guette ceux de Jean-Claude Michéa. Les deux hommes se ressemblent. Ils n’ont pas oublié leurs origines et n’ont jamais cru bon de se déguiser en « transfuges de classe », ces nouveaux riches qui traînent comme un boulet la xénophobie ou l’homophobie présumée de leur arrière-grand-oncle Ernest. Son nouveau livre, en librairie aujourd’hui, s’intitule Les Dépossédés, aux éditions Flammarion. Un clin d’œil aux Possédés de Dostoïevski et à La Dépossession de Renaud Camus, dont il ne fait pourtant pas grand cas. Dommage.

Guilluy a de la suite dans les idées. C’est l’homme d’une idée fixe, mais cette idée fixe est une des clefs de compréhension des votes Trump, Johnson, Le Pen. C’est un enfant de la gauche avant qu’elle ne devienne l’auxiliaire de la mondialisation. Un poulbot de Belleville avant que Belleville ne se transforme en parc à thèmes kitsch et plébéien où les cols blancs surjouent un rôle de col bleu sorti d’une friperie solidaire d’Emmaüs, où cette vache – tarée ou tarie – de Virginie Despentes prend des airs de Mistinguett de la défonce et de Louise Michel des frères Kouachi, où ce paon boursoufflé de Benjamin Biolay se dandine comme un Maurice Chevalier, sans coffre, des Buttes-Chaumont. Le contraire de Guilluy. Rat des villes, il est l’ambassadeur des rats des champs, avec un petit côté Gavroche qu’il cultive, un Gavroche qui aurait survécu au feu de la Garde nationale sans rien perdre de ses illusions, mais pas de ses cheveux. Car il est chauve autant qu’on peut l’être. Au cinéma, il pourrait jouer la doublure de Bruce Willis. Il serait le John McClane de la France périphérique. Comme Bruce Willis, il interpréterait toujours le même rôle, mais dont on ne se lasserait pas : venger les ploucs que nous sommes des bobos et des technos qui les assaillent.

« Gentrification » et « airbnbisation »

 a lancé la mode de l’historiquement incorrect ; la spécialité de Guilluy, c’est le géographiquement incorrect. Ces Messieurs de l’Université l’ont donc banni – rien de nouveau depuis Rabelais –, Jacques Lévy en tête, le Trofim Lyssenko de la géographie savante. Jacques Lévy est l’archétype du mandarin qui ne regarde pas la Lune, mais le doigt qui montre la Lune. Il le triture dans tous les sens, il le tord, il le mord. Le doigt, c’est Christophe Guilluy ; et la Lune, c’est la France périphérique, face cachée des représentations médiatiques et universitaires. Comme dans « La lettre volée » d’Edgar Allan Poe, tout le monde avait le peuple sous les yeux, mais personne ne le voyait. Guilluy l’a vu. Une France reléguée, invisibilisée, infériorisée, qui se partage les miettes et le mépris. Pour rappel, l’ensemble des grandes métropoles – soit 5 % du territoire – produit 50 % des richesses. Les 95 % restants, c’est la France qui fume des clopes et roule au diesel. Les « déplorables » aux États-Unis, les dépossédés ici.

La carte de France ne sera bientôt plus qu’une carte du prix de l’immobilier, avec le mètre carré pour seul mètre étalon. Le prix du mètre carré consacre le retour du mouvement des enclosures. Pour ceux qui l’auraient oublié, ce mouvement a redessiné le visage de la Grande-Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles en privatisant les terres communales et seigneuriales qui bénéficiaient d’un droit d’usage au profit des paysans. Hier, chassée des campagnes, cette main-d’œuvre servile a grossi les rangs de l’industrie naissante. Aujourd’hui, chassée des villes, elle fournit les cohortes périurbaines de la désindustrialisation. Le scénario se répète partout. Partout les « Anywhere » chassent les « Somewhere ». Nul besoin d’envoyer la troupe, les promoteurs immobiliers suffisent. Alors, la « gentrification » et l’« airbnbisation », les deux mamelles de la France d’après ?

Bobo sapiens, ses enclaves et ses esclaves

Celui qui veut comprendre l’effondrement électoral de la gauche doit impérativement lire Guilluy. Même si c’est lui qui a désensablé la France périphérique, le sujet qu’il maîtrise le mieux, c’est la France métropolitaine, celle que Bobo sapiens, comédien et martyr, a colonisée. Ses livres en dressent la sociologie féroce et réjouissante. Son habitat confortable et son habitus conformiste.

Le propre des bobos, c’est de se raconter des bobards. De faire semblant d’être ce qu’ils ne sont pas. Des artistes, des bohèmes, des révolutionnaires. Alors qu’ils appartiennent de plain-pied à la classe dominante. À eux, le capital culturel légitime. À la bourgeoisie d’affaire, le capital économique. À eux deux, le pouvoir sur les esprits. Ainsi fonctionne l’alliance des libéraux-libertaires dont le capitalisme woke est l’ultime avatar.

La société ouverte est une contradiction dans les termes. Elle n’est ouverte que pour ceux qui ont les moyens de la mobilité. Et fermée pour tous les autres. Voyez comme les grandes métropoles ont dressé des murs – je dis bien : des murs, et pas des ponts – en rétablissant l’octroi, impôt féodal, à leurs portes. Le 1er janvier 2023, c’est-à-dire demain, les véhicules diesel immatriculés avant le 1er janvier 2011 ne pourront plus pénétrer dans les grandes villes. Ce qui condamne des millions de Français et leurs véhicules. Les seuls pauvres qui pourront franchir ces barrages filtrants seront Fatoumata la nounou, Kader le chauffeur Uber, Mamadou le livreur, plus ces passagers clandestins que sont le migrant et le délinquant. Les électeurs de Macron et de Mélenchon auront ainsi leurs « nègres de maison », ainsi que les appelait Malcolm X. Des enclaves et des esclaves.

La double peine pour les ploucs

Tout est fait pour occulter la réalité centrale de notre temps : la guerre des territoires et l’enclavement de la majorité fractionnée dans une archipélisation mortifère qui interdit la constitution d’un bloc majoritaire. Il s’agit à chaque fois d’ensevelir le peuple sous des représentations tronquées. Cette guerre des représentations est à sens unique. Elle est menée par les minorités trans, woke, racisées, grâce au financement des ONG et des multinationales qui travaillent main dans la main. Aucun appareil de propagande n’en a jamais eu la puissance de feu. Le cinéma, les séries, les médias centraux, l’Éducation nationale, etc. Tous racontent la même fiction, le fameux « narratif » des communicants, avec un panurgisme sans précédent. L’objectif ? Bâillonner le sujet politique majoritaire.

De fait, toutes les contestations d’envergure qui ont vu le jour depuis trente ans viennent de la périphérie, du référendum de Maastricht aux Gilets jaunes. Aucun mouvement social d’ampleur n’est sorti d’un mélenchonisme de carnaval ou de l’intersectionnalité. La manifestation de dimanche « contre la vie chère et l’inaction climatique » organisée par la Nupes en fournit l’illustration clownesque. Quoi de commun entre les « fins de mois » difficiles et les « fins du monde » climatiques ? Rien. Il ne peut pas y avoir de convergence des luttes là où il y a divergence des buts.

Depuis trente ans, les « fins du monde » font payer aux « fins de mois » leur bonne conscience pseudo écologique : en surtaxant le diesel et en détaxant le kérosène ; en écotaxant la voiture à essence tout en signant des accords de partenariat au bilan carbone désastreux avec la Nouvelle-Zélande ou le Canada ; en subventionnant les inabordables voitures électriques, joujou surpolluant du bobo et du retraité macronien, moyennant des primes à l’achat exorbitantes ; en implantant partout des éoliennes pour faire marcher le vélo électrique des citadins ; en roulant à 80 km/h pour que le cadre télétravaillant à la mer puisse surfer en 5G. C’est la double peine pour le plouc et le coup double pour le bobo dans le vent. À l’un la dégringolade, à l’autre la martingale d’un jeu d’argent truqué.

Nos grandes espérances

Mais le « narratif » dominant est en panne. 13 millions de gens ont voté Marine au second tour, 13 millions se sont abstenus, 2 millions ont voté blanc. Ainsi le bloc populaire cher à Jérôme Sainte-Marie se consolide-t-il élection après élection. Alors, certes, on pourra reprocher à Guilluy de mythifier ce peuple en transformant les gens ordinaires en créatures littéralement extraordinaires à force de leur conférer une sorte de vertu immanente et de décence immaculée, loin, très loin, de qu’ils sont dans la vraie vie. Qu’importe ! Il a magistralement démystifié les trois fables sur lesquelles repose la mondialisation : il n’y a pas d’alternative, la société n’existe pas et la majorité est archipélisée. Or, il y a une alternative, la société n’est pas morte et la majorité silencieuse est en train de se coaguler. Voilà notre espérance pour les années à venir. On a connu pire perspective.

François Bousquet et Christophe Guilluy (2017)

 

Le loup dans la bergerie : de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, à Mammon

 

Image d’illustration du livre de Jean-Claude Michéa paru en 2017 et présentée avec la critique ci -dessous par profession-spectacle.com

 

Une double approche d’abord d’analyse rationnelle puis d’approche spirituelle chrétienne …

   1  )Dans le droit à la paresse Paul Lafargue écrit ceci :

« Le Capital ne connaît ni patrie, ni frontière, ni couleur, ni races, ni âges, ni sexes ; il est le Dieu international, le Dieu universel, il courbera sous sa loi tous les enfants des hommes ».

2) Dans la Bible ce visage du capital est celui de Mammon :

« Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l’un et aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon (Matthieu 6:24). »

( Mammon dans la Bible serait un mot d’origine araméenne, signifiant « richesse “. Certains le rapprochent de l’hébreu matmon, signifiant trésor, argent

Dans le Nouveau Testament, ainsi que dans le Talmud, le mot « Mammon » signifie « possession » (matérielle), mais il est parfois personnifié.

Sainte Françoise Romaine (13841440) présente Mammon comme étant un des trois princes de l’Enfer, soumis à Lucifer uniquement. Il préside aux divers péchés que fait commettre l’amour de l’argent.

Dans son ouvrage L’Unique et sa propriété, le philosophe allemand Max Stirner associe Mammon à une divinité illusoire à laquelle sacrifieraient les impies, par opposition avec le Dieu des croyants pieuxKarl Marx évoque aussi le culte de Mammon.

Jacques Ellul, quant à lui, écrit dans La subversion du christianisme que Mammon est une partie de Satan, une de ses caractéristiques, un moyen de le définir. Il y consacre d’ailleurs toute une partie de son ouvrage

2017

C’est à l’occasion d’un article sur le projet de loi sur la tauromachie que Jean Claude Michéa a fait paraître dans le Figaro le 25 novembre dernier que j’ai découvert son livre sur l’analyse du capitalisme, la dérive américaine de la gauche traditionnelle qui a abandonné les classes populaires, celle des gilets jaunes aux ronds-points, celle de la France périphérique mise en valeur par Christophe Guilluy.

Voici donc l’analyse sur le site profession spectacle : 

Dans son livre La religion du capital, Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, bien connu pour son livre Le droit à la paresse, décrit ainsi ce Mammon qu’est le capital : « Le Capital ne connaît ni patrie, ni frontière, ni couleur, ni races, ni âges, ni sexes ; il est le Dieu international, le Dieu universel, il courbera sous sa loi tous les enfants des hommes ». La description n’est volontairement pas éloignée de la façon dont la Bible présente la figure du Prince de ce monde, bien que, dans une vision chrétienne, cette figure doit passer, le Prince de ce monde n’ayant pas le dernier mot. Mais en attendant, le capitalisme triomphe sous l’espèce du libéralisme.

Le grand mérite du nouveau livre de Jean-Claude Michéa, Le loup dans la bergerie, publié aux éditions Climats / Flammarion, est d’éclairer cette figure si présentable du capitalisme que paraît être, pour lui, le libéralisme contemporain, présentable et séduisante au point, par sa plus envoûtante rhétorique qu’est le discours des droits de l’homme, d’avoir su persuader de ses bienfaits et « convertir » à sa dynamique la plus grande partie de la gauche. C’est la thèse centrale de Jean-Claude Michéa, auteur de nombreux essais et fin connaisseur de Karl Marx et George Orwell : « c’est avant tout à travers l’idéologie des “droits de l’homme”… que le “loup de Wall Street” [a] réussi à s’introduire dans la “bergerie socialiste” ».

Derrière cette thèse centrale, il y a l’idée d’une convergence et même d’une indissociabilité des libéralismes (politique, économique et culturel), exaltant tous la liberté de l’individu au point que tout sens et toute recherche du bien commun, toute définition de la vie bonne, sont devenus incongrus et relèvent au mieux des affaires privées de chacun. J.-C. Michéa nous montre donc que l’heure est grave et qu’il est urgent, vital, de penser et démasquer la « tyrannie libérale ». De façon stimulante, avec un grand sens politique en même temps qu’une profonde intelligence des rapports de forces et des enjeux sociaux, moraux et même spirituels que masque la globalisation du libéralisme, avec aussi beaucoup d’humour, J.-C. Michéa nous donne des yeux pour voir le triomphe de Mammon en même temps qu’il arme nos intelligences pour le combattre et, espérons-le, pour le vaincre.

Le principe d’illimitation du capitalisme, moteur du transhumanisme

Il y a au principe (au fondement) du capitalisme un orgueil prométhéen et, pourrait-on dire, babélien : l’idéologie capitaliste s’appuie sur « l’utopie d’une croissance illimitée » et le but de son activité n’est « ni la valeur d’usage ni la jouissance, mais bien la valeur d’échange et son accroissement continu ». Bref, produire pour produire et croître pour croître. Chacun, dans sa vie quotidienne, peut se rendre compte de l’obsolescence programmée des divers appareils qui encombrent son domicile, obsolescence programmée qui, jointe à la disparition des réparateurs et à la course effrénée à l’innovation, justifie sans cesse le réassort et le rachat de nouveaux appareils. J.-C. Michéa ne se borne pas à ce constat mais donne deux précisions essentielles, l’une sur l’origine, l’autre sur les conséquences de ce principe d’illimitation.

La première précision est qu’il s’agit là d’une logique économique qui trouve sa source, depuis Adam Smith et Voltaire, dans des valeurs non pas conservatrices mais de gauche : individualisme radical, refus de toutes les limites et de toutes les frontières, culte de la science et de l’innovation technologique. La seconde précision est que (Michéa cite Marx), « dans sa fringale de surtravail digne d’un loup-garou, le Capital ne doit pas seulement transgresser toutes les limites morales mais également les limites naturelles les plus extrêmes ». Cette seconde transgression, que le capitalisme nous présente comme un affranchissement, n’est-ce pas ce que nous promettent le transhumanisme et la médecine procréative ? S’affranchir des limites naturelles que sont la douleur, la maladie, la mort ?

La liberté comme puissance individuelle

À la vérité, l’orgueil prométhéen de l’homme auteur et propriétaire de lui-même trouve une source sûre dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont l’article 4 donne une définition égoïste et sans substance de la liberté qui « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». La liberté, pour chaque personne, ne consiste donc pas à rechercher et faire le bien mais à faire ce qu’elle veut. J.-C. Michéa montre de façon convaincante qu’il n’y alors plus de société possible mais une collection-juxtaposition d’individus poussant leurs désirs égoïstes (chacun étant le propriétaire privé de soi-même) jusqu’au point où ils rencontrent et se heurtent à ceux d’un autre individu. Dans ce cadre, c’est à chacun qu’il revient, isolément, de déterminer ce que sont ses valeurs (morales, religieuses, philosophiques) car toute norme commune est devenue impossible et odieuse.

Chaque individu étant le siège de valeurs distinctes de celles des autres et la liberté étant une pure puissance individuelle, les revendications de nouveaux droits prolifèrent, sans qu’aucune instance commune et supérieure puisse juger de leur légitimité, de leur moralité et de leur conformité à la réalité. Au nom de quoi alors refuser, par exemple, « le droit pour un individu de sexe masculin d’exiger de la collectivité qu’elle reconnaisse officiellement qu’il est réellement une femme » ? Le désir de satisfaire toutes les revendications de nouveaux droits est si impérieux qu’il échappe, dit Michéa, à tout souci de cohérence philosophique : on peut ainsi légaliser le cannabis et interdire le tabac, pénaliser l’homophobie et l’islamophobie ou encore interdire la prostitution et envisager « de créer un corps d’assistantes sexuelles ». Le droit lui-même se subjectivise, se « positivise », loin de toute référence antérieure et supérieure, loin de tout droit naturel. Il n’existe plus que pour satisfaire les revendications de tel ou tel, selon une logique que Michéa pousse jusqu’à l’absurde, imaginant l’avènement prochain du droit « pour tout individu, de décider… de la date de naissance qui convient le mieux à son ressenti personnel et qui devrait donc pouvoir figurer officiellement sur tous ses documents d’état-civil… ».

Le libéralisme global

Selon Michéa, le libéralisme économique débridé n’est que la conséquence du libéralisme politique et de ses deux postulats essentiels : d’une part, le refus de voir en l’homme un animal politique (c’est-à-dire fait pour vivre en société) et l’idée qu’il n’y a pas de société mais une collection d’individus ; d’autre part, l’impossibilité pour ces individus « de s’accorder sur la moindre définition commune du Bien ». Et ce libéralisme économique débridé, s’appuyant sur la ruse de la « main invisible » qui prétend que la maximisation de l’intérêt individuel concourt au bien de tous et à l’harmonie générale, est lui-même lié au libéralisme culturel qui consiste à penser que « chacun a le droit de vivre comme il l’entend, aucun mode de vie n’étant supérieur à un autre ».

C’est sans doute par le libéralisme politique et culturel que la plus grande partie de la gauche en est arrivée à promouvoir le libéralisme économique. Nous qui avons fréquenté l’IEP Paris (« Sciences-Po ») pouvons en témoigner : au tournant des années 1990, le manuel de référence des élèves de ‘‘section économique et financière’’ était le livre de Pierre Moscovici et François Hollande, L’heure des choix. Et tous nos professeurs de la gauche parisienne libérale nous « vendaient » la « désinflation compétitive », la dérégulation du marché du travail et l’accélération des privatisations. Dans le même temps, en histoire des idées politiques, on nous apprenait que la France était née avec les « idéaux » (qui ne sont donc pas des réalités) de 1789 : Locke et Rousseau étaient progressistes, ouverts et gentils ; de Maistre, de Bonald et Burke étaient réactionnaires (ce qui est mal), frileux et méchants…

Un droit formel et désincarné mais qui peut s’avérer totalitaire

J.-C. Michéa a aussi le grand mérite de montrer à quel point le droit positif, d’apparence neutre et formelle ou procédurale, sert en réalité à masquer et légitimer la domination du plus fort. Car, Marx l’avait bien vu en fin sociologue qu’il était, le droit est l’un des éléments de la superstructure qui vient coiffer l’infrastructure économique. C’est ainsi que le contrat de travail, bien qu’il soit, d’un point de vue juridique, librement conclu par deux parties égales, masque et légitime la réalité d’une domination de classe exercée par l’employeur, la réalité d’un état de nécessité chez la partie employée.

En outre, à force de se borner à protéger le droit de chacun de « vivre comme il l’entend et en fonction de ses seuls désirs privés » (alors qu’il était défini par les Anciens comme l’art de rendre à chacun ce qui lui est dû : suum cuique tribuere), le droit contemporain refuse « toute invitation philosophique à exercer le moindre regard critique sur la valeur de tel ou tel comportement », y voyant facilement « l’expression d’une phobie particulière destinée à stigmatiser telle ou telle catégorie de la population ». C’est au fond le totalitarisme de l’individualisme : un individu ne peut prétendre évaluer un autre individu à partir d’un point de vue social, collectif, du bien commun, car il révèle alors sa « phobie » (parfois pénalement réprimée) du comportement individuel critiqué.

Retrouver le goût d’une recherche collective de la vie bonne

Selon Jean-Claude Michéa, capitalisme et libéralisme divisent pour régner « Par la promotion libérale des droits individuels, chacun se trouve aujourd’hui garanti et protégé dans son statut comme sans doute jamais auparavant… mais l’avènement est simultanément la meilleure garantie pour les systèmes… économiques, financiers, techno-scientifiques désormais mondialisés de pouvoir déployer à leur guise des réseaux complexes face auxquels les individus, mais aussi les communautés et les États, se trouvent politiquement et éthiquement démunis ». Au fond, estime Jean-Claude Michéa citant Marat, cette évolution conduit (voire vise) à isoler les citoyens et à les « empêcher de s’occuper en commun de la chose publique ».

Il ne peut alors y avoir de communauté ni de sentiment d’appartenir à une communauté. Tout est réduit à l’échange marchand qui n’exige de chacun ni renoncement à la liberté individuelle ni même le moindre investissement moral et affectif, le marché étant, dit Milton Friedman, « la seule institution qui permette de réunir des millions d’hommes sans qu’ils aient besoin de s’aimer, ni même de se parler ». Face à cette horreur libérale, J.-C. Michéa invite le lecteur à retrouver le désir et le goût d’une véritable vie sociale, de la recherche en commun de la vie bonne. Il invite pour ce faire tout un chacun à respirer l’air sain des penseurs anarchistes du dix-neuvième siècle : Proudhon écrivait ainsi que, dans une société socialiste, « la liberté de chacun rencontrera dans la liberté d’autrui non plus une limite, comme dans la Déclaration des droits de l’homme, mais un auxiliaire ».

Disons enfin, pour conclure, que l’on peut regretter que Jean-Claude Michéa ne nuance pas davantage sa dénonciation du libéralisme économique contemporain, qui semble sans frein par la reconnaissance des bienfaits du libéralisme politique historique, lequel a tout de même permis aux hommes de s’affranchir du joug des tyrannies et d’exercer pleinement des libertés aussi fondamentales que les libertés de conscience, d’opinion et d’expression (y compris artistique). Il est vrai qu’il évoque à quelques reprises la dette que nous avons vis-à-vis des penseurs du libéralisme historique mais, à la lecture de son essai, cette dette semble être annulée par toutes les conséquences extrêmes et néfastes du libéralisme économique dérivé du capitalisme que l’on peut constater aujourd’hui. Au fond, c’est peut-être plutôt l’excès d’un libéralisme qui est la forme contemporaine du capitalisme, sa démesure et sa perte de contact avec la réalité, qui doit être dénoncée et que veut peut-être dénoncer Michéa.

 

 

 

Amin Elbahi : “je ne me tairai pas” – “je veux que la France reste la France”

 

 

Issu d’une fratrie de six enfants, Amine Elbahi grandit dans un quartier ghettoïsé de Roubaix, ville la plus pauvre de France. En août 2014, le départ de sa grande soeur, Leïla, pour rallier Daech en Syrie, marque le début de son engagement contre l’islam radical. Témoin privilégié de l’emprise salafiste qui s’accroît à Roubaix sur fond de clientélisme, son cri d’alarme à visage découvert, en janvier 2022, dans un numéro de Zone interdite consacré à la gangrène islamiste, lui vaut un tombereau de menaces de mort. Placé sous protection policière, Amine Elbahi prend la plume dans ce témoignage inédit pour dénoncer le communautarisme, la montée de l’islamisme et la carence de l’État dans des territoires de plus en plus nombreux et abandonnés de tous.


Frontpopulaire         21 novembre 2022                     

Islamisme, communautarisme, clientélisme… Pourquoi Amine Elbahi ne se taira pas

Amine Elbahi est un lanceur d’alerte. Menacé de mort à maintes reprises après avoir témoigné, pour l’émission “Zone interdite”, de l’état de communautarisation avancée de la ville de Roubaix, il a pris la plume. Son premier ouvrage, Je ne me tairai pas ! (éd. Robert Laffont), en est le résultat.

Publié le 21 novembre 2022

Maxime LE NAGARD, rédacteur en chef adjoint de Front Populaire

 

le dictionnaire du progressisme présenté par Olivier DARD

10 février 2022

sous la direction de :

Christophe Boutin  docteur en science politique, professeur à l’Université de Caen

Frédéric Rouvillois   docteur en droit et agrégé en droit public, essayiste, romancier, juriste 

Olivier Dard     professeur à la Sorbonne en histoire politique, maîtrise de droit public, IEP Paris, agrégé d’histoire, participe à la Fondation du Pont Neuf     

Après les dictionnaires des conservatismes et des populismes, la même équipe rassemblant 130 chercheurs internationaux décrypte le progressisme. Exhaustif et informatif. Une somme politique pour comprendre aujourd’hui. Qu’est-ce que le progressisme, souvent invoqué comme l’antithèse du conservatisme ou du populisme dans les débats actuels ? Que sait-on de la genèse du terme, ou de ce qu’implique de nos jours l’idéologie qu’il recouvre ?
À la fois courant philosophique, politique, religieux, artistique, manière de vivre et de concevoir le monde, le progressisme, bien plus qu’une simple amélioration permanente de notre quotidien, se veut, selon ses promoteurs, une véritable redéfinition de la condition humaine. Pour quels buts ? Se peut-il que, comme ce progrès dont il tire son nom, il ait aussi sa part d’ombre, dont la cancel culture serait le dernier avatar ?
Telles sont les questions auxquelles tente de répondre une équipe de cent trente contributeurs, français et étrangers, pour la plupart universitaires (scientifiques, historiens, sociologues, économistes, juristes) mais aussi médecins praticiens, essayistes, écrivains ou journalistes. 260 notices, d’ Âge d’or à Zorglub, pour définir un terme capital dans les débats de notre temps, en France et dans le monde.
Une somme foisonnante pour comprendre notre époque.

 

 

Le progressisme apparaît fin du XVII ème  début du XVIII ème   siècle.

Il est lié au développement de la machine, au développement de la philosophie des Lumières, à la notion de perfectibilité de l’homme chère à Condorcet qui conduit aux progrès de l’humanité. Il est au coeur de la Révolution de 1789. Le nom apparaît pour la première fois dans les années 1830.

C’est une religion, une métaphysique qui s’appuie sur celle du scientisme, elle-même religion de la science et du marxisme qui croit au sens de l’histoire – (vision linéaire opposée par exemple à une vision cyclique dans la philosophie indienne)

Elle véhicule certaines idées et croyances  : le futur est mieux que le présent et le passé est discrédité. La marche du progrès ne peut s’arrêter.

Mais les progressistes peuvent parfois changer d’avis par exemple sur l’état providence au coeur de leur démarche jusqu’à une remise en cause actuelle où cet état providence  devient une idée du passé remise en cause par de nombreux progressistes.

Après la deuxième guerre mondiale, catholiques et communistes se réclamaient du camp du progrès. Aujourd’hui dans l’élection présidentielle, E. Macron, J.L. Mélenchon Ph. Poutou, Y. jadot, V. Pécresse, A. Hidalgo se présentent comme progressistes.

Le transhumanisme actuellement est au coeur de l’idée progressiste. L’homme augmenté – et non pas seulement réparé- est l’avenir de l’homme. Cet avenir est envisagé pour y parvenir comme une fusion homme-machine et dans cette projection déjà en gestation dans certains laboratoires, l’homme devient une marchandise et un produit à élaborer.

Face au progressisme s’élève le conservatisme. Cette doctrine n’est pas opposée à l’idée de progrès mais elle se caractérise par l’idée de limites qui n’existe pas dans le progressisme. Ces limites résultent de l’influence d’autres champs  que celui des sciences, des techniques et de l’économie, par exemple le champ philosophique avec la notion d’éthique ou du champ religieux, ceux -ci posant alors des limites à la notion de progrès.

La mondialisation dangereuse

 

Après l’effondrement du système bipolaire consécutif à la fin de l’URSS et à l’abandon de logique des blocs, le monde est entré dans une ère de grande incertitude.
Aggravation du fossé entre les pays du Nord et ceux du Sud, banalisation et internationalisation de la criminalité organisée, essor des conflits inter-étatiques (Karabakh, Cachemire, Ukraine, etc…), manifestations permanentes et dévastatrices du terrorisme international (Syrie, Nigeria, Mali, etc…) autant de troubles qui se cumulent et viennent compliquer les tendances «  lourdes  » que sont les évolutions de la donne énergétique et les aléas du contexte climatique.

Ce livre a pour ambition de brosser un panorama précis des enjeux géopolitiques contemporains, en mettant en lumière les nécessités permanentes qui animent les nations (énergie, eau, commerce, religions…) et les chocs nouveaux que produisent le déclin de certaines aires politique et l’irruption d’acteurs surpuissants (Chine, Inde)

Alexandre del Valle (de son vrai nom Marc d’Anna), né le  à Marseille, est un géopolitologue, consultant, essayiste et militant politique franco-italien.

Docteur en histoire contemporaine, il se spécialise en géopolitique. Il s’intéresse principalement à l’islamisme, au terrorisme islamiste, aux relations entre l’Europe et la Turquie, et au monde arabo-musulman. À titre professionnel, il exerce comme chroniqueur et enseignant.

Jacques Soppelsa descend d’une famille d’origine vénitienne. Après une scolarité en classes préparatoires aux grandes écoles, il est admis en 1961 à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. En 1965, il obtient l’agrégation de géographie.

En 1978, il est nommé professeur de chaire à la Sorbonne. Il s’implique dans la vie de l’université et en devient président. Il la préside de 1982 à 1989. Avec le recteur de Barcelone, Ricardo Bricall et le recteur de Bologne, Roversi Monaco, il est à l’origine, en 1987, de la création du programme Erasmus.

En 2002, il devient directeur du master de géopolitique de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et de la Sorbonne.

Il entre par la suite au Quai d’Orsay pour faire une carrière de diplomate aux États-Unis, puis en Amérique latine.

article de la NEF

La Nef – Vous avez consacré plusieurs ouvrages sur l’alliance américano-islamiste initiée en Afghanistan contre l’Union soviétique et poursuivie en Irak, en Bosnie et au Kosovo : pourquoi ces alliances et quelles conséquences jusqu’à aujourd’hui ?

 La stratégie pro-islamiste des États-Unis, conçue à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Pacte du Quincy unissant Washington aux Saoud), a été déterminée par l’enjeu énergétique puis l’endiguement de l’URSS durant la Guerre froide (soutien US aux pires islamistes d’Afghanistan, du Pakistan, de Turquie et du monde arabe). Cette stratégie a été poursuivie entre 1990 et 2003 en Irak, entre 1992 et 2007 dans les Balkans, entre 2002 et 2016 en Turquie (soutien atlantiste aux islamistes anti-kémalistes comme Erdogan), puis depuis 2011 et les printemps arabes avec l’appui aux djihadistes et aux Frères musulmans (Égypte, Syrie, etc.). Les États-Unis n’ont jamais rompu avec les monarchies islamistes du Golfe et le Pakistan, parrains du totalitarisme islamiste-djihadiste. Cette stratégie a favorisé la progression de l’islamisme en Occident.

En quoi l’islamisme est-il selon vous un « totalitarisme » ?
En tant qu’idéologie et projet théocratique englobant la totalité de la vie humaine et entreprise politico-militaire ambitionnant de conquérir le monde entier par tous les moyens, l’islamisme doit être distingué des phénomènes intégristes religieux classiques, qui ne poursuivent pas un projet de conquête violent destiné à soumettre tous les êtres humains à un ordre impérial. En revanche, l’islamisme vise la conquête universelle du pouvoir, des territoires et des âmes, dans une logique de soumission politique qui est aux antipodes de l’adhésion spirituelle, et en s’appuyant sur une lecture littérale de la jurisprudence islamique. De ce fait, l’impérialisme islamiste est la continuation théocratique des totalitarismes du XXe siècle analysés par Hannah Arendt, Claude Polin, Raymond Aron, Enzo Traverso ou Karl Popper : le communisme et le nazisme.

Les chrétiens d’Occident disparaissent des sociétés riches enfoncées dans le matérialisme libertaire tandis que les chrétiens d’Orient disparaissent sous les coups de l’islam : leur sort est-il lié et comment expliquer le peu de solidarité qui les unit ?
Oui. L’erreur stratégique des Occidentaux a été de croire que l’on est plus respecté par l’islamisme en se reniant civilisationnellement (dénonciation des croisades ; islamiquement correct), or l’islamisme revanchard perçoit au contraire cet Occident post-chrétien auto-raciste et « apostat » comme une terra nulius à conquérir, méprisable, dont le vide spirituel et la haine de soi sont perçus comme des appels à la prédation, comme un blanc-seing pour éradiquer les chrétiens d’Orient, abandonnés par avance par un Occident qui les défendait lorsqu’il était chrétien mais qui n’en est plus solidaire depuis qu’il se définit par l’atlantisme anti-russe et l’individualisme consumériste. Pour les islamistes, les Occidentaux sont condamnés par leur « perversion athée », et le message lancé par leurs élites, qui appuient le prosélytisme islamiste sans exiger de réciprocité pour le christianisme en terre d’islam, est une acceptation de l’islamisation, d’ailleurs déjà amorcée ouvertement en Occident.

Pourriez-vous nous expliquer comment l’Union européenne est perdante dans « la mondialisation dangereuse », objet de votre dernier livre ?
Dans cet ouvrage, co-écrit avec le géopolitologue Jacques Soppelsa, j’explique que la mondialisation, phénomène au départ neutre et ancien (chinois, routes de la soie, Venise, Portugal, etc.), est un terrain d’échanges et de rivalités entre puissances, et que les pays occidentaux, pris au piège de leur ouverture, ont délégitimé leur civilisation et patries au nom d’une lecture mondialiste de la nouvelle globalisation anglo-saxonne, initiée dans les années 1980 avec la chute de l’URSS et l’ouverture de la Chine et de l’Inde devenues usine du monde des firmes occidentales. Cette néo-mondialisation a profité à l’empire américain (McWorld), mais elle est aujourd’hui retournée contre ses créateurs par l’hyperpuissance chinoise qui s’est autonomisée. Entre ces deux empires, les Européens sont les dindons de la farce, car ils sont les seuls à croire que la mondialisation est synonyme de gouvernance mondiale et de renoncement à la nation. Faite de délocalisations, de dérégulations, d’interventionnisme atlantiste, d’européisme, d’acculturation occidentale et de prosélytisme droit-de-l’hommiste hypocrite, cette mondialisation anglo-saxonne a profité aux empires rivaux chinois et américain, aux multinationales apatrides déloyales, aux Banques, aux GAFAMS, aux mafias, aux trafiquants de migrants, à l’islamisme, et plus récemment, aux virus, bien plus qu’aux peuples attachés à leur identité et à leur souveraineté ainsi menacées. Les pays européens doivent comprendre que dans ce monde multipolaire, seules les nations qui ont une politique de puissance et de civilisation survivront.

Quelles sont les solutions aux maux que vous décrivez dans La mondialisation dangereuse ?
Le retour à une politique de civilisation va devenir une nécessité vitale avec la montée du terrorisme, de l’islamisme et les conséquences de plus en plus insoutenables de l’immigration incontrôlée. Quant à la nécessaire réindustrialisation et aux relocalisations, déjà en cours depuis la crise financière de 2008 (due aux dérives de la dérégulation anglo-saxonne), la crise sanitaire a permis de prendre conscience que nous sommes trop dépendants de la Chine ou de l’Inde pour les matériaux informatiques et les médicaments. L’enjeu géoénergétique et les problèmes de pollution et de réchauffement climatique ont par ailleurs accéléré la volonté des États de favoriser les nouvelles industries locales, les énergies renouvelables, les circuits courts, qui créeront les emplois de demain.

Mais quid des questions identitaires ?
Les attentats terroristes, les violences urbaines et communautaristes ont fait prendre conscience de la nécessité de défendre notre civilisation et nos frontières face aux prédateurs extérieurs qui se nourrissent de l’ouverture de nos sociétés pour y pratiquer une ingérance expansionniste démographique et politico-religieuse. Le retour de la souveraineté, de la realpolitik et de l’identité est en marche, et il va de pair avec un réapprentissage de l’amour de soi. Je crois d’ailleurs que le succès des lycées Espérance Banlieues, comme celui des émissions de CNews aux antipodes du politiquement correct des chaînes publiques marxisées, en sont des manifestations claires. Partout, le souverainisme, la défense des identités et le refus du mondialisme occidental s’observent. L’Europe bisounours et woke est une exception à l’échelle planétaire. Même en Europe de l’Est (Pologne, Hongrie), en Australie ou aux États-Unis, les peuples qui se sentent trahis par leurs élites mondialisées attendent leur heure. En l’absence d’une réconciliation identitaire avec ses racines judéo-chrétiennes et gréco-latines fondatrices, l’Europe sortira de l’histoire et sera balayée par les empires sino-confucéens et islamistes revanchards…

Consultant en géopolitique, Alexandre Del Valle est l’auteur de très nombreux essais. Il fait partie des premiers auteurs, dès 1997, a alerter contre la montée de l’Islam. Dans son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, il nous dévoile la face sombre de la mondialisation et rappelle que la France est au bord du grand déclassement. Pourtant, des solutions existent…

 

Anatomie d’un antihumanisme radical : l’intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle-Eric Sadin

 

son site : Eric Sadin

Eric Sadin – 6 mai 2001

 

 

sur France Culture 

Le philosophe Éric Sadin publie un nouvel ouvrage qui questionne l’intelligence artificielle, l’obsession de notre époque, et son application à tous les domaines économiques et sociaux, s’imposant comme énonciatrice de vérité. L’homme ne s’appuie plus alors sur la technique, la technique le guide…

L’obsession pour l’intelligence artificielle

Éric Sadin, le nom vous est familier, c’est l’auteur d’un ouvrage qui a fait grand bruit en 2016 : La Siliconisation du monde : l’irrésistible expansion du libéralisme numérique également paru aux éditions L’Échappée.
Dans ce livre, Sadin expliquait que la Silicon Valley ne se présente pas seulement comme un modèle économique, mais aussi un modèle civilisationnel, fondé sur une organisation algorithmique de la société, entraînant le dessaisissement de notre pouvoir de décision.
Après s’être attaqué au mythe de la Silicon Valley, Sadin, dans son nouveau livre, a donc décidé de s’attaquer à un autre mythe de l’époque : l’intelligence artificielle.
D’ailleurs, l’auteur le rappelle dès l’introduction, l’intelligence artificielle est moins un mythe qu’une véritable obsession. Depuis le début des années 2010, elle représente même l’enjeu économique jugé le plus décisif dans lequel il convient d’investir urgemment.
Que l’on pense aux Etats-Unis qui élaborent des plans stratégiques d’envergure, portés par la NSA, l’Agence nationale de sécurité, le secrétariat à la Défense, mais aussi par quantité d’universités et d’instituts de recherche, à la Chine qui s’est imposée une feuille de route précise pour devenir leader mondial incontesté en matière d’intelligence artificielle d’ici 2030, à la Russie qui investit massivement dans l’IA, Vladimir Poutine considérant que « la nation qui deviendra leader de ce secteur sera celle qui dominera le monde » ou encore aux Émirats arabes unis qui sont allés jusqu’à créer un ministère de l’intelligence artificielle, la conclusion est sans appel : l’intelligence artificielle est la grande ivresse de l’époque. Elle ne touche d’ailleurs pas seulement les États, mais aussi les GAFAM et toutes les entreprises du monde qui espèrent tirer leur épingle du jeu.

Le changement de statut des technologies numériques

Il est vrai, après tout, que l’intelligence artificielle semble ouvrir des perspectives inédites.
Ses systèmes auto-apprenants, ce que l’on appelle le machine learning, permettent en effet de produire des informations et des analyses à une vitesse qui dépasse de loin nos propres capacités cognitives.
Seulement, pour Éric Sadin, l’application de l’intelligence artificielle à tous les domaines économiques et sociaux relève d’un véritable changement de statut des technologies numériques. Les technologies numériques ne sont plus seulement destinées à nous permettre de manipuler de l’information à diverses fins, mais, je cite l’auteur « à nous divulguer la réalité des phénomènes au-delà des apparences. » Autrement dit, l’intelligence artificielle n’a pas vocation à accompagner l’action humaine, elle s’impose comme énonciatrice de vérité.
Le renversement n’est pas des moindres. Ça n’est plus l’homme qui s’appuie sur la technique, c’est la technique qui guide l’homme. Ce renversement, Sadin l’appelle le « tournant injonctif de la technique »,  phénomène unique dans l’histoire de l’humanité qui voit des techniques enjoindre les humains d’agir de telle ou telle manière.
Les exemples d’ailleurs ne manquent pas. L’injonction peut être incitative, comme dans une application de coaching sportif, qui suggère tel ou tel exercice ou complément alimentaire. Elle peut être aussi prescriptive dans le domaine médical avec la mise en place du diagnostic automatisé, dans le domaine bancaire avec la mise en place d’un examen automatisé pour l’octroi d’emprunts ou encore dans le secteur du recrutement qui use de robots numériques pour sélectionner des candidats. Ici encore, on pourrait naïvement se réjouir de telles avancées, mais, selon Sadin, elles masquent une réalité terrifiante, celle de la marginalisation de l’évaluation humaine par rapport à l’expertise automatisée et partant de là, un effacement du politique au profit d’un assujettissement aux résultats produits par les machines.

Pour un sursaut civilisationnel

Faut-il alors chercher à mieux réguler l’intelligence artificielle ? Non, répond Éric Sadin, car la régulation est une vaste fable. Penser que le législateur peut nous prémunir de certaines dérives, c’est ignorer que nous vivons désormais sous le régime d’un ordolibéralisme entièrement voué à soutenir l’économie de la donnée, des plateformes et de l’intelligence artificielle au nom de la croissance.
Ce qu’il faut, c’est un sursaut beaucoup plus profond contre ceux que Sadin appelle les « évangélistes de l’automatisation du monde », ces représentants d’un antihumanisme radical.
Plus nous sommes dessaisis de notre pouvoir d’agir et plus nous devons nous imposer d’être agissant. C’est l’appel qu’émet Éric Sadin dans la dernière partie de son ouvrage qui se présente sous forme de manifeste.
Notre ambition ne doit pas être de nous doter d’une puissance sans limite sur les choses, mais plutôt de cultiver nos propres capacités humaines, au premier rang desquelles notre pouvoir créatif. L’auteur le martèle, il ne représente pas la caste des « inquiets » face à celle des « enthousiastes », il ne fait pas non plus preuve d’un catastrophisme exagéré.
L’enjeu est bien plus important, il est proprement civilisationnel.

 

Enquête sur la désinformation scientifique

24 septembre 2020

de Stéphane FOUCART (Auteur), Stéphane HOREL (Auteure), Sylvain LAURENS (Auteur)

 Stéphane FOUCART      est un journaliste français né en 1973. Ancien élève de l’École supérieure de journalisme de Lille (5ème promotion de la filière scientifique), il est chargé de la couverture des sciences au sein du journal Le Monde, en particulier les sciences de l’environnement et les sciences de la Terre.

Il décroche, avec Stéphane Horel le Prix européen du journalisme d’enquête en 

Stéphane Horel     est une journaliste et réalisatrice de documentaires française née en 1976. Collaboratrice du Monde, elle a réalisé plusieurs enquêtes sur les conflits d’intérêts et les lobbys.      

Sylvain Laurens est   sociologue    Directeur d’études à l’ EHESS -Habilité à Diriger des Recherches

une interview des auteurs sur Youtube le 6/10/2020 – (1:08)

 

 

 

 

présentation sur -l’ADN edu 

Dans leur ouvrage Les Gardiens de la raison, deux journalistes du Monde et un chercheur mettent en lumière les agissements d’une galaxie d’individus et d’organisations qui – sous couvert de défendre la science – défendent surtout les intérêts de grands groupes industriels.

Au journal Le Monde, Stéphane Foucart est un journaliste scientifique, spécialisé en science de l’environnement et multi récompensé pour ses différentes enquêtes. Mais sur Twitter, il est la bête noire de plusieurs centaines de comptes. Mobilisés contre lui, on trouve un étrange mélange d’ingénieurs, de vulgarisateurs scientifiques, de journalistes très suivis, de lobbyistes, d’agriculteurs, de youtubeurs, de zététiciens et de libertariens. Parmi eux, des personnalités comme le futurologue anti-Greta Thunberg Laurent Alexandre, le présentateur de télé Mac Lesggy, ou les journalistes Géraldine Woessner et Emmanuelle Ducros. On compte aussi des associations comme l’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique). Tous l’invectivent à la moindre occasion en mettant en doute ses papiers, au nom d’une véracité scientifique dont ils seraient les véritables gardiens.

Journalistes d’investigation et anti-vax, même combat ?

Ce camp qui se dit du côté de la science est justement le sujet principal du livre Les Gardiens de la Raison, écrit par Stéphane Foucart, Stéphane Horel, journaliste au Monde spécialisé sur les lobbies et Sylvain Laurens, sociologue et maître de conférences à l’EHESS. Touffu et très documenté, l’ouvrage revient sur la manière dont quelques twittos se sont emparés des débats scientifiques sur les réseaux sociaux. Du glyphosate à la 5G en passant par le nucléaire ou la vaccination, ils sont sur tous les fronts.

Leur objectif : conjurer ceux qu’ils considèrent comme des promoteurs de fake news, rétablir « la vérité » à coup de fact checking et surtout opposer de soi-disants faits scientifiques a un camps jugé hystérique et bien trop porté sur le principe de précaution. Leurs méthodes ? Mettre dans le même panier des journalistes d’investigation, des ONG ou des partis écologistes et des mouvements anti-vax, anti-5G ou des défenseurs de l’homéopathie. Très actifs sur Twitter, ils se font passer pour les combattants de la vraie et bonne science tout en répétant ad nauseam, parfois même sans le savoir, des éléments de langage mensongers issus de cabinets de lobbying. Décryptage d’une guerre culturelle et politique qui ne dit pas son nom.

Dans votre livre vous évoquez une sorte de guerre culturelle qui prend place sur les réseaux et qui tourne autour des sujets scientifiques et techniques. Pourquoi avoir consacré un ouvrage à ces gardiens de la raison ?

Stéphane Foucart : Depuis quelques années nous avons observé, Sylvain Laurens, Stéphane Horel et moi-même des convergences dans le débat public et notamment l’utilisation de l’autorité de la science pour défendre des intérêts économiques ou idéologiques. On a pu apercevoir ce phénomène sur des débats liés à la santé et à l’environnement, mais aussi quand on travaille sur les techniques de lobbying. On a vu comment certains éléments de langage, ou certaines histoires complètement fausses peuvent faire leur chemin et saturer la conversation sur les réseaux, au point de s’imposer dans le débat public. On a donc voulu comprendre comment s’était formé cet écosystème qui relaye massivement ce genre de discours, de manière consciente ou non.

Comment décrivez-vous cet écosystème ?

S.F. : Il engage un certain nombre d’acteurs du monde académique aux réseaux sociaux en passant par des trolls ultralibéraux, des associations de vulgarisation et des agences de communication qui travaillent le débat public. Ces dernières font beaucoup appel à la micro influence c’est-à-dire, l’influence exercée au plus près de l’opinion des amateurs de science, des étudiants ou des youtubeurs. Ils sont bien plus écoutés et crédibles qu’un communiqué de presse venant d’une entreprise. Il ne s’agit pas de dire que tous ces gens sont à la solde des vilains lobbies. Cependant, il existe une synergie entre ces différents acteurs qui finissent par s’agréger, généralement pour des raisons contingentes. Certains veulent défendre le secteur industriel dans lequel ils travaillent, d’autre mettent le doute systématique qui doit être appliqué aux croyances ou bien encore défendent un modèle politique basé sur le libre marché.

Vous évoquiez des discours et des éléments de langage qui sont répétés ad nauseam. Comment cela fonctionne ?

S.F. : Grâce aux Monsanto Papers, on sait comment les firmes de l’agrochimie portent une attention considérable à la fabrication d’arguments et leur diffusion sur les réseaux sociaux. Une fois qu’ils sont mis en circulation, par l’intermédiaire de revues ou de blogs spécialisés, ces éléments vont être réutilisés, souvent de bonne foi par des individus qui y voient de véritables arguments ou discours scientifiques. L’un des exemples les plus marquants est celui de l’interdiction du DDT dans les années 70 qui serait le fait d’une sorte de folie hystérique des écologistes. Cette décision aurait provoqué indirectement la mort de millions de personnes en Afrique et en Asie qui ne peuvent plus se protéger des moustiques qui transmettent le paludisme. En réalité, il s’agit d’une fable, d’une histoire complètement fausse. Ce produit a été interdit aux Etats-Unis, mais uniquement dans ses usages agricoles, et après plusieurs expertises scientifiques conduites par des institutions plutôt conservatrices, sous l’administration Nixon ! On est loin des vilains écolos extrémistes. Son usage est toujours autorisé pour lutter contre les moustiques pour des raisons sanitaires ! La principale raison au fait qu’il est de moins en moins utilisé est simplement qu’il est de moins en moins efficace, du fait de l’adaptation des populations de moustiques… Il ne représente plus aucun intérêt économique et l’histoire de sa prétendue interdiction totale obtenue par les écologistes est une réécriture de l’histoire, destinée à porter un message idéologique : les écologistes et leur principe de précaution sont dangereux.

Dans votre livre vous indiquez que cet écosystème met particulièrement en avant la « sound science ». Vous pouvez expliquer ce concept ?

S.F. : Ce terme est arrivé dans le débat public dans les années 80 aux États-Unis, au moment où l’industrie du tabac a vu arriver les premières études portant sur le tabagisme passif. À cette époque, les communicants de Philip Morris ont inventé le concept de « sound science » qui désigne des études menées en laboratoires et dont les résultats seraient reproductibles et très fiables. Ils l’ont opposé au terme de « junk science », qui représente les études épidémiologiques qui tentent de déterminer l’impact d’un produit ou d’une technologie sur la santé ou l’environnement. Par nature, ces études sont difficilement reproductibles, car elles se basent sur l’observation de grands échantillons de personnes et tous les paramètres ne peuvent être contrôlés. Lorsqu’on étudie les personnes sujettes au tabagisme passif au cours de leur vie, on comprend bien que la même expérience ne pourra être refaite en prenant les mêmes personnes, sans les exposer à la fumée ambiante de cigarette ! Le hiatus entre la « sound science » des laboratoires industriels et la science indépendante réalisée dans le monde réel, existe encore aujourd’hui.

Quelles sont les principales fractures entre ces deux formes de science ?

S.F. : Le concept de « sound science » est très utilisé pour opposer la science académique à la science réglementaire par exemple. La première est composée de recherches qui sont publiées dans la littérature savante. Elle est lisible, transparente et critiquable. La seconde est plutôt une mise en pratique de la science, réalisée par l’industrie et conformément aux réglementations, et qui permet aux autorités de permettre ou de refuser la mise sur le marché d’un produit. Il arrive que sur certains sujets, la science réglementaire soit très en retard sur la science académique. Ça s’est vu pour des médicaments autorisés il y longtemps puis retirés du marché, mais aussi pour des pesticides ou bien plus généralement sur la prise en compte des capacités de certaines substances à être des perturbateurs endocriniens. Ce terme existe dans la science académique depuis les années 1990, mais n’a une existence réglementaire en Europe que depuis trois ans. On voit que la science réglementaire peut avoir plus de deux décennies de retard sur la science académique !

On a beaucoup vu cette opposition pendant toute la polémique qui a accompagné les enquêtes d’Envoyé Spécial sur le glyphosate.

S.F. : En fait, cela remonte même à 2015 quand le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé ce désherbant comme cancérogène probable. À partir de là, une machine de guerre s’est mise en place pour donner l’impression que « la science » disait le contraire. Les défenseurs du glyphosate se sont basés sur les agences réglementaires qui continuent de classer ce produit sans danger cancérogène. Ils vont aussi sortir plusieurs éléments de langages qui vont totalement pourrir le débat : « Le CIRC n’évalue pas le risque, mais le danger », ou bien encore « C’est la dose qui fait le poison donc si on boit un verre de glyphosate, on va bien évidement tomber malade ». Tous ces éléments ont été répétés à l’infini avant, pendant et après l’enquête d’Envoyé Spécial avec l’aide de comptes Twitter influents afin de décrédibiliser le travail sur le sujet. On peut rappeler qu’il existe à ce jour cinq méta-analyses suggérant des associations statistiques significatives entre le glyphosate et des cancers du système lymphatique. Pourtant, aucune de ces études ne sont jamais citées par nos « gardiens de la raison ».

Vous indiquez dans le livre que l’idée de la défense de la science, de l’esprit critique et de la rationalité était historiquement des valeurs de gauche. Or, on retrouve parmi ces nouveaux gardiens, des groupes et des personnalités situés plutôt dans le camps ultralibéral. Comment expliquez-vous ce glissement ?

S.F. : Il y a plusieurs raisons à cette trajectoire. La première, c’est que ça reflète un changement dans la structure de la communauté scientifique. Les chercheurs sont de plus en plus incités à travailler avec des sociétés privées et l’organisation de la recherche publique est de plus en plus axée sur l’innovation technique au détriment de la
recherche fondamentale. La seconde, c’est la place de plus en plus importante des ingénieurs, au détriment des chercheurs, dans les mouvements ou les associations d’amateurs de science. Pour Sylvain Laurens qui a étudié le phénomène, ces derniers ont une approche de la science qui est plus tournée vers la résolution de problèmes techniques et la commercialisation de produits, qu’une démarche exploratoire curieuse. Il ne faut pas non plus oublier l’existence d’une véritable croisade libertarienne menée aux États-Unis et dont l’objectif est de substituer la loi du marché à l’action de l’Etat. Ils considèrent que l’existence et la raison d’être d’une technologie sont justifiées si elle est adoptée par le marché. Tous ces gens défendent la science comme vecteur de progrès techniques qui permettrait d’apporter des solutions à tous nos problèmes.

Certaines personnes faisant partie de ce conglomérat semblent pourtant de bonne foi et veulent vraiment défendre la science. Sont-ils des idiots utiles ?

S.F. : Je n’aime pas vraiment cette expression, mais je pense qu’on est tous susceptibles d’être, à un moment donné, un « idiot utile ». Moi aussi, je me suis déjà fait avoir. Il y a quelque temps j’ai donné une interview à Conspiracy Watch sur le thème du glyphosate et à la fin de l’entretien j’ai dit : « bon, malgré tout ce qu’on peut dire, le glyphosate est quand même réputé être l’un des produits les moins problématiques pour la santé ». Le lendemain, j’ai reçu un mail d’un copain épidémiologiste qui me demande sans animosité quelle est ma source pour cette information. Et je me suis rendu compte que je n’en avais pas, mais que j’avais entendu tellement de fois cet « argument » que j’avais fini par l’intégrer de bonne foi.

Vu la prédominance des discours scientifiques biaisés ou orienté sur les réseaux, comment peut-on vraiment bien s’informer et garder une certaine forme d’objectivité ?

S.F. : Tout d’abord, il faut se méfier des fact checking que l’on a pu voir fleurir sur Twitter et qui tentent de trancher des questions extrêmement complexes. Le fact checking est un très bon outil pour vérifier les déclarations d’un politique, mais il n’est pas destiné à trancher des controverses scientifiques ou sociotechniques.
Ensuite, il faut être attentif à qui nous parle sur les réseaux. Un chercheur qui est vraiment spécialisé sur une question et qui participe à la littérature scientifique dans ce domaine en particulier sera toujours plus crédible qu’un scientifique qui n’est pas spécialiste de ce sujet précis, ou de n’importe quel ingénieur, vulgarisateur, ou amateur de science.
Enfin, il ne faut pas hésiter à se demander si une question scientifique engage un choix politique. Le débat sur la 5G est à ce titre très révélateur. Les défenseurs de cette technologie expliquent que les ondes ne sont pas dangereuses et que par conséquent on doit l’utiliser parce que c’est le progrès. Mais on est aussi en droit de se demander si notre société veut bien d’une technologie qui va interconnecter les objets du quotidien et étendre les capacités de surveillance de la population par exemple. Quand on utilise l’autorité de la science pour défendre « le progrès », il est bon de se demander de quel « progrès » il s’agit !

 

“Haut les coeurs, humains” ! – Le livre des Anges II

 

Lucienne Tinfena a publié le  livre des Anges II  le 25 février 2020. Après lecture du premier livre puis de celui-ci, j’ai estimé que l’importance des révélations que contient ce deuxième livre  sont telles que je devais lui consacrer un premier article qui participe à le faire découvrir et encourager sa lecture.

En effet ce livre de la messagère des Anges constitue pour le Temple des Consciences un témoignage important de l’existence de ce monde intermédiaire. Il constitue aussi un élargissement considérable de notre conscience qui, à travers sa lecture, nous entraîne au-delà du monde strictement rationnel et ouvre au monde qui nous attend lorsque nous aurons franchi la porte étroite qui y conduit. Il a été donné à Lucienne la grâce de découvrir partiellement ce monde en dialoguant avec ses Anges. Lucienne est leur messagère et nous allons voir que ce qu’ils ont à nous dire est d’une extrême importance.

Je commencerai par dire que Lucienne est une amie du Temple des Consciences et de moi-même depuis qu’elle a frappé une première fois à la porte du Temple  le 3 mars 2018. Nous avons depuis beaucoup échangé par mail et je l’ai aussi rencontrée pour évoquer avec elle son rôle de messagère de ses ami(es) les Anges. Elle publie depuis ce moment sur mon blog , assez régulièrement , des articles qui relatent  certains dialogues avec les Anges.  J’ai accepté en conséquence de rédiger la préface de ce deuxième livre qui apporte à celui-ci la caution et le regard extérieur de celui qui revendique  à la fois la rationalité  mais aussi son dépassement et j’ai nommé sur ce site cette démarche que j’appelle transrationalité.

A partir de cette démarche j’accueille et même parfois je promeus les initiatives  qui m’apparaissent sincères et montrent que le monde de la rationalité pure est oppressant et nous conduit à notre perte si nous ne savons pas sortir de ses limites et nous réorienter vers une spiritualité sincère et profonde. C’est aussi l’un des messages centraux délivré par les Anges.

 

Je vais d’abord vous parler rapidement du rôle de la messagère et du discernement qu’il convient d’exercer par rapport à la transmission des messages.

J’ai eu l’occasion dernièrement de publier un article d’une conférence de Jacques Mabit. Médecin revendiquant sa spiritualité chrétienne,  il fait état de ses connaissances et pratiques chamaniques qu’il exerce dans un centre créé au Pérou il y a 30 ans. – cf là : enjeux du discernement entre l’ombre psychique et spirituelle- Il est donc à la jonction du monde chrétien où il puise sa foi  et du monde d’esprits avec lesquels communiquent les chamanes péruviens.

Je fais mienne la présentation des trois mondes exposée par Jacques Mabit et qui est aussi mon paradigme  :

il y a un monde du divin dont nous ne savons rien directement si ce n’est par la voix  des prophètes, par celle des visionnaires, de certains poètes ou des mystiques qui accèdent à ce monde de façons diverses et partielles.

Il y a aussi notre monde sensible auquel les adeptes de la seule raison  veulent nous cantonner  et qui ignore voire rejette  souvent les deux autres mondes.

-Enfin, il existe un monde intermédiaire peuplé de multiples entités parfois relayant le monde du divin parfois nous entraînant à notre perte. Dans ce deuxième cas Jacques Mabit parle alors pour les humains qui y accèdent consciemment ou non, d’infection voire dans certains cas de possession. C’est dans son centre du Pérou par un travail chamanique mais aussi un regard chrétien toujours présent, complété par des connaissances et rencontres en psychologie et psychiatrie  qu’il aide ces humains infectés ou possédés à guérir. Il nous met donc en garde dans la communication avec ce monde intermédiaire en sachant discerner qui nous parle. Il cite à cet occasion le témoignage de Saint Ignace de Loyola  qui reconnut avoir été dupé un certain temps par le démon alors qu’il croyait accéder à un monde merveilleux d’amour et de beauté.

Je renverrai enfin à une page en construction sur mon site et relative à la mystique chrétienne. Dans une courte vidéo le Père Joseph-Marie Verlinde  y expose les difficultés du discernement dont il faut faire preuve à l’égard de tous les signes et de toutes les manifestations en provenance de l’au-delà  du monde sensible. Il distingue très fortement les pouvoirs et les  charismes . Les deux peuvent conduire à des effets visibles parfois assez identiques –cf là.   Il dit combien l’Eglise est très réservée, voire méfiante  à l’égard de toutes les révélations ou de tous les signes qui parviennent aux humains et de citer pour illustrer son propos le cas de Padre Pio dont je sais qu’il fut  alternativement rejeté  et admiré par les différents Papes qui se sont succédés de son vivant avant d’être finalement reconnu Saint sous le pontificat de Jean-Paul II.

J’ajouterai enfin que ces trois mondes ne sont pas totalement inperméables  les uns aux autres. Il y a des inteférences possibles notamment entre le monde intermédiaire et notre monde sensible parfois inconsciemment pour nous, parfois plus ou moins consciemment. Lucienne évoque par exemple certains signes qui nous sont envoyés pour nous guider nous mettre en garde et il arrive que certains parmi nous aient une impression du passage d’un Ange. Mais, bien sûr, c’est avec la révélation directe, ici par leur messagère Lucienne,  que le monde intermédiaire nous avertit et nous guide.

Après ces mises en garde, il convient donc de découvrir le message des Anges que nous transmet Lucienne avec une grande humilité et une grande sincérité dont j’exclus qu’elles puissent être une simple posture de l’auteure pour nous faire adhérer à ses récits. Il appartient au lecteur de s’imprégner de ces messages d’une grande rareté et de les écouter avec discernement.

Lucienne communique avec ses Anges depuis au moins trente ans. Elle expose dans son premier livre le parcours qui a été le sien fait d’abord de merveilleux dessins accompagnés ensuite  de messages d’abord difficilement lisibles  ou l’écriture se situe entre  le dessin et notre calligraphie.

Le ton est  alors très léger, badin, enjoué et concerne essentiellement l’univers personnel de Lucienne. Au fil des années s’établit un vrai climat de confiance entre la messagère et ses anges qui deviennent aussi des amis notamment Momo, Mom et Numa les trois anges qui l’accompagnent depuis le début. D’autres, assez nombreux  apparaissent épisodiquement. Progressivement, au fil des années, les messages deviendront moins personnels et seront des informations sur le monde angélique ou des avertissement adressés  aux humains. Les informations gardent une grande légèreté, parfois teintées d’humour mais les avertissements ont un ton plus grave en harmonie avec leur teneur.

Le portrait de la messagère Lucienne doit être complété en disant qu’elle communique aussi parfois avec ses plantes d’appartement, voire qu’elle effectue des expériences  de lévitation et qu’elle établit aussi mais assez rarement des communications avec des morts. Cette dernière communication, qu’elle ne recherche pas, est toujours précédée par l’accord des Anges auxquels Lucienne obéit sans toutefois parfois perdre son libre arbitre.

Bien sûr peut-être n’adhérez vous  pas  à l’existence de ce monde angélique ou vous méfiez-vous des faits relatés et c’est aussi une souffrance pour la messagère.  L’ombre psychique et l’ombre spirituelle comme l’expose Jacques Mabit peuvent se superposer, interférer voire être prises l’une pour l’autre. J’ai moi-même vécu de courtes expériences intenses et bénéficié aussi d’autres témoignages vécus de même nature que celles de l’auteure et qui demandent toujours discernement : qui parle ? D’ailleurs il est arrivé aussi exceptionnellement à Lucienne de douter,  se demandant si    sa main écrit bien sans qu’elle intervienne mais la réponse de l’Ange la rassure. A une autre occasion un Ange lui révèle qu’un dessin qui lui avait paru suspect a  été en fait l’oeuvre du Perverti et que le dessin  est un  faux qui  ne provient pas de ses amis les Anges.

Ce doute, de même que la manipulation du “Perverti” sont l’exception dans les messages révélés dans le livre. Ils semblent être mis là pour témoigner de la   vigilance  de l’auteure .

Venons-en aux messages transmis par les Anges. Comme je l’ai dit plus haut ils concernent  souvent des révélations sur le monde des Anges qui  entourent Jésus et Marie. C’est un monde d’Amour pur : tout y est amour payé en monnaie d’amour. En ce sens ces révélations sont conformes au message central chrétien : l’essentiel est l’Amour.

Par contre, on y découvre un monde extrêmement actif où les Anges occupent des fonctions parfois interchangeables d’une multiplicité quasi infinie mais où l’occupation pour faire évoluer les âmes qui arrivent du monde terrestre semble être pour ce type d’Anges une occupation importante. Les Anges Nomades sont des Anges qui s’occupent des humains d’abord sur terre en veillant à les protéger et puis dans leur monde en les faisant évoluer vers et dans ce monde d’Amour.  Ce monde des Anges est fait de multiples hierarchies dont les plus hautes ne communiquent pas avec les humains. Jamais Lucienne n’a prétendu recevoir de messages directs de l’Ange Gabriel ou de l’Archange Michel, à fortiori aucun message de Jésus ou de Marie. Mais elle est blessée d’être parfois confondue avec un simple médium. Sa communication se fait essentiellement avec des Anges n’ayant jamais eu d’existence terrestre.

On apprend au fil des messages que très marginalement certaines âmes sont appelées avec leur accord à un retour sur terre dans le cadre de leur parcours de purification. La réincarnation existe mais n’est que très marginale. Il existe aussi et de façon semble-t-il aussi rare un retour sur terre de certains anges pour y vivre une vie d’humain parmi les humains.

Les Anges  nous révèlent que dans notre monde sensible existent aussi d’autres êtres situés sur d’autres planètes et qu’ils nous ont déjà visités et les Anges annoncent qu’ils s’apprêtent à le faire de façon invasive. – cf ici des observations non expliquées par la science –

Interrogés sur les NDE et le tunnel de lumière les Anges révèlent qu’il s’agit d’illusions créées par le cerveau et que les êtres éventuellement alors rencontrés relèvent de la même illusion. – cf là, la page sur ces témoignages- Cette information des Anges nous interpellent sur la capacité de notre cerveau à produire des situations qui nous sont perceptibles mais sans existence réelle.

Il y a beaucoup d’autres informations d’une grande richesse concernant pour l’essentiel ce monde intermédiaire proche de Jésus et qui baigne dans l’Amour.

A propos de ce monde d’Amour révélé par les Anges je rejoindrai l’interrogation de Lucienne mais qui n’est pas dans ce livre, s’agissant des  Dialogues avec l’Ange de Gitta Mallasz intervenus en 1943 -1944. Dans ces dialogues il n’est pas question d’Amour. J’émettrai alors une hypothèse dans l’esprit du Temple des Consciences.  Ce monde intermédiaire est encore plus vaste que le nôtre et au delà du monde des Anges qui sont avec Jésus et révélé par Lucienne il existe aussi, nous l’avons vu plus haut, des mondes divers d’êtres parfois néfastes pour les humains et d’autres anges qui n’appartiennent pas à ces deux catégories et peuvent aussi s’adresser à des humains. Hannah qui recevait alors ses messages en 1943 révélait aussi des mises en garde sévères à l’égard des humains. C’est le point commun avec les mises en garde aux humains faites par les Anges qui s’adressent à Lucienne.  – dans Jean 14:2  Jésus dit aussi : « dans la maison de mon Père, il y a plusieurs demeures. »-

.Ces messages reviennent tout au long du livre. L’évolution des humains est vue d’une façon très négative par les Anges. Les humains ont essentiellement le souci du pouvoir et de l’argent et l’Amour qui doit être notre destin est globalement ignoré.

Le courroux de Dieu, la purification de la Terre, va s’engager de diverses manières disent les Anges et le climat n’en sera pas l’élément central. On peut s’interroger à ce titre sur certains événements d’actualité par rapport à ces mises en garde. Il faut que l’abcès soit crevé ! Il y aura trois jours de changements brutaux imposés aux humains  mais ce ne sera pas pour autant la fin du monde. Alors, surviendra l’Homme nouveau orienté vers la spiritualité. Mais ce ne sera pas encore  la fin du combat contre le Perverti. Ce combat durera encore longtemps.

J’arrive à la fin de mon témoignage sur ce livre essentiel, hors de tout ce que l’on rencontre habituellement  car il s’agit d’un livre écrit par les Anges. Le temps presse et la messagère est appelée à faire tout son possible pour qu’il soit transmis au Pape.

C’est dire que les Anges, malgré parfois leur ton léger, considèrent ce livre comme un message urgent et essentiel destiné à la fois aux humains mais aussi au monde de l’Eglise.

J’encourage le lecteur de cet article à découvrir mieux la messagère et ses Anges.

Voici pour terminer l’appel en musique pour évoluer vers l’Amour dont nous parlent tant les Anges.

 

paroles et musique de Claude Thibault sur la chaîne YOUTUBE de Jean-François

 

 

 

 

 

 

La transmutation posthumaniste

Isabelle Barbéris : maître de conférence en arts de la scène. Université Paris-Diderot, spécialiste  du théâtre  contemporain

Michel  Bel : professeur de philosophie en retraite -spécialiste de Heidegger

Jean-François Braunstein : philosophe – professeur d’université -travaux sur l’histoire des sciences et philosophie des sciences

Paul Cesbron : gynécologue obstétricien ancien chef de la maternité de Creil

Denis Collin : philosophe dans la suite de la pensée de Marx – essaie de concilier socialisme et républicanisme.

Anne Lise Diet : psychologue, psychanaliste 

Emmanuel Diet : psychologue -agrégé de philosophie docteur en psychopathologie

Christian Godin : philosophe , maître de conférence Université Blaise Pascal , Clermont-Ferrand

Aude Mirkovic : juriste, essayiste, maître de conférence sciences criminelles Université d’Evry, militante catholique engagée dans le combat contre la gestation pour autrui et procréation médicalement assistée, combat contre l’avortement

Isabelle de Montmollin : docteur en philosophie Université de Lausanne

François Rastier :  docteur en linguistique-directeur de recherche émérite CNRS

Pierre-André Taguieff : politologue,  sociologue, historien des idées, directeur de recherche  honoraire au CNRS -engagé dans la lutte contre tous les racismes

Patrick Tort : docteur en littérature, linguiste, philosophe , historien des sciences. Il a notamment analysé la dimension anthropologique de l’œuvre de Darwin. Aux yeux de certains, la réflexion de Patrick Tort s’inscrit dans le cadre du marxisme, courant de pensée auquel il a consacré plusieurs ouvrages. 

Patrick Tort conçoit alors le projet d’une encyclopédie mondiale du darwinisme qui réunirait également toutes les connaissances issues de la biologie et des sciences humaines possédant un lien direct ou indirect avec la naissance et les développements du transformisme

Thierry Vincent : journaliste anti Front National , émission “Special Investigation ” sur Canal , 90 minutes et Envoyé spécial en 2017

sur l’inactuelle – revue d’un monde qui vient 

 

Michel Henry publiait en 1987 un livre important, La barbarie, où il s’agissait de montrer que la science, telle qu’elle s’est instituée en discipline maîtresse, détruit la culture dès lors qu’elle est laissée à sa propre dynamique. Pour Michel Henry, cette science livrée à elle-même est devenue la technique, une « objectivité monstrueuse dont les processus s’auto-engendrent et fonctionnent d’eux-mêmes ». Corrélativement, les idéologies célèbrent l’élimination de l’homme et la vie est condamnée à fuir.

Ce que Michel Henry analysait si lucidement voilà plus de trente ans a pris une ampleur considérable. L’élimination de l’homme est en cours, réellement et non pas seulement symboliquement à travers la destruction de la culture, qui était le centre de l’ouvrage de Michel Henry. Sous nos yeux se produit une véritable « transmutation posthumaniste » pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif qui vient de paraître. Le transhumanisme nous conduit au-delà de l’humain, vers un posthumain, puisque nous avons appris que l’homme doit être dépassé ainsi que le disait Nietzsche !

Vers le posthumanisme.

Le posthumain, en effet, n’est plus simplement un thème de science-fiction. Il est revendiqué par des gens très sérieux qui y voient l’avenir même du mode de production capitaliste et l’avenir de l’humanité. Ainsi, fort nombreux sont les membres des cercles dirigeants des entreprises de la « high tech », souvent basées en Californie, qui revendiquent cette recherche du posthumain. Les dirigeants de Google, Larry Page et Sergey Brin, sont des adeptes fervents de la recherche posthumaniste et l’une des têtes pensantes de cette entreprise, Ray Kurzweil, la défend avec ardeur dans de très nombreux ouvrages depuis maintenant près de trois décennies.

C’est Ray Kurzweil qui déclarait : « Il y aura des gens implantés, hybridés, et ceux-ci domineront le monde. Les autres, qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardées au pré ». Et encore ceci : « Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. »

La transmutation posthumaniste.

Bien qu’ils aient des angles de vue différents et des philosophies parfois divergentes, les auteurs de l’ouvrage La transmutation posthumaniste mettent en évidence les principaux aspects de ce qui se joue autour de cette affaire. Je propose de regrouper tout cela sous le terme « trans » : il s’agit bien de transgresser toutes les frontières, frontières des espèces, frontière entre les sexes, frontière entre l’homme et la machine. Toutes ces frontières peuvent être transgressées, nous dit-on, car l’homme peut devenir le maître de ce qu’il deviendra, dans la mesure où, premièrement, ces frontières doivent toutes être considérées comme des constructions sociales et où, deuxièmement, grâce à la science et à la technique, l’homme peut s’émanciper de ce qu’il considère comme un donné naturel. La transgression des frontières de l’humain nous conduira au posthumain – et ici il n’est pas nécessaire de faire des distinguos subtils entre transhumanisme et posthumanisme, puisque, dans tous les cas, c’est l’humain tel que nous le connaissons qui est réputé obsolète.

Pierre-André Taguieff montre ici le lien de l’eugénisme classique (dont il rappelle combien il fut partagé aussi par des politiques et intellectuels de gauche), l’eugénisme nazi et les bricolages posthumanistes. De l’élevage des humains par les nazis à la sélection des gamètes pour obtenir des humains améliorés, il y a une continuité. Alors que les nazis devaient encore faire appel aux méthodes classiques de l’élevage des bêtes, la génétique et les « ciseaux à ADN » (CRISPR) promettent un eugénisme scientifique en évitant la nécessité d’éliminer brutalement tous les sous-hommes.

Godin montre cependant que le posthumanisme est l’accomplissement du rêve libéral. Est-ce contradictoire ? Nullement : le libéralisme veut supprimer tous les obstacles à la domination des forts, comme l’a fort justement montré Domenico Losurdo dans sa Contre-histoire du libéralisme.

La négation des corps.

Ce courant ancien en croise un autre : celui qui veut abolir la différence des sexes et faire des enfants le résultat d’un « projet parental ». La « fabrique des bébés » est justifiée par les revendications des prétendues « minorités opprimées » qui se verraient dénier le droit à l’enfant par l’ordre patriarcal hétérosexuel… Les couples homosexuels ouvrent la voie : ils veulent pouvoir se faire fabriquer des enfants selon leur convenance. La « parenté d’intention » prend le pas sur la parenté biologique remisée au rang des vieilleries, bien que la technique ne puisse pas encore s’en passer complètement. Le bouleversement dans l’édifice du droit civil impliqué par ces notions extravagantes est souligné par la contribution d’Aude Mirkovic. PMA et GPA apparaissent maintenant comme les moyens de cette marche vers l’élimination de la procréation biologique dans la naissance des enfants.

Le dernier pas est l’abolition pure et simple de la différence des sexes et la promotion du « transgenre » en tant que modèle de l’humanité future. L’article de Denis Collin montre que le « transgenre », avec l’invraisemblable et très glauque bricolage des opérations de « réassignation » de sexe, constitue le banc d’essai du posthumain. Il y a dans l’idéologie posthumaniste toute une conception du corps qu’interroge Anne-Lise Diet, un corps réduit à l’état de machine, transformable à volonté et prétendument totalement indépendant du sujet tout-puissant qui le modèle à sa guise.

Le triomphe de la technoscience biologique s’exprime par le développement d’une idéologie folle. Les Dr Frankenstein semblent avoir pris le pouvoir. La génétique combinée à l’Intelligence Artificielle annonce l’avènement d’une nouvelle espèce, comme dans la littérature ou le cinéma de science-fiction. L’un des auteurs du livre, Jean-François Braunstein s’était interrogé sur La philosophie devenue folle, et, aujourd’hui, c’est la technoscience qui est devenue tout aussi folle que la philosophie.

La raison en est à chercher dans la marche du mode de production capitaliste : la course à l’accumulation du capital, qui est le moteur de ce système « économique », suppose la course à la productivité d’une part et l’extension infinie du domaine de la marchandise d’autre part. C’est la domination du travail mort sur l’individu vivant qui en est l’aboutissement. De ce point de vue, le posthumanisme réalise les fins ultimes du mode de production capitaliste et rend l’humanité surnuméraire. Il est donc assez compréhensible que les secteurs les plus avancés du capital (les GAFA) soient les plus enthousiastes pour cette destruction généralisée de l’humain. Inversement, la critique du posthumanisme est devenue le préambule nécessaire d’une critique généralisée du monde dominé par le capital.

Denis Collin