Après l’effondrement du système bipolaire consécutif à la fin de l’URSS et à l’abandon de logique des blocs, le monde est entré dans une ère de grande incertitude.
Aggravation du fossé entre les pays du Nord et ceux du Sud, banalisation et internationalisation de la criminalité organisée, essor des conflits inter-étatiques (Karabakh, Cachemire, Ukraine, etc…), manifestations permanentes et dévastatrices du terrorisme international (Syrie, Nigeria, Mali, etc…) autant de troubles qui se cumulent et viennent compliquer les tendances « lourdes » que sont les évolutions de la donne énergétique et les aléas du contexte climatique.
Ce livre a pour ambition de brosser un panorama précis des enjeux géopolitiques contemporains, en mettant en lumière les nécessités permanentes qui animent les nations (énergie, eau, commerce, religions…) et les chocs nouveaux que produisent le déclin de certaines aires politique et l’irruption d’acteurs surpuissants (Chine, Inde)
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Alexandre del Valle (de son vrai nom Marc d’Anna), né le à Marseille, est un géopolitologue, consultant, essayiste et militant politique franco-italien.
Docteur en histoire contemporaine, il se spécialise en géopolitique. Il s’intéresse principalement à l’islamisme, au terrorisme islamiste, aux relations entre l’Europe et la Turquie, et au monde arabo-musulman. À titre professionnel, il exerce comme chroniqueur et enseignant.
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Jacques Soppelsa descend d’une famille d’origine vénitienne. Après une scolarité en classes préparatoires aux grandes écoles, il est admis en 1961 à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. En 1965, il obtient l’agrégation de géographie.
En 1978, il est nommé professeur de chaire à la Sorbonne. Il s’implique dans la vie de l’université et en devient président. Il la préside de 1982 à 1989. Avec le recteur de Barcelone, Ricardo Bricall et le recteur de Bologne, Roversi Monaco, il est à l’origine, en 1987, de la création du programme Erasmus.
En 2002, il devient directeur du master de géopolitique de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et de la Sorbonne.
Il entre par la suite au Quai d’Orsay pour faire une carrière de diplomate aux États-Unis, puis en Amérique latine.
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La Nef – Vous avez consacré plusieurs ouvrages sur l’alliance américano-islamiste initiée en Afghanistan contre l’Union soviétique et poursuivie en Irak, en Bosnie et au Kosovo : pourquoi ces alliances et quelles conséquences jusqu’à aujourd’hui ?
La stratégie pro-islamiste des États-Unis, conçue à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Pacte du Quincy unissant Washington aux Saoud), a été déterminée par l’enjeu énergétique puis l’endiguement de l’URSS durant la Guerre froide (soutien US aux pires islamistes d’Afghanistan, du Pakistan, de Turquie et du monde arabe). Cette stratégie a été poursuivie entre 1990 et 2003 en Irak, entre 1992 et 2007 dans les Balkans, entre 2002 et 2016 en Turquie (soutien atlantiste aux islamistes anti-kémalistes comme Erdogan), puis depuis 2011 et les printemps arabes avec l’appui aux djihadistes et aux Frères musulmans (Égypte, Syrie, etc.). Les États-Unis n’ont jamais rompu avec les monarchies islamistes du Golfe et le Pakistan, parrains du totalitarisme islamiste-djihadiste. Cette stratégie a favorisé la progression de l’islamisme en Occident.
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En quoi l’islamisme est-il selon vous un « totalitarisme » ?
En tant qu’idéologie et projet théocratique englobant la totalité de la vie humaine et entreprise politico-militaire ambitionnant de conquérir le monde entier par tous les moyens, l’islamisme doit être distingué des phénomènes intégristes religieux classiques, qui ne poursuivent pas un projet de conquête violent destiné à soumettre tous les êtres humains à un ordre impérial. En revanche, l’islamisme vise la conquête universelle du pouvoir, des territoires et des âmes, dans une logique de soumission politique qui est aux antipodes de l’adhésion spirituelle, et en s’appuyant sur une lecture littérale de la jurisprudence islamique. De ce fait, l’impérialisme islamiste est la continuation théocratique des totalitarismes du XXe siècle analysés par Hannah Arendt, Claude Polin, Raymond Aron, Enzo Traverso ou Karl Popper : le communisme et le nazisme.
Les chrétiens d’Occident disparaissent des sociétés riches enfoncées dans le matérialisme libertaire tandis que les chrétiens d’Orient disparaissent sous les coups de l’islam : leur sort est-il lié et comment expliquer le peu de solidarité qui les unit ?
Oui. L’erreur stratégique des Occidentaux a été de croire que l’on est plus respecté par l’islamisme en se reniant civilisationnellement (dénonciation des croisades ; islamiquement correct), or l’islamisme revanchard perçoit au contraire cet Occident post-chrétien auto-raciste et « apostat » comme une terra nulius à conquérir, méprisable, dont le vide spirituel et la haine de soi sont perçus comme des appels à la prédation, comme un blanc-seing pour éradiquer les chrétiens d’Orient, abandonnés par avance par un Occident qui les défendait lorsqu’il était chrétien mais qui n’en est plus solidaire depuis qu’il se définit par l’atlantisme anti-russe et l’individualisme consumériste. Pour les islamistes, les Occidentaux sont condamnés par leur « perversion athée », et le message lancé par leurs élites, qui appuient le prosélytisme islamiste sans exiger de réciprocité pour le christianisme en terre d’islam, est une acceptation de l’islamisation, d’ailleurs déjà amorcée ouvertement en Occident.
Pourriez-vous nous expliquer comment l’Union européenne est perdante dans « la mondialisation dangereuse », objet de votre dernier livre ?
Dans cet ouvrage, co-écrit avec le géopolitologue Jacques Soppelsa, j’explique que la mondialisation, phénomène au départ neutre et ancien (chinois, routes de la soie, Venise, Portugal, etc.), est un terrain d’échanges et de rivalités entre puissances, et que les pays occidentaux, pris au piège de leur ouverture, ont délégitimé leur civilisation et patries au nom d’une lecture mondialiste de la nouvelle globalisation anglo-saxonne, initiée dans les années 1980 avec la chute de l’URSS et l’ouverture de la Chine et de l’Inde devenues usine du monde des firmes occidentales. Cette néo-mondialisation a profité à l’empire américain (McWorld), mais elle est aujourd’hui retournée contre ses créateurs par l’hyperpuissance chinoise qui s’est autonomisée. Entre ces deux empires, les Européens sont les dindons de la farce, car ils sont les seuls à croire que la mondialisation est synonyme de gouvernance mondiale et de renoncement à la nation. Faite de délocalisations, de dérégulations, d’interventionnisme atlantiste, d’européisme, d’acculturation occidentale et de prosélytisme droit-de-l’hommiste hypocrite, cette mondialisation anglo-saxonne a profité aux empires rivaux chinois et américain, aux multinationales apatrides déloyales, aux Banques, aux GAFAMS, aux mafias, aux trafiquants de migrants, à l’islamisme, et plus récemment, aux virus, bien plus qu’aux peuples attachés à leur identité et à leur souveraineté ainsi menacées. Les pays européens doivent comprendre que dans ce monde multipolaire, seules les nations qui ont une politique de puissance et de civilisation survivront.
Quelles sont les solutions aux maux que vous décrivez dans La mondialisation dangereuse ?
Le retour à une politique de civilisation va devenir une nécessité vitale avec la montée du terrorisme, de l’islamisme et les conséquences de plus en plus insoutenables de l’immigration incontrôlée. Quant à la nécessaire réindustrialisation et aux relocalisations, déjà en cours depuis la crise financière de 2008 (due aux dérives de la dérégulation anglo-saxonne), la crise sanitaire a permis de prendre conscience que nous sommes trop dépendants de la Chine ou de l’Inde pour les matériaux informatiques et les médicaments. L’enjeu géoénergétique et les problèmes de pollution et de réchauffement climatique ont par ailleurs accéléré la volonté des États de favoriser les nouvelles industries locales, les énergies renouvelables, les circuits courts, qui créeront les emplois de demain.
Mais quid des questions identitaires ?
Les attentats terroristes, les violences urbaines et communautaristes ont fait prendre conscience de la nécessité de défendre notre civilisation et nos frontières face aux prédateurs extérieurs qui se nourrissent de l’ouverture de nos sociétés pour y pratiquer une ingérance expansionniste démographique et politico-religieuse. Le retour de la souveraineté, de la realpolitik et de l’identité est en marche, et il va de pair avec un réapprentissage de l’amour de soi. Je crois d’ailleurs que le succès des lycées Espérance Banlieues, comme celui des émissions de CNews aux antipodes du politiquement correct des chaînes publiques marxisées, en sont des manifestations claires. Partout, le souverainisme, la défense des identités et le refus du mondialisme occidental s’observent. L’Europe bisounours et woke est une exception à l’échelle planétaire. Même en Europe de l’Est (Pologne, Hongrie), en Australie ou aux États-Unis, les peuples qui se sentent trahis par leurs élites mondialisées attendent leur heure. En l’absence d’une réconciliation identitaire avec ses racines judéo-chrétiennes et gréco-latines fondatrices, l’Europe sortira de l’histoire et sera balayée par les empires sino-confucéens et islamistes revanchards…
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Consultant en géopolitique, Alexandre Del Valle est l’auteur de très nombreux essais. Il fait partie des premiers auteurs, dès 1997, a alerter contre la montée de l’Islam. Dans son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, il nous dévoile la face sombre de la mondialisation et rappelle que la France est au bord du grand déclassement. Pourtant, des solutions existent…