1. La nature est-elle une machine ?

Il y a une insistance des  savants à affirmer que les plantes, les animaux et les humains sont des machines ou que les humains ne sont que des robots contrôlés par des ordinateurs cérébraux programmés génétiquement. Il semble plus naturel de penser que les plantes, les animaux et nous, sommes des organismes vivants qui s’organisent eux-mêmes.

Le point de départ de la science moderne a été le rejet de l’ancienne vision organique de l’univers et la métaphore de la machine devint centrale dans la pensée scientifique avec des conséquences considérables.

Avant le XVIIil était évident pour tout le monde ou presque que l’univers était un organisme vivant. Léonard de Vinci l’énonce explicitement. Même Copernic qui mettait le soleil au centre de notre système n’était pas mécaniste.

Le passage à la théorie mécaniste a commencé en 1600 et il fut radical même si des modèles mécanistes circulaient déjà : on commença à construire en Europe des horloges astronomiques dès 1300.

En 1605 Kepler disait que son but  » était de montrer que la machinerie céleste doit être comparée non pas à un organisme divin mais à une horloge « : les animaux étaient des mécanismes. Cette vision de la vie fut néanmoins moins bien acceptée au XVII et XVIII que la théorie mécaniste de l’univers.

Des organismes vivants aux machines biologiques (60-67)

Galilée dit : « quand Dieu produit le monde il produit une structure mathématique complète…La nature est un système mathématique fait chair. »

René Descartes -1596-1650 -fut le principal avocat de la philosophie mécaniste. Il élargit la métaphore mécaniste au vivant tout entier.

 Jusque là, au Moyen-Âge, l’âme agissait comme un moule pour le corps, elle constituait les plantes et les animaux -Thomas d’Aquin (1225-1274).

Avant la révolution mécaniste il existait trois niveaux d’explication : le corps, l’âme et l’esprit. Le corps et l’âme faisaient partie de la nature. Après la révolution mécaniste il n’y eu plus que le corps et l’esprit.

Pour Descartes, l’âme raisonnable agissait avec le corps dans la glande pinéale. A l’étape finale de la révolution mécaniste il n’existe plus qu’ un niveau : au lieu de la dualité matière-esprit il n’y a plus que la matière. C’est la doctrine matérialiste qui a dominé depuis la seconde partie du XIXsiècle.

Le Dieu de la nature mécanique (68-71)

Chez plusieurs philosophes des Lumières, tel Voltaire, le déisme se combinait avec un rejet de la religion chrétienne… Pour les déistes, Dieu était le concepteur, l’architecte.

C’est ce genre de théologie naturelle que Darwin rejeta avec sa théorie de la sélection naturelle… Mais nous ne sommes pourtant pas forcés de choisir entre le hasard et une intelligence externe. Il y a une autre possibilité : les organismes vivants ont peut-être tous une créativité interne.

Et la nature revint à la vie (71-74)

Les défenseurs des Lumières avaient foi en la science mécaniste, la raison et le progrès humain. Ces valeurs influencent toujours fortement notre système éducatif, social et politique. Mais entre 1780 et 1830 une réaction se développa avec le romantisme. Ils insistèrent sur l’émotion et le sens de l’esthétique contraire à la raison. L’application la plus explicite nous vient du philosophe allemand Friedrich von Schelling dont le livre Idées pour une philosophie de la nature (1787)  décrit la nature comme une interaction dynamique entre forces et polarités opposées.

Le romantisme a créé une fracture durable dans la culture occidentale. Pour les gens instruits la nature est mécanique et la source de ressources naturelles. L’économie moderne repose sur ces fondations.

Les déesses de l’évolutionnisme (74-79)

Le grand-père de Charles Darwin, Erasmus Darwin, fut l’un des pionniers de la théorie évolutionniste. Il suggéra que Dieu avait dès le début munit la vie ou la nature d’une capacité créatrice. Pour Erasmus les être vivants progressaient par eux-mêmes.

Lamarck, en 1809, estimait que les animaux développent de nouvelles aptitudes en réponse à leur environnement et que c elles-ci sont transmises à leur descendants.

Pour Darwin, comme son grand-père, il n’y a pas de Dieu architecte et c’est la Nature ( avec un grand N) qui donne naissance à l’arbre de vie.

Le néodarwinisme prit son essor à partir des années 1940. Il rejette l’idée d’une transmission des facultés acquises. Les gènes sont transmis sans altération aux descendants sauf mutation due au hasard.  Jacques Monod a résumé cette théorie en 1970 dans le hasard et la nécessité.

La vie échappe aux métaphores mécanistes (80-88)

La théorie de l’évolution a détruit l’argument du plan divin mécaniste. Au sein de la science la théorie mécaniste n’a cessé d’être remise en cause pendant le XVIIIe et le XIXsiècle par une école de pensée appelée le vitalisme. Les vitalistes estimaient que les organismes vivants étaient bien plus que des machines : des êtres vraiment vivants. Au-dessus de la physique et de la chimie, des principes d’organisation donnaient aux organismes vivants leurs formes et leurs comportements. Par bien des aspects le vitalisme était une résurgence de l’ancienne vision du monde reliant l’organisation des êtres vivants à leur âme.

Le vitalisme représente toujours l’hérésie suprême en biologie et T.H. Huxley a clairement exprimé en 1867 la vision orthodoxe annonçant avec un siècle d’avance l’essor spectaculaire depuis les années 1960 de la biologie moléculaire. La vie est réduite à des mécanismes physico-chimiques. C’est ce que soutient Francis Crick qui a partagé le prix nobel sur la structure de l’ADN dans son livre Of Molecules and Men.

Mais les accélérateurs de particules ont permis d’aller au delà du noyau de  l’atome faisant surgir des particules évanescentes mais celles-ci n’expliquent pas la forme d’une orchidée, le saut d’un saumon ou la structure du vol d’étourneaux. Le réductionnisme n’offre plus une base atomique solide pour expliquer tout. Les mécanicistes expulsent les finalités vitales et Richard Dawkins dans son livre le gène égoïste dote les gènes de vie et d’intelligence.Les gènes égoïstes créent la forme, façonnent la matière… Pour beaucoup de gens et notamment les jardiniers et  propriétaires d’animaux, les plantes et les animaux sont des êtres vivants et non pas des machines.

 La philosophie holistique (88-93)

Alors que les théories mécanicistes et vitalistes remontent au XVIIsiècle la philosophie holistique s’est développées à partir de 1920. Parmi ses partisans les plus célèbres North Whitehead (1861-1947). Comme la  théorie mécaniste, elle affirme l’unité de la nature : il y a une différence de niveau mais pas de nature entre organismes biologiques et les systèmes physiques tels que les cristaux. Cette pensée traite toute la nature comme un organisme vivant et contrairement aux mécanistes l’atome n’est pas une structure inerte mais un modèle de vibration énergétique. Partout dans la nature on trouve des tout faits de parties, eux-mêmes des tout à un niveau inférieur : il s’agit de hiérarchies imbriquées.

C’est Arthur Koestler qui proposa le terme holon pour désigner ces tout faits de parties et constituant des hiérarchies imbriquées : des hologarchies.

La théorie systémique permet aussi de comprendre cette notion qui parle de configurations d’éléments reliés par un réseau de relations. On parle de théorie ou science de la complexité.

Le cosmos, organisme en expansion (93-96)

Le philosophe David Hume (1711-1776) est connu pour son scepticisme à l’égard de la religion mais il l’était tout autant à l’égard de la philosophie mécaniciste.  Rien ne prouvait à ses yeux que l’univers soit davantage une machine qu’un  organisme vivant. Il suggérait que le monde ait pu trouver son origine dans quelque chose de comparable à une graine ou un oeuf.

A la lumière de la cosmologie moderne, l’argument de Hume est étonnamment précurseur. Selon la seconde loi de la thermodynamique promulguée en 1852 il devrait un jour se congeler et perdre sa capacité de fonctionner.

Ce n’est qu’en 1927 que le chanoine catholique et astronome Georges Lemaître proposa son hypothèse qu’il décrivit comme « l’oeuf cosmique explosant au moment de la création« . Cette théorie fut par la suite appelée Big Bang. Cette théorie prévoyait que l’univers soit en expansion. Elle fut confortée par l’observation de l’éloignement des galaxies. En 1964, la découverte du fonds diffus cosmologique  (« bruit de fond cosmique ») révéla ce qui semblait être la lumière fossile laissée par l’univers à ses débuts. La métaphore de la machine a perdu son utilité depuis longtemps mais elle bride encore la pensée en physique, biologie et médecine.

Qu’est ce que cela change ? (96-98)

Cesser de croire que l’univers est une machine permet de poser des questions nouvelles. Reconnaître la Terre en tant qu’organisme vivant est une étape majeure vers la reconnaissance de la vie à l’oeuvre dans le cosmos.

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