C’est à une véritable archéologie de la modernité que se livre Frédéric Rouvillois dans cet
ouvrage nourri aux meilleures sources : contrairement aux idées reçues, le « Progrès » n’est pas né avec les Lumières, mais au XVIIe siècle, avec la nouvelle philosophie, l’apparition du déisme et la diffusion de l’« esprit bourgeois ». De Bacon à l’abbé de Saint-Pierre, il devient une philosophie de l’histoire et, conformément à son inspiration cartésienne et mécaniste, prétend à une cohérence totale. Ses défenseurs définissent désormais le Progrès à partir du modèle de la Machine : comme un mouvement global de perfectionnement que caractérisent sa forme linéaire, sa nécessité radicale et sa permanence. Ce faisant, ils peuvent ainsi le transposer au réel. Au même rythme que la raison, la morale, le bonheur ou l’Etat sont appelés à progresser. L’histoire, enfin dotée d’un sens, devient ainsi le lieu où pourra s’accomplir la promesse de Descartes : l’homme, parfaitement libre et tout-puissant, sera bientôt « maître et possesseur de la nature ». Une démystification talentueuse, érudite et acérée, dévoilant les retombées contraignantes des utopies.
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1bis – L’industrie de la contrainte– 21 octobre 2011
IBM, Thalès, Clinatec : un filet global de capteurs électroniques, des outils informatiques pour traiter des myriades de données, un laboratoire pour « nous mettre des nanos dans la tête ». Nous entrons dans la société de contrainte. Au-delà de ce que la loi, les normes sociales et la force brute ont toujours imposé ou interdit aux sans-pouvoir, des innovations issues de l’informatique et des statistiques, des nana et neurotechnologies, des super-calculateurs et de l’imagerie médicale, permettent bientôt la possession et le pilotage de l’homme-machine dans le monde-machine. La gestion de flux et de stocks d’objets au lieu de la perpétuelle répression des sujets : macro-pilotage d’ensemble et micro-pilotage individuel. Voilà ce que montre ce livre à travers des cas concrets et leurs effets voulus autant qu’inéluctables. De ces exemples d’un mouvement général, il ressort : que la possession est l’état de ceux que gouverne une puissance étrangère (neuroélectronique) qui les prive de leur libre arbitre et en fait l’instrument de sa volonté ; que la guerre est une violence destinée à contraindre autrui à faire nos volontés ; que la technologie est la continuation de la guerre, c’est-à-dire de la politique, par d’autres moyens ; que l’innovation accélère sans fin le progrès de la tyrannie technologique. Que nul ne peut s’opposer à l’ordre établi ni au cours des choses sans d’abord s’opposer à l’accélération technologique.
« Les chasseurs du Paléolithique qui ont appris à tuer deux mammouths au lieu d’un seul avaient fait du progrès. Ceux qui ont appris à en tuer deux-cents en faisant culbuter un troupeau au bas d un escarpement en avaient fait bien trop. Ils ont mené la grande vie pendant un temps, puis ce fut la famine. » Chaque fois que l’histoire se répète, on dit que les conséquences s’aggravent. La fin du monde est inévitable, et elle sera de la faute de l’homme. Nous le savons, mais nous faisons toujours la sourde oreille. Dans une prose à la fois simple et évocatrice, l’auteur nous explique pourquoi c’est aujourd hui notre dernière chance de sauver notre planète. Brève histoire du progrès a inspiré le documentaire Survivre au progrès (Surviving Progress) de Mathieu Roy et Harold Crooks, produit par Cinémaginaire.
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3 – Vies et mort du capitalisme : Chroniques de la crise– 15 novembre 2011
de Robert Kurz(Auteur), Olivier Galtier (Traduction), Wolfgang Kukulies (Traduction), & 1 plus
Septembre 2008, la crise mondiale sans précédent de la dette privée entraîne la faillite de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers. Juillet 2011, la crise s’est étendue à la dette souveraine et menace plusieurs États européens de faillite. Dans les textes ici rassemblés (2007-2010), Robert Kurz montre que le capitalisme n’est pas victime d’un déséquilibre momentané, mais d’une contradiction interne qui le conduit à son effondrement inexorable. Il montre comment, dans ce contexte de crise finale, les diverses politiques économiques sont vouées à l’échec. Comment la gauche officielle participe à la gestion de crise. Et comment les solutions avancées par les «anticapitalistes» autoproclamés sont autant d’impasses (rien d’autre, selon lui, qu’un néo-capitalisme d’État). Enfin, Robert Kurz s’emploie à critiquer les formes de conscience constituées par le capital, c’est-à-dire l’idéologie qui fait que les hommes ont intériorisé les conditions de vie capitalistes comme les seules possibles et, pour cette raison, ne peuvent imaginer d’en sortir.
Robert Kurz, né à Nuremberg en 1943, est à l’origine du renouveau de la théorie critique en Allemagne, où il anime la revue Exit ! Crise mondiale et société marchande. Dernier ouvrage paru : Critique de la démocratie balistique (Mille et une nuits, 2006). S’appuyant sur Marx, Kurz propose une critique du capitalisme radicalement différente du marxisme traditionnel.
Textes traduits de l’allemand par Olivier Galtier, Wolfgang Kukulies & Luc Mercier.
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3bis – Politique, religion et histoire chez Eric Voegelin– 1 décembre 2011
Quelle que soit l’importance des facteurs infrastructurels, la société politique est organisée pour Eric Voegelin (1901-1985) autour de symboles, qui sont les fruits de l’activité de la conscience pour traduire l’expérience de son rapport à un ordre transcendant. La réflexion politique est ainsi indissociable d’une réflexion anthropologique sur la religion. L’histoire de la modernité est celle de la destruction de cet ordre de l’existence humaine et de la société, destruction elle-même issue d’un acte spirituel et dont le terme ultime est le totalitarisme. Voegelin ne rejette cependant pas la modernité tout d’un bloc, mais oppose à une modernité « effrénée » une modernité « de compromis » qui ne sacrifie pas au culte de l’immanence cette expérience de la relation de l’existence humaine à la transcendance du fondement. C’est en cette triple direction – politique, religion et histoire – que se déploie ainsi la nouvelle science du politique proposée par Voegelin.
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3ter – L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique– 23 février 2012
Sommes-nous les premiers à distinguer dans les lumières éblouissantes du progrès technique, l’ombre de ses dangers ? En occultant la réflexivité environnementale des sociétés passées, ce schéma simpliste dépolitise l’histoire longue de la destruction des environnements et nous empêche de comprendre les ressorts de la crise contemporaine. Pour éviter cette amnésie, une histoire politique du risque technologique et de sa régulation sur la longue durée était nécessaire.
L’Apocalypse joyeuse expose l’entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans la modernité industrielle (fin XVIIIe-XIXe siècle) : celle des vaccins, des machines, des usines chimiques et des locomotives. Elle nous plonge au cœur des controverses vives qui surgirent autour des risques et des nuisances de ces innovations, et montre comment les critiques et les contestations furent réduites ou surmontées pour qu’advienne la société industrielle.
L’histoire du risque ici racontée n’est pas celle d’une prise de conscience, mais celle de la construction d’une certaine inconscience modernisatrice.
Jean-Baptiste Fressoz est historien des sciences, des techniques et de l’environnement, maître de conférences à Imperial College (Londres).
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4-L’obsolescence de l’homme : Tome 2, Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle– 7 mars 2012
de Günther Anders(Auteur), Christophe David (Traduction)
Günter Anders nous amène là, avec une grande finesse à une réflexion sur l’entreprise et le monde du travail, malgré un propos fortement engagé, que nous partageons sans équivoque. Il éclaire notre pensée, ses livres ont été traduit peu mais, sa compréhension du monde moderne reste d’une grande lucidité.
« Il ne suffit pas de changer le monde. Nous le changeons de toute façon. Il change même considérablement sans notre intervention. Nous devons aussi interpréter ce changement pour pouvoir le changer à son tour. Afin que le monde ne continue pas ainsi à changer sans nous. Et que nous ne nous retrouvions pas à la fin dans un monde sans hommes. »
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5-L’impossible nostalgie – L’effondrement de l’idéologie du progrès– 29 juin 2012
La crise économique de 2008, accompagnée d’une série de catastrophes écologiques dont celle spectaculaire de Fukushima, a permis de révéler la profondeur du changement que vit aujourd’hui l’humanité : l’effondrement des illusions progressistes. Avec la prise de conscience collective de la crise écologique et de la dégradation constante du contexte économique et social, l’heure n’est plus aux lendemains qui chantent. La nostalgie repose toujours sur une idéalisation du passé qui tourne le dos à toute construction possible d’un avenir positif. Comme cela a toujours été le cas dans l’histoire de l’humanité, l’esprit doit continuer à dominer la matière et la liberté être revendiquée face au fait social pour donner un sens au relatif qui caractérise la condition humaine à laquelle nous ne pouvons échapper. Le propos de ce livre est de mener une réflexion sur la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’humanité après les années d’illusion progressiste. Il a été Maître de conférences à l’IUT « » Hygiène sécurité environnement « » de Bordeaux et chercheur au LAP de l’Université de Bordeaux I, enseignant en troisième cycle dans plusieurs universités et directeur de thèses. Il est spécialisé en droit de l’environnement depuis 1975, auteur de nombreuses publications. Membre du comité de rédaction de Préventique Sécurité, il est passionné de nature. Sa spécialisation en droit de l’environnement lui a permis de mettre ses connaissances au service de ses engagements auprès de mouvements associatifs en Aquitaine, où il est resté très enraciné.
L’amour de la nature, l’intérêt pour la nature, la joie éprouvée en présence des paysages et des êtres de la nature font partie des présupposés courants jamais remis en question. Notre civilisation est bien plutôt marquée par la haine de la nature. De la construction des villes à l’édification des corps, le monde de la technique est une véritable entreprise d’anéantissement. Les difficultés auxquelles aujourd’hui se heurtent les politiques environnementales, les échecs récurrents des conférences internationales ne peuvent être compris si ce fait est oublié. Les orientations « vertes » du capitalisme actuel ne sont que des ruses pour faire triompher l’artifice. Elles ne font que nous éloigner davantage du sens de la nature, désormais perdue. La catastrophe systémique qui a commencé a proprement valeur apocalyptique, de révélation. C’est la pulsion de mort qui travaille en silence, jusqu’à sa probable victoire finale.
En 1986, la chaîne de télévision anglaise Channel 4 programmait un dialogue entre Cornelius Castoriadis et Christopher Lasch. Jamais rediffusé ni transcrit, inconnu des spécialistes des deux penseurs, cet entretien inédit est une contribution magistrale et extrêmement accessible au débat contemporain sur la crise des sociétés occidentales. Il analyse la naissance d’un nouvel égoïsme, au sortir de la Seconde guerre mondiale et à l’entrée dans la société de consommation. Les individus se retranchent de la sphère publique et se réfugient dans un monde exclusivement privé, perdant ainsi le « sens de soi-même (sense of self) » qui rend possible toute éthique. Le sens de soi-même n’existe en effet que lorsque les individus sont dégagés des contraintes matérielles et n’ont plus à lutter pour leur survie. Sans projet, otages d’un monde hallucinatoire sans réalité ni objets (même la science ne construit plus de réalité puisqu’elle fait tout apparaître comme possible), mais dopé par le marketing et les simulacres, les individus n’ont plus de modèles auxquels s’identifier. Le double échec du communisme et de la social-démocratie les laissent orphelins de tout idéal politique. Leur moi devient un moi vide (an empty self) que se disputent des lobbies devenus quant à eux les derniers acteurs de la scène politique. L’analyse est noire et féroce, mais elle pourrait avoir été faite hier, tant elle est d’actualité. Un texte très marquant, qui devrait trouver un fort écho.
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6-L’être contre l’avoir : Pour une critique radicale et définitive du faux omniprésent…
10 octobre 2012 – (nouvelle édition 2016)
de Francis Cousin
Nouvelle édition augmentée d’un chapitre supplémentaire de L’être contre l’avoir, au même prix que la version précedente.
Le spectacle du fétichisme de la marchandise fait le devenir du monde. L’existence humaine n’y est là qu’une longue errance angoissée sur le marché narcissique des rencontres factices. Partout règne la liberté despotique de l’argent et l’humain asservi et déchiré par la dictature démocratique de l’avoir et du paraître, ne cesse de consommer sa propre soumission. Contre ce totalitarisme de la fausse conscience, il s’agit de tourner le dos à la mise en scène de la passivité moderne, pour retrouver les véritables chemins du senscritique et poser en pratique la question radicale de l’authenticité de l’être.
L’auteur, Francis Cousin est docteur en philosophie. Il a produit ou participé depuis trente ans à de nombreuses productions, essentiellement dans des cadres collectifs ou anonymes, parce qu’il récuse la possibilité d’approcher la vérité réelle, forcément impersonnelle, à travers la perception vaniteuse de l’intellectuel égotiste. Il se définit lui-même comme philosophe praticien du logos radical. Son projet vise à dé-voiler la nature des mystifications historiques en explicitant la lutte ontologique universelle entre l’être générique de l’homme, et les progrès civilisateurs de la domestication.
Au cœur de sa démarche, Francis Cousin a fondé à Paris le Cabinet de Philo-analyse, un lieu dedia-logue qui accompagne tous ceux qui entendent – par la dynamique de la parole dé-liée,retrouver l’authenticité désaliénée du cheminement vers un vivre humain véritable. Bref, sortir de l’ordre psychique contemporain du mensonge généralisé, dont la seule finalité est d’amener l’humain à se renier lui-même.
A l’heure où les troubles sociaux d’envergure, qui partout s’annoncent, menacent l’organisation inhumaine de l’ordre existant, l’auteur tient à dire qu’il n’est pas indifférent de rappeler que toutes les politiques de la raison marchande sont, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, l’ennemi absolu et définitif de toute joie humaine véridique.
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7 – L’emprise numérique : Comment internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies
Cartable électronique, cloud, e-book, Twitter, tablette tactile, Facebook, smartphone, Big Data. Le déferlement technologique bouleverse notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Les nouvelles technologies donnent l’illusion de la toute-puissance : transparence, accès immédiat à une infinité de connaissances et de produits culturels, démultiplication des contacts et des échanges, accélération, etc. Multinationales du high-tech, start-ups ou hacktivistes, tous prétendent construire un monde sans conflit dans lequel les humains communieraient ensemble grâce à leurs machines magiques, affranchis de toutes contraintes et limites (temporelles, spatiales, relationnelles, corporelles), dans une société fondée sur la fluidité et l’instantanéité des échanges, organisée sur le modèle du réseau informatique : une forme de marché idéal. L’utopie libérale se réalise grâce à la révolution numérique en cours. Les nouvelles technologies recomposent le monde selon leur propre logique, celle de la performance et de l’efficacité. Elles renforcent le règne de la compétition et l’exigence d’aller toujours plus vite, de se mobiliser intégralement pour son entreprise et sur les » réseaux sociaux « , d’être capable de s’adapter à toutes les évolutions technoculturelles, sous peine d’être exclu. L’homme numérique croit avoir trouvé l’autonomie en se débarrassant des pesanteurs du vieux monde matériel. » Enfin libre ! « , dit-il, alors qu’au contraire, il dépend de plus en plus de dispositifs technoscientifiques. Pour rester dans la course et tenter de maîtriser un réel qui lui échappe, il multiplie les machines. Mais ce sont elles qui désormais le possèdent.
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7bis -Que reste-t-il du propre de l’homme ?– 23 novembre 2012
En 1925, un professeur américain est condamné pour avoir enseigné que l’homme et le singe partagent un ancêtre commun. En 2010, le philosophe Jean-Michel Besnier se demande « quelle éthique nous mettra en harmonie avec une humanité élargie, capable d’inclure autant tes animaux que les robots ou les cyborgs. » Comment, en moins d’un siècle, notre regard sur l’essence de notre humanité a-t-il pu changer à ce point ? Que reste-t-il aujourd’hui des critères sur lesquels l’homme s’est longtemps cru autorisé à fonder sa singularité ?
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7ter – Alterscience – Postures, dogmes, idéologies– 17 janvier 2013
« Pourquoi et comment des personnes formées à la science se mettent-elles, à un certain âge de leur vie, à prendre une attitude violemment opposée à la science qui leur est contemporaine ? Comment des scientifiques en viennent-ils à mobiliser leur capacité de raisonnement et construisent-ils une argumentation à caractère scientifique au service d idéologies sans rapport avec la science ? Comment expliquer la permanence de tels comportements chez des hommes de science depuis au moins la naissance de la science moderne, il y a plus de trois cents ans ? De nos jours, quel est l impact sur les rapports entre science et société de ces attitudes, diffusées sinon multipliées par le canal de l Internet ?
Nous désignerons leur démarche par le terme d alterscience, dans lequel nous englobons diverses constructions théoriques remettant en cause de manière radicale des résultats importants de la science ou utilisant des arguments scientifiques à des fins idéologiques, religieuses ou personnelles. »
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7quater – Jacques Ellul contre le totalitarisme technicien
21 mars 2013
par Serge Latouche et Jacques Ellul
Jacques Ellul a, dès l’origine, été perçu par le mouvement de la
décroissance comme l’un de ses principaux précurseurs. Sa critique de la démesure technicienne et son analyse du « totalitarisme technicien », comptent parmi les pièces maîtresses du projet, en l’alimentant aussi bien sur le plan théorique que sur celui des propositions concrètes.
Jacques Ellul a dénoncé en maints endroits et avec la plus grande fermeté la démesure de la société occidentale, la croissance et le développement. Il a montré que la société économique de croissance ne réaliserait pas l’objectif de bonheur proclamé de la modernité, et que les évolutions de la technique étaient incompatibles avec les rythmes de l’homme et l’avenir du monde naturel.
Cette relecture par Serge Latouche de la pensée de Jacques Ellul, rappelle aussi que la virulence de la critique sociale du maître bordelais s’accompagnait toutefois d’une conception minimale de l’action politique, définie comme dissidence individuelle. Lire Ellul à l’ère de l’anthropocène, c’est aussi rappeler, avec les objecteurs de croissance, que les temps sont désormais aux métamorphoses
radicales.
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7quinqiès – Épicure ou l’économie du bonheur
par Étienne Helmer et Épicure
On a surtout conservé d’Épicure (342-270 avant J.-C.) un adjectif : épicurien, dont le sens est cependant aux antipodes de sa philosophie. Pour Épicure le plaisir est effectivement le « souverain bien ». Mais il ne se fait pas pour autant l’avocat de l’excès et de l’assouvissement de tous nos désirs. Bien au contraire : à ses yeux, ce n’est que par leur maîtrise et leur limitation raisonnable – idées qui sont au cœur de la notion d’abondance frugale chère à la décroissance – que chacun pourra vivre « tel un dieu parmi les hommes ».
La complétude et la suffisance à soi que l’épicurien doit viser pour être sage et heureux supposent une ascèse, c’est-à-dire une limitation des désirs au nécessaire, qui n’est pas pour autant une privation de plaisir.
En mettant l’accent dans ce livre sur les aspects économiques de la pensée épicurienne – l’économie non pas comme exercice d’une froide rationalité mathématique, mais comme questionnement sur la meilleure façon de parvenir au bonheur –, Étienne Helmer montre, sans céder aux anachronismes, que les temps modernes ont plus que jamais à apprendre des grands anciens. Et si Épicure, loin d’être « épicurien », était plutôt l’un des ancêtres de la décroissance ?
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8-L’enfer vert, un projet pavé de bonnes intentions : Suivi de Critique de la planification écologique– 12 avril 2013
de Tomjo (Auteur)
Tandis que la technocratie verdit, la verdure se technocratise. Le constat officiel de l’effondrement écologique et social proclamé à tous les échelons de l’autorité, du local au global, accélère la fusion entre la classe experte (scientifiques, ingénieurs, techniciens) et la politique écologiste (associations, partis, appareils). Fusion d’autant plus naturelle que nombre d’écotechniciens incarnent ce double visage, à la fois Bac+5, CSP+, cadres urbains du public ou du privé, et voraces prétendants à la direction de ce Green New Deal, de ce capitalisme reverdi dont ils représentent l’ultime chance. Ce qui est décrit ici, à partir du cas de Lille Métropole, c’est l’ascension et l’extrémisme de l’écolo-technocratie, des années 1970 à nos jours. Destruction et artificialisation des derniers lambeaux de nature, construction de gigantesques infrastructures, police électronique et informatique via les puces RFID.
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9 – Sortir de l’économie. Quelques ennemis du meilleur des mondes– 20 juin 2013
de Collectif (Auteur)
Présentation de l éditeur : L économie est un château de cartes, dont nous sommes nous-mêmes les cartes. Loin des timides remises en cause du capitalisme, Sortir de l économie appelle les individus-rouages à s échapper de leur condition mutilée pour gripper la mégamachine. Nous sommes devenus des individus-rouages « Du moment que je franchis le seuil de l atelier, du bureau, du magasin, du chantier, d une salle de classe, de l université, je ne m appartiens plus. Je suis la chose, c est-à-dire le simple rouage d une interdépendance générale, d abord nationale et maintenant de plus en plus mondiale. Je suis le support, l appendice, le fonctionnaire du sujet-automate qu est le capital. Ma religion m ordonne de travailler afin de m échanger, c est-à-dire d échanger ma force de vie contre un salaire, une retraite, de l argent au noir, ou une allocation chômage, et ce dès l école et jusqu à la mort ; de travailler à la lumière du soleil et à la lumière du néon, de travailler le jour et la nuit, de travailler sur terre, sous terre et sur mer, et bientôt même dans l espace et dans le monde de l infiniment petit ; de travailler partout et toujours. Toute ma vie éveillée est aspirée, colonisée et dévorée par ce Moloch du travail, si bien que je perds ma vie à vouloir la gagner. »
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9bis – Lanza del Vasto ou l’expérimentation communautaire
19 septembre 2013
par Frédéric Rognon et Lanza del Vasto
La singularité de Lanza del Vasto (1901-1981) comme précurseur de la décroissance se situe sans conteste du côté de l’expérimentation concrète d’une société alternative.
« Gandhien d’Occident », « apôtre de la non-violence », on se souvient de ses engagements de protestation contre la torture en Algérie, contre la fabrication de la bombe atomique et des centrales nucléaires, en faveur des objecteurs de conscience, ou aux côtés des paysans du Larzac contre le projet d’extension du camp militaire. Mais on a trop souvent oublié le versant « positif » de sa vie : son œuvre politique et économique, et surtout sa mise à l’épreuve des principes de base de la sobriété volontaire incarnée, selon des modalités bien spécifiques, au sein des communautés de l’Arche.
Revenant sur la pensée économique et politique et sur son parcours, Frédéric Rognon montre que la décroissance de Del Vasto est spirituelle, radicale dans son rejet de la propriété, attachée au travail manuel et au lien avec la terre, et méfiante à l’égard du politique. Si tous les objecteurs de croissance ne se reconnaissent pas dans ce paradigme, il reste une source d’inspiration stimulante pour la réflexion et l’action.
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9ter – Charles Fourier ou la pensée en contre-marche
19 septembre 2013
par Chantal Guillaume et Charles Fourier
La pensée de Charles Fourier (1772-1837) est stimulante par son originalité, ses exagérations, ses extravagances voire par ses contradictions. « Casse-cou utopiste », comme il dit de lui-même, il ne craint pas d’aller à contre-sens des évidences de son époque. Sa dénonciation des « faux prodiges » de la société industrielle, qui enrichit et appauvrit, « donne les éléments du bonheur mais pas le bonheur » le rattache ainsi vigoureusement à ces précurseurs de la décroissance que fait découvrir cette collection.
L’œuvre de Charles Fourier déploie une philosophie de la richesse, une critique de l’industrialisme et du commerce qui préfigurent les excès de l’économie marchande et devancent la réflexion socialiste de son siècle. La lire à la lumière d’une problématique – la décroissance – qui lui est en partie extérieure se révèle donc fécond et permet d’explorer tout un pan de sa pensée occulté jusque-là.
Sans nier ses outrances ou ses tendances à l’hyper-organisation sociale, Chantal Guillaume rappelle que Fourier est le contemporain de la naissance du capitalisme thermo-industriel, dont il envisage en visionnaire les effets, les impasses et les limites. Il apparaît ainsi comme l’inventeur d’une pensée en contre-marche de celle qui domine les esprits de son temps.
Visionnaire lorsqu’il fait la critique de « l’économisme » qui encourage la spéculation, la banqueroute, « la pléthore » de marchandises ; ou quand il dénonce les dysfonctionnements du commerce, facteur de surproduction et de gaspillage, Fourier propose des substituts à cette organisation sociale et économique défaillante. Sans supprimer propriété et classes sociales, Fourier propose d’autres formes d’associations domestiques, agricoles et industrielles qui sont autant de solutions inédites de vie collective : phalanstère, comptoir communal, canton sociétaire…, et qui visent à retrouver autonomie et rationalité dans les circuits de production et de consommation… comme le préconise la décroissance.
Lire un extrait
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10-Prospective 2015 – 2025 – L’après-modernité– 9 octobre 2013
L’avenir n’est écrit nulle part. Chacun doit imaginer et tracer son chemin quelque part dans les multiples vallées des possibles, entre les nombreuses montagnes des impossibles. C’est la mission de la prospective de dessiner la carte de ce paysage de vallées et de montagnes. Nous vivons une époque à la fois difficile et exaltante. Difficile parce qu’elle consacre la fin de la Modernité et de tous les modèles économiques et politiques qu’elle avait imposés au monde. Exaltante parce qu’un nouveau paradigme est à construire qui relèvera le défi des grandes ruptures que la Modernité avait provoquées. Tous les cinq cents ans s’opère une telle mutation profonde de nos sociétés. C’est notre tour. C’est notre chance ! Elle n’est pas belle, la vie ?
10 bis – Léon Tolstoï contre le fantasme de toute-puissance
20 octobre 2013
par Renaud Garcia et Léon Tolstoï
Quoi qu’il arrive, les hommes ne seront pas réduits à remuer la terre avec des pieux et à faire usage pour s’éclairer de chandelles de résine. Les progrès techniques qu’ils ont réalisés au prix d’un douloureux esclavage resteront acquis définitivement. Que les hommes comprennent seulement qu’ils ne peuvent pas sacrifier à leurs jouissances la vie de leurs semblables ; ils sauront alors appliquer tous les progrès de l’industrie pour sauvegarder, au lieu de compromettre, tant d’existences précieuses, et conserver le pouvoir conquis sur la nature dans la mesure où il est conciliable avec l’émancipation de leurs frères. » (Tolstoï, 1900)
À juste titre, le grand public connaît et admire en Léon Tolstoï l’immense écrivain, maître de la littérature mondiale et auteur des chefs-d’œuvre Guerre et Paix (1869) et Anna Karénine (1877). Dans les années qui suivirent la parution de son second grand roman, au terme d’un pénible retour sur soi, il renoua avec un christianisme purifié de ses mystères et de ses superstitions, pour en extraire les principes de la non-résistance au mal par la violence qui influencèrent grandement Gandhi. Ses textes chrétiens, ses analyses d’économie politique ou son observation des pratiques et des valeurs paysannes en font aussi à bon droit un précurseur de la décroissance. Sur des questions telles que le sens du travail, l’utilité de la production, la satisfaction des besoins, la marchandisation des biens communs – et, au premier chef, de la terre –, la place des innovations techniques dans la société, la définition de la culture, le rapport entre la ville et la campagne, et enfin la notion de progrès, Tolstoï a une vision très cohérente.
Sans être tenu d’adhérer à leurs présupposés théologiques, ces écrits contiennent un enseignement précieux pour qui voudrait lutter, d’abord par son attitude ordinaire, contre le délire d’une société fondée sur l’idée de toute-puissance. Mais Renaud Garcia montre aussi que sur les questions de l’argent, du travail ou du « progrès », sa pensée, loin d’être celle d’un sage isolé, contient des propositions politiques susceptibles de servir de base à la transformation de nos sociétés.
Les extraits de Tolstoï sont tirés des ouvrages suivants : Guerre et paix (1864), Anna Karénine (1873), Ce qu’il faut faire (1888), L’argent et le travail(1892), Le Royaume des Cieux est en vous (1893), L’esclavage moderne(1900), Aux travailleurs (1902).
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10ter -Jean Giono pour une révolution à hauteur d’hommes
20 octobre 2013
par Édouard Schaelchli et Jean Giono
« Les hommes ont créé une planète nouvelle : la planète de la misère et du malheur des corps. Ils ont déserté la terre. Ils ne veulent plus ni fruits, ni blé, ni liberté, ni joie. Ils ne veulent plus que ce qu’ils inventent et fabriquent eux-mêmes. » (Giono, 1937)
Les essais de Jean Giono (Lettre au paysan sur la pauvreté et la paix, 1938 ; Les vraies richesses, 1938 ; Triomphe de la vie, 1942 ; Le poids du ciel, 1943…) – dont on lira ici de nombreux extraits – ne sont guère connus. Il s’y déploie une vision d’un « monde paysan », rempart contre la démesure industrielle et technicienne, où le travail n’est pas l’envers de la vie ni l’économie l’autre nom de la guerre, et qui ouvre à une humanité possédée par l’argent la possibilité de se réapproprier ses savoir-faire en même temps que la joie de vivre. Les essais de Giono sont ancrés dans un rejet des nationalismes et des visées impérialistes de tout poil, du productivisme et des logiques spéculatives, du militarisme et des formes modernes de domination et d’exploitation de l’homme.
Sans chercher à masquer les oppositions de cette pensée avec le mouvement des objecteurs de croissance, Édouard Schaelchli met en lumière les affinités profondes entre la « révolution d’hommes » voulue par Giono et la vision du monde incarnée par les luttes du Larzac naguère, de Notre-Dame-des-Landes aujourd’hui.
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10ter1 – La lumière vient de l’Occident – Le réenchantement du monde et la pensée nomade– 31 octobre 2013
« Le monde moderne a perdu son âme : ce constat aussi vieux que la modernité elle-même est aujourd hui dressé par un philosophe iranien, Daryush Shayegan. Il ne sombre pas comme tant d’autres dans la dénonciation pure et simple de l’Occident. Il reconnaît à notre culture le mérite d’avoir inventé l’esprit d examen, la rationalité scientifique et les institutions démocratiques, c’est-à-dire la résolution des conflits hors de la violence. Mais au prix de ce trésor inestimable que recèlent encore les sociétés traditionnelles « les grandes émotions qui font vibrer les coeurs ;. (…) Shayegan nous adjure de mettre en oeuvre cette tâche immense : réinventer une nouvelle spiritualité qui succéderait à l’éclipse du divin. Beau défi que l’auteur nous lance, non sans malice et gravité. » Pascal Bruckner, Le Nouvel Observateur
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10 quater -Illusion financière : Des subprimes à la transition écologique– 23 janvier 2014
Depuis 2010, la crise financière des crédits subprime s’est transformée en une crise des dettes publiques, et tout semble indiquer que le pire est encore devant nous. L’impasse dans laquelle les marchés financiers enferment l’économie européenne va jusqu’à remettre en cause les institutions mêmes du vivre-ensemble européen. Y a-t-il d’autres issues que la généralisation des plans d’austérité budgétaire, le paiement des dettes bancaires par les contribuables et la déflation? L’auteur met en lumière les illusions qui brouillent le débat public actuel. Il montre que la transition écologique est un projet de société capable de sortir l’Europe du piège où l’a précipitée la démesure financière et suggère des pistes pour lever les obstacles financiers à sa mise en oeuvre.
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11- La grâce de l’Histoire : Le troisième cercle– 23 janvier 2014
Ce livre tente d’aller aux racines de la grande crise que notre civilisation connaît actuellement. Il analyse la séquence historique conduisant à cette crise, à partir de la rupture de la fin du XVIIIe siècle, marquée par trois événements fondamentaux : la Révolution américaniste ou guerre d’Indépendance, la Révolution française et la révolution du choix de la thermodynamique engendrant le développement industriel et technologique. Dans la dynamique de cette séquence historique, identifiée ici comme le moteur fondamental conduisant à la crise actuelle, la Grande Guerre de 1914-1918 occupe une place centrale, à la fois comme un pivot de la dynamique en question et comme une « réplique sismique en amont » de notre crise, annonciatrice de cette crise. Il s’agit d’une approche entièrement nouvelle de la Grande Guerre, qui vaut essentiellement par l’identification des causes souterraines cachées, d’une très grande puissance, courant depuis le début du XIXe siècle et se poursuivant après elle. Dans cette conception qui ne fait qu’une part très réduite à la politique, la Grande Guerre est un événement majeur de civilisation caractérisée pas une catastrophe technologique engendrant des destructions et des pertes épouvantables. Il ne s’agit en aucun cas d’un accident, ni d’une aberration, mais bien d’une poussée paroxystique d’une civilisation en crise, que nous retrouvons dans notre époque présente, sous d’autres formes. Autour de ce pivot de la réflexion qu’est la Grande Guerre, l’auteur étudie notamment le développement de la puissance allemande, le développement de la puissance des Etats-Unis, le rôle de la France et les deux grands courants de la modernité que sont le système du technologisme et le système de la communication.
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12 -Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques
19 novembre 2013
de Cédric Biagini et Guillaume Carnino
Notre époque a la critique qu’elle mérite. Les pensées des intellectuels contestataires convoqués par les médias, révérés à l’université, considérés comme subversifs dans le monde militant -de Gilles Deleuze à Alain Badiou en passant par Toni Negri- participent au déploiement du capitalisme avancé. En s’acharnant à détruire les modes de vie et de production traditionnels, en stigmatisant tout lien avec le passé, en exaltant la mobilité, les processus de modernisation incessants et la puissance libératrice des nouvelles technologies, cette fausse dissidence produit les mutations culturelles et sociales exigées par le marché. Percevoir le libéralisme comme un système foncièrement conservateur, rétrograde, autoritaire et répressif entretient le mythe d’une lutte entre les forces du progrès et celles du passé. A contrario, d’autres penseurs conçoivent le capitalisme comme un fait social total qui développe l’esprit de calcul, la rationalité instrumentale, la réification, l’instantanéité, le productivisme, la dérégulation des rapports humains, la destruction des savoir-faire, du lien social et de la nature, et l’aliénation par la marchandise et la technologie. Ce livre nous présente, de manière simple et pédagogique, les réflexions de vingt d’entre eux. Il nous fournit ainsi les armes intellectuelles pour ne pas servir le capitalisme en croyant le combattre, et pour en faire une critique qui soit vraiment radicale.
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12bis – Les mystères de la gauche : De l’idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu– 8 janvier 2014
« Que peut bien signifier aujourd’hui le vieux clivage droite-gauche tel qu’il fonctionne depuis l’affaire Dreyfys ? Il me semble que c’est avant tout le refus de remettre cette question en chantier – et de tirer ainsi les leçons de l’histoire de notre temps – qui explique en grande partie l’impasse dramatique dans laquelle se trouvent à présent tous ceux qui se reconnaissent encore dans le projet d’une société à la fois libre, égalitaire et conviviale. Dans la mesure, en effet, où la possibilité de rassembler le peuple autour d’un programme de sortie progressive du capitalisme dépend, par définition, de l’existence préalable d’un nouveau langage commun – susceptible, à ce titre, d’être compris et accepté par tous les « gens ordinaires » -, cette question revêt forcément une importance décisive. Je vais donc essayer d’expliquer pour quelles raisons j’en suis venu à estimer que le nom de gauche – autrefois si glorieux – ne me paraît plus vraiment eu mesure, aujourd’hui, de jouer ce rôle fédérateur ni, par conséquent, de traduire efficacement l’indignation et la colère grandissantes des classes populaires devant le nouveau monde crépusculaire que les élites libérales ont décidé de mettre en place ».
12ter – Illusion financière : Des subprimes à la transition écologique– 23 janvier 2014
Depuis 2010, la crise financière des crédits subprime s’est transformée en une crise des dettes publiques, et tout semble indiquer que le pire est encore devant nous. L’impasse dans laquelle les marchés financiers enferment l’économie européenne va jusqu’à remettre en cause les institutions mêmes du vivre-ensemble européen. Y a-t-il d’autres issues que la généralisation des plans d’austérité budgétaire, le paiement des dettes bancaires par les contribuables et la déflation? L’auteur met en lumière les illusions qui brouillent le débat public actuel. Il montre que la transition écologique est un projet de société capable de sortir l’Europe du piège où l’a précipitée la démesure financière et suggère des pistes pour lever les obstacles financiers à sa mise en oeuvre.
Dans l’après 68, Survivre et Vivre, le mouvement de scientifiques critiques rassemblés autour du grand mathématicien Alexandre Grothendieck, dénonce la militarisation de la recherche et l’orientation mortifère du développement technoscientifique. Rapidement devenus les fers de lance d’une fronde antiscientiste, ces « objecteurs de recherche » sont des acteurs de premier plan dans l’émergence du mouvement écologique français. Aux côtés de Pierre Fournier, ils participent à l’essor du mouvement antinucléaire. Lié aux objecteurs de conscience, à des mouvements hygiénistes et naturistes, à des agrobiologistes et des naturalistes, Survivre et Vivre prône la subversion culturelle et essaime en une vingtaine de groupes locaux. Proche de Robert Jaulin, Serge Moscovici et Bernard Charbonneau, il s’affirme comme le « laboratoire idéologique de la révolution écologique ». Ce livre présente les principaux textes de la revue Survivre et Vivre. Editée par le mouvement de 1970 à 1975, elle fut la première revue d’écologie politique influente. Des contributions d’anciens membres de Survivre et Vivre mettent en perspective cette expérience collective et ses cheminements d’hier à aujourd’hui. Textes à l’appui, ce livre offre aussi un panorama plus large de la critique des sciences des années 1970. A l’heure du capitalisme vert, il invite ainsi à renouer avec les racines critiques de l’écologie politique et à s’abreuver à sa joyeuse radicalité.
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12quinquiès – Nous sommes des révolutionnaires malgré -nous. Textes pionniers de l’écologie politique– 6 mars 2014
de Bernard Charbonneau (Auteur), Jacques Ellul(Auteur)
» Aujourd’hui, toute doctrine qui se refuse à envisager les conséquences du progrès, soit qu’elle proclame ce genre de problèmes secondaires (idéologie de droite), soit qu’elle le divinise (idéal de gauche), est contre-révolutionnaire. »
Visionnaires, Charbonneau et Ellul rejetèrent dos à dos les voies libérales, soviétique et fascistes. Dès les années 1930, ils ouvrirent une critique du » Progrès » et du déferlement de la technique et de la puissance au détriment de la liberté.
La solution : une révolution contre le nouvel absolutisme du triptyque Science-État-Industrie ; une insurrection des consciences ; un projet de civilisation ancré dans un nouveau rapport à la nature.
Ce recueil rassemble quatre textes sources de l’écologie politique, inédits pour trois d’entre eux. Contemporains de la Grande Dépression, d’Auschwitz et d’Hiroshima, ces textes incisifs offrent une clé de lecture très actuelle, humaniste et libertaire, de nos sociétés contemporaines, productivistes, consuméristes et techniciennes.
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12 sexiès – Décroissance ou décadence– 6 mars 2014
La décroissance consiste d abord à vouloir rétablir l humain dans sa dignité La réflexion sur la décroissance concerne toutes les dimensions de la condition humaine. Que se cache-t-il aujourd hui derrière les mots « croissance », « développement », « progrès », « libéralisme », « libéral-libertarisme », « productivisme », etc. ? Derrière se profile une même idée : celle de l illimité. Le fondement de notre vision de l humain et de la société est devenu le refus de l idée de limite. La matrice de notre monde est le désir d abolir toutes les limites, soit l exact inverse de la tradition gréco-latine pour laquelle l hubris, la démesure, constituait la faute majeure. D ou le « non » central qu oppose la décroissance à la société de l illimité. La décroissance, c est dire non. Non, la croissance infinie n est pas possible. Non, les arbres ne montent pas jusqu au ciel. Non, on ne devient pas véritablement libre en voulant satisfaire tous ses désirs. Non, nos pulsions ne sont pas par elles-mêmes des droits. Oui, il y aura un manque, une insatisfaction, une frustration, une blessure… Et c est en intégrant cette réalité fondatrice que l on peut grandir.
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13-Diriger avec son âme : Leadership et spiritualité– 13 mars 2014
Parce que le travail est entré dans une nouvelle ère, les réponses en termes de leadership évoluent aussi. Les dirigeants jouent sur plusieurs cordes à leur arc du leadership : les transactions, la transformation et la spiritualité. La spiritualité des dirigeants est amenée à jouer un rôle nouveau dans le développement du leadership ; cet ouvrage lève le voile sur le leadership spirituel des dirigeants. Pour ce faire, des témoignages de dirigeants sont présentés et montrent comment les dirigeants recourent à leurs ressources spirituelles afin de traverser des épreuves ou afin de se transformer. L’intérêt est de montrer des situations concrètes d’épreuve, appelées passage de leadership, et d’observer comment faire face grâce à la spiritualité. Toutes ses situations sont rapportées par des cas construits à la fois autour de réflexions théoriques et de partage d’expériences des dirigeants. Dans un univers qui voit poindre le besoin de spiritualité sur le lieu de travail, l’ouvrage montre comment à partir des situations problématiques, l’illumination spirituelle des dirigeants retentit sur leurs pratiques : management bienveillant et mise en oeuvre de certaines valeurs et vertus. Il reste que la tension entre rationalité et spiritualité est particulièrement marquée dans la culture française et rend peu aisé le cheminement spirituel. Les dirigeants français qui ont recours à la spiritualité composent avec la norme de rationalité.
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13bis– André Gorz pour une pensée de l’écosocialisme
avril 2014
par Françoise Gollain et André Gorz
Figure emblématique de l’écologie politique, André Gorz prôna, dès les années 1960, un humanisme « qui reconnaisse un lien organique entre les vivants, les écosystèmes, l’histoire et les sociétés ». Il appelait de ses vœux une société où « travailler moins et consommer moins à condition de vivre autrement ». Gorz fut l’un des premiers à s’interroger sur le contrôle et les fins de la production : que produit-on ? Comment ? Pour quel usage ? À quel prix ? Précurseur de la décroissance, il nous invite aussi à cesser de nous comporter en consommateurs irresponsables. À l’heure où les notions de « travail » et de « richesses » sont au cœur de la crise, ses propositions sont plus actuelles que jamais : distribution égale des ressources, réduction drastique du temps travaillé, revenu garanti à tous, réappropriation des savoir-faire, de la convivialité et de l’autonomie dans la définition des besoins…
À la gestion technocratique de l’environnement que nous promet le « développement durable », Gorz opposait un écosocialisme, alliant justice sociale et respect du milieu, et fondé sur l’idée de « décroissance productive » contre la « croissance destructrice » capitaliste qui anéantit notre planète. » La promesse de Gorz, c’est un projet d’émancipation individuelle et collective et une invitation à sortir de la religion de l’économie et de la technoscience.
L’ouvrage offre à la fois une présentation très claire des concepts de Gorz par Françoise Gollain, et un accès direct à l’œuvre de Gorz avec un ensemble de textes extraits de Adieux au prolétariat, Les chemins du paradis, Ecologica, L’immatériel, Misères du présent, richesse du possible.
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13 ter– Cornelius Castoriadis ou l’autonomie radicale
avril 2014
par Serge Latouche
Dans un essai clair et concis, Serge Latouche explore la pensée de Cornelius Castoriadis à l’aune de la critique de la croissance aveugle et de l’expansion illimitée de la production et de la consommation.
Castoriadis a consacré l’essentiel de son œuvre dense et riche aux conditions de réappropriation par la collectivité de ses institutions, de sa force créatrice et de son autonomie. Plus que jamais, sa lecture est indispensable à l’élaboration d’une critique fondamentale de l’ordre capitaliste et permet de surmonter l’esprit de résignation entretenu par ce modèle (le fameux « There is no alternative »).
Les sociétés sont fondées sur des croyances qui permettent à leurs membres de conférer un sens à tout ce qui se fait à l’intérieur et en dehors d’elles. Ces « institutions », fruit de l’imagination collective, ont eu pour nom esprits, ancêtres, héros, Dieu… Dans nos sociétés occidentales capitalistes, c’est désormais l’« économique » qui constitue l’institution imaginaire centrale et tend à réorganiser l’ensemble des activités. Les croyances dans la croissance, le pouvoir de la technique et le développement qui lui sont associées sont l’expression d’un fantasme de maîtrise rationnelle du monde qui menace aujourd’hui sa survie. Il s’agit donc de rompre avec cet imaginaire pour atteindre à l’autonomie en reprenant conscience de notre pouvoir (révolutionnaire) de création d’institutions nouvelles.
Cela ne se fera qu’à travers l’autonomie individuelle et la participation de tous aux décisions qui les concernent. Contre la démocratie représentative, qui « signifie l’aliénation de la souveraineté des représentés vers les représentants », c’est donc une démocratie directe qu’appelle Castoriadis de ses voeux, celle-ci n’étant possible qu’à condition de repenser l’éducation du citoyen libre.
Cet essai de Serge Latouche et la sélection de textes qui l’accompagnent constituent des outils indispensables pour s’orienter dans cette pensée foisonnante tout en permettant de mieux appréhender le sens et les enjeux des luttes présentes et à venir.
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13quater – Techno-critiques: Du refus des machines ? la contestation des technosciences par François Jarrige (7 avril 2014)
de François Jarrige (Auteur)
Toutes les manifestations contemporaines d’inquiétude envers les vertiges du progrès scientifique, envers les nouvelles technologies de la communication, quant à l’organisation du travail, aux équilibres de la nature, à la préservation des libertés individuelles, n’ont pas surgi récemment. Elles s’inscrivent dans la ligne de longues protestations contre les effets de l’industrialisation des sociétés à partir des machines triomphantes. François Jarrige est l’auteur d’un livre récent intitulé Techno-critiques et sous-titré Du refus des machines à la contestation des technosciences.
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14 – La fabrique du mensonge: Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger– 10 avril 2014
Une part de l’activité des grandes entreprises consiste aujourd’hui à manipuler la science, pour instiller le doute. Les fabricants de tabac, les premiers, recrutèrent de faux experts, firent publier des études biaisées, organisèrent des fausses conférences scientifiques et corrompirent des sociétés savantes afin de convaincre que le tabac n’était peut-être pas responsable du cancer du poumon. Les mêmes procédés ont été remis au goût du jour pour dédouaner l’amiante de ses méfaits, pour relativiser ou nier le réchauffement climatique, pour faire du déclin des abeilles un « mystère » sans lien avec les nouvelles générations d’insecticides sans oublier le bisphénol A, l’un des plus graves scandales sanitaires de ces dernières décennies, ni les OGM, pour lesquels la puissance des intérêts en jeu est telle que les chercheurs ne peuvent plus s’exprimer librement. Stéphane Foucart décortique les mécanismes de ces manœuvres ; il montre comment abîmer la science et détruire le savoir met nos vies en danger.
Publié pour la première fois en 1987, ce texte suscita un fort intérêt mais aussi de virulentes critiques. Il se révèle de nos jours d’une actualité malheureusement cruelle. Il témoigne de « ce sentiment tragique d’impuissance que tout homme cultivé éprouve aujourd’hui devant les faits ». Il importe, pour penser notre époque, de revenir aux réflexions d’un philosophe qui analyse et pense les causes de la barbarie de notre monde.
Pour les héritiers de la philosophie des Lumières, l’idée de progrès s’adosse à deux piliers : d’un côté, la conviction que l’émancipation de l’humanité va passer par le progrès des connaissances et des Lumières ; et, de l’autre, qu’il y aura dans le monde, plus de bien-être. Leurs opposants, les penseurs romantiques, les pessimistes, considèrent que le monde moderne est en totale régression, en déclin par rapport à l’Ancien Régime et plus généralement aux temps passés…
Luc Ferry
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17-Aliénation et accélération– 7 mai 2014
de Hartmut ROSA (Auteur), Thomas CHAUMONT (Traduction)
La vie moderne est une constante accélération. Jamais auparavant les moyens permettant de gagner du temps n’avaient atteint pareil niveau de développement, grâce aux technologies de production et de communication ; pourtant, jamais l’impression de manquer de temps n’a été si répandue. Dans toutes les sociétés occidentales, les individus souffrent toujours plus du manque de temps et ont le sentiment de devoir courir toujours plus vite, non pas pour atteindre un objectif mais simplement pour rester sur place. Ce livre examine les causes et les effets des processus d’accélération propres à la modernité, tout en élaborant une théorie critique de la temporalité dans la modernité tardive. Dans le sillage de son ouvrage Accélération(La Découverte, 2010), dont il reprend ici le coeur du propos de manière synthétique, Hartmut Rosa apporte de nouveaux éléments en rediscutant la question de l’aliénation à la lumière de la vie accélérée. Ainsi, il soutient et développe avec force l’idée que l’accélération engendre des formes d’aliénation sévères relatives au temps et à l’espace, aux choses et aux actions, à soi et aux autres. Sous la pression d’un rythme sans cesse accru, les individus font désormais face au monde sans pouvoir l’habiter et sans parvenir à se l’approprier.
Premier ouvrage sur le scandale des pesticides, Printemps silencieux a entraîné l interdiction du DDT aux États-Unis. Cette victoire historique d un individu contre les lobbies de l industrie chimique a déclenché au début des années 1960 la naissance du mouvement écologiste. Printemps silencieux est aussi l essai d une écologue et d une vulgarisatrice hors pair. En étudiant l impact des pesticides sur le monde vivant, du sol aux rivières, des plantes aux animaux, et jusqu à l ADN, ce livre constitue l exposition limpide, abordable par tous, d une vision écologique du monde. 50 ans après sa conception, on redécouvre Printemps silencieux au moment où l on commence à s intéresser, en France, à la philosophie de l écologie. « Ce n est pas moi, c est Rachel Carson qui a inventé l écologie profonde », affirme en effet le philosophe norvégien Arne Næss. Vendu à plus de 2 000 000 d exemplaires, traduit en 16 langues, Printemps silencieux n est pas seulement un best-seller : c est un monument de l histoire culturelle et sociale du XXe siècle. Point de référence difficilement contournable de l histoire de l écologie, cet ouvrage fait partie de la bibliothèque de l honnête homme. « Printemps silencieux constitue la naissance du mouvement écologiste » AL GORE
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17bis – Pierre Kropotkine ou l’économie par l’entraide
20 juin 2014
par Renaud Garcia et Pierre Kropotkine
Tandis que le credo de la concurrence comme principe organisateur des sociétés humaines se cherchait des bases « scientifiques » dans la lecture de Darwin, le premier mérite de Pierre Kropotkine (1842-1921) fut, comme biologiste, de mettre en lumière le rôle fondamental de l’entraide dans la survie des espèces.
Sur cette base, l’œuvre politique du « prince des anarchistes » propose une véritable « écologie urbaine » à travers l’image d’un habitat décentralisé, fondé sur la coopération et sur un balancement harmonieux des activités humaines. En revenant aux analyses de Kropotkine, explique Renaud Garcia, on trouvera des arguments pour lier la réflexion sur nos besoins, sur ce qui compte dans nos rapports aux autres et à notre milieu de vie à des perspectives d’organisation économique et politique concrètes.
Les précurseurs de la décroissance
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L’apport de Pierre Kropotkine à cette pensée est présenté ici par Renaud Garcia ; la seconde partie de l’ouvrage est composée d’extraits qui offrent un accès direct à son œuvre.
» Si les outils ne sont pas dès maintenant soumis à un contrôle politique, la coopération des bureaucrates du bien-être et des bureaucrates de l’idéologie nous fera crever de « bonheur’. La liberté et la dignité de l’être humain continueront à se dégrader, ainsi s’établira un asservissement sans précédent de l’homme à son outil. »
Dans ce texte phare, Ivan Illich amplifie et radicalise sa critique de la société industrielle. Dénonçant la servitude née du productivisme, le gigantisme des outils, le culte de la croissance et de la réussite matérielle, il oppose à la » menace d’une apocalypse technocratique » la » vision d’une société conviviale « . Ce n’est que par la redécouverte de l’espace du bien-vivre, qu’Illich appelait la convivialité, que les sociétés s’humaniseront.
Ivan Illich (1926-2002)
Il a dirigé l’université catholique de Porto Rico avant de fonder, au Mexique, le Centre international de documentation (CIDOC).
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17 quater -Lao-tseu et les taoïstes ou la recherche d’une vie harmonieuse
par Claude Llena et Lao-tseu
En Occident, on ne connaît le plus souvent de Lao-tseu (Ve-IVe siècles avant J.-C.) et du taoïsme que les arts du mouvement et de la respiration nés de leur vision du monde : Tai chi chuan, Qi gong, méditation taoïste… Ces pratiques sont cependant indissociables d’une sagesse fondée sur la conscience de l’harmonie entre l’être humain et la nature.
Le taoïsme est une apologie de la spontanéité de l’être liée au détachement des valeurs sociales. Anarchiste, il prône la rupture avec les institutions, cause de besoins socialement fabriqués et de consommations inutiles. Si c’est bien au retrait du monde qu’il appelle, explique Claude Llena, celui-ci n’a de sens que dès lors qu’il prépare un retour au collectif. Un collectif où chacun ayant appris à maîtriser l’essentiel, tous sauraient désormais se contenter de peu.
Les précurseurs de la décroissance
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L’apport de Lao-tseu à cette pensée est présenté ici par Claude Llena ; la seconde partie de l’ouvrage est composée d’extraits qui offrent un accès direct à son œuvre.
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18-Une nouvelle vision de la conscience transforme le monde– 1 octobre 2014
Nous subissons l’une des plus profondes transformations de l’histoire : un changement structurel des croyances de la société occidentale. Aucun pouvoir économique, politique ou militaire ne peut se comparer à celui d’un changement sur le plan des idées. En modifiant délibérément leur vision de la réalité, les gens changent le monde. Willis Harman est considéré comme un des grands visionnaires de notre temps. Durant toute sa vie professionnelle, il sest profondément impliqué dans le processus de transformation globale, qui constitue une partie intégrante de notre futur immédiat. Au cours de sa carrière, il a incarné mieux que quiconque lintégration des connaissances intellectuelles et spirituelles, qui est au cur des travaux menés à lInstitut des sciences noétiques, un organisme quil a présidé jusquà sa mort en 1997. « L’uvre de Willis Harman est un superbe témoignage de l’esprit humain dans le monde postmoderne. Une nouvelle vision de la conscience constitue l’un des meilleurs et des plus provocants exposés sur le rôle fondamental de la conscience dans l’évolution de l’humanité.» – Ken Wilber, auteur d’ »Une brève histoire de tout ».
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Harman a enseigné pendant plusieurs années à l’ Université de Floride , avant de rejoindre la faculté de Stanford en 1952. [ 2 ] Il a finalement quitté Stanford pour devenir un spécialiste des sciences sociales senior chez SRI International où il a lancé un programme de recherche à terme, explorer l’avenir national et mondial. À ce titre , il a travaillé sur la planification stratégique à long terme et l’ analyse des politiques pour un assortiment de sociétés, des organismes gouvernementaux et des organisations internationales. [ 4 ] Il a ensuite été président de l’ Institut des sciences noétiques de 1975 jusqu’à sa mort en 1997. Au cours de les années 1970, il a été nommé régent de l’Université de Californiepar le gouverneur Jerry Brown . [ 2 ] [ 5 ] [ 6 ]
Alors que professeur à l’Université de Stanford en 1968, il a enseigné un cours intitulé «Potentiel humain» ‘qui couvrait différents domaines dans la spiritualité et la conscience.Écrits par Abraham Maslow, Carl Rogers, Fritz Perls, et Will Schutz ont été parmi les sujets. Prof. Harman a tenu plusieurs de ses cours à son domicile, qui n’a pas été fait couramment. «Potentiel humain» est devenu un cours très populaire à Stanford et il a influencé la vie des étudiants qui l’ont pris de façon significative.(Wikipédia)
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18bis – Le complexe d’Orphée : La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès– 8 octobre 2014
Semblable au pauvre Orphée, le nouvel Adam libéral est condamné à gravir le sentier escarpé du «Progrès» sans jamais pouvoir s’autoriser le moindre regard en arrière. Voudrait-il enfreindre ce tabou – «c’était mieux avant» – qu’il se venait automatiquement relégué au rang de beauf ; d’extrémiste, de réactionnaire, tant les valeurs des gens ordinaires sont condamnées à n’être plus que l’expression d’un impardonnable «populisme». C’est que gauche et droite ont rallié le mythe originel de la pensée capitaliste : cette anthropologie noire qui fait de l’homme un égoïste par nature. La première tient tout jugement moral pour une discrimination potentielle, la seconde pour l’expression d’une préférence strictement privée. Fort de cette impossible limite, le capitalisme prospère, faisant spectacle des critiques censées le remettre en cause. Comment s’est opérée cette double césure morale et politique ? Comment la gauche a-t-elle abandonné l’ambition d’une société décente qui était celle des premiers socialistes ? En un mot, comment le loup libéral est-il entré dans la bergerie socialiste ? Voici quelques-unes des questions qu’explore, Jean-Claude Michéa dans cet essai scintillant, nourri d’histoire, d’anthropologie et de philosophie.
19 – Murray Bookchin pour une écologie sociale et radicale
15 octobre 2014
par Vincent Gerber et Floréal Romero
Pour Murray Bookchin (1921-2006), fondateur de l’écologie sociale, c’est au cœur même de nos institutions que se situent les causes de notre rapport destructeur à la nature. Les principes de domination induits par la « société de marché » ont fini par envahir tous les domaines de la vie, colonisant nos valeurs et nos modes de pensée. Le modèle économique du capitalisme est donc à condamner sans détours et sous toutes ses formes. Mais la force de cette pensée réside surtout dans la proposition du « municipalisme libertaire » : un retour à une gestion à échelle humaine des affaires publiques. En instaurant la propriété communale des moyens de production, il s’agit de créer des espaces – ouverts sur l’extérieur –, où, en harmonie avec l’environnement, chacun, en prenant part aux décisions collectives, exprime pleinement son potentiel et ses aspirations.
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20 – Diogène et les cyniques ou la liberté dans la vie simple
par Étienne Helmer et Diogène
Du cynisme antique, on a souvent à l’esprit le goût pour les conduites provocantes et l’existence frugale. Il y a pourtant une pensée politique cynique ; Diogène, le plus célèbre d’entre eux, imagina même, à l’instar de Platon, une République aux institutions radicales nous invitant à mesurer l’écart qui nous sépare de la nature et de nous-mêmes et à repenser les conditions de la liberté et du bonheur au sein de nos sociétés. Par sa visée profondément éthique, explique Étienne Helmer, le cynisme dévoile le mépris de la dignité humaine et le refus de l’égalité propres à nos institutions, nos modes de vie et nos économies tournés vers la croissance sans mesure. Il nous enjoint à identifier dans la configuration des cités actuelles tout ce qui nous déshumanise et nous empêche d’être vraiment « des hommes ».
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21-L’Ordre des choses : Penser la postmodernité– 16 octobre 2014
Contre le rationalisme désuet, l’économicisme triomphant, le progressisme incantatoire et l’inauthenticité de ses formules creuses, Michel Maffesoli chante l’infinie tendresse du monde et nous rappelle que le sentiment tragique de la vie s’accorde à l’ordre des choses. Dans ce nouvel essai destiné à devenir un classique, le théoricien de la postmodernité arpente avec bonheur la pensée sociologique, scrute les vibrations du vivre-ensemble et insiste sur l’opposition entre la puissance horizontale secrétée par la sagesse populaire et la rigidité du pouvoir vertical, venant de Dieu ou des idoles philosophiques. Il nous montre que Un antidote philosophique au pessimisme ambiant.
Lettres rebelles Lettres choisies et présentées par Patrick Farbiaz Au commencement était le verbe. Puis vint la lettre… La correspondance a souvent joué un rôle de vecteur de communication politique favorisant le changement social. Il n est donc pas étonnant qu elle soit utilisée par les rebelles de toutes les époques pour protester, contester, désobéir, s organiser. Ces lettres, où s exprime l esprit de résistance et de désobéissance, sont à la fois une source d’informations historiques et de véritables actes politiques ayant souvent eu des effets concrets dans l amélioration du sort de ceux dont elles défendaient la cause. Signes de solidarité, gestes contre l oubli, raisons d espérer et de ne pas se résigner, elles donnent aussi à voir l action désobéissante des invisibles, de « ceux d en bas », et montrent la voie de l action collective. Contre le racisme, la guerre, la technoscience, le fichage informatique, la vidéosurveillance, le nucléaire, les OGM, les grands projets inutiles, la vivisection, les décisions dministratives injustes, ce recueil se veut une anthologie du refus et un véritable bréviaire de la résistance quotidienne.
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21ter – La Décroissance : vivre la simplicité volontaire : Histoire et témoignages
19 novembre 2014
de Collectif et Pierre Thiesset
Des habitants de zones urbaines ou rurales vivent sans voiture, sans télévision, sans téléphone portable, sans lave-linge et même parfois sans frigo… tout en étant investis dans la vie locale et en soutenant que l’on est plus heureux en possédant moins. Parmi eux, des jeunes parents intégrés professionnellement refusent l’engrenage des carrières, de l’argent, de la consommation et choisissent plutôt la solidarité et l’épanouissement intellectuel et social. D’autres ont carrément décidé de vivre en autarcie, par exemple dans une maison qu’ils ont construite dans les bois, sans eau ni électricité, «en grève générale quotidienne contre le capitalisme». D’aucuns refusent un travail aliénant et se tournent vers des métiers artisanaux : cordonniers, ébénistes, brasseurs ou paysans. Certains ont pourtant eu une vie tout ce qu’il y a de plus conformiste, comme cet ancien ingénieur qui gagnait 100000 euros par an et qui a tout plaqué car sa «vie n’avait aucun sens». Toutes ces trajectoires, bien que très différentes, tentent d’appliquer les principes de la simplicité volontaire : une philosophie pratique selon laquelle la vie se trouve ailleurs que dans l’accumulation indéfinie et le «tout, tout de suite».
Ce livre présente une cinquantaine de parcours singuliers de déclassés volontaires qui nous expliquent les raisons de leurs choix, la manière dont ils vivent, les liens qu’ils tissent, leurs rapports aux autres, à la nature et aux savoir-faire.
Ils nous racontent comment ils s’efforcent, chacun à leur manière, de s’extirper de la société de consommation et des grands réseaux techniques pour savourer une vie riche de sens, de puissance d’agir et de liberté.Ces entretiens, agrémentés d’une histoire de la simplicité volontaire, ont initialement été publiés dans le journal La Décroissance.
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21quater – La lampe hors de l’horloge
Réflexions anti-industrielles sur les possibilités de résistance
auteur : collectif
thème : critique de la société industrielle
2014
Dans La Lampe dans l’horloge, André Breton écrivait en 1948 : « Cette fin du monde n’est pas la nôtre ». Depuis, l’océan Pacifique accueille dans ses eaux les mille milliards de becquerels migrants de Fukushima et, comble de la démesure, le sable lui-même vient à manquer pour mesurer le temps du progrès. La lampe n’est plus dans l’horloge, la lucidité doit servir et la langue bavarde de la dépossession peut être combattue. Ainsi, le territoire ne sera pas seulement ce non-lieu surpeuplé ou désertifié de l’aménagement et de la survie régulée, mais aussi l’habitat de la critique en acte de la vie quotidienne hors sol ; la démocratie directe ne sera pas une technique de gouvernement, mais le processus vivant d’autoformation d’un nouveau sujet historique, alors qu’aujourd’hui les révolutions naissent et meurent dans la société de masse : pour en sortir, tout est à réinventer.
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21 quater 1 – L’homme dévasté: Essai sur la déconstruction de la culture – préface de Raphaël Enthoven
Depuis sa thèse sur l’ontologie platonicienne, Jean-François Mattéi n’a cessé de poursuivre ses recherches sur les fondements pré-métaphysiques de la métaphysique. Au fil de ce voyage philosophique – tragiquement interrompu par sa mort en 2014 – il a toujours cheminé en compagnie des Grecs, de Heidegger, d’Hannah Arendt, d’Albert Camus, de Jan Patocka – et, surtout, de leurs concepts ou sensibilités face au monde moderne.
Ces recherches l’ont amené, de proche en proche, à prendre quelques distances intellectuelles avec les tenants de « l’anti-humanisme » contemporain – qui, fidèles à la leçon de Michel Foucault, avaient cru devoir diagnostiquer « la mort de l’homme ».
Pour Mattéi, disciple en cela d’Albert Camus (auquel le lient une complicité solaire et une naissance en Algérie), l’humanisme n’a pas dit son dernier mot, au contraire, à condition de ne pas le réduire à un vain syncrétisme de bons sentiments.
Dans ce nouvel ouvrage – qu’il avait d’abord voulu intituler: « Essai sur la destruction de l’homme »- ce grand pédagogue revient ainsi sur les « idéologies de la mort de l’homme » et entend les combattre à partir de Camus et de Platon. Le titre ultime de son livre ne fait-il pas, d’ailleurs, écho à L’homme révolté ?
Testament philosophique, ce livre est magnifiquement fidèle à ce qu’était Jean-François Mattéi : un homme bon, un ami de la vie, un tenant de « la morale à hauteur d’homme » et un styliste de grand talent.
Une longue préface de Raphaël Enthoven replace ce livre dans son contexte historique et philosophique.
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21 quinquiès– La démoralisation : La morale et la crise– 19 février 2015
Cet essai interprète ce qu’il est convenu d’appeler «la crise» sous un angle psychologique et moral. Dans son sens courant, la démoralisation renvoie à une perte de conviction et d’énergie. On peut également la comprendre comme une perte morale. L’idée centrale de l’ouvrage est qu’il existe un lien entre l’affaiblissement et la disparition de «la morale» (la prolifération des éthiques de substitution en est le symptôme le plus net) et la démoralisation comme perte de certitude et d’espoir. Historiquement lié à la démocratie et aux droits de l’homme, l’individualisme aboutit à des situations sociales d’une grande cruauté. Les valeurs morales traditionnelles sont des freins et des verrous pour la technoscience mondialisée, dont on peut montrer la foncière immoralité.
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22-Le Règne de l’homme. Genèse et échec du projet moderne -26 février 2015
Rémi Brague, de l’Institut, professeur émérite de philosophie à la Sorbonne et à l’université de Munich, est notamment l’auteur de La Sagesse du monde (1999) et de La Loi de Dieu (2005).
Présentation de l’éditeur
C’est à l’époque moderne que l’homme en est arrivé à se dire le créateur de sa propre humanité. Autrefois, il se croyait l’œuvre de la nature ou l’enfant de Dieu. Désormais, il entend conquérir l’une et s’affranchir de l’autre. Il veut rompre avec le passé, se donner souverainement sa loi, définir ce qui doit être, dominer. Telle est l’ambition vertigineuse que raconte cet ouvrage.
Descartes rêvait d’un homme maître et possesseur de la nature ; deux siècles plus tard, Nietzsche allait décréter que l’homme doit être dépassé, n’étant plus à la hauteur des attentes que lui-même avait définies. Rémi Brague interroge les origines de ce projet et retrouve les traits qui vont progressivement dessiner la nouvelle humanité dont nous sommes les héritiers.
Pour reconstituer la longue trajectoire de l’homme moderne, ce livre convoque aussi bien la philosophie que la littérature ; il y découvre les espoirs et l’enthousiasme qui portent ses débuts, mais aussi, à l’épreuve de cette expérience impossible, l’angoisse et les désillusions qui en marquent l’échec.
Le Règne de l’homme clôt une longue enquête sur la manière dont l’homme, de l’Antiquité à nos jours, a pensé successivement son rapport d’abord au monde, ensuite à Dieu et, pour finir, à soi-même.
D’Hiroshima aux OGM, de Tchernobyl aux fichages numériques des populations, de Fukushima au changement climatique, le Progrès nous inquiète. De l’extase progressiste de Jules Verne et de Victor Hugo, il ne nous reste rien, sinon une vague angoisse. Le moment est de toute évidence venu de se dire que le Progrès, comme mouvement inéluctable de l’Humanité vers le Bien, qui fut peut être une religion de substitution, est devenu un rêve aujourd’hui transformé en cauchemar. Devant …la crise de la croyance dans le Progrès, il faut s’interroger sur notre dernier grand récit. D’où nous vient cette croyance aussi inébranlable que notre foi religieuse d’antan ? Pourquoi s’inverse-t-elle sous nos yeux ? Vers quelle catastrophe peut-elle nous conduire ? Constater la faillite du Progrès-croyance, c’est s’attaquer au mythe fondateur de la modernité, clé de la domination de l’Occident sur le reste du monde. Cet ouvrage propose une lecture nouvelle du Progrès. L’ADN du Progrès comme la plupart des grands récits de l’Occident se trouve dans le christianisme et dans les soubresauts de la pensée chrétienne à travers les siècles depuis saint Augustin. C’est à travers cette histoire revisitée que l’auteur nous guide dans un monde « plein d’idées chrétiennes devenues folles » comme l’écrivait le grand écrivain catholique anglais G. K. Chesterton.
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23bis – La démoralisation : La morale et la crise– 19 février 2015
Cet essai interprète ce qu’il est convenu d’appeler «la crise» sous un angle psychologique et moral. Dans son sens courant, la démoralisation renvoie à une perte de conviction et d’énergie. On peut également la comprendre comme une perte morale. L’idée centrale de l’ouvrage est qu’il existe un lien entre l’affaiblissement et la disparition de «la morale» (la prolifération des éthiques de substitution en est le symptôme le plus net) et la démoralisation comme perte de certitude et d’espoir. Historiquement lié à la démocratie et aux droits de l’homme, l’individualisme aboutit à des situations sociales d’une grande cruauté. Les valeurs morales traditionnelles sont des freins et des verrous pour la technoscience mondialisée, dont on peut montrer la foncière immoralité.
Le désenchantement qui accompagne notre modernité nous rend plus attentifs à celui des hommes et des femmes qui, en plein XIX e siècle, doutaient des vertus du progrès, des fantasmagories de la technique et de la toute-puissance du sujet rationnel – autant de grands récits devenus hégémoniques, mais dont l’épuisement récent a profondément renouvelé le regard sur ce siècle. Depuis une trentaine d’années, les historiens insistent sur les multiples possibles qui se sont entrouverts alors et qui portaient en eux les germes d’une émancipation qui ne s’est pas produite. Ils repensent en profondeur les chemins de l’industrialisation et les conflits qu’elle a engendrés, ils restituent les mutations du temps et de l’espace perçus, ils déconstruisent les illusions de la culture » démocratique » et d’un » universalisme » exclusivement blanc et masculin, ils retracent aussi les formes plurielles de l’expérience coloniale, entre violences extrêmes et accommodements… Ce sont tous ces déplacements historiographiques, et bien d’autres encore, dont cet ouvrage propose un magistral panorama, à la fois savant et vivant, ancré dans la chair du passé et soucieux de mieux faire prendre au lecteur la mesure de ce qui nous sépare et nous rapproche de la société de ce temps. Ce livre conserve du XIX e siècle son désir de récapituler – sans enfermer –, du XX e son optimisme mesuré, du XXI e son inquiétude réflexive.
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25 – Lewis Mumford pour une juste plénitude
mars 2015
par Thierry Paquot et Lewis Mumford
Lewis Mumford nous aide à dénoncer les méfaits du « toujours plus » et du « gigantisme » propres au capitalisme actuel, afin de redonner à chacun sa part d’autonomie, indispensable au mieux-être.
Lewis Mumford se présente comme un « généraliste » heureux de l’être, car cela lui permet d’associer des disciplines opposées, d’enrichir des questionnements inattendus, de contester des interprétations, à ses yeux, unilatérales. Lecteur infatigable, il puise dans ses lectures de quoi nourrir sa curiosité et prendre position. Mumford n’est pas vraiment un activiste, comme on dit aux États-Unis, mais un « intellectuel public », qui n’hésite pas à dénoncer la bombe atomique au lendemain du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, l’urbanisme au bulldozer de Robert Moses à New York, les agissements du Président Johnson au Vietnam, etc.
L’une de ses originalités et de ses forces est, chaque fois, de miser sur l’individu, sa capacité à devenir lui-même, malgré les obstacles de tous ordres. Les « besoins croissants » de ses concitoyens le désespèrent. Mumford possède un incroyable esprit critique, une culture transdisciplinaire et une volonté de changer le monde qui lui permettent d’élaborer de nombreuses alternatives. Il milite pour un régionalisme décentralisé, une ville à « taille humaine », un équilibre entre l’industrie et l’agriculture, et surtout il adhère à cette idée neuve à l’époque d’une démocratie de l’entraide et de la plénitude. Son œuvre s’inscrit dans le prolongement d’une tradition méconnue de pensée communautaire qui débute avec les œuvres des géographes anarchistes Pierre Kropotkine et Élisée Reclus. Critique d’une organisation économique qui sacrifie le progrès de l’humanité au perfectionnement des machines, l’auteur revient au souci du bien public, à la recherche d’un équilibre écologique et à la coopération sociale comme base de notre milieu de vie.
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L’apport de Mumford à cette pensée est présenté ici par Thierry Paquot ; la seconde partie de l’ouvrage est composée d’extraits qui offrent un accès direct à son œuvre.
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25 bis – Theodore Roszak vers une écopsychologie libératrice
20 mars 2015
par Mohammed Taleb et Theodore Roszak
Pour Theodore Roszak, sortir de la crise écologique ne signifie pas proposer une gestion plus efficace et plus rationnelle des « ressources de l’environnement ». Il s’agit d’affirmer la nécessité d’une rupture essentielle avec le fond même de la modernité, du capitalisme et du rationalisme.
L’un des mérites de Theodore Roszak est de rappeler que le capitalisme tire sa force de sa capacité à produire, à faire consommer, mais aussi à dévoyer, à manipuler les critiques qui lui sont faites. Afin d’éviter cette récupération, les mouvements contestataires qui défendent les idéaux de la paix, de l’écologie et de la justice sociale doivent puiser dans la longue mémoire des peuples, à la recherche des fragments d’histoire, des mythes, des images, des cultures, des expériences qui sont littéralement en rupture avec la modernité techno-industrielle, sa science et son esprit de calcul. Ces mouvements ne libéreront le futur que s’ils décolonisent le passé, en faisant de celui-ci une mémoire vivante.
Roszak s’intéresse ainsi, notamment, à William Blake, Goethe, les alchimistes, les néoplatoniciens, les poètes de toutes contrées. Pionnier de la « contre-culture » (c’est lui qui forgea l’expression), il approfondit sa pensée dans les années 1990, introduisant la notion d’écopsychologie. À la fois politique et spirituelle, thérapeutique et artistique, et foncièrement anticapitaliste, l’écopsychologie soutient que l’homo œconomicus est une caricature d’humanité, un humain mutilé car amputé des profondeurs de son être et de ce qui fait sa dignité : son imagination créatrice, son lien social, sa capacité à symboliser, sa conscience visionnaire.
Les auteurs réunis dans cette collection constituent les racines de la pensée politique de la décroissance. L’apport de Roszak à cette pensée est présenté ici par Mohammed Taleb ; la seconde partie de l’ouvrage est composée d’extraits qui offrent un accès direct à son œuvre.
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25ter –
25ter – La Gouvernance par les nombres– 18 mars 2015
de Alain Supiot (Auteur)
Le sentiment de « malaise dans la civilisation » n’est pas nouveau, mais il a retrouvé aujourd’hui en Europe une intensité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La saturation de l’espace public par des discours économiques et identitaires est le symptôme d’une crise dont les causes profondes sont institutionnelles. La Loi, la démocratie, l’État, et tous les cadres juridiques auxquels nous continuons de nous référer, sont bousculés par la résurgence du vieux rêve occidental d’une harmonie fondée sur le calcul. Réactivé d’abord par le taylorisme et la planification soviétique, ce projet scientiste prend aujourd’hui la forme d’une gouvernance par les nombres, qui se déploie sous l’égide de la « globalisation ». La raison du pouvoir n’est plus recherchée dans une instance souveraine transcendant la société, mais dans des normes inhérentes à son bon fonctionnement. Prospère sur ces bases un nouvel idéal normatif, qui vise la réalisation efficace d’objectifs mesurables plutôt que l’obéissance à des lois justes. Porté par la révolution numérique, ce nouvel imaginaire institutionnel est celui d’une société où la loi cède la place au programme et la réglementation à la régulation. Mais dès lors que leur sécurité n’est pas garantie par une loi s’appliquant également à tous, les hommes n’ont plus d’autre issue que de faire allégeance à plus fort qu’eux. Radicalisant l’aspiration à un pouvoir impersonnel, qui caractérisait déjà l’affirmation du règne de la loi, la gouvernance par les nombres donne ainsi paradoxalement le jour à un monde dominé par les liens d’allégeance.
Dérèglement climatique, réduction accélérée de la biodiversité, rapports scientifiques annonçant les prémices d’une catastrophe globale, la nature parle. Son rythme et son temps, qui semblaient maîtrisés et capturés dans une dimension techno-économique par des humains tout-puissants, font brutalement irruption. Les limites sont franchies et les horloges sont toutes déréglées. Il est grand temps de prendre enfin en compte la fragilité de la nature…
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26bis – L’Invention de la science. La nouvelle religion de l’âge industriel– 9 avril 2015
de Guillaume Carnino (Auteur)
» La science a prouvé que… »
D’où nous vient cette idée selon laquelle la science serait garante du vrai ?
Guillaume Carnino propose une enquête historique et généalogique permettant de comprendre pourquoi et comment, en France, à l’heure de la IIIe République, cette idée en est venue à être unanimement partagée. Il dévoile les rouages de la carrière de savants comme Louis Pasteur, mais aussi l’histoire de simples artisans et pêcheurs dont les découvertes furent convoitées par les industriels. Il montre de quelle manière l’image d’un Galilée anticlérical a pu être fabriquée et renouvelle le regard que l’on porte sur la mise en place de l’école gratuite et obligatoire par Jules Ferry.
Parallèlement à la décision démocratique, la pratique scientifique devient peu à peu un mode de gouvernement des êtres et des choses, qui marque l’avènement de la civilisation des experts. La science, désormais auréolée d’un prestige quasi religieux et présentée comme pure – c’est-à-dire indifférente aux intérêts individuels –, se révèle finalement un moyen d’administrer la société autant que de transformer la nature par l’industrie.
Comme l’avaient reconnu Jacques Derrida (qui lui a consacré de longs développements de La Bête et le Souverain) et Gilles Deleuze (qui avait préfacé la thèse de doctorat qu’il lui avait consacrée), Jean-Clet Martin compte parmi les figures les plus originales de la philosophie française contemporaine. Depuis sa rencontre, comme étudiant, avec Jean-Luc Nancy, jusqu’au succès de son récent essai sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel (Une intrigue criminelle de la philosophie), il n’a jamais cessé d’approcher de biais, par des chemins inattendus, les grands noms et les grandes figures de la pensée — pour se hisser à la hauteur de ce penser « tout autrement » par lequel Emmanuel Levinas avait jadis qualifié l’œuvre de Derrida lui-même.
Dans Plurivers, il interroge ainsi le concept de monde à l’ère de sa fin. De Star Wars à Matrix, de Philip K. Dick à Borges, de la monadologie de Leibniz aux dernières découvertes de la physique, il compose une cosmologie pour notre temps, cosmologie obligée de constater la fin « du » monde au profit de la multiplication « des » mondes. Nous croyions évoluer dans un univers stable, dont les cartes pourraient nous donner un reflet fidèle ; alors que nous ne cessions de glisser de monde en monde, au gré de devenirs de plus en plus fluides, de plus en plus différenciés : monde des molécules et mondes des étoiles, mondes urbains et mondes virtuels, mondes des nanotechnologies et mondes des nouveaux Empires…
Mais en passant de l’univers au plurivers, ce n’est pas seulement notre cosmologie qui change. En même temps qu’elle, ce sont toutes les dimensions de la politique, de l’esthétique et même de la vérité qui se trouvent bouleversées. Avec la délicatesse chatoyante qui caractérise sa plume, Jean-Clet Martin nous dirige dans ce voyage vertigineux de monde en monde en ne cessant jamais de poser cette question : serons-nous à la hauteur de l’inouï qui caractérise les défis du plurivers où nous évoluons ?
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28 -L’avenir de la nature humaine: Vers un eugénisme libéral ?– 4 mai 2015
de Jürgen Habermas(Auteur), Christian Bouchindhomme (Traduction)
Face aux progrès des biosciences, au développement des biotechnologies, au déchiffrement du génome, le philosophe ne peut plus se contenter des déplorations sur l’homme dominé par la technique. Les réalités sont là, qui exigent de lui qu’il les pense à bras-le-corps. Désormais, la réponse que l’éthique occidentale apportait à la vieille question « Quelle vie faut-il mener ? » : « pouvoir être soi-même », est remise en cause. Ce qui était jusqu’ici « donné » comme nature organique par la reproduction sexuée et pouvait être éventuellement « cultivé » par l’individu au cours de son existence est, en effet, l’objet potentiel de programmation et de manipulation intentionnelles de la part d’autres personnes. Cette possibilité, nouvelle à tous les plans : ontologique, anthropologique, philosophique, politique, qui nous est donnée d’intervenir sur le génome humain, voulons-nous la considérer comme un accroissement de liberté qui requiert d’être réglementé, ou comme une autorisation que l’on s’octroie de procéder à des transformations préférentielles qui n’exigent aucune autolimitation ? Trancher cette question fondamentale en la seule faveur de la première solution permet alors de débattre des limites dans lesquelles contenir un eugénisme négatif, visant sans ambiguïté à épargner le développement de certaines malformations graves. Et de préserver par là même la compréhension moderne de la liberté.
Considérer l’homme, ce n’est pas forcément faire de lui un dieu ; respecter la démocratie, ce n’est pas nécessairement céder aux passions démocratiques liées à l’égalité ou à la sécurité. Dans cet essai vif et engagé, Bertrand Vergely pointe les effets dramatiques d’un fantasme qui prend aujourd’hui de plus en plus de place : le désir d’être sans limite.
Le transhumanisme promet d’en finir avec la mort : l’homme sera-t-il plus libre en devenant un corps perpétuel ? Sera-t-il plus vivant lorsque la naissance naturelle et la différence sexuée auront été abolies ? Sera-t-il plus heureux parce que le monde de demain sera celui de la réussite pour tous et du risque zéro ? En un mot, va-t-on vraiment servir le genre humain en faisant advenir l’homme-Dieu inscrit dans les rêves inavoués de l’humanisme occidental ?
Et si nous cessions de promouvoir ce colosse aux pieds d’argile qu’est l’homme-Dieu ? Nous pouvons nous libérer de son désespoir et de son orgueil nihilistes. Sa tyrannie n’est pas une fatalité. Il suffit de le vouloir.Bertrand Vergely est philosophe. Il enseigne en classes préparatoires à Orléans, ainsi qu’à l’Institut Saint-Serge à Paris. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages de philosophie générale et d’essais, parmi lesquels La Souffrance (1997), Petite Philosophie du bonheur [2002], Le Silence de Dieu (2006], Retour à l’émerveillement (2010) ou Deviens qui tu es (2014). Il a également coécrit avec Marie de Hennezel Une vie pour se mettre au monde (2010).
Redeker : « L’idée de progrès nous contraint à tout accepter »
Le philosophe Robert Redeker démonte, dans son dernier livre, l’idéologie du progrès, qui justifie le mal et nous prive de choisir ce qui est bon pour nous.
Dans un livre* riche en références historiques et philosophiques, Robert Redeker s’attaque à une vache sacrée de notre temps : le progrès. Longtemps considéré comme un concept noble, synonyme de vie meilleure, il est devenu, sous certaines formes, une idéologie totalitaire. Entretien.
Le Point : Le progrès est, nous dit-on depuis des décennies, « en marche ». C’est un « mouvement », comme vous l’écrivez, semblable à celui d’une colonne militaire en furie, qui se déploie dans bien des domaines. Cependant, vouloir le contenir, sinon lui opposer une résistance, apparaît souvent comme un acte rétrograde, presque une folie, une atteinte au bonheur de l’humanité… Peut-on critiquer le progrès ?
Robert Redeker : J’ai voulu dans ce livre, comme dans mes ouvrages précédents, travailler, ainsi que le conseillait Nietzsche, en médecin de la civilisation. Et même en addictologue, dans la mesure où le progrès est, comme la plupart des illusions collectives, un opium. Pour commencer à penser, il faut dire non, il faut prononcer un non radical. Ainsi Platon commence-t-il par dire non au monde sensible, Épicure non aux dieux, Rousseau non à la servitude, Marx non au capitalisme, etc. Notre époque doit dire non au progrès. Ce qui ne signifie pas dire non aux améliorations de l’existence humaine, mais non à l’idéologie du progrès, à la religion du progrès, à la croyance selon laquelle le progrès est le sens de l’histoire. Cette religion empêche à la fois de penser et de maîtriser. Le progrès est l’idéologie qui enveloppe toutes les activités des Modernes. La critique du progrès est parente de la critique de toutes les illusions, en particulier des religions.
La gauche gouvernementale a introduit la notion de progrès dans le domaine des valeurs, comme lors des débats sur le mariage homosexuel ou sur la théorie du genre. Les valeurs sont-elles, elles aussi, soumises à cette loi du progrès ?
L’appel au progrès pour légitimer des réformes sociétales est un tour de passe-passe destiné à les rendre indiscutables, à les placer hors débat. Comme le progrès est la religion des Modernes, leur religion laïque, articuler ces réformes à la foi dans le progrès permet de les sanctifier. L’approche du sociétal par la gauche s’opère selon ce que Lévy-Bruhl appelait « la pensée magique ». L’attitude dogmatique, l’intolérance et le fanatisme dont fit preuve la gauche aussi bien dans l’affaire du mariage pour tous que dans celle de la réforme du collège ne s’expliquent pas autrement.
Quel type d’homme est-il fabriqué par le progrès à outrance ?
Même si elle ne l’avoue pas toujours, l’idéologie progressiste cherche à fabriquer un homme nouveau. N’est-ce pas ce que veulent la réforme du collège et le mariage pour tous ? Il est intéressant de se pencher sur une autre réforme envisagée : celle de la notion de consentement pour le don d’organes en cas de décès. Il sera tenu pour acquis à défaut de déclaration contraire. Autrement dit, nous allons vers l’État dépeceur, une sorte de thanatocratie, version inattendue du biopouvoir tel que Foucault en proposa l’analyse. C’est, à la faveur de progrès techniques et juridiques, une nouvelle idée de l’homme qui s’impose : celle de l’homme dépeçable, recyclable. Ce qui sous-entend que le défunt est un déchet qu’il faut recycler. Mieux : c’est un objet technique ayant atteint la date de son obsolescence programmée dont on va réutiliser certains morceaux. Le discours sur les valeurs progressistes sert à inscrire cette modification dans une apparente et rassurante continuité, alors qu’elle est une rupture dont l’aspect quasi frankensteinien ne doit pas échapper. Plus généralement, l’idéologie du progrès fabrique le type d’homme que j’ai appelé dans un autre livre Egobody : celui qui ne distingue pas son moi de son corps, lequel n’est plus le corps spontané donné par la nature mais un corps de plus en plus technique, constitué de prothèses, vu comme un assemblage de pièces détachées échangeables.
Ce concept, et c’est la conclusion de votre livre, serait un mensonge doublé d’une drogue…
Le progrès a permis de rêver l’histoire, et par là de justifier les terribles horreurs du dernier siècle. Hegel a introduit, sur le modèle de l’idée de théodicée (justification du mal par Dieu, comme chez Leibniz, tel que Voltaire le raille), la notion de cliodicée : justification du mal par l’histoire. Le progrès est une cliodicée : il excuse tout, aussi bien les grands massacres du XXe siècle (de Staline à Mao et à Pol Pot, mais aussi Hiroshima) que « la montée de l’insignifiance » (1), l’ère du vide, la domestication généralisée de l’humain, « la vie administrée » (2).
L’islam prôné par Daesh n’est-il pas, paradoxalement, une forme moderne de progressisme religieux, une promesse de vie meilleure, de liberté et d’émancipation, soit une des définitions du progrès ?
L’islamisme est une idéologisation de l’islam. L’idéologie est un phénomène récent, apparu au XIXe siècle. Notre époque est le temps des idéologies. Longtemps a existé un islam anthropologique, celui de la vie quotidienne, très différent selon les régions. Ce sont les islams de la foi. Unificateur idéologique, l’islamisme détruit ces islams anthropologiques. L’islamisme est un islam idéologique planétaire, unidimensionnel, aux messages aussi simplistes que ceux de la propagande et de la publicité ; fonctionnant comme elles, détruisant l’expérience musulmane du monde telle qu’elle fut vécue depuis plus de mille ans. L’islamisme est l’extension de la mort de Dieu, qui se produisit d’abord au sein du monde occidental, à l’islam, au monde musulman. Il est la mort de Dieu au cœur de l’islam. Il est l’ère du vide ayant pris possession de l’islam. De ce fait, loin d’être un mouvement réactionnaire, l’islamisme est un mouvement à la fois moderne (il est à la pointe des technologies de la communication) et postmoderne. Il n’est pas étonnant qu’il recrute dans des populations nourries à la publicité et à ses slogans, qui parfois versent dans le fanatisme des marques, qui ont formé dans les esprits un terrain favorable à cette fanatisation. L’univers de la consommation et de la publicité rend vulnérable à la propagande par slogans et aux fausses promesses de bonheur immédiat.
Le progrès a-t-il une fin ?
Le progrès est un projet, enraciné dans les Lumières, qui a échoué. Il est en échec politique, anthropologique et écologique. Il se heurte à des bornes dont la borne écologique n’est pas la moindre. L’idée de progrès nous contraint à tout accepter : le nouveau est forcément bien. Devant les développements de la technique, à la notion de progrès, il faut substituer celle, d’origine stoïcienne, de « préférables ». En posant des questions comme celles-ci : est-il, pour la vie humaine, pour l’idée que nous formons de l’homme, en fonction de notre devoir devant l’avenir, préférable de développer telle ou telle industrie, telle ou telle énergie, de procéder à telle ou telle réforme sociétale ? C’est eu égard aux préférables, et non à l’idée de progrès, qu’il faut juger des évolutions techniques. L’idée de progrès ne nous laisse pas libres de choisir, celle de préférables nous rend notre liberté. L’idée de progrès était anti-politique, celle de préférables suppose la renaissance de la politique.
un commentaire
Ouvrage chroniqué par de nombreux journalistes car son livre est absolument savoureux… Je vous conseille vivement Le progrès ? Point final de Robert Redeker … pour comprendre comment le progrès s’est retourné contre lui-même et comment aujourd’hui il n’en finit pas de regarder son cadavre ! Il ne s’agit plus d’un constat mais d’une réalité à reconsidérer… En ce sens l’ouvrage de Robert Redeker est incontournable !
un condensé de ces bonnes feuilles…
Promesses ? Promesses ? La foi dans le progrès a longtemps pris la forme de la confiance. Saint-Simon précise même qu’il y a une double confiance : « la confiance du peuple pour les savants, écho de la confiance des savants les uns pour les autres » (1). Avec Saint-Simon, les savants se vêtent de l’aura des prêtres d’autrefois. …
Le progrès était la promesse d’un bonheur collectif dans lequel chacun trouverait à s’épanouir jusqu’à ses dernières potentialités. Cette promesse a tantôt été politique (depuis Saint-Just), tantôt consumériste (véhiculée aujourd’hui par la publicité)…
Eu égard à ses promesses – celles qui, implicitement, reposent entre les pages des livres de Descartes – le progrès est en échec. Plus : le progrès, sous toutes ses facettes, est en échec. L’échec du progrès éclate dans toute sa manifesteté sur un triple plan : le monde, la société, l’homme, ne se sont pas hissés, à la faveur du progrès, à un statut d’être satisfaisant….
Des noms philosophiques peuvent répondre à ce triple échec : échec anthropologique, Marcuse, Brague (5), échec écologique, Jonas, échec politique, Voegelin. Outre l’échec subjectif du progrès (l’effacement du mythe, de la croyance, de la foi), se manifeste désormais son triple échec objectif. C’est subjectivement et objectivement que le progrès est en échec…
La « cité idéale », « l’humanité fraternelle », l’utopie promise par le progrès n’a jamais vu le jour. Comme le royaume éternel de Dieu, celui du bonheur des Justes et de la résurrection, décrit par saint Augustin au livre XXII de La Cité de Dieu, cette cité idéale demeure suspendue dans le virtuel telle une promesse…
Arthur de Gobineau s’avéra bien plus lucide que Victor Hugo : « je ne suis aucunement surpris des explosions auxquelles je m’attends. Nous avons vu de tristes choses, mais consolons-nous, nous en verrons de pires… et ce qui est incontestable, c’est que nos enfants en verront encore pis que ce pire » (6), prophétisa-t-il. Plus : le progrès s’est accompagné, et en son nom, d’une brutalisation de l’homme et des sociétés européennes au XXème siècle….
Les idéologies progressistes (tout particulièrement les différentes variantes du communisme) ont participé de cette brutalité, l’exaltant. Jusqu’alors, la réflexion philosophique et la sagesse, si ce n’est la réflexion religieuse, constituaient un effort de l’homme sur lui-même, l’éloignant de la violence ; au XXème siècle, les idéologies ont ouvert à l’intelligence conceptuelle et philosophique les portes du crime sans fin et sans remords, baptisé « lutte, révolution, libération, etc. »….
Echec anthropologique. L’homme unidimensionnel, tel qu’Herbert Marcuse en proposa l’étiologie dans les années 1960, et l’homo sovieticus décrit dans les livres d’Alexandre Zinoviev, sont des figures qui expriment à plein ce double échec anthropologique du progrès (l’homme unidimensionnel) et de sa religion, le progressisme (homme socialiste). L’homo sovieticus ayant disparu, il reste, en nos premières décennies du XXIème siècle, la synthèse des deux, de l’homme unidimensionnel et de feu l’homo sovieticus, l’homme dépneumatisé. Nous reviendrons un peu plus loin sur cette notion d’homme dépneumatisé….
L’idéologie du progrès technique a eu des effets désastreux sur l’imagination. Elle justifia un arraisonnement (pour insérer ici un concept heideggérien) de l’imagination par le progrès technique. Selon Marcuse « quand le progrès technique s’est emparé de l’imagination, il a investi les images de sa propre logique et de sa propre vérité ; il a réduit la libre faculté de l’esprit »…
La psyché moderne (le moi de « l’ère du vide » diagnostiquée par Gilles Lipovetsky (11)), aussi inconsistante qu’envahissante (le « je » et le « moi » partout…), aussi crispée sur sa singularité qu’absolument identique à toutes les autres (fabriquées par les mêmes procédés de l’industrie médiatique de l’information et du divertissement), est un produit de décomposition, le produit de la décomposition de l’ego moderne apparu avec Descartes.Cette psyché moderne de masse (dont Voegelin, Marcuse et Castoriadis, ont été les meilleurs interprètes), est l’instance qui sert d’aliment à la transformation des démocraties en doxocraties, issues du progrès, qui, ressemblant extérieurement à la démocratie et mimant ses procédures, sont déniaisés, fonctionnent pour fonctionner, sans fin transcendante…
Désastre anthropologique : l’homme dont l’imagination a été mécanisée par les industries du spectacle, autrement dit l’homme qui n’est plus capable d’imaginer, est bien le dernier homme, l’« hypercontemporain », produit de la décomposition du progrès, du temps où le progrès n’a plus de fin et n’est plus lui-même une fin …
L’homme contemporain – héritier de l’homme unidimensionnel de Marcuse autant qu’incarnation improbable du dernier homme nietzschéen – est l’existant chez qui la tension s’est substituée à toute forme de fin. Il est l’homme tendu sans fin – d’où : le stress, mode anthropologique d’être dans le monde occidental, tendu vers rien. Bref, il est l’homme-tension autant que l’homme-sous-tension.
« Changer la vie », « Un autre monde est possible », « Il est encore temps d’agir ! », « Indignez-vous ! », voilà autant de vœux pieux qui, au vu de l’inexorable dégradation de notre monde, devraient donner de l’urticaire à tout esprit véritablement lucide. Pourtant, légion sont encore les « marchands d’espoir » et les « sauveurs du monde » avec pignon sur rue qui se disent « résolument optimistes » quant à l’avenir de l’humanité. Viscéralement allergique à leur discours béat, niais et déconnecté du réel, l’auteur de ce pamphlet très pessimiste a décidé de brandir l’arme de l’ironie et de la dérision pour composer deux « lettres ouvertes » bourrées de nitroglycérine, deux grenades à haute densité littéraire jetées à la face de deux figures emblématiques de l’optimisme contemporain.
Critique littéraire et pamphlétaire, l’auteur de ce brûlot cynique et cinglant a voulu clouer définitivement le bec aux vendeurs de « cachets d’espérine », en inscrivant son dégoût apocalyptique du monde qui vient dans le sillage de penseurs tels que Cioran, Caraco, Philippe Muray et Baudouin de Bodinat…
32 -Changeons le Système, Pas le Climat– 2 septembre 2015
de Noël Mamère et Patrick Farbiaz (Auteur)
Un manifeste pour sauver la planète et son climat dans lequel le leader écologiste se prononce pour une rupture avec le système productiviste et la société de consommation. Des alternatives crédibles sont envisageables, comme le montrent de nombreuses expériences à travers le monde, prônant une société qui respecte l’humain et l’environnement grâce à une prospérité sans croissance.
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33 – La machine est ton seigneur et ton maître– 22 septembre 2015
de Yang (Auteur), Jenny Chan(Auteur), Xu Lizhi(Auteur), Célia Izoard (Traduction)
Les machines ressemblent à d’étranges créatures qui aspirent les matières premières, les digèrent et les recrachent sous forme de produit fini. Le processus de production automatisé simplifie les tâches des ouvriers qui n’assurent plus aucune fonction importante dans la production. Ils sont plutôt au service des machines. Nous avons perdu la valeur que nous devrions avoir en tant qu’êtres humains, et nous sommes devenus une prolongation des machines, leur appendice, leur serviteur. J’ai souvent pensé que la machine était mon seigneur et maître et que je devais lui peigner les cheveux, tel un esclave. Il fallait que je passe le peigne ni trop vite ni trop lentement. Je devais peigner soigneusement et méthodiquement, afin de ne casser aucun cheveu, et le peigne ne devait pas tomber. Si je ne faisais pas bien, j’étais élagué. Foxconn est le plus grand fabricant du monde dans le domaine de l’électronique. Ses villes-usines, qui font travailler plus d’un million de Chinois, produisent iPhone, Kindle et autres PlayStation pour Apple, Sony, Google, Microsoft, Amazon, etc. En 2010, elles ont été le théâtre d’une série de suicides d’ouvriers qui ont rendu publiques des conditions d’exploitation fondées sur une organisation militarisée de la production, une taylorisation extrême, l’absence totale de protection sociale et une surveillance despotique jusque dans les dortoirs où vivent les ouvriers. Ce livre propose quelques éléments d’analyse du système Foxconn à partir du portrait que fait la sociologue Jenny Chan d’une ouvrière qui a survécu à sa tentative de suicide en 2010. Complété par le témoignage de Yang, un étudiant et ouvrier de fabrication à Chongqing, il retrace également le parcours de Xu Lizhi, jeune travailleur migrant chinois à Shenzen, qui s’est suicidé en 2014 après avoir laissé des poèmes sur le travail à la chaîne, dans « L’atelier, là où ma jeunesse est restée en plan ».
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34 -De Darwin à Levi-Strauss: L’homme et la diversité en danger– 9 septembre 2015
A l’aube de sa carrière, Charles Darwin accomplit le périple qui lui permit de prendre la mesure de l’extraordinaire richesse du monde naturel. Pour lui, pas de vie sans évolution, et pas d’évolution sans diversité ! Un siècle plus tard, celui qui deviendra le grand anthropologue Claude Lévi-Strauss, parti tout jeune à la découverte des peuples amazoniens, comprit que la diversité culturelle est tout aussi cruciale pour l’évolution de l’homme. Pascal Picq imagine les deux savants partant à la redécouverte du nouveau monde. Ils seraient bien en peine de le reconnaître de nos jours, tant la diversité naturelle et culturelle a été atteinte. A mesure que des espèces disparaissent, que des cultures et des langues meurent, c’est notre avenir et celui de la Terre qui sont compromis. Darwin et Lévi-Strauss nous avaient pourtant avertis. Un appel passionné à une prise de conscience urgente et salutaire.
Qu est-ce le Romantisme ? Qui est romantique ? Nous pensons tout de suite à Lamartine, Chateaubriand, Chopin, etc. Nous visualisons des caricatures sentimentalistes comme l’amoureux transi déclamant des tirades interminables au gré du vent et des tempêtes. Pour l’auteur,il faut sortir une bonne fois pour toute de cette image un peu mièvre, un peu sentimentaliste, un peu fleur bleue… Il faut résolument briser cette fausse image du Romantisme que lui ont donnée les positivistes, les rationalistes et les scientistes… Le Romantisme fut une réaction puissante contre le mécanisme, le mécanicisme, le machinisme, l’industrialisme, le cartésianisme qui envahirent, au nom du criticisme des Lumières, tous les espaces du 19ème siècle et qui, ensuite, empoisonnèrent tous ceux du 20ème siècle… Car le Romantisme fut lumineux… il a eu raison trop tôt. Il fut prophétique. L’éloge du Romantisme est un véritable manuel, avec une analyse pertinente de tous les protagonistes . Les précurseurs avec Héraclite, Giordano Bruno Goethe et les héritiers comme Nietzsche, Bergson… Marc Halévy signe là un ouvrage fort, d une réjouissante érudition avec des pages saisissantes sur l’esthétisation et la spiritualisation du monde, aboutissant à son élévation ! Et comme le souligne Michel Maffesoli dans sa préface, c est bien ce chemin de pensée que nous invite à suivre Marc Halévy !
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36 – Pour en finir avec l’économie :décroissance et critique de la valeur– 2 octobre 2015
Cet ouvrage est écrit à deux mains par Serge Latouche et Anselm Jappe. Durant toute sa carrière universitaire, Serge Latouche a enseigné l’épistémologie des sciences économiques. En se penchant de manière critique sur ces fondements, il s’est rendu compte que l’ensemble des présupposés de l’économie était très mal assuré. Anselm Jappe, quant à lui, est arrivé à une conclusion très proche à travers une relecture des catégories de l’économie, telles que la marchandise, le travail, l’argent ou la valeur, qui sont en même temps des formes de vie sociale. La vie économique qui nous apparaît comme la base naturelle de toute vie humaine et le fondement de toute vie sociale existait-elle dans les sociétés précapitalistes ? L’objet même de la réflexion des économistes n’est-il pas plutôt une «trouvaille de l’esprit», une invention, un imaginaire qui a désormais colonisé notre esprit et nos vies ? Si l’économie est une création historique finalement assez récente, comment fonctionnaient les sociétés pré-économiques ? Comment s’est inventée, au fil du temps, cette économie dans la pratique comme dans la réflexion ? Réfléchir à un futur différent pour notre société implique de penser l’impensable, de réaliser l’improbable, pour enfin selon le mot de Serge Latouche «sortir de l’économie». Un enjeu majeur pour notre avenir…
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37 – Le propre de l’homme : Sur une légitimité menacée– 7 octobre 2015
de Rémi Brague (Auteur)
Armes de destruction massive, pollution, extinction démographique : tout ce qui menace l’homme en tant qu’espèce vivante ne fait plus de doute. Mais il existe des facteurs qui, venant de l’homme lui-même, sapent son humanité propre. Ils ont beau être difficiles à saisir, c’est eux que Rémi Brague tâche de repérer à travers une analyse fulgurante et radicale de l’idée d’humanisme. Car il ne s’agit plus de savoir comment nous pouvons promouvoir la valeur homme et ce qui est humain. La question, désormais, est plus profonde : faut-il vraiment promouvoir un tel humanisme ? Nous ne pouvons plus nous bercer d’illusions. Il est facile de prêcher un humanisme réduit aux règles du vivre-ensemble, mais comment le fonder ? La pensée moderne est à court d’arguments pour justifier l’existence même des hommes. En cherchant à bâtir sur son propre sol, à l’exclusion de tout ce qui transcende l’humain, nature ou Dieu, elle se prive de son point d’Archimède. Est-ce une façon de dire que le projet athée des temps modernes a échoué ? C’est au lecteur d’en juger.
La plupart des textes de ce recueil ont été conçus pour être dits, au cours des dernières années, lors de causeries dans des lieux de résistance en Espagne.
Ce sont des textes de combat, de propagation par l’analyse, faits pour servir à la compréhension et au refus du projet répétitif, présent dans chaque aspect de la domination, de réduire l’humanité à un simple rouage de la mégamachine.
Leur but est simple : contribuer à élaborer et diffuser des armes théoriques et pratiques afin que la critique anti-industrielle puisse être utile « aux nouveaux collectifs et aux communautés rebelles, germes d’une civilisation différente, libre du patriarcat, de l’industrie, du Capital et de l’État ».
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39 -Le Déclin du courage– 4 décembre 2015
de Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne (Auteur), Claude Durand (Préface), Jean-Claude Zylberstein (Series Editor), & 2plus
Extrait
« Personne, sur la Terre, n’a d’autre issue que d’aller toujours plus haut. »
« Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme. »
« La presse a le pouvoir de contrefaire l’opinion publique, et aussi celui de la pervertir. La voici qui couronne les terroristes des lauriers d’Érostrate ; la voici qui dévoile jusqu’aux secrets défensifs de son pays ; la voici qui viole impudemment la vie privée des célébrités au cri de : « Tout le monde a le droit de tout savoir » (slogan mensonger pour un siècle de mensonge, car bien au-dessus de ce droit il y en a un autre, perdu aujourd’hui : le droit qu’a l’homme de ne pas savoir, de ne pas encombrer son âme créée par Dieu avec des ragots, des bavardages, des futilités. Les gens qui travaillent vraiment et dont la vie est bien remplie n’ont aucun besoin de ce flot pléthorique d’informations abrutissantes). »
« Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur Terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés. »
(2017-01-28)
Présentation de l’éditeur
Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l’université de Harvard :
« Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (…) Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue. »
Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne est né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie). Mobilisé en 1941 dans les rangs de l’Armée rouge, il est arrêté à la veille de la victoire pour avoir prétendument insulté Staline dans une lettre à un ami, et purgera huit ans de détention et trois de relégation. En 1962, la parution d’Une journée d’Ivan Denissovitch, peinture véridique de l’univers du Goulag jusque-là tabou, révèle un écrivain au monde entier. Le Premier Cercle puis Le Pavillon des cancéreux assureront sa gloire. Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 1970. En décembre 1973, paraît à Paris (en version russe) L’Archipel du Goulag, tableau de la terrible répression exercée en Union soviétique sur des millions de citoyens. Le scandale est énorme : en février 1974, Soljénitsyne est déchu de sa citoyenneté et expulsé de son pays : il se fixera d’abord en Suisse puis aux États-Unis. À la chute de l’URSS, sa nationalité lui est restituée et il rentre en Russie, près de Moscou, où il vivra jusqu’à sa mort, survenue le 3 août 2008.