Livres de 2000 à 2010- transrationalité et critique de la modernité

1-J’accuse l’économie triomphante – 12 janvier 2000

Il n’y a plus de jour où l’on ne nous affirme que l’économie gouverne le monde, que les lois de la rentabilité et du marché constituent une vérité absolue. Quiconque conteste cette nouvelle religion est aussitôt traité d’irresponsable. Mais une société humaine peut-elle vivre sans autre valeur que la valeur marchande ? Prenant ses exemples dans les domaines les plus variés – logement, emploi, santé, environnement, alimentation… – Albert Jacquard démontre les méfaits de l’économisme triomphant et fanatique qui prétend aujourd’hui nous gouverner. Economiste et scientifique, inlassable défenseur du droit au logement, il expose ici en des pages rigoureuses et claires, appuyées sur une vaste information, les convictions qui fondent son engagement. Il nous invite à refuser la fatalité inhumaine de l’intégrisme économique.
présentation dans Alternatives économiques 

3-L’effacement de l’avenir – 4 mai 2000

l'effacement de l'avenir

« La grande promesse des Lumières, c’était celle du passage à l’autonomie de tous les humains, en tant qu’êtres raisonnables poursuivant des fins communes. En se chargeant de significations imaginaires, le futur, forme vide du temps abstrait, se donnait comme avenir, à la fois explorable comme un champ de possibles et désirable comme un ensemble de promesses. Le programme progressiste était censé se réaliser dans le temps de l’histoire, finalisé par la liberté, la rationalité et le bonheur universellement partagés.
En guise d’autonomie, c’est l’anomie qui s’est partout installée. Avec la crise des Lumières, l’utopie du progrès s’est métamorphosée en utopisme techno-informationnel, tandis que la marche triomphale de l’histoire vers sa fin – son accomplissement – faisait place à un mouvement perpétuel, à un changement autotélique idéalisé comme tel. Avec le culte du mouvement pour le mouvement, surgit un nouveau mode de fatalisation du temps, disons le mouvementisme. L’effacement de l’avenir s’opère en même temps que les individus s’installent malgré eux dans un “présent perpétuel sans passé ni avenir” (Orwell), inscrit dans un destin planétaire pensé en termes de “contraintes inévitables” ou d’“évolutions irréversibles”. Dans le “présentisme” qui est l’ethos du moment contemporain, on reconnaît bien sûr quelque chose du nihilisme : au “sans pourquoi” de l’agitation frénétique dans un monde chaotique, mais fatalisé en tant que tel, s’ajoute la certitude angoissante de ne pouvoir surmonter l’incertitude, de ne pouvoir imaginer le “ce vers quoi’, non pas ce que l’avenir sera (le prévisible), mais ce qu’il doit être (le souhaitable).
C’est toute la question de la responsabilité post-humaniste et de la temporalité post-progressiste – voire post-historique et post-démocratique –, qui est posée, et qui doit inquiéter la pensée : Sommes-nous condamnés à un démocratisme planétaire sans communautés démocratiques vivantes ? Sommes-nous voués à un futur sans avenir ? À une responsabilité sans espoir ? L’inespoir est-il le destin ? »

Percée : analyse du livre

« Dans effacement de l’avenir livre foisonnant, presque hétérogène, nous sommes en présence d’une méditation sur le thème du progrès et sur le rapport de nos contemporains avec le temps historique long. On y trouvera une passionnante histoire intellectuelle de la notion de progrès qu’il est impossible de discuter ici tant elle est riche et suggestive et laisse peu de prise à la critique. De l’ensemble du livre je propose néanmoins d’extraire cinq aspects importants plus contemporains qu’historiques, souvent fort problématiques et qui donnent à penser : l’effacement de l’avenir comme effet du déclin de l’idée de progrès, le présentisme des sociétés et des idéologies contemporaines, la question du lien entre démocratie et nation, la question du lien entre démocratie et libéralisme, et enfin une réflexion sur les conditions du débat démocratique.

L’ effacement de l’avenir comme effet du déclin de l’idée de progrès est la thèse principale. Deux trois siècles de progressisme auraient abouti à l’anomie plutôt qu’à l’autonomie. Ce second désenchantement du monde renversé le progressisme, balayé la religion du progrès, et même obscurci le simple espoir mis dans une possibilité de progrès humain. Les hommes politiques entretiennent le discours du progrès mais dans le vide, avec des paroles creuses. Certes, la critique des idées progressistes est aussi ancienne que ces idées elles-mêmes mais ce que note P.-A Taguieff, c’est l’usure des idéologies progressistes, l’absence d’un avenir plausible et attrayant, le sentiment d’impuissance politique et de basculement vers le pire.

 Cette récente sensation été avivée par cinq chocs : Hiroshima, le club de Rome, Tchernobyl, la procréation artificielle et l’informatisation généralisée, P.A Taguieff relevant la contradiction, constate que règne une peur de la surpopulation et elle coexiste avec la peur de la dépopulation. L’ incohérence n’est d’ailleurs pas si ridicule car dans chaque hypothèse il s’agit bien d’une rupture de l’équilibre. On pourrait ajouter la crainte d’une rupture de l’équilibre climatique et celle d’un empoisonnement insidieux de la nourriture par les procédés de l’industrie alimentaire.

D’où vient cette hantise paralysante ? Suggestion : « Les appels répétés et paternalistes des élites gouvernantes à « la réforme » et « l’adaptation » font peur plutôt qu’ils n’incitent à agir.  Ce progressisme au rabais n’est plus que de l’anti-archaïsme et il n’en est pas moins arrogant ni moins intolérant. Progrès technique et progrès moral semblent disjoints pour de bon. Rappelons toutefois que traditionalisme s’opposait habituellement à progressisme et réaction à révolution. Mais de nos jours le modernisme ne survit que sous forme de fascination pour la technique et le progressisme que sous forme de critique radicale et impuissante. En découlent les attitudes « réactionnaires » du progressisme déchu envers le nouveau modernisme triomphant.

Pour P.-A Taguieff le progressisme paraît être une gnose qui donne une définition de l’homme et un sens à l’existence. Il donne une raison de vivre. Or un mythe ne peut pas être réfuté, rappelait Sorel, mais seulement abandonné. D’ ailleurs c’est moins le déclin de la croyance au progrès que ses effets qui sont alarmants. Effet principal : un effacement de l’avenir qui se caractérise par une obsession du présent et de l’accélération, une ivresse de la souplesse et du mouvement.

pour lire la suite de la critique sur Percée

3 – Dieu et l’Etat  – 30 septembre 2000

Bakounine a un avantage : il n’a jamais été canonisé. Pourtant, sa vie et son oeuvre sont indissociables du mouvement révolutionnaire européen. Premier grand théoricien du courant anti-autoritaire, son intransigeance lui valut l’inimitié de Marx et de ses épigones. Dieu et l’État représente une excellente synthèse de la pensée de Bakounine. Le temps est peut-être venu de lire ou de relire ce « penseur agissant ».
Postface de Michel Gayraud : « Si, comme les philosophes des Lumières, Bakounine voit dans la science une arme propre à dissiper les ténèbres de l’obscurantisme et du fanatisme, il se refuse à la sacraliser et nous met en garde contre la tentation positiviste d’un gouvernement de savants qui exerceraient une monstrueuse dictature sur la vie elle-même. Aujourd’hui où les délires d’une caste technocratique soutenue par des scientifiques sacrifiant à la religion de l’économie produisent de nouvelles maladies et font courir des risques mortels à l’écosystème planétaire, on ne peut qu’être frappé encore une fois de la puissance anticipatrice du révolutionnaire russe. »1

4 -Après l’effondrement – Notes sur l’utopie néotechnologique – 5 octobre 2000

commentaire : Poursuivant l’étude de cas commencée dans L’EFFONDREMENT DE LA TRES GRANDE BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE. Ses causes, ses conséquences, Jean-Marc Mandosio élargit son propos à l’ensemble des néotechnologies et passe en revue les diverses formes de fausse conscience dont elles sont l’objet : espoirs chimériques, approbation enthousiaste, résignation fataliste, ou encore critique prétendument radicale, au nom du rejet de toute technique.

Extrait :

« Prôner la suppression de l’humanité comme réalisation de la liberté humaine – ce que font, par des voies différentes, aussi bien certains penseurs « radicaux », pour qui le mode de vie des australopithèques représente l’avenir du genre humain, que les prophètes hallucinés du cyborg, cet hybride homme-machine, ou encore ceux qui prétendent remodeler l’humanité en bidouillant son génome -, c’est toujours, en fin de compte, vouloir réaliser le même rêve : remplacer l’individu humain tel que nous le connaissons, gênant et maladroit, avec son intolérable lot d’imperfections, par « quelque chose de nouveau et de meilleur », ce qui serait en effet la confirmation, tant attendue, de l’idéologie du progrès.[…]

Ceux qui annoncent, pour s’en réjouir ou pour s’en effrayer, un effondrement à venir de la civilisation se trompent : il a commencé depuis longtemps, et il n’est pas excessif de dire que nous nous trouvons aujourd’hui après l’effondrement. »

5-Le mythe du progres

25 novembre 2000

mythe du progrès
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6-LES FOSSOYEURS, NOUVEL APPEL AUX VIVANTS

GARAUDY

L´ARCHIPEL EDITIONS

Date de parution : 01/01/0001
 les fossoyeurs, un nouvel appel aux vivantsAprès la guerre du Golfe et l´effondrement de l´Union soviétique, 1992 s´ouvre sur un monde cassé, dominé par l´ordre américain et le «monothéisme du marché». Succédant au colonialisme des nations, le Nord impose au Sud la suprématie économique, le mythe de la modernité et de la démocratie. La «croissance» de l´Occident coûte au tiers monde l´équivalent d´un Hiroshima par jour, par suite de malnutrition.Contre la gestion désastreuse de la planète par les «fossoyeurs» et contre la décadence, Roger Garaudy lance un nouvel appel aux vivants. Il propose un projet de résistance économique et politique et, pour faire échec aux théologiens de la domination et autres intégristes, une rénovation de la foi.Homme politique, théoricien, moraliste, poète et homme de foi, Roger Garaudy a publié, notamment, L´Alternative (Laffont, 1972), Parole d´homme (Laffont, 1975), Appel aux vivants (Seuil, 1979), Mon tour du siècle en solitaire (Laffont, 1989), Intégrismes (Belfond, 1991).

7-Du progrès – 17 mai 2001

 Dans cet essai, Pierre-André Taguieff analyse les fondements de l’idée de progrès. montrant comment sa « théorisation » s’est transformée au fil des avancées de la connaissance et des mutations du paysage planétaire, il souligne, en ce début du millénaire, les illusions, les contradictions et les effets pervers de cette « foi aveugle en l’avenir ».

les cahiers du Cevipof : l’idée de progrès. Une approche historique et philosophique . Pierre Taguieff

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8-Au-delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme. La société réenchantée ?

18 septembre 2001

au-delà de la modernité Nous vivons un changement de société rapide et profond car la rationalité moderne, l’approche patriarcale, et le capitalisme industriel ne sont plus capables de formuler une réponse satisfaisante ni au problème de notre survie collective et de celle de l’environnement, ni aux problèmes sociaux et démographiques de notre monde en ce début de XXIe siècle. En ce sens ils sont déjà dépassés car ils ne font plus sens : ils conduisent à la mort. La société civile mondiale cherche déjà ailleurs, même si les pouvoirs s’évertuent à la convaincre qu’il n’y a pas d’alternative. Certains sont d’ailleurs en train d’expérimenter un profond réenchantement, une réconciliation corps-cœur-âme. Ces changements en cours touchent aux aspects les plus profonds de nos vies comme la relation homme-femme, le sacré, la vérité, le statut de la raison et de la science, le temps, l’espace et le bonheur. Et en même temps, c’est l’architecture souterraine de la modernité qui est en train de se dissoudre. Il est normal que les citoyens ressentent de l’angoisse. A un niveau moins profond, mais tout aussi important, la société de l’information est comme le turbo qui accélère et approfondit ces changements. En modifiant le cours même de la logique capitaliste et communiste, elle les dépasse, et nous fait entrer dans une logique qui s’avère chaque jour plus différente et où les avantages et les dangers ne seront pas nécessairement ceux que nous percevons aujourd’hui. Si l’Europe comprend ces changements, elle est dans une position exceptionnelle de cercle vertueux. Elle peut retrouver une grandeur en acceptant de reconnaître que cette modernité qu’elle a grandement contribué à créer, touche maintenant à sa fin. Elle peut entrer dans la société de la connaissance en capitalisant sur tout ce qui apparaît aujourd’hui comme des handicaps : la diversité culturelle, la solidarité sociale et familiale, la promotion de la femme, la solidarité avec le Tiers Monde, le sens du beau et des valeurs humaines et spirituelles. En apparaissant sage, l’Europe peut contribuer au réenchantement du monde. (résumé sur Decitre.fr)
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9-Misère de la prospérité : La Religion marchande et ses ennemis – 26 février 2002

« Dans nos pays développés, l’économie prétend de plus en plus régir les esprits et l’ensemble des activités humaines. 1989 devait marquer le triomphe sans partage de la démocratie et du doux commerce sur l’ensemble de la planète. Or, depuis plus de dix ans, le capitalisme déçoit : non seulement il laisse des centaines de millions d’hommes au bord de la route mais, en Europe et en Amérique, malgré un enrichissement sans précédent, il ne cesse de creuser les inégalités et d’affaiblir les classes moyennes menacées par le spectre de la paupérisation.
La solution serait-elle dans une remise en cause du système? »
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10-Le malaise de la modernité  – 2002 réédité 2015

11 – Condition de l’homme moderne – 28 août 2002

Notre siècle a totalement transformé le statut de l’homme ; celui-ci est désormais un membre d’un ensemble qui le dépasse, et dont il ne peut s’échapper. Il vit dans un monde où la technique prend de plus en plus d’importance, et où le politique s’impose sans possibilité d’écart ou de fuite. Ce monde est également celui des pires violences, de la barbarie généralisée. Hannah Arendt commence ici sa réflexion sur l’originalité radicale de notre époque. Elle pose les bases d’une réflexion qui permettra, peut-être, de se donner les moyens d’éviter les dérapages vers la violence aveugle, en comprenant en profondeur la dimension de  » l’homme moderne « . Un nouvel humanisme ?

11bis – L’immatériel. Connaissance, valeur et capital  – 30 janvier 2003

Le capital et la science se servent l’un de l’autre dans la poursuite de leurs buts respectifs qui, quoique différents, ont beaucoup en commun. L’un et l’autre poursuivent la pure puissance au sens aristotélicien sans autre but qu’elle-même. L’un et l’autre sont indifférents à toute fin, à tout besoin déterminés, car rien ne vaut la puissance indéterminée de l’argent, d’une part, de la connaissance théorétique, d’autre part, capables de toutes les déterminations puisqu’elles les refusent toutes. L’un et l’autre se verrouillent par les techniques désubjectivantes du calcul contre la possibilité du retour réflexif sur soi.
Mais l’alliance du capital et de la science présente depuis peu des fissures. Car s’il n’est pas question pour le capital de s’émanciper de sa dépendance vis-à-vis de la science, la perspective s’ouvre à la science de pouvoir s’émanciper du capitalisme.

11ter  – La Fin de l’humanité  – 23 avril 2003

L’humanité n’est pas immortelle. Mais cette mort, assassinat ou suicide, nous continuons à tort de la penser sur le mode catastrophique. La Fin de l’humanité montre pourquoi l’apocalypse n’est pas notre destin le plus probable, pourquoi notre destin le plus probable qui pourrait survenir d’ici trois ou quatre siècles – c’est-à-dire demain, à l’échelle de l’Histoire – est l’extinction pure et simple par désintérêt de soi, par désinvestissement de soi. Les prophètes et crieurs d’apocalypse qui brandissaient il y a trente ans les foudres de la surpopulation se seront massivement et frontalement trompés. L’humanité vieillit et elle s’acheminera doucement vers la mort, parce qu’elle n’aura plus la volonté de continuer, tout simplement.
Cet essai philosophique, qui traite de questions que les philosophes négligent presque toujours (comme si l’existence de l’humanité allait de soi !) et qui sont presque toujours biaisées à cause des préjugés et a priori idéologiques, ne milite pour aucune cause. Le processus enclenché est irréversible et il concerne désormais l’humanité tout entière. Tel est le destin terminal de l’homme.

11quater  – Du progrès dans la domestication – 22 septembre 2003

L’auteur a rejoint par choix le monde paysan, comme Pierre Rabhi.
Il ne se satisfait pas de mettre ses actes en cohérences avec sa pensée écolo-bio-small is beautyfull-si tous les gars du monde… Il dénonce, après La Boétie, les mécanismes d’assujettissement à une servitude volontaire. Il s’emploie à révéler les détours grossiers par lesquels une ploutocratie cupide et amorale a subjugué le grand nombre et nous fait croire que la révolte est plus dangereuse pour nous que le statu quo. Le constat posé, reste à imaginer, puis à faire fonctionner, le monde post-post-moderne.

12-De Prométhée au mythe du progrès

1 septembre 2005

de Sylvie Mullie-Chatard
prométhée au mythe
un commentaire : Voici un éclairage assez remarquable sur la genèse et les conditions de rayonnement du mythe du progrès. Le livre est écrit en langage clair sans faire l’économie de la précision conceptuelle. Il offre une analyse vraiment complète de l’idée de progrès telle qu’elle domine l’histoire de la pensée occidentale dans sa perspective sotériologique.

13– Itinéraire de l’égarement : Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine– 1 octobre 2003

L ‘idéal moderne de liberté, l’affranchissement de la tradition pour mener sa vie propre et pour être soi-même ; comment cela a-t-il pu déchoir en liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances ? Les questions de fond – la vie telle qu’on aimerait vraiment la vivre, le sens d’une existence humaine – disparaissent de l’horizon. Comment en sommes-nous arrivés à cette insignifiance ? Comment avons-nous pu à ce point nous fourvoyer ? La chose paraît si incompréhensible qu’elle nous invite à parcourir à nouveau le chemin, comme lorsqu’on a perdu ses clés et qu’on repasse dans sa tête faits et gestes pour se souvenir où on les a posées. Alors on se heurte à ce fait massif la science moderne a peu à peu capté l’essentiel des forces spirituelles et matérielles de la culture occidentale. Mais pourquoi l’Europe s’est -elle lancée à corps perdu dans l’aventure scientifique, du temps où la science ne servait pratiquement à rien ? Pourquoi Pascal, plein d’éloignement pour la science après sa conversion, reprit sous l’empire d’une rage de dents l’étude de la cycloïde ? Pourquoi Rousseau, à Venise, fit fiasco auprès de la prostituée Julietta au téton manquant, et pourquoi celle-ci lui conseilla de faire des mathématiques ? Pour quelle raison, aujourd’hui, certains biologistes tiennent si fort à ce que l’homme soit une simple machine à survie pour ses gènes, ou une machine neuronale. Quels sont les rapports ambigus entre l’individu autonome, libre, et la pensée objectivante qui nie son autonomie et sa liberté ? Que demande-t-on ultimement à la science
C’est de telles questions que ce livre, en suivant pas à pas l’itinéraire de l’égarement, cherche à répondre
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 14-La crise des temps modernes

– 24 novembre 2003

15 – Oeuvres complètes, tome 1  – 21 janvier 2004

15bis -(Re)penser la technique  – 26 février 2004

Un essai remarquablement pédagogique, qui rend intelligible et accessible à tous le caractère complexe de la mondialisation.

Jusqu’où devons-nous pousser la technicisation de la société, des produits, des esprits et des corps ? Curieusement, c’est au moment où cette question se fait chaque jour plus pressante que les moyens théoriques de la formuler avec rigueur manquent le plus. Le débat philosophique sur la technique qui a fait rage autour de Heidegger, Ellul et Habermas, est resté sans conclusion. Parce qu’en posant le monde de la technique comme radicalement externe au monde social, ces philosophies nous laissaient impuissants. Ces vingt dernières années, la posture constructiviste a pris le relais, proposant maintes analyses brillantes de la construction sociale et historique de telle ou telle réalisation technologique. Mais ces approches répondent rarement à la question générale et principale : quelle place accorder à la technique dans une société démocratique ? Dans ce contexte, la philosophie antiessentialiste défendue par Andrew Feenberg se révèle d’une importance décisive. La démonstration que toute technologie incorpore la définition de ses usages sociaux possibles permet de sortir de l’opposition stérile entre enthousiasme technophile naïf et catastrophisme technophobe. En montrant comment l’intervention des usagers ou des citoyens a modifié en profondeur certains protocoles technologiques –; de la bicyclette aux réseaux on line en passant par le traitement du sida –;, A. Feenberg dessine la perspective crédible d’un contrôle démocratique des nouvelles technologies. Ce livre –; que beaucoup jugent décisif outre-Atlantique –; contribuera à remettre certaines discussions aujourd’hui vitales sur de bons rails. Outre les chercheurs et philosophes du domaine, il passionnera tous ceux qui ne se résignent pas au fatalisme.

15ter  -Du trop de réalité (Anglais)– 30 septembre 2004

Il est des livres qu’on préférerait ne pas écrire. Mais la misère de ce temps est telle que je me sens obligée de ne pas continuer à me taire, surtout quand on cherche trop à nous convaincre de l’absence de toute révolte. Avec le naturel des saisons qui reviennent, chaque matin des enfants se glissent entre leurs rêves. La réalité qui les attend, ils savent encore la replier comme un mouchoir. Rien ne leur est moins lointain que le ciel dans les flaques d’eau. Alors, pourquoi n’y aurait-il plus d’adolescents assez sauvages pour refuser d’instinct le sinistre avenir qu’on leur prépare ? Pourquoi n’y aurait-il plus de jeunes gens assez passionnés pour déserter les perspectives balisées qu’on veut leur faire prendre pour la vie ? Pourquoi n’y aurait-il plus d’êtres assez déterminé pour s’opposer par tous les moyens au système de crétinisation dans lequel l’époque puise sa force consensuelle ? Autant de questions qui me sont une raison de ne pas garder le silence. A. L. B.

15 -Oeuvres complètes : Volume 2 – 9 février 2005

16-La perte des sens – 21 janvier 2004

 » Je plaide pour une reconnaissance des pratiques ascétiques, pour maintenir vivants nos sens, dans les terres dévastées par le  » show « , au milieu des informations écrasantes, des conseils à perpétuité, du diagnostic intensif, de la gestion thérapeutique, de l’invasion des conseillers, des soins terminaux, de la vitesse qui coupe le souffle. »
commentaire : Un livre magnifique et bouleversant, où l’auteur, à travers études savantes ou billets familiers, dit son amour d’un monde humain à la fois sensuel et spirituel, plein, profond, riche de liens et de sens, qu’il voit disparaître peu à peu sous l’amas des prothèses techniques et des pseudo-« progrès » répondant à des besoins artificiels créés de toutes pièces. Lesquels nous éloignent de plus en plus de notre condition charnelle, ses douleurs mais aussi sa joie et sa beauté, pour nous soumettre au vide des machines et des prescriptions d’experts. Ivan Illich interroge aussi ce qui dans l’histoire et la tradition occidentale et chrétienne, qu’il revendique pour siennes, a permis ou nourri ce dévoiement. La profondeur de la réflexion s’allie dans ce livre à l’émotion palpable, notamment dans le dernier article.
 le sens du progrès

19 -La fin de l’homme Poche – 22 avril 2004

La biotechnique contemporaine menace-t-elle d’altérer la nature humaine et de nous propulser ainsi dans une « post-humanité » effrayante ? La nature humaine modèle et détermine les différents types possibles de régimes politiques. Toute technique assez puissante pour remodeler ce que nous sommes menace potentiellement la démocratie libérale et la nature de la politique elle-même. Nous devons refuser ces mondes futurs qui nous sont proposés sous le faux étendard de la liberté – qu’il soit celui des droits de reproduction illimités ou celui de la recherche scientifique sans entraves. La liberté véritable signifie la liberté, pour les communautés politiques, de protéger les valeurs qui les fondent contre la révolution biologique d’aujourd’hui.

Métamorphoses du travail : Critique de la raison économique – 6 mai 2004

Du trop de réalité (Anglais) – 30 septembre 2004

Il est des livres qu’on préférerait ne pas écrire. Mais la misère de ce temps est telle que je me sens obligée de ne pas continuer à me taire, surtout quand on cherche trop à nous convaincre de l’absence de toute révolte. Avec le naturel des saisons qui reviennent, chaque matin des enfants se glissent entre leurs rêves. La réalité qui les attend, ils savent encore la replier comme un mouchoir. Rien ne leur est moins lointain que le ciel dans les flaques d’eau. Alors, pourquoi n’y aurait-il plus d’adolescents assez sauvages pour refuser d’instinct le sinistre avenir qu’on leur prépare ? Pourquoi n’y aurait-il plus de jeunes gens assez passionnés pour déserter les perspectives balisées qu’on veut leur faire prendre pour la vie ? Pourquoi n’y aurait-il plus d’êtres assez déterminé pour s’opposer par tous les moyens au système de crétinisation dans lequel l’époque puise sa force consensuelle ? Autant de questions qui me sont une raison de ne pas garder le silence. A. L. B.

naissance-du-mythe-moderne

Qu’est-ce le Mythe ? Les réponses ont toujours été par­tielles et insatisfaisantes. Car le mythe est une notion privée de sens univoque et intemporel : elle ne s’éclaire que par sa mise en histoire.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le mythe, entendu comme fabulation et erreur, a été une construction scienti­fique qui a servi à stigmatiser les croyances. La philologie et l’anthropologie, relayées par l’hellénisme, en ont été les sciences mères. Mais, avec la crise qui ébranla la raison scientifique au tournant du siècle, une brèche s’est ouverte en faveur d’un renversement des valeurs : le Mythe attendait une réévaluation. Ce livre explore le contexte et les enjeux de cet avènement méconnu.
En étudiant la société de son temps, Georges Sorel s’est fait à la fois le censeur et le promoteur du mythe moderne. Nourri de ses lectures de Platon, Vico, Marx et Renan, il engagea le dialogue avec ses contemporains, Bergson, Ribot, Le Bon et Durkheim.
En préférant le mythe à l’utopie, la pensée déroutante, mais toujours stimulante et actuelle de Sorel, invite à une substitution de concepts et de contenus, dense de significa­tions et de potentialités pour un réenchantement du politique et pour une régénération de la démocratie.

Willy Gianinazzi est historien et membre de la rédaction de Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle. Il est l’auteur d’ouvrages sur le syndicalisme révolutionnaire en Italie.

Après le Manifeste contre le travail du groupe Krisis, dont il est l’inspirateur et le principal théoricien, Robert Kurz nous donne aujourd’hui, avec Avis aux naufragés un livre que traversent la même urgence et la même perspicacité de l’analyse. Si le présent recueil traite de  » questions d’actualité « , c’est au sens fort du terme, d’une actualité appelée à durer : chômage structurel de masse et liquidation de l’État social dans les pays du centre capitaliste, économie de pillage et guerres  » d’ordre mondial  » dans les pays de la périphérie… Kurz rend tous ces phénomènes à leur intelligibilité en les inscrivant dans leur vrai cadre : le délire du mode de production capitaliste.

22a – De Prométhée au mythe du progrès  – 1 septembre 2005

Le mythe du progrès est un pur produit de la culture occidentale. Combinaison a priori inattendue de la rencontre entre Imaginaire et Rationalisme, il puise ses lointaines racines au coeur de la tradition mythologique classique, auprès de la figure de Prométhée. Quelques siècles plus tard, l’idée de progrès se dessine plus précisément : elle bénéficie alors de l’influence de la culture judéo-chrétienne à la fois dans la considération d’un principe de progression de l’histoire de l’humanité, mais également dans la représentation attribué à l’homme quant à son rapport à la nature.

22bis – Le Seul et Vrai Paradis : Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques – 1 mars 2006

Les fractions les plus modestes des classes moyennes européennes et américaines, grâce à leur culture du sens des limites, surent un temps se prémunir contre les mirages de la surabondance illimitée. La tradition de radicalisme plébéien qui fut celle de cette petite bourgeoisie donna lieu à la seule tentative sérieuse de poser l’une des grandes questions politiques refoulées des XIXe et XXe siècles : l’abandon de ce fondement matériel de la vertu civique qu’était la propriété des moyens de production annonçait-il vraiment des temps meilleurs? George Orwell, Walter Benjamin ou encore Hannah Arendt ont montré qu’il n’était pas nécessaire d’être progressiste pour être démocrate. Christopher Lasch montre que les mouvements démocratiques des trois derniers siècles, aussi bien en Europe qu’outre Atlantique, se constituèrent tous en opposition à un  » mouvement de l’histoire  » auquel ils ne croyaient pas.  » L’Histoire n’a pas de sens unique et le progrès de la société passe parfois par le refus de certaines modernisations sociales. (…) La nostalgie politique est un désastre, mais pas la volonté de garder en mémoire certaines leçons du passé. L’optimisme est une sottise, mais l’espérance une valeur. La pensée critique a du mal à se faire entendre. En voici une voix puissamment articulée.  » Michel Schneider, Le Point.

22ter -Nous n’avons jamais été modernes – 23 mars 2006

Les modernes n’ont cessé de créer des objets hybrides, entre nature et culture, qu’ils se refusent à penser. Pourquoi ?

Pollution des rivières, embryons congelés, virus du sida, trou d’ozone, robots à capteurs… Comment comprendre ces  » objets  » étranges qui envahissent notre monde ? Relèvent-ils de la nature ou de la culture ? Jusqu’ici, les choses étaient simples : aux scientifiques la gestion de la nature, aux politiques celle de la société. Mais ce traditionnel partage des tâches est impuissant à rendre compte de la prolifération des  » hybrides « . D’où le sentiment d’effroi qu’ils procurent, et que ne parviennent pas à apaiser les philosophes contemporains. Et si nous avions fait fausse route ? En fait, notre société  » moderne  » n’a jamais fonctionné conformément au grand partage qui fonde son système de représentation du monde : celui qui oppose radicalement la nature d’un côté, la culture de l’autre. Dans la pratique, les modernes n’ont cessé de créer des objets hybrides, qui relèvent de l’une comme de l’autre, et qu’ils se refusent à penser. Nous n’avons donc jamais été vraiment modernes, et c’est ce paradigme fondateur qu’il nous faut remettre en cause aujourd’hui pour comprendre notre monde. Traduit dans plus de vingt langues, cet ouvrage, en modifiant de fond en comble la répartition traditionnelle entre la nature au singulier et les cultures au pluriel, a depuis sa parution profondé-ment renouvelé les débats en anthropologie. En offrant une alternative au postmodernisme, il a ouvert de nouveaux champs d’investigation et, avec son  » Parlement des choses « , offert à l’écologie de nouvelles possibilités politiques.

25bis -Servitude & simulacre en temps réel et flux constant : Réfutations des thèses réactionnaires et révisionnistes du postmodernisme  – 22 août 2007

un commentaire : Ce petit ouvrage (142 p.) critique ouvertement les discours et les pratiques des différents courants qui fondent le postmodernisme. Par postmodernisme, il faut entendre un ensemble de courants (postcolononialisme, postféminisme, et les variantes spécifiques comme le primitivisme ou le courant extropien) généralement portés par la gauche ou l’extrême gauche et construits sur une opposition à l’humanisme, l’universalisme des Lumières et la logique scientifique. Cette idéologie, confuse et parfaitement orwelliene, accompagne à merveille la société du chaos et renforce à l’insu de ses auteurs qui se définissent généralement comme « révolutionnaires », les pouvoirs du capitalisme néo-libéral mondialisé. Si Vidal cite abondamment les discours des postmodernistes (les « pomo »), il n’en cite pas les auteurs, désirant sans doute situer son combat idéologique au seul niveau des idées. Une investigation sur internet permettra cependant au lecteur de remonter sans difficultés aux auteurs originaux. Si ce texte n’a pas la puissance de ceux de Lasch ni même de Michéa, sa cartographie idéologique n’en est pas moins utile : il permet de superposer l’ancienne carte de la philosophie politique à l’actuelle et de là en retrouver les frontières pertinentes.

26bis -La culture du narcissisme – 8 septembre 2008

« En se proposant de décrire « l’homme psychologique de notre temps » – avec sa peur de vieillir et son immaturité si caractéristique -, cet essai ne donne pas seulement à comprendre les tourments et les contradictions de la vie quotidienne, mais aussi – et surtout – les conditions politiques et culturelles qui en commandent le sens. A savoir, la montée en puissance – et en visibilité médiatique – de ces nouvelles catégories sociales, qui sont liées à la modernisation du capitalisme et dont la fausse conscience libérale-libertaire a fini par devenir l’esprit du temps. Cet ouvrage de Lasch jette une lumière décisive sur le paradoxe politique le plus étonnant de ces trente dernières années : l’extension à toutes les sphères de la société – à commencer par les médias – d’un esprit de contestation permanente des « valeurs bourgeoises » dont chaque brillante intuition se révèle invariablement n’avoir été que la simple bande-annonce des figures suivantes de l’esprit capitaliste. » Jean-Claude Michéa (extrait de l’avant-propos).

La société du risque : Sur la voie d’une autre modernité  – 8 septembre 2008

C’est en 1986, peu de temps après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, que paraissait en Allemagne La Société du risque. Livre pionnier, traduit en plusieurs langues, sa publication en français intervint au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 et de l’explosion d’une usine chimique à Toulouse. Alors que l’on s’interroge plus que jamais sur le  » risque zéro « , l’assurance, la responsabilité et la prévention, l’ouvrage d’Ulrich Beck fournit des clés pour penser ce que l’auteur diagnostique comme un véritable changement de société. Car si nous ne vivons pas dans un monde plus dangereux qu’auparavant, le risque est désormais beaucoup plus qu’une menace : il est devenu la mesure de notre action. A une logique de la répartition des richesses a succédé une logique de la répartition des risques : contrainte dès lors de poser continuellement la question de ses propres fondements, la  » société du risque  » fait de l’avenir la question du présent.

26ter – Orwell, anarchiste Tory : Suivi de A propos de 1984– 8 septembre 2008

Anarchiste tory, c’est-à-dire anarchiste conservateur, c’est ainsi que George Orwell se présentait parfois, lorsqu’il était invité à se définir politiquement. Mais suffit-il qu’une position politique soit inclassable pour être incohérente ? Cet essai s’efforce précisément d’établir qu’il est possible d’être l’un des analystes les plus lucides de l’oppression totalitaire sans renoncer en rien à la critique radicale de l’ordre capitaliste ; que l’on peut être à la fois un défenseur intransigeant de l’égalité sans souscrire aux illusions «progressistes» et «modernistes» au nom desquelles s’accomplit désormais la destruction du monde. En établissant la cohérence réelle de cette pensée supposée inclassable, cet essai met en évidence quelques-unes des conditions de cette indispensable critique moderne de la modernité, dont George Orwell est le plus négligé des précurseurs.

Quatrième édition.

«Orwell, anarchiste tory constitue la plus incisive des introductions à la pensée politique de l’écrivain et sa meilleure actualisation.»

26quater – Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie Poche – 26 février 2009

Au rythme actuel de la croissance démographique, et particulièrement de l’augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie, les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain? La réponse se construit à partir d’un tour du monde dans l’espace et dans le temps – depuis les sociétés disparues du passé ( les îles de Pâques, de Pitcairn et d’Henderson; les Indiens mimbres et anasazis du sud-ouest des États-Unis; les sociétés moche et inca; les colonies vikings du Groenland ) jusqu’aux sociétés fragilisées d’aujourd’hui ( Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l’Australie ) en passant par les sociétés qui surent, à un moment donné, enrayer leur effondrement ( la Nouvelle-Guinée, Tikopia et le Japon de l’ère Tokugawa ). De cette étude comparée, et sans pareille, Jared Diamond conclut qu’il n’existe aucun cas dans lequel l’effondrement d’une société ne serait attribuable qu’aux seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, à ces problèmes. Cette complexité des facteurs permet de croire qu’il n’y a rien d’inéluctable aujourd’hui dans la course accélérée à la dégradation globalisée de l’environnement.
Qu’elle a été grande, la France ! De l’individualisme et du culte de la liberté pour lesquels, autrefois, elle avait versé son sang – elle n’a retenu, dans sa forme crépusculaire, que l’argent et le plaisir… Quand on ne croit à rien, les sens deviennent religion. Et l’estomac finalité. Le phénomène de la décadence est inséparable de la gastronomie… Depuis que la France a renié sa vocation, la manducation s’est élevée au rang de rituel. Les aliments remplacent les idées. Les Français depuis plus d’un siècle savent qu’ils mangent. Du dernier paysan à l’intellectuel le plus raffiné, l’heure du repas est la liturgie quotidienne du vide spirituel. Le ventre a été le tombeau de l’Empire Romain, il sera inéluctablement celui de l’Intelligence française… Rien n’est plus gênant que de voir une nation qui a abusé – à juste titre – de l’attribut  » grand « , grande nation, grande armée, la grandeur de la France -, se dégrader dans le troupeau humain haletant après le bonheur… La France n’a plus de destin révolutionnaire, parce qu’elle n’a plus d’idées à défendre… Les peuples commencent en épopées et finissent en élégies. Cioran

28 -Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable

A l’occasion de l’anniversaire de Mai 68, cet essai prolonge la critique du conformisme qui, selon les auteurs, s’impose universellement au prétexte de sauver la planète, et des nouvelles formes d’embrigadement qui accompagnent la mise en place de la gestion raisonnée du désastre de la société industrielle.

28bis – La culture du narcissisme  – 8 septembre 2008

 « En se proposant de décrire « l’homme psychologique de notre temps » – avec sa peur de vieillir et son immaturité si caractéristique -, cet essai ne donne pas seulement à comprendre les tourments et les contradictions de la vie quotidienne, mais aussi – et surtout – les conditions politiques et culturelles qui en commandent le sens. A savoir, la montée en puissance – et en visibilité médiatique – de ces nouvelles catégories sociales, qui sont liées à la modernisation du capitalisme et dont la fausse conscience libérale-libertaire a fini par devenir l’esprit du temps. Cet ouvrage de Lasch jette une lumière décisive sur le paradoxe politique le plus étonnant de ces trente dernières années : l’extension à toutes les sphères de la société – à commencer par les médias – d’un esprit de contestation permanente des « valeurs bourgeoises » dont chaque brillante intuition se révèle invariablement n’avoir été que la simple bande-annonce des figures suivantes de l’esprit capitaliste. » Jean-Claude Michéa (extrait de l’avant-propos).

28ter – La double pensée : Retour sur la question libérale – 3 octobre 2008

 

Le libéralisme est, fondamentalement, une pensée double: apologie de l’économie de marché, d’un côté, de l’Etat de droit et de la « libération des mœurs » de l’autre. Mais, depuis George Orwell, la double pressée désigne aussi ce mode de fonctionnement psychologique singulier, fondé sur le mensonge à soi-même, qui permet à l’intellectuel totalitaire de soutenir simultanément deux thèses incompatibles. Un tel concept s’applique à merveille au régime mental de la nouvelle intelligentsia de gauche. Son ralliement au libéralisme politique et culturel la soumet, en effet, à un double bina affolant. Pour sauver l’illusion d’une fidélité aux luttes de l’ancienne gauche, elle doit forger un mythe délirant: l’idéologie naturelle de la société du spectacle serait le « néoconservatisme », soit un mélange d’austérité religieuse, de contrôle éducatif impitoyable, et de renforcement incessant des institutions patriarcales, racistes et militaires. Ce n’est qu’à cette condition que la nouvelle gauche peut continuer à vivre son appel à transgresser toutes les frontières morales et culturelles comme un combat « anticapitaliste ». La double pensée offre la clé de cette étrange contradiction. Et donc aussi celle de la bonne conscience inoxydable de l’intellectuel de gauche moderne.

et vous n’avez encore rien vu
« L’internaute après tout n’est que l’aboutissement délirant d’un long processus d’isolement des individus et de privation sensorielle ; et la cybervie qu’on lui propose n’est jamais destinée que pour quelque temps à quelques pour cent du genre humain, tout le reste se voyant versé sans attendre au Tartare de ce XXIe siècle. »
Notre planète s’emballe et le monde s’affole. L’humanité semble plongée vers une lente et inexorable décivilisation. Les histoires de ce livre vous exposent la vie telle que la ressentent des millions de personnes dans le monde. Les sujets abordés sont : le libéralisme, l’idéal, la prostitution, les rencontres par Internet, la chasteté des prêtres, la crise du logement, les SDF, la discrimination positive, la question noire, l’immigration clandestine, le terrorisme, la maladie, les nouveaux pauvres et l’intolérance. Bonne lecture !

31bis -Les vertiges de la technoscience – 23 avril 2009

 » Façonner le monde atome par atome  » : tel est l’objectif incroyablement ambitieux affiché par les promoteurs américains de la  » National Nanoinitiative « , lancée en 1999. Un projet global de  » convergence des sciences « , visant à  » initier une nouvelle Renaissance, incorporant une conception holiste de la technologie fondée sur […] une analyse causale du monde physique, unifiée depuis l’échelle nano jusqu’à l’échelle planétaire « . Ce projet démiurgique est aujourd’hui au cœur de ce qu’on appelle la  » technoscience « , étendard pour certains, repoussoir pour d’autres.
En précisant dans ce livre la signification de ce concept, pour sortir enfin du sempiternel conflit entre technophiles et technophobes, son auteure propose d’abord une sorte d’archéologie du terme  » technoscience « . Loin d’être un simple renversement de hiérarchie entre science et technique, il s’agit d’un changement de régime de la connaissance scientifique, ayant désormais intégré la logique entrepreneuriale du monde des affaires et mobilisant des moyens considérables. Surtout, Bernadette Bensaude-Vincent montre que le brouillage de la frontière entre science et technique n’est que la manifestation d’un tremblement plus général, marqué par l’effacement progressif des distinctions traditionnelles : nature/artifice, inerte/vivant, matière/esprit, homme/machine, etc.
Alors que nos sociétés sont silencieusement reconfigurées par les nanotechnologies, Internet, le génie génétique ou les OGM, ce livre montre l’importance de faire enfin pleinement entrer les questions de choix technologiques et scientifiques dans la sphère du politique et dans l’arène publique. Car la technoscience est un processus historique qui engage la nature en la refaçonnant et qui implique la société dans son ensemble.

La Grande Transformation: Aux origines politiques et économiques de notre temps  – 24 avril 2009

La « Grande Transformation », Polanyi le montre, c’est ce qui est arrivé au monde à travers la grande crise économique et politique des années 1930-1945 : la mort du libéralisme économique. Apparu un siècle plus tôt avec la révolution industrielle, ce libéralisme était une puissante innovation du monde occidental, un cas unique dans l’histoire de l’humanité : jusque-là élément secondaire de la vie économique, le marché s’est rendu indépendant des autres fonctions et posé en élément autorégulateur. L’innovation consistait essentiellement dans un mode de pensée. Pour la première fois, on se représentait une sorte particulière de phénomènes sociaux, les phénomènes économiques, comme séparés et constituant à eux seuls un système distinct auquel tout le reste du social – à commencer par la terre, le travail et l’argent – devait être soumis. On avait désocialisé l’économie ; la grande crise des années trente imposa au monde une resocialisation de l’économie. Cette analyse du marché comme institution non naturelle suscite désormais un véritable regain d’intérêt dans un monde globalisé où le néolibéralisme est à son tour entré dans une crise dont on attend qu’il en résulte une nouvelle « grande transformation ».

de François Jarrige

 

 

 

Alors que l’industrie surgit et déploie son ombre sur l’Europe au début du XIXe siècle, des groupes de travailleurs appartenant à des mondes sociaux et culturels très variés choisissent la voie de la révolte en s’attaquant aux machines perçues comme des  » tueuses de bras  » et des  » voleuses d’emplois « . Ces violences populaires furent longtemps rejetées du côté de la tradition et de l’archaïsme par une histoire sociale et économique condescendante. En suivant les pérégrinations des machines au début de l’industrialisation et les réponses diverses et ambiguës qu’elles suscitent, cet ouvrage entend offrir au contraire une approche compréhensive de l’avènement du monde industriel.
L’étude des conflits suscités par la mécanisation montre que le changement technique n’advient que s’il est compatible avec les idéaux et les normes des communautés professionnelles et locales. L’ampleur des résistances et des violences ouvrières est étroitement liée aux conjonctures socio-économiques, aux organisations productives, comme aux singularités des systèmes techniques et aux possibilités données aux acteurs de les tester et de les bricoler. L’émeute s’inscrit par ailleurs dans un continuum de stratégies et de formes d’action, elle est encadrée par des rituels complexes avec ses symboles, ses normes, ses pensées alternatives à l’idéologie du progrès. Mais les bris de machines deviennent aussi des mythes au fur et à mesure que la question sociale envahit l’imaginaire du XIXe siècle. Le spectre de ces violences est sans cesse manipulé par les fabricants en quête de protection, ou par les économistes soucieux de prouver l’utilité sociale de leur science. La figure du briseur de machines devient progressivement le symbole de la barbarie passée qui doit disparaître avec l’affirmation du progrès. C’est donc à une archéologie de monde industriel qu’invite cet ouvrage, en partant en quête des trajectoires oubliées, des actions et des mots rendus invisibles des vaincus. Alors que la question des risques et des crises environnementales resurgit avec force dans l’espace public, redéfinissant en profondeur les rapports entre technique et société, il est plus que jamais nécessaire d’étudier l’historicité du monde industriel et d’en comprendre la genèse conflictuelle.

Si les problèmes liés à l’eugénisme, au « nettoyage ethnique » et au racisme reviennent si souvent sur le devant de l’actualité, c’est qu’ils sont loin d’être résolus, faute de notions claires sur les concepts de race, de gène et d’individu. L’historien et chercheur André Pichot entreprend ici de donner les outils nécessaires pour comprendre la vraie nature des intrications – qui ne cessent de se multiplier de nos jours – entre la biologie et la société. Le récit effarant des dévoiements de la biologie, de Lyssenko à Alexis Carrel, de Julian Huxley à Ernst Haeckel, et du « darwinisme social » (doctrine qui considère l’homicide collectif comme la cause du progrès de l’humanité) à Auschwitz, met en garde contre les interprétations simplistes. Carrel n’était pas plus dangereux que Huxley au prétexte que l’un était pétainiste et l’autre directeur de l’Unesco, et le naturaliste allemand Haeckel a fait bien davantage que le célèbre Gobineau pour propager les thèses eugénistes. La critique aiguisée des positions antiracistes trop catégoriques, quant à elle, montre clairement le chemin qui mène d’une pensée biologique imparfaite au fantasme de race parfaite. Un ouvrage passionnant et d’utilité publique.« (Les hommes) ne sont ni inégaux ni différents, ils sont incomparables. Et c’est parce qu’ils sont incomparables qu’ils sont égaux, mais d’une égalité qui ne se fonde ni sur la mesure ni sur la comparaison, l’égalité en dignité, et en droits. Les critères biologiques n’ont ici aucun intérêt. » –Victor Gasquet –Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.

Revue de presse

Historien des sciences, c’est un déficit de pensée qu’André Pichot vient combler. Question embarrassante que celle de l’eugénisme. Médias et historiens pensaient l’avoir verrouillée à l’intérieur de l’idéologie nazie. Or, ce qui transparaît de cette étude serrée, c’est que si l’eugénisme a été laissé dans l’ombre, c’est parce qu’il offrait une image gênante des sociétés de la première moitié du 20è siècle dans leurs relations avec le nazisme. En effet, les premières lois eugénistes datant de 1907 furent américaines. En Suède, elles restèrent en vigueur jusqu’en 1970. Le Directeur de l’UNESCO, Julian Husley, humaniste social-démocrate, attestait encore, en 1946, de leur bien-fondé. Quant à la Fondation Rockefeller, elle joua un rôle des plus important dans son implantation en Europe, en particulier par le financement de laboratoires allemands. L’eugénisme était ainsi le lieu commun de la pensée scientifique de cette époque. Si par ailleurs on a voulu faire de Gobineau le père de cette idéologie abjecte, c’est en réalité du côté de Darwin qu’on en trouve les fondements. On lui doit entre autres l’interprétation des problèmes sociaux en termes biologiques. Et bien sûr, son prestige est aujourd’hui intact. Ce ne sont ainsi pas les horreurs nazies qui ont fait disparaître l’eugénisme, mais les progrès de la génétique. Or celle-ci, très à la mode désormais, campe sur les mêmes questions : éviter par exemple la naissance d’individus malades. Il semblerait que le racisme moderne, décalqué de l’eugénisme, ne trouble plus personne… —Joël Jégouzo — Urbuz.com –Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.

34 – La révolte des élites et la trahison de la démocratie– 12 janvier 2010

« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l’ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c’était la Révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. » Christopher Lasch montre ici comment des élites hédonistes assoient leur pouvoir sur un culte de la marge et sur un fantasme de l’émancipation permanente. Alors qu’elles sont responsables des normes imposées à la société, leurs comportements consistent à feindre d’être hors norme. Cette dialectique mensongère de la nonne et de la marge, remarquablement démontée clans ces pages, est celle de notre temps. Voici un livre qui devrait faire réfléchir tous ceux qui s’inquiètent de l’évolution d’un espace public et médiatique où les élites émancipées se mettent le plus souvent du côté de la transgression en imaginant un ordre moral, un éternel retour de la censure qui ne sont que la contrepartie de leurs transgressions imaginaires. Le testament d’un grand intellectuel anticonformiste, politiquement très incorrect, inclassable et dérangeant.

34bis – L’empire du moindre mal : Essai sur la civilisation libérale  – 10 mars 2010

 Il est d’usage, aujourd’hui, de distinguer un bon libéralisme politique et culturel – qui se situerait  » à gauche  » – d’un mauvais libéralisme économique, qui se situerait  » à droite « . En reconstituant la genèse complexe de cette tradition philosophique, Jean-Claude Michéa montre qu’en réalité nous avons essentiellement affaire à deux versions parallèles et complémentaires du même projet historique. Celui de sortir des terribles guerres civiles idéologiques des XVIe-XVIIe siècles, tout en évitant simultanément la solution absolutiste proposée par Hobbes. Ce projet pacificateur a évidemment un prix: il faudra désormais renoncer à toute définition philosophique de la  » vie bonne  » et se résigner à l’idée que la politique est simplement l’art négatif de définir  » la moins mauvaise société possible « . C’est cette volonté d’exclure méthodiquement de l’espace public toute référence à l’idée de morale (ou de décence) commune – supposée conduire à un  » ordre moral  » totalitaire ou au retour des guerres de religion – qui fonde en dernière instance l’unité du projet libéral, par-delà la diversité de ses formes, de gauche comme de droite. Tel est le principe de cet  » empire du moindre mal « , dans lequel nous sommes tenus de vivre.
 » Le temps du monde fini commence « , écrivait Paul Valéry en 1931. Pourquoi cet appel n’a-t-il pas été entendu ? Comment faire de la conscience de cette finitude un commencement ? Près d’un siècle s’est écoulé et la globalisation économique a accéléré la clôture du monde et celle de l’imagination. Les vainqueurs laissent une Terre épuisée et un monde commun miné par les inégalités, le déracinement et la violence. Ce monde-là, assigné à la rentabilité immédiate, s’effondre. Les crises mettent à nu la promesse empoisonnée de réaliser la liberté et la justice par le  » libre  » -échange, la croissance et la consommation. Elles dévoilent l’illusion scientiste qui repousse à l’infini les limites de la Terre et l’espoir fou de s’affranchir de la matérialité de l’existence. S’inscrire dans le temps du monde fini, c’est s’échapper de l’enclos et écouter les voix, souvent celles des vaincus, qui, au nord et au sud, expriment plus que leur défaite ; elles disent que la Terre et ses éléments sont un patrimoine commun vital et inaliénable ; elles opposent le  » bien-vivre  » au  » toujours plus « , les mondes vécus aux abstractions expertes ; elles luttent pour conserver les biens communs qui les protègent et les enracinent, réinventent la démocratie et l’aspiration à l’universel. Sous les décombres souffle un autre imaginaire, fait de coopération au lieu de concurrence, d’attachement à la Terre au lieu d’arrachement, d’une propriété-usage au lieu de la propriété-appropriation, d’une liberté retrouvée face à la  » raison  » économique et à l’asservissement de sujets renvoyés à eux-mêmes.

Combattre l’utopie libérale et la société de classes renfoncée qu’elle engendre inévitablement passe aujourd’hui par une rupture radicale avec l’imaginaire intellectuel de la gauche. Certes. l’idée d’une telle rupture pose à beaucoup de graves problèmes psychologiques. car la gauche, depuis le XIXe siècle, a surtout fonctionné comme une religion de remplacement (la religion du « Progrès ») ; et toutes les religions out pour fonction première de conférer à leurs fidèles une identité, et de leur garantir la paix avec eux-mêmes. J’imagine même sans difficulté que de nombreux lecteurs tiendront cette manière d’opposer radicalement le projet philosophique du socialisme originel et les différents programmes de la gauche et de l’extrême-gauche existantes pour un paradoxe inutile, voire une provocation aberrante et dangereuse de nature à faire le jeu de tous les ennemis du genre humain. J’estime, au contraire, que cette manière de voir est la seule qui donne un sens logique au cycle d’échecs historiques à répétition, qui a marqué le siècle écoulé et dont la compréhension demeure obscure pour beaucoup, dans l’étrange situation qui est aujourd’hui la nôtre. De toute façon, c’est à peu près la seule possibilité non explorée qui nous reste, si nous voulons réellement aider l’humanité à sortir, pendant qu’il en est encore temps, de l’impasse Adam Smith.

Devenir hybride

Extrait de l’article paru dans la revue papier

« […] J.-P. C. : Le chapitre IV est consacré à ce qui serait une politique radicalement empiriste, une politique du « plurivers » et s’appuie sur une analyse de Star Wars tournant autour de l’idée d’un « ordre des associations, plus que des similitudes ou des identités définitives ». Vous partez de l’idée, reprise de différentes manières dans le livre, que ce que l’Homme est, il ne l’est pas naturellement ou par essence, mais qu’il doit être pensé relationnellement, en fonction des relations qu’il établit et rend possibles. D’où, d’un point de vue politique, l’importance et le renouvellement de la notion de contrat. Pas d’instinct, pas d’essence a priori mais un contrat par définition fragile permettant des relations métastables. Il me semble important qu’une telle réflexion politique intègre nécessairement le minoritaire : la dimension politique n’est plus pensée comme réalisation d’une nature ou d’une essence universelles mais comme un ensemble de relations métastables entre hétérogènes, une pluralité de relations entre ce qui devient des minorités sans modèle transcendant englobant. La réalité politique devient un ensemble hybride, disjoint et mobile, provisoire, toujours à refaire, à réinventer. Alors que la philosophie politique classique, même chez Marx, semble chercher les conditions d’une stabilité, d’un ordre pérenne et totalisant adossé à une identité, vous posez au contraire au fondement du politique la précarité des relations, leur caractère relatif, la bigarrure et l’hybridation : l’étranger, le minoritaire ne sont plus l’autre du citoyen, ils sont par avance inclus dans cette politique du dehors et du multiple. C’est très intéressant comme point de vue, cette idée d’un corps politique comme corps monstrueux, hybride, artificiel. Le film de Lucas met en scène une telle politique, qui est peut-être pour lui l’expression de ce que sont les USA, mais qui dans le film prend une autre dimension

36 -Règles pour le parc humain: suivi de La Domestication de l’être  – 10 novembre 2010

En juillet 1999, en prononçant un discours sur Heidegger et sa Lettre sur l’humanisme, Peter Sloterdijk déclenche une vive
polémique. Quel est l’objet du scandale ? Son constat : l’humanisme est mort en 1945. Si une nation ne repose plus sur une fiction politique, d’inspiration humaniste, pour souder ses citoyens, quelle gestion des hommes ? D’ailleurs, note le philosophe, la « domestication de l’être humain constitue le grand impensé face auquel l’humanisme a détourné les yeux depuis l’Antiquité » ; « le simple fait de s’en apercevoir suffit à se retrouver en eau profonde ».
Avec ses Règles pour le parc humain, Peter Sloterdijk incite à penser la condition humaine qui vient avec l’anthropotechnologie.
Quelques mois plus tard, il prononce à Paris un deuxième discours dans lequel il développe ses positions : La Domestication de l’Être. Il y poursuit sa réflexion sur les conditions et le mystère de l’irruption de l’humanité, et la voie que celle-ci peut suivre vers un apprivoisement d’elle-même.PETER SLOTERDIJK, philosophe allemand né en 1947, est l’auteur d’une oeuvre importante, notamment : Sphères (I, Bulles ; II, Globes : macrosphérologie ; III, Écumes : sphérologie plurielle).

36bis -Désobéir à la précarité – 18 novembre 2010

« La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » (Laurence Parisot, dirigeante du Medef, Le Figaro, 30 août 2005). La précarité (CDD, intérim, temps partiel imposé) est devenue la loi des nouvelles générations entrant sur le marché du travail : précarité de revenus et de droits préjudiciable à la stabilité en matière de logement, de vie de famille, de santé… Le maintien d’un taux de chômage élevé renforce la pression à la baisse exercée sur les salaires et la propension des salariés à accepter un sort de plus en plus indigne.

Mais loin de se résigner à l’insécurité sociale, les précaires inventent de nouvelles manières de résister, et de désobéir.
Les Désobéissants sont un collectif qui entend promouvoir et former à l’action directe non-violente et la désobéissance civile. Xavier Renou en est l’un des membres fondateurs ; il dirige la collection Désobéir aux éditions le passager clandestin.
Évelyne Perrin, auteure de ce livre, est sociologue et membre des collectifs désobéissants Agir ensemble contre le chômage et Stop précarité. Elle a notamment publié Identité nationale. Amer Ministère. Ce qu’en disent les jeunes Franciliens (L’Harmattan, 2010). Cet ouvrage bénéficie aussi de la collaboration des membres du réseau l’Appel et la Pioche.

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