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de marchandisation du vivant et une
nouvelle étape va encore être franchie.
Dans l’histoire, c’est un événement
sans précédent.
Aujourd hui, la quasi-totalité d’une
population, éliminée sur le critère
de son génome imparfait, a disparu.
L’extinction de cette partie de l’humanité est le fait d un eugénisme
efficace vendu par des marchands, acheté par l’État et mis en oeuvre
par la médecine. Une redoutable machine à trier les humains arrive de la Silicon Valley sur le marché européen. Elle est précédée d une clinquante caravane commerciale.
De guerre lasse, j’étais prêt à entendre ceux qui me conseillaient de
déposer les armes. Le faire aurait été une capitulation.
Conclusion
Finalement, chacune des perspectives que met en lumière Bernard Andrieu recèle des particularités qu’il faut néanmoins accorder pour qu’un véritable dialogue entre le corps vivant et le corps vécu. Dans le chapitre IX consacré à ce que notre auteur nomme le corps viv@nt, il est par exemple question des avatars numériques du corps, de la possibilité d’approcher cette dimension inconnue du corps vivant grâce à différents moyens : l’EGG (p.201), le body-cloud (p.214), etc. L’auteur nous fournit par ailleurs au sujet du body-cloud une remarquable analyse des risques éthiques et existentiels que nous encourons dorénavant suite à la mise en ligne et au partage de nos données physiques. Les données que nous partageons via différents outils (téléphones, montres et bracelets connectés) peuvent en effet mener à une perte conséquente en ce qui concerne notre propriété de soi :
« Un monde inéquitable se renforce par cette auto-bio-surveillance de son propre vivant car chacun ne pourra disposer du même matériel et des réseaux pour se connecter dans des communautés. La perte de la propriété de soi, constitutif de l’identité, proviendrait de la délégation d’information à des serveurs qui peuvent en exploiter les informations » (p.216)
Ce sont toutes ces perspectives qui font de ce « premier volume méthodologique » (p.225) un ouvrage qui entend dépasser l’apparente dualité entre le corps vivant et le corps vécu. Il s’agit assurément pour l’auteur d’exposer les différentes approches permettant aujourd’hui de mesurer l’avancée des recherches philosophiques et neurophysiologiques en ce qui concerne la vie subjective dans son intégralité. De ses soubassements les plus profonds aux réflexions conscientes, nous partageons avec notre cerveau et notre corps vivants une seule et même vie qui comprend différentes strates. Il importe par conséquent de les mettre à jour et de les comprendre suivant les recherches à venir.
Retenons enfin que ce livre exigeant s’adresse avant tout au lecteur familiarisé avec les recherches les plus récentes en sciences cognitives et en phénoménologie. Il s’agit peut-être ici du seul défaut de ce livre : il est nécessaire, pour pleinement comprendre les enjeux des questions qui y sont posées, d’avoir suivi les dernières recherches en la matière (en particulier les ouvrages de Natalie Depraz, Jean-Luc Petit, Alain Berthoz, Stanislas Dehaene, etc.). Néanmoins le lecteur intéressé et néophyte pourra y trouver une masse considérable de données lui permettant d’entrer de plain-pied dans le domaine avec des références somme toute capitales. Il lui faudra s’accrocher, mais le jeu en vaut la chandelle.
Concrètement, ce livre doit selon nous être lu comme un programme de recherches plutôt que comme un traité sur la vie subjective. C’est par ailleurs pour cette raison que l’auteur entreprend de rédiger un second volume sur le sujet. Cet ouvrage doit être complété par des expériences et des théories qui sont encore à venir. N’oublions pas que les sciences cognitives ne sont qu’à leurs balbutiements. Nous attendons ainsi avec impatience de pouvoir consulter le prochain ouvrage et d’y trouver de plus amples développements concernant cette nouvelle approche que Bernard Andrieu nomme l’émersiologie. C’est en effet en concert avec d’autres disciplines et d’autres approches que peut se développer cette science nouvelle dont la portée finale n’est pour l’instant qu’entraperçue.
2 – L’HOMME AUGMENTE, REFLEXIONS SOCIOLOGIQUES POUR LE
MILITAIRE
Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire-mars 2016
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5bis – Le Désastre de l’école numérique. Plaidoyer pour une école sans écrans 25 août 2016
L’école numérique, c’est un choix pédagogique irrationnel, car on n’apprend pas mieux – et souvent moins bien – par l’intermédiaire d’écrans. C’est le gaspillage de ressources rares et la mise en décharge sauvage de déchets dangereux à l’autre bout de la planète. C’est une étonnante prise de risque sanitaire quand les effets des objets connectés sur les cerveaux des jeunes demeurent mal connus. C’est ignorer les risques psychosociaux qui pèsent sur des enfants déjà happés par le numérique.
Cet essai s’adresse aux parents, enseignants, responsables politiques, citoyens qui s’interrogent sur la pertinence du » plan numérique pour l’école « . Et s’il fallait au contraire faire de l’école une zone refuge, sans connexions ni écrans, et réinventer les pistes non numériques du vivre-ensemble ?Philippe Bihouix, 44 ans. Ingénieur centralien, il a travaillé dans différents secteurs industriels comme ingénieur-conseil ou à des postes de direction. Il est l’auteur de L’Âge des low tech, vers une civilisation techniquementsoutenable (Seuil, Prix de la Fondation d’Écologie Politique 2014). Il a deux enfants.Karine Mauvilly, 38 ans. Historienne et juriste de formation, diplômée de Sciences Po Paris, elle a été journaliste puis enseignante en collège public, poste d’observation privilégié de la mutation numérique en cours. Elle a trois enfants.
Présentation de l’éditeur
Ces profonds changements restent cependant incompris et suscitent des craintes.
Trop d’idées reçues, souvent fausses, sur la transition numérique encombrent encore les débats sur notre avenir dans l’économie numérique. Ce livre a pour objet de discuter ces idées reçues afin de pouvoir enfin, collectivement, passer à l’action.
8bis – Intelligence artificielle, les défis actuels et l’action d’INRIA
16/09/2016
Mais la Silicon Valley ne renvoie plus seulement à un territoire, c’est aussi et avant tout un esprit, en passe de coloniser le monde. Une colonisation d’un nouveau genre, portée par de nombreux missionnaires (industriels, universités, think tanks…), et par une classe politique qui encourage l’édification de valleys sur les cinq continents, sous la forme d’écosystèmes numériques et d’incubateurs de start-up.
Après avoir retracé un historique de la Silicon Valley, ce livre, à la langue précise et élégante, montre comment un capitalisme d’un nouveau type est en train de s instituer, un technolibéralisme qui, via les objets connectés et l’intelligence artificielle, entend tirer profit du moindre de nos gestes, inaugurant l’ère d’une « industrie de la vie ».
Au-delà d’un modèle économique, c’est un modèle civilisationnel qui s’instaure, fondé sur l’organisation algorithmique de la société, entraînant le dessaisissement de notre pouvoir de décision. C’est pour cela qu’il est urgent d’opposer à ce mouvement prétendument inexorable d autres modalités d existence, pleinement soucieuses du respect de l’intégrité et de la dignité.
Avez-vous déjà lu les fameuses CGU (Conditions générales d utilisation) avant de créer un compte sur Facebook, Google ou Twitter ? Ces dernières prévoient qu en cas de litige le juge californien sera compétent. La cour d appel de Pau a jugé en 2012 ce type de clause abusive, car contraire au droit français de la consommation. Or, quatre ans plus tard, ces plateformes continuent de maintenir cette clause abusive dans leurs CGU au mépris du droit et en toute impunité. Car qui a les moyens d affronter la puissance financière et juridique des géants américains du numérique ? Les États européens eux-mêmes abdiquent ou, au mieux, cherchent à négocier plutôt qu à faire appliquer la loi.
Vie privée, liberté d expression, droits d auteur, rôle de l État dans les mécanismes de régulation… Alliés de circonstance des libertariens de la côte ouest des États-Unis, les grands acteurs du numérique imposent leurs règles et leurs valeurs. Le digital est-il en passe de rendre inopérants les droits français et européen, après avoir chamboulé la technologie, nos modes de vie et les modèles économiques existants ? Dans cet essai accessible à tous, Olivier Iteanu lance un cri d alerte : s il ne reste plus au peuple européen le choix de sa loi, que lui reste-t-il de sa souveraineté ?
George Orwell, imprégné des horreurs du nazisme et des dérives du communisme, avait dépeint, dans 1984, ce que pouvait devenir notre quotidien dans un monde régi par un totalitarisme absolu. A contrario, le seul rempart contre de telles dérives reposait sur l’idéal démocratique et ses quelques libertés fondamentales.
Or, insensiblement, nos sociétés que l’on croyait démocratiques le sont de moins en moins. Nous basculons dans un totalitarisme mou.
Quel est ce système ? C’est celui où, grâce à la technologie et au contrôle des flux financiers et commerciaux, quelques dizaines de multinationales, la plupart américaines, entendent organiser, orienter, régenter notre vie quotidienne. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur ? C’est effectivement ce que nous ont apporté ces nouvelles technologies : smartphone, Internet, nano technologies, progrès de la médecine… Le pire ? C’est le nivellement par le bas, la société du tweet, la surveillance, la captation de notre argent, la normalisation de nos goûts, l’uniformisation de nos besoins. Le pire, c’est aussi que cette dérive se fait souvent avec le consentement de ceux qui en sont victimes… sans s’en rendre compte.
Le champ de nos libertés individuelles se rétrécit sérieusement et un jour, peut-être pas si lointain, nos fiches détaillées nourries des milliers de données récupérées par les multinationales, seront mises au service d’un système totalitaire de moins en moins soft.
Après des résultats spectaculaires, dont la victoire d’AlphaGo sur le meilleur joueur mondial de Go, le Deep Learning suscite autant d’intérêts que d’interrogations. Inspiré au départ par une métaphore biologique, celle du cerveau, le domaine des réseaux de neurones est devenu l’un des principaux axes de recherche de l’intelligence artificielle. Quel que soit le secteur d’activité, pas un seul en effet ne semble échapper aux applications du Deep Learning.
Quels sont les principes des réseaux de neurones ? Comment fonctionnent-ils ? Quand et pourquoi les utiliser ? Sont-ils simples à mettre en œuvre ? Qu’est-ce qu’on entend réellement par Deep Learning ?
Jean-Claude Heudin propose avec ce livre de répondre à ces questions. Dans un style direct et richement illustré, les explications sont abordables par le plus grand nombre, avec une mise en pratique au travers d’exemples. Pour comprendre le Deep Learning, nul besoin ici d’un fort niveau en mathématiques. Les principes de calcul sont réduits à des opérations simples et les exemples de programmation sont accessibles. Ce livre s’adresse à tous ceux qui souhaitent comprendre concrètement les enjeux du Deep Learning.
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beaucoup plus sur nous que nous ne le croyons.
Dans cet essai, Gilles Babinet montre que ces données peuvent être utilisées tant pour développer des outils marketing perfectionnés que pour améliorer les prises en charge médicales, permettre aux villes de mieux gérer leurs ressources ou encore pour allier productivité agricole et développement durable. La donnée pourrait bien être l’une des énergies motrices d’une nouvelle révolution industrielle et sociétale qui se profile.
Pour autant, cela soulève de nombreuses questions. Sommes-nous sur le point d’entrer dans une société semblable à celle que décrit George Orwell dans 1984 ? Quels facteurs permettraient à une société démocratique et respectueuse des libertés individuelles de bénéficier de cette nouvelle technologie ? Gilles Babinet fait la lumière sur ces questions en rappelant sans cesse que ce ne sont pas les technologies qui façonnent l’humanité, mais bien l’usage que l’on choisit, collectivement, d’en faire.
Si, en matière de connaissance, il est » interdit d’interdire « , en matière de manipulation, il peut s’avérer nécessaire de refuser certaines retombées des découvertes issues de nos laboratoires et de nos observations. Pour Guy Vallancien, le transhumanisme éclairé s’appuiera sur cinq piliers indissociables : partager les informations afin de décider dans une conscience accrue des enjeux qui concernent notre avenir commun ; participer activement et sans état d’âme au développement de l’intelligence artificielle et à la construction des robots, à la condition qu’Homo Artificialis soit seulement adapté à nos besoins; soulager et réparer celles et ceux qui subissent maladies, traumatismes physiques, psychiques et sociaux innombrables ; refuser catégoriquement les dérives qui tendraient à augmenter l’homme au seul bénéfice d’un surcroît de puissance et de longévité ; et, enfin, promouvoir l’éducation nécessaire pour être en capacité de décider au-delà des seules opinions fluctuantes et irrationnelles.
Guy Vallancien mène une réflexion éthique et philosophique sur les dérives de la robotique médicale, et signe un essai érudit qui plaide pour un nouvel humanisme articulé autour de » l’objet numérique à l’intelligence supérieure » que sera Homo Artificialis.
Des métiers disparaissent par leur faute, des gouvernants s’en servent pour restreindre nos libertés, des entreprises privées les utilisent dans leurs calculs cyniques. Bientôt des « algorithmes intelligents » nous asserviront…
Et si, avant de souscrire à cette vision pessimiste, dans laquelle nous n avons pas voix au chapitre, nous examinions la situation d un peu plus près ? Après tout, les algorithmes sont des créations de l’esprit humain. Ils sont ce que nous avons voulu qu ils soient.
Les algorithmes sont avant tout des solutions, mais ces solutions ne sont pas neutres. S’ils sont à l’origine de transformations radicales des notions de travail, de propriété, de gouvernement, de responsabilité, de vie privée et même d’humanité, c’est donc à nous de décider de quel côté faire pencher la balance. Pour cela, il faut cesser de les subir en cherchant à les comprendre. C’est ainsi que nous pourrons être maîtres de notre destinée.
Menace sur l’humanité et/ou promesse d’une transhumanité, ce nouveau millénarisme est appelé à se développer. Nos machines vont-elles devenir plus intelligentes et plus puissantes que nous ? Notre avenir est-il celui d’une cybersociété où l’humanité serait marginalisée ? Ou accéderons-nous à une forme d’immortalité en téléchargeant nos esprits sur les ordinateurs de demain ?Voici un essai critique et concis sur ce thème à grand retentissement par l’un de nos meilleurs experts des humanités numériques.Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie, où il mène des recherches sur l’intelligence artificielle au Laboratoire informatique de Paris 6 (LIP6). Il est président du comité d’éthique du CNRS et a publié divers ouvrages dont le précurseur L’Âme machine, au Seuil en 1990.
Les découvertes scientifiques des quinze dernières années sur le cerveau ont été spectaculaires et promettent de l’être bien plus encore dans un avenir proche.
Des nouvelles sur le cerveau nous arrivent jour après jour, et du monde entier, révélant les secrets de l’apprentissage, de la mémoire, de l’attention, de la motivation, du leadership, de la prise de décision et nous n’en sommes qu’au tout début !
À l’ère des nouvelles technologies et du tout-numérique, on peut imaginer et même envisager que nous intervenions sur le cerveau humain pour le modifier.
Où en sommes-nous du cerveau, et de l’humain ?
Ces bouleversements que provoquent le numérique et le développement de la science informatique va-t-il nous transformer en hommes-objets, voire en machines ?
L’objectif du livre de Pierre-Marie Lledo est de savoir dans ce contexte comment remettre l’humain au cœur de nos sociétés.
Rapport du 15 mars 2017 au nom de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques
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pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée
Une utopie que les auteurs de science-fiction et les scénaristes d’Hollywood ont imaginée… mais que les progrès technologiques sont en passe de réaliser.
Deux phénomènes se conjuguent : la puissance de calcul des superordinateurs augmente de façon exponentielle ; de nouveaux logiciels reproduisent le fonctionnement des neurones du cerveau humain et confèrent aux machines la faculté d’apprendre. Les systèmes pensants peupleront bientôt les domiciles, les entreprises, les usines, les administrations, les hôpitaux, les villes, les armées. Jusqu’où iront-ils dans leur degré d’autonomie et leur liberté de décision ? Quelle place les hommes préserveront-ils dans un univers contrôlé par les robots ? Après la bombe atomique, l’intelligence artificielle est-elle la deuxième arme létale inventée par l’homme et capable de le détruire ?
La chute de l’Empire humain retrace l’histoire méconnue de l’intelligence artificielle du point de vue du robot : c’est une machine qui raconte ici son aventure et dévoile les mystères de son long cheminement avec l’homme, jusqu’au combat final.
« Penser l’humain au temps de l’homme augmenté », un livre de Thierry Magnin paru aux éditions Albin Michel.
Les progrès fulgurants des biotechnologies, combinés à la révolution numérique, laissent entrevoir un avenir radicalement différent pour l’humanité. L’homme « augmenté » par les technologies, et bientôt « transhumain », peut-il vraiment « sauver l’homme » ou doit-il susciter une virulente résistance ? À travers la critique de l’argumentaire transhumaniste, fondé sur une conception appauvrie de ce qui fait l’humain, Thierry Magnin nous invite à porter un nouveau regard sur la grandeur et la vulnérabilité de notre condition humaine.. Qu’est-ce que l’homme à l’heure où l’on pourra bientôt remplacer ses organes par des machines intelligentes, voire transférer son cerveau sur des super-ordinateurs ? L’anthropologie chrétienne peut-elle nous aider à aborder avec confiance la révolution annoncée afin que celle-ci nous ouvre, non à un abandon de l’humain, mais à son véritable accomplissement ?
Thierry Magnin, physicien et théologien, actuellement recteur de l’université catholique de Lyon, est professeur des universités. Après 26 ans d’enseignement et de recherche en physique à l’Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne, il s’est spécialisé en éthique des sciences et technologies. Il est membre de l’Académie des technologies et de l’Académie catholique de France
28 – Chocs futurs
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Nombreux sont ceux qui travaillent déjà à penser demain pour l’accompagner ensemble et faire des technologies qui en découlent un atout qui s’emploie au bien commun. À travers cinq grandes thématiques, chacune appuyée par le travail d’experts, l’auteur nous invite à partager de nouvelles initiatives et visions du monde afin que nous puissions tous devenir acteurs de ce destin collectif.
Comment opérer une individualisation des soins ? Quelles nouvelles ressources pouvons-nous capitaliser ? Quid du revenu universel ? La cybersécurité, un des enjeux de demain ? Travailler en toute liberté, est-ce possible ? Vivre jusqu’à cent ans, oui, mais comment ? Le Big Data nous connecte, ne peut-il pas optimiser nos vies ? Tant de questions dont nous seuls écrirons les réponses.Un ouvrage publié sous la direction de Michel Lévy-Provençal, fondateur de TEDxParis, Brightness et de L’ÉCHAPPÉE VOLÉE, le do-tank qui met l’innovation au service du bien commun.
Avec les interventions de : Salim Ismail, Xavier Duportet, Nicolas Huchet, Hugo Mercier et Quentin Soulet, Pierre Bélichard, Philippe Menei, Naziha Mestaoui, Sandra Rey, Jean Moreau, Elliot Lepers, Lucie Viry, Timothée Boitouzet, Nicolas Colin, Paul Duan, Santiago Siri, Primavera de Filippi, Marc de Basquiat, Guy-Philippe Goldstein, Marielle van der Meer, Ladislas de Toldi, Erwan Kezzar, Alyette Tritsch, Flora Vincent et Aude Bernheim, Hugues Bersini, Alain Bensoussan, Stanislaw Ostoja Starzewski, Tristan Nitot, Gaël Langevin.
En s appuyant sur de nombreux exemples de stratégies digitales réussies, à la fois dans de grandes entreprises, dans des entreprises de taille moyenne et dans des start-ups, ils fournissent des pistes pour aborder cette révolution numérique le plus efficacement possible.
Cet ouvrage devrait entrer dans la ligne des livres que l on ne lit pas d une traite et que l on consulte régulièrement. On consultera le Victor comme les juristes consultent le Dalloz.
Maurice LÉVY Président du Directoire, Publicis Groupe
Peut-être notre liberté est-elle en danger : les dirigeants de ces grandes entreprises technologiques veulent définir le monde dans lequel nous vivrons dans les décennies à venir. Il s agit donc d éviter que les entreprises imposent leurs choix au monde, au détriment des puissances publiques, dans tous les domaines de notre vie sociale et privée.
Une première question parmi bien d autres émerge : faut-il démanteler Google et les autres GAFA ?
36 – Éloge de ma fille bionique: Philosophie du handicap, humanisme et transhumanisme – 5 juillet 2017
L’homme présumé « diminué » par le handicap apparaît également, de nos jours, opposé en tous points à l’homme supposé « augmenté » dont parle ce courant de pensée contemporain, le transhumanisme. Mais cette confrontation est-elle justifiée ? N’y a-t-il pas plutôt, dans la réconciliation entre pensée du handicap et transhumanisme, une occasion nouvelle et originale de repenser la vieille question du sens de la vie ? C’est ce que cet essai tentera de démontrer.
37 – Intelligence artificielle : des impacts sociaux d’envergure en vue: Une experience sociale majeure – 28 juillet 2017
La complexité de l’intelligence artificielle dépasse notre entendement immédiat et suscite nombre d’idées reçues. Ainsi, l’intelligence artificielle reproduirait l’activité de notre cerveau, elle ferait que les ordinateurs ne se trompent jamais et… qu’à terme nous en devenions les esclaves.
Jean-Gabriel Ganascia, en distinguant la réalité du pur fantasme, nous permet de comprendre ce qui se joue avec l’intelligence artificielle, quelles sont ses potentialités et ce qu’elle ne sera jamais… sauf au cinéma.
Nous sommes au début d’une nouvelle ère. Ce qui était autrefois de la science-fiction, devient réalité, car l’intelligence artificielle transforme la guerre, le crime, la justice, les emplois et la société, et même notre sens de ce que signifie être humain. Plus que toute autre technologie, l’intelligence artificielle a le potentiel de révolutionner notre avenir collectif – et personne n’est mieux situé ou qualifié pour explorer cet avenir que Max Tegmark, un professeur du MIT et cofondateur de Future of Life Institute, dont le travail a contribué à intégrer la recherche sur la façon de garder l’intelligence artificielle bénéfique.Dans ce nouvel ouvrage profondément étudié et d’une importance vitale, Tegmark nous conduit au cœur de la pensée de l’IA et de la condition humaine, en nous confrontant aux questions essentielles de notre temps. Comment pouvons-nous accroître notre prospérité grâce à l’automatisation, sans laisser les gensdépourvues de revenu ou de but ? Quels conseils de carrière devrions-nous donner aux enfants d’aujourd’hui ? Comment pouvons-nous nous assurer que les futurs systèmes d’IA vont faire ce que nous voulons sans dysfonctionner ou être piraté ? Devrions-nous craindre une course aux armements pour des armes autonomes mortelles? Est-ce que l’IA nous aidera à nous épanouir dans la vie comme jamais auparavant ou nous donnera plus de pouvoir que nous ne pouvons gérer ?Life 3.0 donne les outils pour entrer dans ce qui peut être la conversation la plus importante de notre temps, nous guider à travers les questions les plus controversées autour de l’intelligence artificielle – de la super-intelligence au sens, à la conscience et aux limites physiques ultimes de la vie dans le cosmos.Quel avenir voulez-vous?
41 – Intelligence artificielle et transhumanisme: La puissance des mythes technoscientifiques
Format Kindle
Biographie de l’auteur
Si on part du principe, comme l’avait si bien entrevu Claude Lévi-Strauss, qu’un mythe contribue à organiser le monde, que sa substance ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l’histoire qui y est racontée, il doit forcément y avoir, dans le cours de l’évolution d’une société, des matériaux qui permettent de construire un mythe. Et ces matériaux, lorsqu’ils sont puisés dans l’immense forge que sont les technologies, et spécifiquement les biotechnologies, les neurotechnologies, les nanotechnologies et l’intelligence artificielle, tous les éléments sont réunis pour faire en sorte que l’on puisse se raconter une histoire à propos du futur de notre civilisation et de l’espèce humaine.
Dans cet ouvrage, le sociologue Pierre Fraser, enseignant-chercheur à l’Université Laval et à l’Université de Moncton (campus d’Edmundston), nous fait la démonstration que les mythes technoscientifiques sont de puissants catalyseurs des idées proposées par les géants de la Silicon Valley. Il nous explique également pourquoi les mythes technoscientifiques fonctionnent, pourquoi ils arrivent à expliquer, à séduire, à justifier, à mobiliser et à évoluer. Pour y parvenir, les mythes technoscientifiques mettent en œuvre trois mécanismes : la prédiction, l’adhésion et l’aveuglement sélectif, où l’aveuglement sélectif fait appel à quatre autres mécanismes d’une très grande efficacité : l’autovérification, la suppression de la vérification, l’automythification et l’occultation.
Afin d’expliquer ce en quoi consiste un mythe technoscientfique, l’auteur utilise comme exemple le courant transhumaniste. En fait, pour le transhumanisme, la mort n’est pas un horizon indépassable, car il serait possible de l’outrepasser ou d’en ralentir d’autant sa survenue en ralentissant de façon importante le vieillissement. Ainsi, la mort n’est plus du tout considérée comme un problème d’ordre philosophique, spirituel ou même religieux, mais bien comme un problème d’ingénieur. Autrement dit, il suffirait tout simplement de réparer ce qui fonctionne mal et ce qui est défectueux. Ce que cherche finalement à faire le transhumanisme, c’est de transférer le processus évolutif depuis la nature vers une minorité agissante, celle des ingénieurs, plus spécifiquement, ceux qu’il est possible de regrouper sous le vocable de Guilde des ingénieurs de la vie.
44 – Le christianisme est un transhumanisme – 29 septembre 2017
L’introd. force le trait : il relève les nombreuses condamnations du transhumanisme issues du milieu chrétien, citant les auteurs récents ayant écrit sur le sujet. On devine que D. de Gramont ne partage pas cette opinion, mais pour en savoir plus, nous attendrons la fin du livre.
Car la 1re partie est une fresque historique du mouvement transhumaniste, très documentée et utile à tout qui voudrait un panorama sur cette question. Dans la 2e partie – au titre paraphrasant un célèbre ouvrage d’H. de Lubac sur l’athéisme – l’A. démontre les limites de l’idéologie athée appliquée au transhumanisme. En effet, pour lui, les deux ne se confondent pas. La 3e et dernière partie : « Le christianisme comme antireligion transhumaniste » rentre dans le vif du débat.
Le christianisme serait donc une « antireligion », car outre René Girard, de Gramont se revendique de l’analyse de D. Bonhoeffer sur la nécessité de « passer à l’âge adulte » pour le christianisme, en suivant l’homme contemporain émancipé des religions infantilisantes. C’est alors au tour de Teilhard de Chardin de rentrer en lice, comme représentant d’un christianisme transhumaniste : pour notre auteur, en effet, le transhumanisme est un « grand récit » d’un nouveau genre, suscitant l’adhésion des masses et dont la réalisation future ne fait aucun doute. Mais cette réalisation peut mener à la disparition de l’humanité ou bien à sa « transfiguration », nous dit Teilhard : pour ce dernier, la technique – qualité essentielle du propre de l’Homme – fait partie intégrante de l’ascension vers le « Point Oméga » et ne peut être condamnée que par un pessimisme bien loin de l’espérance chrétienne. Le transhumanisme est le prochain combat de la chrétienté, qui a pour tâche de lui éviter de céder à ses démons pour le diriger vers l’accomplissement dans le Christ.
Un point de vue très original sur cette question brûlante, qui pourrait relancer le débat dans le milieu intellectuel chrétien… – G. Kirsch
Responsables ecclésiastiques, journaux, centres universitaires, intellectuels et même mouvements associatifs, personne ne manque à l’appel parmi les chrétiens, particulièrement en France, pour dénoncer les dangers du transhumanisme. C’est que nous sommes en présence d’une bataille pour définir l’humain et ses frontières. Par bien des aspects, le transhumanisme a à voir avec l’espérance chrétienne. Ne serait-il pas, pour (mal) paraphraser Chesterton, une idée chrétienne devenue folle ? Mon propos ne sera pas de trancher sur le fond, de juger de la validité des thèses transhumanistes, mais de décrire ce qui se joue dans ce débat entre transhumanisme et christianisme, afin d’en dégager les opportunités.
Pourquoi le transhumanisme ?
2Un des principaux théoriciens du transhumanisme, Nick Bostrom, le définit comme un « mouvement intellectuel et culturel qui défend le projet et affirme la possibilité d’augmenter de façon fondamentale la condition humaine à travers les nouvelles technologies » [1][1]N. Bostrom, « Transhumanism FAQ : A General Introduction,…. Le présenter comme un « mouvement » n’est pas une mauvaise définition, car le transhumanisme est une pensée militante, qui entend transformer le monde en mettant en œuvre une idéologie.
3Le transhumanisme est né en Californie à la fin des années 1980. S’il est possible d’identifier des précurseurs, le mouvement lui-même et son contenu idéologique ne se sont constitués que sous l’impulsion du britannique Max More et du suédois Nick Bostrom. Il est actuellement constitué d’un réseau d’associations locales, implantées en Europe et en Amérique du Nord pour l’essentiel, et de deux pôles au rayonnement mondial : un pôle californien autour de patrons d’industrie charismatiques et de la Singularity University fondée par Raymond Kurzweil et Peter Diamandis ; un pôle britannique, animé par Nick Bostrom qui dirige le Future of Humanity Institute à l’Université d’Oxford, Bostrom étant par ailleurs expert pour les risques liés à l’intelligence artificielle auprès de diverses institutions officielles. Petit groupe californien de quelques centaines de membres au début des années 1990, comme il y en eut tant, le transhumanisme a réussi à inscrire ses questions à l’agenda intellectuel mondial, en tout cas occidental.
4Ses aspirations ont longtemps suscité des haussements d’épaules. Aspirer à l’immortalité biologique ou à prolonger la vie sur plusieurs siècles, vouloir coloniser l’espace pour y développer la civilisation humaine, rêver d’une fusion de l’humain et de ses machines au point de pouvoir y télécharger l’esprit humain, chercher à augmenter les capacités sensorielles, cognitives et physiques de l’humain, tout ceci semblait et peut encore sembler être des fantasmes d’adolescents attardés. Mais ces rêves sont partagés plus ou moins secrètement par un grand nombre de personnes, des scientifiques comme le spécialiste de l’intelligence artificielle Marvin Minsky ou l’ingénieur Ray Kurzweil, des entrepreneurs comme Peter Thiel (cofondateur de PayPal), Larry Page et Sergeï Brin (fondateurs de Google, devenu Alphabet), des intellectuels conseillers du gouvernement américain comme William Sims Bainbridge (coauteur du rapport de 2002 sur les NBIC [2][2]Champ scientifique multidisciplinaire au carrefour des…). Ces relais influents ont apporté au transhumanisme les moyens de ses ambitions, sous la forme d’abord d’institutions comme la Singularity University ou le Future of Humanity Institute, et surtout à travers les recherches conduites dans des entreprises de biotechnologie (Calico, 23andme), de robotique (Lockheed Martin, Boston Dynamics) et de fondations dédiées (Google X, Sens, Methuselah Foundation).
5Cette diffusion conduit le transhumanisme à changer. S’il est sans doute possible d’identifier un noyau idéologique – l’aspiration à une vie prolongée, l’espoir d’une accélération des technologies et la revendication d’une augmentation des capacités humaines par le biais des technologies –, le transhumanisme n’a pas un corps de doctrine bien défini. Aux côtés du tonitruant transhumanisme californien et du cérébral transhumanisme oxfordien, il n’est pas impossible qu’une branche plus sociodémocrate se structure à l’avenir et puisse avoir l’oreille de décideurs [3][3]Il existe, au sein du transhumanisme, une tendance qui se…. Peut-être aussi qu’à côté de cette dimension militante, se constitueront des transhuman studies, champ de réflexion universitaire qui discuterait certaines intuitions des transhumanistes au sujet des enjeux que soulève l’essor actuel des technologies, sans toutefois en reprendre les attentes.
6Mais, pour l’heure, les débats avec le transhumanisme concernent pour l’essentiel les versions californiennes et oxfordiennes. La première est celle des « tech-milliardaires » qui entendent « kill the death ». La seconde est plus académique, se déployant dans les écrits de philosophes comme Nick Bostrom, Julian Savulescu, Nicholas Agar, John Harris, Gilbert Hottois ou (mais bien plus rarement) de scientifiques comme Gregory Stock. Les critiques émanent d’horizons différents : humaniste, écologiste, antilibéral, par antiaméricanisme aussi. Mais ceux qui ont développé la critique la plus organisée, quasi unanime dans un rejet du transhumanisme, sont les chrétiens. Pourquoi une réaction aussi forte ? Est-ce parce que le transhumanisme est contraire au christianisme ? Ou bien parce qu’il en est trop proche ?
Du transhumanisme comme courant religieux
7Une première façon de répondre à cette question est de cerner la nature du mouvement transhumaniste. Le transhumanisme ne serait-il pas une religion ou une secte ?
8Les intéressés, en général, ne le perçoivent pas ainsi, bien au contraire, la plupart se définissant comme rationaliste. Sur le fond, il y a bien des raisons de ne pas tenir le transhumanisme pour une idéologie religieuse. Pêle-mêle, on peut citer, aux yeux de certaines conceptions fixistes, un attachement à une vision évolutionniste de l’humanité, dans tous ses aspects ; un réductionnisme matérialiste, le vivant n’étant pour lui que flux d’informations physiques ; le rejet épidermique de tout dogme par un mouvement fondamentalement libéral.
9Et, pourtant, par bien des aspects, le transhumanisme a une dimension religieuse. Parmi les penseurs leur servant de références, on compte le jésuite Pierre Teilhard de Chardin et le philosophe religieux Nicolas Fedorov. Une autre de leurs références, le biologiste et penseur Julian Huxley, définissait le transhumanisme comme une « religion sans révélation ». Certains transhumanistes s’en revendiquent pour développer une forme de spiritualité transhumaniste, ou considèrent que certaines traditions spirituelles comme le bouddhisme ou le taoïsme sont compatibles avec la weltanschauung transhumaniste. Il y a donc une proximité avec la sphère religieuse.
10Cette proximité a autorisé des sociologues, notamment en Amérique du Nord, à définir le transhumanisme comme un courant religieux ou parareligieux. Par exemple, Hava Tirosh-Samuelson et Robert Geraci rattachent le transhumanisme aux New Religious Movements, le décrivant comme un mouvement hybride, mêlant motifs religieux et séculiers. Le transhumanisme serait selon eux une idéologie athée, mais religieuse sur le plan fonctionnel. La comparaison avec le New Age est éclairante, car ils ont en partage des éléments remarquables : une conception moniste du réel ; l’idée que l’humain avance par mutation ; la possibilité de dépasser les limites que la science classique accorde à l’humain ; un spiritualisme de la technoscience comme voie de salut ; l’attente d’une nouvelle ère, âge du Verseau ou de la Singularité. Le sociologue Antonio Casilli décrit le transhumanisme comme une version technicisée du New Age.
11Certes, caractériser ainsi le transhumanisme peut aussi servir à le disqualifier : il serait une nouvelle gnose, voire une secte, dont la faute serait de franchir des frontières, mobilisant l’image des « scientifiques qui jouent à Dieu ». Mais cela n’invalide pas la pertinence de ces analyses qui permettent de comprendre ce qui fait le succès de cette idéologie. Malgré son « matérialisme » affiché et revendiqué, les aspirations métaphysiques, voire religieuses, constituent son noyau.
12En effet, le transhumanisme entend prendre en charge des questions qui sont portées par les religions révélées : définir le sens de l’Histoire, de l’Humanité et sa finalité ; proposer d’aller vers une forme d’immortalité ; offrir un salut et un horizon d’espérance ; guérir ; ouvrir à des expériences mystiques par l’usage de technologies qui augmenteraient nos perceptions… Le transhumanisme, par ses aspirations, est un véritable Silicon Pentecostalism, s’inscrivant dans la trace historique du christianisme. Une preuve en creux est l’absence quasi-totale de ce mouvement en dehors des terres culturellement chrétiennes.
Transhumanisme et christianisme : une défiance qui évolue…
13Du fait de sa nature ambivalente, ce mouvement ne pouvait qu’être confronté aux vives réactions des religions en place, d’autant plus que les transhumanistes ont souvent pris l’initiative de la polémique.
14La plupart des militants transhumanistes se définissant comme rationalistes, leur rapport avec les religions a longtemps été celui d’une défiance, mais avec des nuances importantes selon les personnes et les circonstances. Si l’on considère les deux pères fondateurs, autant Fereidoun M. Esfandiary a toujours cultivé une franche hostilité, autant la position de Robert Ettinger a évolué selon le contexte : nuancé dans les années 1960, il a ensuite durci sa position la décennie suivante. De même, la lecture des messages échangés sur les forums transhumanistes américains au début du mouvement, dans les années 1990, montre bien qu’ils sont passés d’une attitude faite d’interrogations à une attitude défensive. Ce durcissement correspond aux « culture wars » que les États-Unis ont connues sous le premier mandat de Georges Walker Bush, lorsqu’il avait institué un President’s Council on Bioethics dirigé par Leon Katz, donnant lieu à des affrontements ouverts entre « bioconservateurs » et « technoprogressistes ». Au même moment, un des transhumanistes les plus sensibles à cette dimension religieuse, le sociologue des religions William Sims Bainbridge, théorise dans plusieurs articles le nécessaire affrontement entre le transhumanisme qu’il tient pour une nouvelle religion, plus cosmique, mieux adaptée au nouveau contexte technologique, et les traditions religieuses. Symétriquement, les réactions des chrétiens ont été vives et souvent très critiques, manifestant un rejet au nom d’un bioconservatisme assumé aux États-Unis, développant aussi des thématiques comme celle de l’intelligent design, qui concurrence le transhumanisme dans son interprétation de l’évolution.
15Mais, depuis une dizaine d’années, cette franche hostilité laisse place à des relations plus apaisées. Des figures du mouvement comme Max More ou Nick Bostrom sont bien plus ouvertes à une discussion avec les milieux religieux. Des rencontres avec des autorités religieuses ont précédé plusieurs sommets transhumanistes, à Toronto ou à Oxford. Un des principaux financiers du mouvement, Peter Thiel, n’a jamais caché son attachement au christianisme. Les travaux de James Hughes, au sein de l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET), ont aussi contribué à apaiser le débat, sans parler des tendances ouvertement religieuses au sein du transhumanisme ou encore de la branche transhumaniste de l’Église mormone. Les chrétiens, de leur côté, se soucient aussi d’une approche plus constructive, à l’image des publications collectives et des séminaires organisés par les théologiens Ronald Cole-Turner ou Calvin Mercer au sein de l’American Academy of Religion.
16En France, les positions demeurent assez tranchées. Les responsables de l’Association française transhumaniste se revendiquent du « matérialisme » ; Laurent Alexandre, proche en cela de William Sims Bainbridge, rêve d’une « religion 2.0 », rejoint par le philosophe Abdennour Bidar qui fait du transhumanisme la voie de sortie du religieux. Les éditeurs, organes de presse et institutions chrétiens sont en général très critiques, avec le souci de dénoncer les dangers des thèses transhumanistes. En partenariat avec la région des Hauts-de-France, l’Université catholique de Lille a pour sa part décidé de former un espace d’information, de débat public et de recherche, à travers la création d’une chaire « Éthique et transhumanisme ». L’enjeu est de conduire une réflexion dans la durée, en cultivant une discussion critique et ouverte, afin de dégager le meilleur et de souligner les risques.
Le transhumanisme, une idée chrétienne devenue folle ?- Thibault Autric-sur Philit 2021
Le christianisme est-il à la racine idéologique du transhumanisme ? La compréhension chrétienne du corps, de sa résurrection, a-t-elle favorisé le développement de l’idéologie d’une « mort de la mort » ? Constatant des similarités, des échos communs, mais aussi des différences essentielles, les lignes qui suivent visent à penser le transhumanisme comme une hérésie gnostique. Le christianisme serait certes une condition de possibilité du transhumanisme, mais non sa caution – ce que résume à merveille Chesterton que l’on peut paraphraser ainsi : « le transhumanisme est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ».
Un questionnement sur les rapports qu’entretiennent christianisme et transhumanisme peut sembler a priori des plus simples, car les déclarations contemporaines de bon nombre d’extropiens comme celles de la plupart des représentants ecclésiastiques jouent sur l’opposition et la confrontation, comme en témoignent par exemple les réticences ecclésiastiques sur la plupart des sujets touchant aux modifications du génome.
Pourtant, loin d’une uniforme opposition, la question de la filiation entre christianisme et transhumanisme fait néanmoins débat, et la lecture des textes transhumanistes ne peut manquer de laisser parfois un arrière-goût de messianisme religieux. Si, de plus, les technologies de convergence et le débat transhumaniste explosent en particulier dans des pays de tradition chrétienne, force est de se demander si le christianisme n’est pas pour quelque chose dans le développement du transhumanisme. L’Évangile est-il un plaidoyer transhumaniste avant l’heure ?
S’il est intéressant de s’attacher à une généalogie intellectuelle du transhumanisme, c’est notamment parce que saisir les ruptures et les continuités donne à voir où sont les viviers d’opposition possibles à ce mouvement en expansion : le christianisme peut-il être une force d’opposition et de résistance au transhumanisme – ou en est-il au contraire la préhistoire ? Une question dont l’importance se trouve relevée si l’on pense, encore une fois, que les promoteurs les plus ardents du transhumanisme – les fameux GAFA, i.e. Google, Apple, Facebook et Amazon – se développent dans un pays de culture chrétienne, au moment même, certes, où la déchristianisation s’y généralise.
Christianisme et transhumanisme : quelle filiation ?
A minima, il existe deux approches appuyant une pensée de la continuité entre christianisme et transhumanisme.
Un premier foyer se trouve dans la tradition de pensée de l’écologie profonde. Il s’agit alors de déceler dans les racines du christianisme – et en particulier dans les textes fondateurs, bibliques et patristiques – des ferments et des germes transhumanistes. Ainsi, dans une certaine perspective d’écologie radicale, christianisme et transhumanisme participent d’un même imaginaire démiurgique et techniciste. C’est notamment la thèse du célèbre article de White Lynn Townsend, « Les racines historiques de notre crise écologique » (1967), figure pionnière de l’écologie. Le christianisme, en ce sens, s’inscrirait dans une vision du monde qui serait à la source de la science moderne, de la technique et in fine du transhumanisme dans ce qu’il a de rébellion contre la nature et d’exaltation de la puissance et de la volonté. Il s’agit alors de déceler un millénarisme techniciste inhérent au christianisme – perspective que le philosophe Dominique Lecourt dit pouvoir être déjà perçue dans les couvents du XIIIe siècle.
La seconde approche continuiste invite à partir à la recherche de « chrétiens transhumanistes », ou plus précisément de pionniers chrétiens de l’idée transhumaniste – la difficulté étant évidemment de montrer que c’est précisément la « part chrétienne » de ces auteurs qui en fait des transhumanistes. Le millénarisme d’un Joachim de Flore (XIIe siècle) et les précurseurs de la science moderne que furent Roger Bacon et Francis Bacon, confirmeraient la compatibilité entre christianisme et transhumanisme, en particulier dans une commune volonté de combattre par l’intelligence et le progrès les souffrances humaines. Si le Christ guérit et secourt, c’est donc un devoir du chrétien de poursuivre cet objectif avec toute la puissance de son intelligence.
Un des grands noms qui émerge dès qu’il est question de transhumanisme est Teilhard de Chardin, prêtre et scientifique dont les travaux mêlant théologie et étude de la théorie de l’évolution ont, les premiers (avant Julian Huxley), véhiculé le terme de « transhumanité ». Quant à la prétention d’en venir à « la mort de la mort » (un credo du transhumanisme), ce sont les mots mêmes de Paul, dans la Première lettre aux Corinthiens (« le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort ») et des Pères grecs du christianisme primitif (Saint Irénée notamment) pour désigner la signification radicale de la kénose et de la résurrection du Christ. En d’autres termes, l’équivalent au moins verbal entre certains idéaux transhumanistes et la théologie chrétienne de la divinisation a de quoi rendre l’héritage complexe. Parler de congruence d’imaginaires n’est en tout cas pas dénué de sens.
Néanmoins, au-delà de toutes les nuances apportées dans les lignes qui précèdent, il faut bien dire que la position dominante au sein de la mouvance transhumaniste est l’idée d’une rupture avec le christianisme, dans tout ce qu’il représente de métaphysique de la finitude et de soumission à la limite perçue comme création divine (comme la loi naturelle par exemple). C’est en particulier la thèse défendue par l’éminent représentant du transhumanisme qu’est Ray Kurzweil, dans son ouvrage Humanité 2.0 : la bible du changement. À l’opposé de l’herméneutique écologique profonde, Max More, partisan « sextropien » (une sorte de transhumanisme extrême), déclare également dans « Essential Transhumanism » que « la religion chrétienne a constitué un frein au progrès social et technologique. Elle tend à séparer le monde sacré et spirituel du monde réel, considéré comme “déchu”, “corrompu” et “avili”, en dénigrant le progrès matériel, antithétique au salut spirituel ».
De leur côté, les Églises semblent en général déployer une méfiance envers le transhumanisme, y voyant non pas une poursuite des idéaux chrétiens mais une philosophie ultra-libérale et anti-naturaliste. On peut ainsi lire, dans le Document XXIV de la Commission théologique internationale, que les « développements accélérés des biotechnologies, qui menacent parfois l’identité même de l’homme (manipulations génétiques, clonage…), appellent d’urgence une réflexion éthique et politique d’ampleur universelle. (…) le législateur ne peut abandonner la détermination de ce qui est humain à des critères extrinsèques et superficiels, comme il le ferait, par exemple, s’il légitimait de soi tout ce qui est réalisable dans le domaine des biotechniques ». Chargé en 2013 par l’épiscopat français de produire une réflexion sur cette question, le biologiste Jean-Guilhem Xerri pouvait avancer lui aussi que « le transhumanisme percute à la fois l’incarnation, la grâce et la résurrection, soit trois fondamentaux de la foi chrétienne ». En règle générale, dans un monde où les Églises entendent représenter le camp de la vulnérabilité et de l’humanité incarnée, la promesse transhumaniste fait office de repoussoir.
Une hérésie gnostique du christianisme
Il est possible de comprendre l’existence même de cette ambiguïté de filiation en faisant l’hypothèse que le transhumanisme est une hérésie du christianisme. Le principe de l’hérésie est de se développer au départ comme une interprétation de la foi chrétienne, interprétation jugée par la suite déviante. En ce sens, l’hérésie se nourrit du terreau chrétien, mais s’en sépare dans les interprétations données. Une hypothèse qui revient à affirmer que le christianisme est la condition de possibilité du transhumanisme, mais que le transhumanisme se trouve précisément « hérétique » en tant qu’il se fonde sur ce substrat chrétien (devenu occidental dans notre cas), mais s’en sépare sur les interprétations qu’il donne de ces idées chrétiennes.
Plus précisément même, en fouillant dans l’histoire des hérésies chrétiennes, il semble possible d’avancer l’idée que le transhumanisme est une hérésie moderne gnostique – un gnosticisme immanentisé (i.e. matérialiste, ramené à cette vie là). La gnose, ou plus précisément le gnosticisme en tant que pseudo-gnose – car les Pères de l’Église considéraient qu’il y avait une bonne gnose –, peut se définir par l’alliance d’un dualisme métaphysique radical et d’une exaltation du rôle du savoir dans le salut. Dualisme métaphysique et élitisme de la connaissance donc, parties intégrantes d’une sotériologie héroïque, d’une science du salut à la force de l’intelligence et du poignet. Le dualisme métaphysique gnostique, blâmant la matière au bénéfice de l’intelligence, se constitue en une exaltation désincarnée du savoir, dans une certaine haine de la matière et du corps, principes du mal. Face à ce poids de la matière, c’est au savoir (la gnose) que revient la responsabilité du salut – salut difficile, ascétique, et de ce fait réservé à une petite élite.
Toutes proportions gardées, on trouve dans le transhumanisme les deux caractéristiques énoncées du gnosticisme : le savoir (cette fois scientifique) exalté vient briser la logique pesante et mortifère de la matière. En particulier – et c’est là qu’il rejoint la dévalorisation gnostique de la matière –, le transhumanisme développe un refus de la chair et de la vulnérabilité, que la raison scientifique et technique se doit d’annihiler, comme le montre le passage d’une médecine thérapeutique à une médecine améliorative. Autrement dit, et c’est ici que l’on peut parler d’immanentisation, le transhumanisme distingue l’humain et le transhumain, là où le gnosticisme antique distinguait l’homme charnel et l’homme spirituel. Le dualisme est donc maintenu, mais immanentisé, placé sur un plan uniquement matérialiste.
En d’autres termes, le transhumanisme s’inscrit dans un rapport hérétique en tant qu’il réinterprète des pensées issues du christianisme dans une perspective uniquement matérialiste : c’est alors que la « mort de la mort » devient un idéal biologique (et non spirituel), et que le rôle de la volonté dans l’ascèse chrétienne (comme tension vers Dieu) se transforme en exaltation du savoir technico-scientifique. D’où l’importance de la question : de quoi parle-t-on en effet lorsqu’on parle d’un transhumain ?
Dualisme, rôle du savoir et de la connaissance : à ces deux éléments autorisant un rapprochement entre gnosticisme et transhumanisme, il faut en ajouter un troisième pour terminer, à savoir l’influence historique des spiritualités orientales sur le mouvement gnostique et l’influence contemporaine des spiritualités orientales sur le mouvement transhumaniste – une similitude qui interroge et qui pourrait encore confirmer notre hypothèse.
Dans La Perte des sens, Ivan Illich écrivait : « Il n’est pas possible d’expliquer [le régime de la technique] si on ne le comprend pas génétiquement comme une résultante du christianisme. […] Parmi les caractères distinctifs et décisifs de notre âge, beaucoup sont incompréhensibles si l’on ne voit pas qu’ils sont dans le droit fil d’une invitation évangélique, à chaque homme, qui a été transformée en un but institutionnalisé, standardisé et géré ». Tenter de penser le transhumanisme comme une hérésie gnostique peut étonner. Pourtant, en parlant d’hérésie chrétienne, il s’agissait de suggérer que le transhumanisme a trouvé un terreau fertile au sein du christianisme, avant de s’en séparer sur bien des points. En effet, le transhumanisme serait-il pensable sans une conception de l’individualité et de la subjectivité héritée du christianisme ? Serait-il pensable sans une philosophie de l’histoire pensée comme progrès, elle aussi issue du judéo-christianisme ?
Il est peu question, dans les débats transhumanistes, des pays comme la Chine, le Japon ou l’Inde, qui sont pourtant eux-aussi à la pointe des nouvelles technologies. Comment le comprendre ? Ne peut-on voir s’y jouer par contraste le rôle de la culture chrétienne dans le transhumanisme ?
Convergences eschatologiques, ruptures anthropologiques
17Il est sans doute possible de proposer un état des lieux de ce que peut être un débat entre christianisme et transhumanisme, mutatis mutandis, de ce que ce débat pourrait apporter aux uns et aux autres.
18Il est d’abord frappant de voir le transhumanisme nourrir des attentes eschatologiques, avec une tonalité plus ou moins prophétique selon les acteurs. Le transhumanisme reprend la question des fins dernières à différentes échelles. L’idée que nous sommes à un tournant de l’Histoire, du fait d’une accélération et d’une convergence des technologies, est un des piliers de cette idéologie. Cela peut prendre des formes résolument millénaristes, autour notamment de l’idée de Singularité. Notion importée de la physique dans la philosophie de l’Histoire par le biais des romans de science-fiction de Vernor Vinge, ce terme désigne le point de basculement au-delà duquel la rupture technologique sera telle que toute prospective est impossible. La conviction que la Singularité surgira brutalement n’est pas partagée par tous les transhumanistes ; la plupart la perçoivent comme progressive, ce qui n’est pas sans rappeler l’évolution des premiers chrétiens, au fur et à mesure des générations, à l’égard du retour du Christ… Certains transhumanistes, notamment ceux qui travaillent sur la notion de « risque existentiel » élaborée par Nick Bostrom et Kim Eric Drexler, envisagent la possibilité d’une rupture catastrophique : l’élimination de l’humain par l’intelligence artificielle ou parce qu’il ne se serait pas engagé dans la mutation transhumaniste. En tout cas, pour le mouvement transhumaniste, la fin des temps approche, qu’elle soit heureuse ou non, qu’elle soit imminente ou progressive. L’être humain entre dans une phase de son évolution pour laquelle tous les repères éthiques et politiques actuels seront caducs, comme le temps du Royaume suspendra la Loi : c’est cette perspective eschatologique qui conduit les transhumanistes à demander une révision des processus actuels de bioéthique, car la situation nouvelle invaliderait des distinctions autrefois valables, comme celle entre thérapie et augmentation.
19Les fins dernières sont aussi envisagées à hauteur humaine, car le transhumanisme aspire au salut, au rétablissement de la condition humaine avant la chute. Vouloir arracher l’être humain à « la loterie de la nature », dépasser ses limites corporelles, surmonter la mortalité, tel est le cœur du transhumanisme : notre condition d’humbles mortels n’est pas, selon eux, la condition humaine définitive. Celui-ci doit aspirer à une vie plus glorieuse et accomplie, non seulement par sa réalisation sociale ou psychologique, mais aussi corporelle. Mais ce salut ne viendra pas d’une intervention extérieure à l’humain, d’un Dieu, mais de son œuvre même. Le progrès technologique est la destinée humaine, l’instrument de son salut. Ce statut métaphysique de la technologie explique le peu d’intérêt des transhumanistes pour la réalité de son développement : il n’y a quasiment rien dans la littérature transhumaniste, et sur leurs forums, sur le réel des technologies, sur leur enracinement social, économique et politique. La technologie y est présentée hors-sol, comme un deus ex machina, au sens propre du terme.
20Cette idée du rôle salvateur des techniques n’est pas étrangère, loin de là, à la tradition chrétienne, mais celle-ci en a aussi toujours souligné l’ambivalence, comme en témoigne la réflexion des Pères de l’Église sur la valeur des vêtements, chargés d’ambiguïté, à la fois rappels de notre chute et signes de notre salut [4][4]Erik Peterson, Pour une théologie du vêtement (traduit par Yves…. La technique, comme le travail d’une façon générale, est à la fois nécessaire et insuffisante à apporter un salut. Les chrétiens ont donc la responsabilité de s’investir dans la quête technologique, non seulement pour en dénoncer les risques, mais aussi pour en dégager le potentiel libératoire. Karl Rahner, dans un article de 1966 sur « l’automanipulation de l’homme », évoquant les débuts balbutiants de la génétique mais ayant bien conscience de ses enjeux, écrivait qu’« il y aurait à déplorer que les chrétiens (à la différence de l’Église officielle qui, comme telle, n’a pas de devoir ici) fassent preuve de si peu de courage et d’imagination créatrice pour contribuer à une idéologie constructive en faveur de cette automanipulation et de son avenir lointain, encore que catégorial. En général, ils se contentent en conservateurs de mettre en garde et de freiner » [5][5]K. Rahner, « La manipulation de l’homme par l’homme », Écrits…. Voilà des lignes, signées de la main d’un des plus grands théologiens catholiques du XXe siècle, dont la pertinence se vérifie encore aujourd’hui.
21La prise de conscience de la dimension eschatologique du transhumanisme permet de mieux comprendre son discours sur le corps. Loin d’un mépris de celui-ci, le transhumanisme propose un salut et une guérison par l’avènement technologique de corps glorieux. Des figures majeures du mouvement (Nick Bostrom, Max More, Ray Kurzweil, Peter Thiel, etc.) ont souscrit un contrat pour que leur corps (ou leur tête) soit cryonisé après leur mort. Lorsqu’on lit Robert Ettinger [6][6]R. Ettinger, L’homme est-il immortel ?, Denoël, 1964. – fondateur de la cryonie et un des auteurs de référence du mouvement transhumaniste –, on est frappé par son questionnement religieux, sous un matérialisme affirmé. La congélation est pour lui une suspension de la vie, dans l’attente d’une réanimation qui a bien des atours de la résurrection, car ce corps nouveau sera nécessairement augmenté, libéré de sa mortalité. Cette idée d’un sommeil dans l’attente d’un salut n’est pas sans rappeler la dormition ou encore la prière liturgique chrétienne qui s’adresse ainsi à Dieu : « Souviens-toi aussi de nos frères et sœurs qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection. » Le corps téléchargé dans une mémoire numérique – autre version de l’immortalité cultivée par certains transhumanistes – traduit aussi l’espérance d’accéder à un corps total, à un corps glorieux, qui correspond peut-être à une autre sensibilité, plus catholique ou orthodoxe.
22La nécessité de ne pas tenir la mort comme une fatalité est le deuxième pilier du transhumanisme. Ce point les rapproche encore des chrétiens, héritiers d’une tradition biblique qui n’a de cesse de dénoncer le scandale de la mort et sa dimension non ontologique. L’attente chrétienne est celle d’une victoire sur la mort : « Le dernier ennemi détruit, c’est la Mort » (1 Corinthiens 15,26). Déjà, avant même sa Résurrection, Jésus n’« augmentait »-il pas ? Les personnes qu’il a guéries ont été transformées, comme « transhumanisées » ! Jésus ne rétablit pas la santé, il transcende les déterminismes biologiques et sociaux. N’est-ce pas ses appels radicaux (« Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » ; Matthieu 11,5) qui ont inspiré aux chrétiens la création des hôpitaux au Ve siècle et, bien plus tard, l’essor technologique au fil des « renaissances » qui ont scandé l’histoire occidentale, des Carolingiens au XVIIe siècle, en passant par l’entreprise monastique et l’humanisme chrétien ? La victoire sur la mort biologique, pourrait-on demander, retire-t-elle tout sens à la résurrection ?
23Mais, justement, c’est là que se fait la rupture pour les chrétiens. Ce refus de céder devant la mort sous-tend, chez les transhumanistes, le rejet de la distinction entre l’action thérapeutique et l’augmentation. Or, bien des commentateurs chrétiens y voient une distinction fondamentale, car elle renvoie au fait que la victoire sur la mort passe par la rencontre avec l’autre. C’est cette rencontre qui permet à Jésus de guérir au-delà de la guérison. C’est cette rencontre qui donne sens à la lutte contre la mort, car elle n’abolit pas la mortalité, cet élément clé de la condition humaine qui fonde toute politique : nous sommes unis d’abord parce que nous sommes tous des mortels [7][7]Fr. Damour, Heureux les mortels, Corlevour, 2016.. L’aspiration au salut devient, dans l’idéologie transhumaniste, non pas une victoire sur la mort, mais le désir de pouvoir planifier et contrôler sa mort.
24Au fond, la rupture entre le christianisme et le transhumanisme est avant tout anthropologique. « Les théories transhumanistes peuvent remettre en cause l’anthropologie chrétienne sur deux points : elles nient la finitude de la créature humaine et ignorent totalement la notion de péché. Pour ces théoriciens, le salut n’est donc en rien relié au péché. Il dépend au contraire de l’homme seul », souligne le théologien protestant Denis Müller [8][8]D. Müller, « Human enhancement, humanisation de l’homme et…. Il y a loin entre augmenter les capacités d’une personne et augmenter son humanité… Bien plus, cette aspiration à augmenter les capacités humaines risque d’étendre à la vie privée l’évaluation des performances qui prévaut déjà dans le monde du travail, avec toutes les logiques de marginalisation et de sélection que l’on connaît. En fait, si chrétiens et transhumanistes s’accordent sur l’aspiration humaine à une transformation (glorification ou augmentation), il y a désaccord sur la nature et le mode de cette transformation. L’épreuve de l’altérité, le souci de la vulnérabilité, le sens de notre finitude sont autant de socles de notre commune humanité. Les transhumanistes ont tendance à oublier la dimension collective, que nos corps sont inscrits dans des corps sociaux. Leur conception du corps est aussi abstraite et hors-sol que leur approche de la technologie. Leur morale principalement utilitariste et leur libéralisme porté au rang d’anthropologie constituent sans doute des obstacles difficilement surmontables pour comprendre cette densité de l’incarnation et expliquent leur profonde compatibilité avec le régime politico-technique néolibéral actuel.
25Le défi pour le transhumanisme réside dans la possibilité que le préfixe n’absorbe pas tout entier le substantif qu’il est censé augmenter, que le trans- n’abolisse pas l’humain… Enjeu social, personnel mais aussi proprement technologique, car que sont des technologies qui ne sont pas au service d’un chemin d’humanité ? Sont-elles encore des technologies ?
26***
27La confrontation entre transhumanistes et chrétiens est inévitable, car le transhumanisme est un courant politique qui a des ambitions métaphysiques. Cette confrontation sera certes plus ou moins vive selon les héritages culturels, mais elle ne sera fructueuse que si elle se fait interpellation. Une confrontation franche, sans gommer les éléments – essentiels – de rupture, mais avec l’idée que chacun peut en sortir grandi. Les transhumanistes y gagneraient à mieux prendre conscience des impensés métaphysiques et anthropologiques de leurs aspirations. Les chrétiens pourraient en retirer une interpellation sur les fins dernières, aspect de leur foi qu’ils ont plutôt laissé en jachère ces dernières générations, comme si l’allongement de l’espérance de vie avait recouvert toute question.
28En effet, pour répondre aux questions que soulève le transhumanisme – Quel rôle assigner à la technologie dans la culture humaine ? Dans notre rapport au cosmos ? Comment ne pas faire de la technologie une prédation mais un service ? –, il faut sans doute désacraliser les technologies. Un rôle de profanateur et de briseur d’idoles que les chrétiens ont si souvent assumé et qui permettrait de libérer les technologies de toute gangue sacrée. Cette libération serait l’occasion de donner une orientation à ces technologies, d’énoncer l’horizon eschatologique dans lequel elles pourront trouver leur juste place. Dans cette interpellation réciproque se joue aussi la possibilité de travailler à la nécessaire sécularisation des aspirations technologiques et de leur offrir une meilleure réalisation.
Notes
- [1]
N. Bostrom, « Transhumanism FAQ : A General Introduction, version 2.1 », consultable en anglais sur le site http://humanityplus.org/philosophy/transhumanist-faq/
- [2]
Champ scientifique multidisciplinaire au carrefour des nanotechnologies (N), des biotechnologies (B), des technologies de l’information (I) et des sciences cognitives (C).
- [3]
Il existe, au sein du transhumanisme, une tendance qui se définit parfois comme technoprogressiste et entend réconcilier la gauche avec la technologie. En dehors du transhumanisme, mais avec des convergences possibles, un mouvement accélérationniste a été initié en 2013 par deux jeunes penseurs néomarxistes, Alex Williams et Nick Srnicek, avec un important écho international (cf. Laurent de Sutter [dir.], Accélération !, PUF, 2016).
- [4]
Erik Peterson, Pour une théologie du vêtement (traduit par Yves Congar), Éditions de l’Abeille, 1943. Réédité dans Nunc (n° 26, mars 2012).
- [5]
K. Rahner, « La manipulation de l’homme par l’homme », Écrits théologiques, vol. 12, Mame, 1970, p. 152.
- [6]
R. Ettinger, L’homme est-il immortel ?, Denoël, 1964.
- [7]
Fr. Damour, Heureux les mortels, Corlevour, 2016.
- [8]
D. Müller, « Human enhancement, humanisation de l’homme et théologie de l’intensité », Études théologiques et religieuses, 2014/4.
- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/06/2017
- https://doi.org/10.3917/etu.4240.0051
Il s’attaque aujourd’hui à l’Intelligence artificielle (IA) et aux vertigineuses mutations qu’elle va déclencher dans nos modes de vie, et en particulier dans notre conception de l’éducation.
D’un côté, l’IA progresse bien plus vite que tous les pronostics avancés : la rapidité d’apprentissage de l’IA est multipliée par 100 chaque année. Il faut trente ans pour former un ingénieur ou un radiologue, quelques heures pour éduquer une IA !
De l’autre, une école qui n’a pas évolué depuis 250 ans qui forme aux métiers d’hier et qui n’a pas intégré le bouleversement inévitable que l’IA va provoquer sur le marché du travail. Comment faire pour que nos cerveaux biologiques résistent à l’IA et restent complémentaires ? Comment nos enfants pourront-ils rester compétitifs face à l’IA ? Comment l’éducation, non totalement darwinienne, trouvera-t-elle sa place à côté des cerveaux de silicium boostés par les moyens presque infinis des GAFA et autres géants américains et chinois ?
Quels scénarios l’Humanité devra-t-elle choisir ? Faut-il accepter le vertige transhumaniste qui nous « upgrade » biologiquement mais nous maintient Homme ? Fusionner avec l’IA en devenant des cyborgs ? Interdire ou limiter puissamment l’IA ?
C’est à cette réflexion fondamentale et passionnante que Laurent Alexandre nous invite.
46 – Superintelligence – 11 octobre 2017
Isaac Asimov l’avançait dès 1942 avec ses trois lois de la robotique : l’intelligence artificielle doit être contrôlée au plus profond de ses fondements pour qu’elle ne puisse jamais s’attaquer à l’Homme. Mais comment s’assurer qu’une superintelligence ne se révèlera pas hostile à la survie de l’humanité ?
Dans cet ouvrage unique, best-seller international traduit en 19 langues, Nick Bostrom nous révèle les difficultés que la recherche d’une intelligence supérieure va nous poser et comment les résoudre. Il s’agit sans doute du plus grand défi auquel l’humanité aura à faire face. Il faut s’y préparer.
47 bis – Ça va pas la tête ! Cerveau, immortalité et intelligence artificielle, l’imposture du transhumanisme – 14 mars 2018
Forts de leur expérience et de leur autorité dans le domaine des neurosciences et du vieillissement, Danièle Tritsch et Jean Mariani dénoncent l’imposture du transhumanisme et ses excès ou délires, données scientifiques à l’appui. De façon accessible et vivante, avec de nombreux exemples de la vie quotidienne, ils démontrent que les efforts lents et soutenus de la recherche biologique et médicale auxquels contribuera l’intelligence artificielle restent la seule voie pour comprendre le fonctionnement du cerveau, le maintenir en bonne santé (cerveau préservé), le doter de capacités nouvelles (cerveau augmenté) et, dans un délai non prévisible, guérir ou stabiliser les maladies neuro-dégénératives (cerveau réparé). L’homme dieu, quant à lui, ne s’appuie sur rien de tangible.
48 – Aventures chez les transhumanistes : Cyborgs, techno-utopistes, hackers et tous ceux qui veulent résoudre le modeste problème de la mort
19 avril 2018
n49 bis Et si nous devenions immortels ?: Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité – 17 octobre 2018
Comment la technomédecine va bouleverser l’humanité
On sait maintenant donner vie à des souris issues de deux femelles ou de deux mâles. Il devient possible de cibler dans le cerveau humain des souvenirs traumatisants pour les effacer. Au cours du XXIe siècle, l’espérance de vie est amenée au moins à doubler. De l’homme réparé à l’homme augmenté, il n’y a qu’un pas qui sera franchi, soulevant d’inévitables questions éthiques. L’homme changera-t-il de nature ? À quelles nouvelles inégalités s’attendre ? Que deviendra notre système de retraites avec l’allongement de la vie ? Sans prendre parti, ce livre analyse les termes du débat. Face à des évolutions inéluctables, il est encore temps de choisir entre certaines options. Voici un panorama passionnant et vertigineux des enjeux de la technomédecine, au cœur d’une révolution sans précédent, qui est déjà en marche.
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n49terIntelligence artificielle : Enquête sur ces technologies qui changent nos vies– 17 octobre 2018
Téléphones à tout faire, maisons intelligentes, voitures autonomes, «big data» omniprésent… Pas besoin de chercher bien loin : les machines qui pensent sont déjà parmi nous. Au point de faire peur parfois : comme la créature de Frankenstein, ces nouvelles intelligences échapperont-elles un jour à leurs créateurs pour prendre le pouvoir ? Parce que l’intelligence artificielle suscite autant d’enthousiasme que de crainte, cette enquête propose d’en revenir aux faits en exposant l’état de la recherche, les progrès en cours et les grands chantiers de demain. Que désigne, au juste, le terme «intelligence artificielle» ? Les robots annoncent-ils réellement la fin du travail ? Pourra-t-on bientôt guérir des pathologies rares grâce à la médecine prédictive? Ou encore : sommes-nous toujours capables de différencier un morceau composé par un ordinateur de l’oeuvre d’un humain? Avec l’éclairage des meilleurs experts, un vaste tour d’horizon d’une saga de science-fiction devenue réalité.
C’est l’obsession de l’époque. Entreprises, politiques, chercheurs… ne jurent que par elle, car elle laisse entrevoir des perspectives économiques illimitées ainsi que l’émergence d’un monde partout sécurisé, optimisé et fluidifié. L’objet de cet enivrement, c’est l’intelligence artificielle.
Elle génère pléthore de discours qui occultent sa principale fonction : énoncer la vérité. Elle se dresse comme une puissance habilitée à expertiser le réel de façon plus fiable que nous-mêmes. L’intelligence artificielle est appelée, du haut de son autorité, à imposer sa loi, orientant la conduite des affaires humaines. Désormais, une technologie revêt un « pouvoir injonctif » entraînant l’éradication progressive des principes juridico-politiques qui nous fondent, soit le libre exercice de notre faculté de jugement et d’action.
Chaque énonciation de la vérité vise à générer quantité d’actions tout au long de notre quotidien, faisant émerger une « main invisible automatisée », où le moindre phénomène du réel se trouve analysé en vue d’être monétisé ou orienté à des fins utilitaristes. Il s’avère impératif de s’opposer à cette offensive antihumaniste et de faire valoir, contre une rationalité normative promettant la perfection supposée en toute chose, des formes de rationalité fondées sur la pluralité des êtres et l’incertitude inhérente à la vie. Tel est l’enjeu politique majeur de notre temps.
Ce livre procède à une anatomie au scalpel de l’intelligence artificielle, de son histoire, de ses caractéristiques, de ses domaines d’application, des intérêts en jeu, et constitue un appel à privilégier des modes d’existence fondés sur de tout autres aspirations.
Deux textes, deux mises en gardes urgents : l’IA va-t-elle dynamiter la politique ?
Pour Laurent Alexandre les effets de l’irrésistible progression de l’IA vont tout bouleverser.
À l’origine on pensait qu’Internet deviendrait le principal outil de la promotion de la démocratie, au contraire le web est devenu un outil majeur de désinformation et de contrôle policier, allié des régimes les plus autoritaires. Le pouvoir est désormais tout entier dans une poignée de mains : Washington et ses GAFA, le parti communiste chinois et ses BATX.
Le capitalisme cognitif – c’est-à-dire l’économie de la connaissance, de l’IA et du big data va modifier radicalement la hiérarchie des nations. L’Europe est en péril, la France ne réagit pas, le politique est coupable !
Jean François Copé, dans un second texte, répond aux inquiétudes et anathèmes de Laurent Alexandre. La politique doit devenir plus importante que jamais pour réguler notre pouvoir démiurgique sur la nature et nous-même et donc décider de l’avenir de l’Humanité. Des initiatives précises sont à prendre à tous les niveaux : manipulations génétiques, sélection embryonnaire, IA, la fusion neurone – transistor… Il faut sauver la politique pour sauver l’homme.
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Dans le cadre des débats contemporains suscités par les courants dits transhumanistes et par le développement des technosciences, cet ouvrage polyphonique interroge différentes pratiques de transformation des corps et les incidences qu’elles ont sur ce qu’être humain veut dire.
En nous, peu à peu, le doute s’est insinué : cette humanité dont le paradigme, plus ou moins idéalisé, a structuré le rapport des Occidentaux à eux-mêmes et aux autres existe-t-elle encore ? A-t-elle jamais existé et si oui depuis quand ? Et si oui encore, quels sont ses traits distinctifs ? Ces traits sont-ils universels (au sens de identiques toujours et partout) ? Constate-t-on dans la modernité un effacement ou une déformation, un délitement ou une transformation de ces traits ? Ces interrogations s’inscrivent dans la continuité du questionnement porté par Michel Foucault il y a 50 ans. Les auteurs le reprennent et le transforment, à partir de cet objet intime et toujours étranger que le corps constitue pour chacun et pour les autres. C’est donc du corps qu’il s’agira ici, au sens non seulement du corps propre, mais également du corps pulsionnel, imaginaire, malade, etc. Quelles projections anthropomorphiques sont à l’œuvre dans les inventions technologiques de l’intelligence artificielle et des biotechnologies ? Quels sont les enjeux subjectifs de la demande de maîtrise technologique sur le corps en matière de génie génétique, prothèses, ou lutte contre le vieillissement ? Comment les dispositifs machiniques interfèrent-ils dans la vie affective du sujet et la construction de son image ? Quels rapports de pouvoir sont impliqués dans les techniques génétiques et les appareillages prothétiques ? C’est à l’élaboration de ces interrogations que concourt ce travail collectif.
n53 – La déconstruction de l’homme
Eric Lemaître -16 janvier 2019
Le mérite de ce livre n’est pas seulement de diagnostiquer avec lucidité les maux qui nous menacent. C’est aussi de proposer des solutions concrètes et d’apporter des remèdes. Bergson disait déjà que ce qui est condamnable dans le progrès technique, ce n’est pas tant la technique en elle-même que le déséquilibre qui risque toujours de s’instaurer entre la puissance matérielle dont l’homme dispose et sa croissance morale et spirituelle. Tout se passe comme si l’âme de l’homme était devenue trop petite dans un corps démesurément trop grand pour elle. Bergson nous invitait dès lors à donner au progrès technique un « supplément d’âme » qui permette à l’homme de reprendre le contrôle de ses instruments. Il faut que « la mécanique soit animée par une mystique ». Pour Éric Lemaître qui puise dans sa foi chrétienne, qui vitalise toute sa pensée, seule une « éthique de la non-puissance » peut mettre fin à ce fantasme de toute-puissance.
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n54 IA – la nouvelle barbarie
Géolocalisation, réponses automatiques aux mails, propositions d’achats ciblant les goûts du consommateur… L’intelligence artificielle est déjà à l’oeuvre dans notre quotidien. Et sa place ne cesse de grandir, de s’affirmer à chaque seconde. « Pour notre bien »,assurent les GAFA et autres géants du numérique. Pourtant, l’intelligence artificielle n’est pas une technologie comme les autres ni un simple progrès technique. Elle contient une philosophie, une vision de la vie et de l’Homme inquiétante.Promouvant en effet une équivalence entre l’humain et la machine, elle permet d’imaginer une pensée sans sujet qui nie la subjectivité. En imitant l’homme, elle le défie (et parfois le surpasse) dans des domaines essentiels de la vie en société : lajustice, la médecine ou l’organisation du travail…. L’Homme risque ainsi de se retrouver passif,les rapports humains détruits, la démocratie sapée dans ses fondements. Pour quel bénéfice ? De nouveaux services, parfois utiles, certes efficaces mais qui viennent enrichir essentiellement les GAFA en déstabilisant dangereusement nos sociétés.
Tout en expliquant clairement l’évolution des diverses technologies, cet ouvrage dissèque les défis que la machine lance aujourd’hui à l’Homme et s’inscrit en faux contre le discours dominant : Non, l’Intelligence artificielle n’est pas un progrès« comme les autres », un « sens de l’Histoire »irrévocable.
Cédric Sauviat et Marie David sont ingénieurs diplômés de l’Ecole Polytechnique. Cédric Sauviat, chef d’entreprise, milite depuis plusieurs années pour l’émergence d’un débat sur les conséquences de l’intelligence artificielle et intervient régulièrement dans les médias à ce sujet. Marie David a dirigé plusieurs équipes dédiées au Big Data et à l’IA dans le secteur de la banque et de l’assurance.
n55 – Transhumanisme : la conscience mécanisée
Eric Lemaître – 31/12/2019
En 2018, les deux premiers bébés génétiquement modifiés sont nés en Chine. Un premier pas vers le transhumanisme, qui a bouleversé le monde scientifique. Dans cet ouvrage, Éric Lemaître démontre que ce phénomène est le résultat d’un long processus de réification au sein même de l’espèce humaine, entre mythes du surhomme et l’idéal d’un homme cyborg immortel.
Cette volonté de dépasser l’Homo sapiens se traduit désormais à travers une confiance aveugle dans les savoirs techniques, devenus omniprésents dans nos sociétés. Les technologies toujours plus performantes et augmentées instaurent une étape nécessaire au transhumanisme et malheureusement, génératrices d’une forme de vacuité, de vide de la conscience, d’une conscience devenue servile. La toute-puissance de ses nouveaux instruments scientifiques fera alors passer l’humanité du côté de ses inventions, de ses objets, de ses prouesses technologiques.
Et si la « machinisation » de l’homme se transformait en une entité que nous ne contrôlions plus ? Le transhumanisme marquerait-il la fin de l’espèce humaine sur Terre ? Un sujet passionnant que traite Éric LEMAITRE avec un regard critique sur le progrès sans conscience.
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n55La transmutation posthumaniste
Animal politique et corps de chair, la personne humaine va-t-elle être remplacée par le transhumain génétiquement modifié, le cyborg au métacorps augmenté, l’humanoïde branché sur des réseaux d’intelligence artificielle, le mutant hybride à très longue durée? ? Sommes-nous à l’aube d’une rupture anthropologique majeure provoquée par l’application mercantile des biotechnologies et des neurosciences sur l’ensemble du vivant? Avec l’expansion mondiale des marchés dérégulés de la naissance artificielle (FIV, PMA, GPA), des modifications corporelles profondes (transgenrisme, chirurgies de biodesign), des «objets intelligents» bioconnectés (implants de puces radio-identification) ou des médecines de dépassement de l’humain (dopage, sélection génétique, clonage), la transmutation posthumaine, largement financée par les géants de l’industrie cybernétique, sort des romans de science-fiction pour investir les corporéités singulières mais aussi les corps sociaux et politiques.
Quatorze auteurs issus de différents champs disciplinaires mènent dans cet ouvrage des réflexions critiques sur l’anthropotechnie qui bouleverse le monde de la vie.