Immanence et Transcendance

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Extrait de Le Sens du Beau, Aux origines de la culture contemporaine de Luc Ferry, Éditions Cercle d’Art, 1998, page 214 :
Husserl prenait, paraît-il, dans ses cours un exemple qui est resté célèbre : l’exemple du cube phénoménologique. Il prenait un cube, et, le montrant aux étudiants, disait : « Vous n’en verrez jamais que trois faces, quoi que vous fassiez vous n’en verrez jamais que trois faces. » Ce qui voulait dire métaphoriquement que dans toute présence à la subjectivité et à la conscience humaine il y a aussi une part d’absence, dans tout visible une part d’invisible, une part de transcendance en quelque façon, et c’est ce que Heidegger, qui avait bien suivi les cours d’Husserl, nommera l’être, c’est-à-dire ce qui échappe, ce qui est au-delà de toute présence et qui pour autant n’est pas un objet identifiable, n’est pas un « étant » particulier. Je crois que cette idée de la transcendance est aussi en quelque façon une idée du sacré. Elle permet de réhabiliter, dans un univers qui s’est radicalement débarrassé de la religion, la notion d’une vérité ou d’une transcendance qui dépasse cette simple subjectivité, j’allais dire « quasi-américaine », qui veut que tout soit réductible au jugement solitaire de l’individu.

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Extrait de Principes d’une esthétique de la mort de Michel Guiomar, Librairie José Corti, 1967, page 494 :
On a reconnu chez les Impressionnistes une transcendance toute particulière menant aux frontières de l’Au-delà pictural. Il est clair que la touche juxtaposée impressionniste, la décomposition de la lumière introduisent cette palpitation de leur univers. Ne pourrait-on dire que ce qui en émane, c’est moins la présence d’un l’Au-delà de l’œuvre que la présence en-dedans du paysage d’une saturation fluide qui les baigne ? Tout ce que nous avons annoncé de cette fluidité s’y manifeste ; l’univers de ces peintres est imprégné, saturé par la palpitation constante de l’Invisible.
On pourrait, dans cette lumière, repenser le climat des œuvres de Rembrandt, de Vermeer, de Claude le Lorrain, de Georges de La Tour, de Watteau, de Turner, de Corot, de plusieurs paysagistes français ou anglais du XIXe siècle pour ne citer que quelques noms. Chez tous ces peintres, il faudrait vraiment parler, non plus en ce qui concerne l’œuvre mais le climat de leur instauration, d’un Seuil et non pas tout de suite d’un Seuil de l’Au-delà, dans son acception ordinaire, mais de celui que provoque la convergence en eux des irruptions d’évènements que nous avons étudiés jusqu’ici : la plupart des toiles de Pissarro, de Sisley, de Monet, de Renoir et des peintres précédemment cités ne sont plus de notre Monde, et non pas selon la valeur quelque peu allégorique de cette expression, mais dans son acception la plus forte. Ce que nous prétendons, c’est que la déstructuration effectuée par ces peintres des données apparentes, fausses, de notre lumière quotidienne qui régit toutes nos conceptions du monde, notre manière de penser notre univers, et d’y vivre, a permis l’imprégnation et la fluidité qui baigne et sature les paysages, les corps jusqu’à une densité presque tangible, exactement comme dans les phases extrêmes de l’Insolite. Nous ne voulons pas dire que ces œuvres parlent de Mort ; car si elles ne sont pas de notre monde elles ne sont pas de l’autre non plus : Elles sont exactement traductrices de l’univers du Seuil et des témoins de la Limite même entre les deux mondes. On remarque que dans ces œuvres les personnages suivent le processus de déshumanisation et d’osmose déjà évoqué ; ils deviennent fantomals et, perdant leurs contours, se donnent une signification autre ; une signification qui s’annonçait déjà chez les peintres de contre-jour et de clair-obscur. Par les Impressionnistes, nous comprenons mieux la transcendance émanée plus ou moins de toute peinture.

 

 

 

 

 

 

 

 

vu sur Democratie et spiritualité

TOUT HOMME EST UNE HISTOIRE SACREE :

LES DROITS HUMAINS AU SECOURS DE LA TRANSCENDANCE.

 

Et le sacré dans tout ça ?

 

Il est des mots difficiles à utiliser dans la société française, laïque au point de croire que la référence à la transcendance ou au sacré, constituerait une intolérable trahison de l’incontournable posture républicaine et antireligieuse.

Sans m’aventurer sur le terrain philosophique qui n’est pas le mien, je trouve plutôt courageuses et sympathiques les contorsions intellectuelles de Luc Ferry et Marcel Gauchet (1). Ils osent tourner autour du sacré et le font comme des sioux hypnotisés par cette « sacrée question », ne pouvant l’aborder qu’avec une hache ! Face aux développements de Ferry sur la « divinisation de l’humain » et « l’humanisation du divin », Gauchet s’accroche courageusement à l' »absolu terrestre « qu’il développe hors de toute pensée religieuse, mais en sauvant intégralement ce qu’il comporte de sens ».

 

Foi en la dignité humaine.

 

Toute tremblante du sang de cinquante millions de victimes, de la guerre, de la Shoah, des camps de la mort, de la bombe atomique, l’humanité risque un acte de foi que je crois prometteur pour accompagner la planète dans sa quête d’humanisation : « Les peuples du monde entier ont proclamé leur foi en la valeur et la dignité de la personne humaine », affirme le Préambule de la Déclaration Universelle des droits de l’homme (O.N.U. 10 Dec. 1948).

A partir de cet acte de foi, dépourvu de toute référence à la religion et au divin, se développe depuis 60 ans la Dynamique des droits de l’homme (2).

Le juriste prend acte de la dignité ainsi affirmée. Il en tire des droits et des devoirs. Point n’est besoin, pour s’opposer à la légalisation de la torture de s’expliquer longuement sur la nature humaine et son intégrité inviolable. La loi mondiale l’interdit. (Article 5). Un point c’est tout ! Le contrevenant à un tel impératif doit être dénoncé et sanctionné.

 

Que dis tu de l’Humain ?

 

Le moment est venu de se risquer à un débat universel sur ce qui peut fonder, enraciner, justifier un tel absolu. Les juges de la Cour Pénale Internationale, marqués par des cultures très différentes, doivent examiner des faits et surtout les qualifier d »inhumains ». Telle pratique relève t-elle de la torture ? La loi ne répond pas. Chaque juge devra explorer sa culture, ses opinions et ses croyances ; puis il les confrontera avec celles des autres ; pour parvenir enfin à une qualification commune. Il ne s’agit pas d’un débat juridique superficiel puisqu’il faut marquer les limites entre l’humain et l’inhumain. Quelle est la raison qui justifiera d’interdire de malmener une personne lorsque l’intérêt supérieur de la nation est en cause ?

L’humanité n’a-t-elle pas alors rendez vous avec la part de sacré reconnue en chaque « membre de la famille humaine » ? Chaque personne est ainsi dotée d’une qualité qui fait d’elle plus que son apparence physique et psychique. Impossible de la réduire à un objet, aussi précieux soit- il ? « Tu vaux mieux que ton prix », écrivait le grand historien africain Ki Zerbo. Mais d’où vient ce surcroît de valeur? A quel « au-delà » se rattache- t-il ? On peut alors risquer le mot de transcendance qui élève la personne au delà de toute définition humaine, au point que nul ne peut s’arroger le pouvoir de priver un individu de la qualité d’être humain : sa dignité. Et ce parfois, malgré le caractère monstrueusement inhumain de son comportement.

La dignité de chaque personne, confessée par toutes les cultures et tous les pays, s’incarnent dans des droits et des devoirs qui correspondent eux mêmes à des comportements précis : être libres, pouvoir manger, être éduqués, croire ou ne pas croire, participer aux décisions communes… etc. Ces attributs ne définissent pas la dignité. Ils l’incarnent.

 

Deviens humain !

 

Ces textes, au delà de leur rigoureuse froideur juridique peuvent inviter chacun à trouver le chemin de sa propre dignité en rencontrant l’autre. Méditant sur la beauté et les relations humaines, François Cheng (3) reconnaît que « chaque présence, qui ne peut être réduite à rien d’autre, se révèle une transcendance… La vraie transcendance est dans ‘l’entre ».

Une catholique exprime autrement cet « au-delà » : « Notre dignité nous la tenons d’exister dans le Regard et dans la Parole d’un Autre et dans la bienveillance de ceux et celles qui savent se faire proches »(4).

L’auteur utilise des majuscules pour faire référence au Dieu dont Jésus lui parle. Elle situe la transcendance, la dignité, dans cette relation à autrui qu’elle nomme Dieu. D’autres lui donneront un autre nom ou s’abstiendront de le nommer, tout en faisant référence à cette altérité radicale.

 

Parcelles de vérité. 

 

Un défi est alors posé à toutes les religions du monde. Certes elles ont à participer au débat mondial sur les enracinements de la dignité proclamée. Elles sont même convoquées, sommées de dire, en termes intelligibles par tous, où se trouve la source de cette dignité. Mais elles doivent alors, au nom même de la dignité des interlocuteurs, leur laisser suffisamment de place pour qu’ils expriment leur propre vision de la dignité et que celle ci soit prise au sérieux. Comment chaque religion, organise-t-elle la relation entre sa vérité et la Vérité? Affirmer la transcendance, oui! La situer et la révéler à travers une proposition religieuse, oui! Mais au nom même de la référence à l’au-delà de chaque personne, il convient de reconnaître que toute expression de la vérité n’est qu’une parcelle réductrice de la vérité.

 

Le débat n’est pas artificiel puisque c’est autour de lui que se développa, après la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen l’opposition du magistère romain.  Celui ci considérait que la déclaration encourageait une « licence de penser, d’écrire, en matière de religion tout ce que peut suggérer l’imagination la plus déréglée… » (5). Les familles religieuses ne doivent pas oublier que c’est au nom de la Vérité qu’elles ont commis ou laisser commettre des atteintes graves à la dignité.

 

Un double merci à la Dynamique des droits humains : elle invite à sortir de notre paresse et à affronter le pourquoi de la dignité reconnue à chaque personne. Elle impose de défendre avec « dignité » (celle qui respecte l’autre) la petite étincelle de vérité dont chacun peut se croire témoin et qu’il est bon de partager.

 

Guy Aurenche

Président d’honneur de la Fed. Inter. de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Président des Amis de l’hebdomadaire La Vie, membre du Groupe Paroles.

 

(1) Le religieux après la religion. Luc Ferry. Marcel Gauchet. Ed Grasset.

(2) La dynamique des droits de l’homme. Guy Aurenche. Ed Desclée de Brouwer .

(3) Cinq méditations sur la beauté. François Cheng. Ed. Albin Michel.

(4) Le centre de gravité. Françoise Le Corre. Ed Bayard.

(5) le pape Pie VI en 1791.

 

 

 

 

 

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