Science, religion et pouvoir

Dans La Nouvelle Atlantide Francis Bacon décrit en 1624 une utopie technocratique dans laquelle un clergé scientifique prend les décisions pour le bien du pays tout entier.

Le but de cette fondation est de « connaître les Causes et mouvement secret des choses …en vue de réaliser toutes les choses possibles« 

Cette institution visionnaire a directement inspiré la fondation de la Royale Society à Londres en 1660.

L’Eglise d’Angleterre était et reste liée à l’Etat en tant qu’Eglise officielle et Bacon imaginait le même lien pour son clergé scientifique.

En France Louis Pasteur se montra un promoteur influent de la science.

Le fantasme d’omniscience ( 36-38)

Au début du XIXe Pierre-Simon Laplace imaginait un esprit capable de connaître et de prédire absolument tout.

De telles idées ne sont pas réservées aux physiciens. Thomas Henry Huxley, le biologiste et paléontologue qui a tant fait pour la propagation du Darwinisme appliquait le déterminisme mécaniste au processus d’évolution tout entier. Cette croyance déterministe a eu pour résultat de rejeter le libre arbitre.

Aujourd’hui encore beaucoup de chercheurs supposent que le libre arbitre est une illusion. Par exemple, en 2010, le neurologue Patrick Haggard affirmait qu’en neurosciences on ne pouvait être que déterministe.

Indéterminisme et hasard ( 38-40)

En 1927 avec la reconnaissance du principe d’incertitude en physique quantique il est devenu évident que le monde matériel a pour caractéristique essentielle d’être indéterminé et que l’on ne peut faire des prédictions qu’en terme de probabilités.

Le hasard joue un rôle fondamental dans la théorie néodarwinienne de l’évolution à travers les mutations génétiques aléatoires qui sont des événements quantiques.

Au cours du XXe siècle il est apparu que presque tous les phénomènes naturels sont soumis aux probabilités de l’écoulement turbulent des liquides au bris des vagues en passant par le climat. Pour ce dernier il s’agit bien d’un phénomène chaotique soumis à aucun ordre qui peut être jusqu’à un certain point modélisé. Même le mouvement des planètes sur de longues périodes est chaotique.

Fortement cultivée au XIXe et début du XXla croyance au déterminisme ne s’est  révélée être qu’une illusion.

Autres fantasmes d’omniscience ( 40-42)

Fin du XIXe le fantasme d’omniscience allait bien plus loin. L’astronome américain Simon Newcomb estimait que sa science était proche des limites de ce qu’on pourrait savoir.

En 1894 Albert Michelson prix Nobel de physique plus tard déclarait : « les plus importants faits et les lois fondamentales de la science physique ont été découverts… »

En 1900 William Thomson, Lord Kelvin le physicien ayant inventé le télégraphe exprima la même confiance : « il n’y a plus rien à découvrir en physique... »

Ces convictions ont été mises en pièce au cours du XXe siècle : mécanique quantique, théorie de la relativité, fission et fusion nucléaire, théorie du Big Bang, découvertes d’autres galaxies…

Malgré cela fin du XXe le fantasme d’omniscience revenait alimenté par les triomphes de la physique et les découvertes neurobiologie. En 1997, John Horgan, l’un des principaux journalistes scientifiques américains avançait une thèse provocatrice : « … la grande époque des découvertes scientifiques est terminée ».

Or chaque réponse fondamentale peut être remplacée par de nouvelles questions comme je le montre dans ce livre.

science et chrétienté (42-45)

Les fondateurs de la science mécaniste au XVIIe étaient tous des chrétiens pratiquants : Kepler, Galilée, Descartes, Bacon, Boyle et Newton. Les trois premiers étaient catholiques et les trois derniers protestants.

La science du XVII e a développé une vision de l’univers reposant sur une machine intelligemment conçue et mise en action par Dieu. Jusque là, universitaires et théologiens avaient enseigné que l’univers était vivant animé par le souffle divin de la vie.

Après quelques conflits initiaux dont le plus notable reste le procès de Galilée en 1633, la science et la Chrétienté ont progressivement disposé de domaines réservés.

A la fin du XXe Stephen Jay Gould défendait encore cet arrangement : « position sensée de consensus général ».

Cependant, à partir de la Révolution française, les matérialistes militants on rejeté le principe des domaines séparés. Ils ne reconnaissaient qu’une réalité : le monde physique et il n’y avait qu’un seul magistère, celui de la science.

Les croyances de l’athéisme (45-49)

La philosophie matérialiste a achevé sa domination sur la science officielle dans la seconde moitié du XIXe.

La science mécaniste n’offre en soi aucune raison de supposer que la vie ait un sens et l’humanité un but. Elle affirme au contraire que l’univers est parfaitement sans but.

L’humanisme laïque s’est développé au sein d’une culture judéo-chrétienne dont il constitue en de nombreux points une hérésie. C’est une croyance en l’importance unique de la vie humaine où l’homme a remplacé Dieu.

L’humanisme laïque rend l’athéisme séduisant parce qu’il l’entoure d’une foi rassurante dans le progrès. Au lieu de venir de Dieu, le salut viendra des hommes à travers la science, la raison et la réforme sociale… C’est une question de foi.

Dogmes, croyances et liberté de chercher (50-53)

Il n’est pas antiscientifique de questionner les croyances établies. L’innovation survient quand les chercheurs se sentent libres.

Thomas Kuhn, l’influent historien des sciences estimait en 1972 dans son livre la structure des révolutions scientifiques  qu’en période de science « normale » la plupart des scientifiques partageaient le même paradigme. Mais les faits anormaux finissent par s’accumuler jusqu’à un point de rupture.

Kuhn a montré aussi que la science est une activité collective et les scientifiques sont soumis à toutes les contraintes de la vie en société.

Les sociologues ont enquêté sur la façon dont les chercheurs construisent des réseaux de soutien, luttent pour l’octroi de subventions. Le livre de Bruno Latour (1989) la Science en action constitue l’une des études les plus importantes sur ce sujet. Selon cette étude il ressort que les scientifiques ont des connaissances là où les autres n’ont que des croyances.

Depuis le XIXe, le culte du matérialisme  s’est propagé avec un succès remarquable. Voici comment Ricky Gervais homme du show-business classé parmi les cent personnes les plus influentes du monde s’exprimait en 2010 dans le Wall Steet journal : « la science cherche la vérité. Elle ne fait aucune discrimination… elle sait ce qu’elle sait, elle sait ce qu’elle ignore…elle ne s’accroche pas à des pratiques médiévales parce qu’elles font partie de la tradition. »

La vision idéalisée de Gervais est naïve au-delà de tout espoir. Mais je prends cet idéal au sérieux dans ce livre et je l’applique à la science elle-même.

Je suis convaincu que les sciences malgré leur succès, sont aujourd’hui étouffées par des croyances obsolètes.

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