Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience – 3ième partie

<-Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience – 2ième partie

15. La Conscience supramentale

Vision supramentale

Pouvoir supramental

16. L’homme, être de transition

Les oeuvres

La Mère

Aperçu sur l’évolution

17. La Transformation

Perspectives d’avenir

Première phase – le Travail

L’Agni fondamental

Deuxième phase – le corps

Deuxième phase – le subconscient

Troisième phase – l’Ashram

Conclusion – La fin qui est toujours au commencement

 

 


15

LA CONSCIENCE SUPRAMENTALE

 

_____________________________

(p276-p298)

94. Il est bien difficile de définir en termes mentaux la conscience supramentale, qui est non-mentale par définition. Peut-être est-ce le mot qui nous trompe ; il ne s’agit pas d’un sommet de la conscience humaine, mais d’une autre conscience.

Nous pouvons tenter quelques approximations et distinguer deux aspects, de conscience ou de vision et de pouvoir, mais déjà nous tombons dans la trappe mentale.

 

Vision supramentale

(p276-p286)

C’est une vision globale. Le mental découpe des petits morceaux qu’il oppose les uns aux autres ; le surmental relie tout dans un seul faisceaux mais son faisceau n’aboutit qu’à un point et il voit tout de son propre point de vue ; il est unitaire et universel par exclusion des autres angles ou par annexion.

Un unique regard innombrable(Savitri,29 :556)

La vérité n’est pas une question de pensée ou de bonne conduite -encore que ce soit des étapes sur le chemin – mais une question d’étendue d’être, et notre croissance est lente et difficile.

Comme Tes erreurs sont belles et lumineuses, ô Seigneur ! Tes mensonges gardent vivante la Vérité ; par tes faux-pas le monde se perfectionne. (Thoughts and Aphorisms,17 :133)

 

Mais le mental qui voit tout juste la surface présente des choses voudrait rectifier tout ce qui dépasse et réduire son monde à une vérité uniforme, bien pensante et bien honnête.

95. La conscience supramentale saisit non seulement tous les points de vue mais les forces profondes qui sont à l’œuvre derrière chaque chose et la vérité de chaque centre – c’est une Conscience de vérité – et parce qu’elle voit tout elle a le Pouvoir. Si nous ne pouvons pas c’est que nous ne voyons pas. Voir et voir totalement c’est nécessairement pouvoir.

L’œuvre écrite de Sri Aurobindo offre une illustration pratique de cette vision globale, encore que ce soit une traduction mentale d’un fait supramental. Elle est déroutante pour beaucoup. Sri Aurobindo tourne, littéralement,  autour de tous les points de vue, il indique seulement comment chaque vérité est incomplète et dans quelle direction elle peut s’élargir. C’est ce que la Mère appelle penser sphériquement.

Sri Aurobindo embrasse tout, non par une sorte de « tolérance » qui est un succédané mental de l’unité mais par une vision indivise qui est réellement une avec chaque chose.

Peut-être est-ce la vision même de l’Amour ?

L’illusion d’optique séparatrice dans laquelle nous vivons s’évanouit.

Pour le sens supramental, rien n’est vraiment « fini », séparé…

L’oeil physique lui-même semble contenir un esprit et une conscience qui voient non seulement l’aspect physique de l’objet, mais l’âme de la qualité qui est en lui, la vibration d’énergie, la lumière, la force, la substance spirituelle dont il est fait…En même temps il y a un changement subtil et l’on voit dans une sorte de quatrième dimension qui se caractérise par une certaine intériorité ; on voit non seulement les surfaces et la forme extérieure mais ce qui informe la forme et s’étend subtilement autour d’elle.

Car, pour la vision supramentale, les objets cessent d’être matériels au sens où il le sont maintenant…ils apparaissent comme l’Esprit Lui-même et sont vus comme l’Esprit Lui-même dans une forme de Lui-même et dans une extension consciente…La conscience supramentale relie passé, présent, futur et leurs connexions invisibles dans une seule carte de connaissance continue, côte à côte.(The Synthesis of Yoga, 20 :464)

96La conscience n’est plus un obturateur qui avait besoin d’être étroit, c’est un Regard tranquille : «  Comme un œil étendu dans le ciel «  dit le Rig-Veda (I.17.21)

C’est une béatitude constante, inaltérable.

 »  Cette joie absolument large et pleine sans lacune «  dit le Rig-Veda (V.62.9)

L’Absolu est partout…chaque fini est un infini.(The Synthesis of Yoga, 20 :408)

 

 

 

Et c’est un émerveillement toujours renouvelé qui ne procède pas de la surprise, mais de la découverte de cette infinitude éternelle, de cet absolu intemporel et chaque chose de l’espace et chaque fraction du temps. Et c’est la parfaite plénitude de la vie.

La conscience supramentale n’occupe pas seulement une position cosmique, mais une position transcendante, et les deux ne s’opposent pas. Et non seulement elles ne s’opposent pas, mais leur simultanéité est la clé de la vraie vie. Toutes les religions, toutes les spiritualités sont issues de ce besoin fondamental dans l’homme : trouver une Base de permanence, un lieu de refuge et de paix en dehors de tout ce chaos du monde, cette impermanence du monde, cette souffrance du monde –infiniment en dehors et protégé. Et tout d’un coup, au cours de notre quête, nous avons débouché dans un Silence formidable, une Etendue hors du monde, et nous avons dit Dieu, nous avons dit Absolu, Nirvana, peu importe les mots, nous avons touché la grande Délivrance ? C’est l’expérience de base. Si peu que nous approchions de ce grand Silence-là, tout change, c’est la Certitude, la Paix.

Dans la vie, tout nous coule des doigts, il n’y a que ce Roc qui ne manque jamais. L’expérience de Sri Aurobindo avait aussi commencé par le Nirvana et elle finit par la plénitude du monde.

Le mental, même le surmental de nos prophètes, est irrémédiablement lié aux dualités.

Pour l’expérience supramentale, tout est rond, c’est tout le temps oui et non en même temps constate la Mère, les deux pôles sont toujours enjambés dans une autre dimension. Ainsi le Transcendant n’est pas ailleurs hors du monde ; il est partout ici bas, à la fois totalement dedans et totalement dehors. On s’aperçoit très vite, en effet, qu’il suffit de faire un pas en arrière dans sa conscience, juste un petit mouvement de retrait, et l’on entre dans une étendue de silence par derrière. L’expérience finit par acquérir tant d’agilité, si l’on peut dire, qu’en plein milieu des activités les plus absorbantes, dans la rue, quand on discute, quand on travaille, on plonge au-dedans ou au-dehors et plus rien n’existe qu’un sourire. Il suffit d’une fraction de seconde. Alors on commence à connaître la Paix ; on a un Refuge inexpugnable partout, en toutes circonstances.

Et on perçoit de plus en plus tangiblement que ce Silence n’est pas seulement au-dedans, en soi ; il est partout, il est comme la substance profonde de l’univers, comme si toute chose venait de là et retournait là.

Pour le Supramental, il n’y a plus de « passage » plus de « seuil » à franchir ; on ne passe pas d’un état à un autre, du Silence au vacarme, du Dedans, Dehors, du Divin au non-divin, les deux sont fondus dans une expérience unique.

Tout le secret est de réunir les deux expériences en une, l’infini dans le fini, l’intemporel dans le temporel et le transcendant dans l’immanent. Alors on a la paix dans l’action et la joie de toutes les manières. L’évolution n’a d’autre but que de retrouver tout en bas cette totalité d’en haut, c’est de découvrir sur la terre, au milieu même des dualités et des contradictions les plus poignantes, l’Unité suprême, l’Infinitude suprême, la Joie suprême –Ânanda.

Pouvoir supramental

(p286-p298)

Les spiritualistes rejettent le pouvoir comme une arme indigne du chercheur de vérité ; ce n’est pas le sentiment de Sri Aurobindo, au contraire, le concept de Pouvoir –Shakti- est une clé de son yoga parce que sans pouvoir on ne peut rien transformer.

 Je chéris Dieu le Feu, non Dieu le Rêve ! s’écrie Savitri. (Savitri, 29 :614)

Le Pouvoir est une chose divine et il a été mis ici-bas pour un usage divin. –Volonté, Pouvoir- est le moteur des mondes ; qu’il s’agisse de la force de connaissance, de la force d’amour, de la force de vie, de la force d’action ou de la force du corps, son origine est toujours spirituelle et son caractère divin. C’est l’usage qu’en font la brute, l’homme ou le titan dans le monde de l’Ignorance qui doit être rejeté…

Le yoga intégral ne peut pas rejeter les œuvres de la Vie et se satisfaire seulement d’une expérience intérieure ; il doit aller au-dedans afin de changer le dehors. (The Synthesis of Yoga, 20 :164)

C’est cet aspect « force » ou « Pouvoir » de la conscience que l’Inde a représenté sous le visage de la Mère éternelle, deux en un, inséparables.

Sans Lui nous sommes prisonniers d’une Force aveugle, sans Elle prisonniers d’un Vide ébloui.

« Ils entrent dans une obscurité aveugle ceux qui suivent l’Ignorance, et comme dans une obscurité plus grande ceux qui cherchent seulement la Connaissance » dit l’Isha Upanishad.

Le Supramental est un pouvoir avant toute chose, un pouvoir formidable. C’est le pouvoir direct de l’Esprit dans la matière.

Plus on s’élève plus le pouvoir est puissant mais plus on s’éloigne de la terre. Il faudra donc le faire descendre de plan en plan et qu’il surmonte les déterminismes de tous les niveaux intermédiaires avant d’arriver en bas dans la Matière.

Le Supramental est la Conscience-Force suprême au cœur même de la Matière. Il peut donc tout changer.

Disons tout de suite que le pouvoir supramental n’opère pas par miracle, ni par violence. Sri Aurobindo l’a répété bien souvent ; Il n’y a pas de miracles (Life, Literature and Yoga, 11)

Il n’y a que des phénomènes dont nous ignorons le processus et pour celui qui voit il y a seulement l’intervention d’un plan supérieur dans le déterminisme d’un plan inférieur.

Une loi ordinaire, dit Sri Aurobindo, est simplement un équilibre établi par la Nature, c’est une stabilisation de forces. Mais ce n’est qu’un sillon dans lequel la Nature a pris l’habitude de travailler pour obtenir certains résultats. Si vous changez de conscience, le sillon change aussi, nécessairement. (Evening Talks, 76)

98.Ces « changements de sillon » ont jalonné toute notre histoire évolutive, à commencer par l’apparition de la Vie dans la matière, qui a modifié le sillon matériel ; puis l’apparition du Mental dans la Vie, qui a modifié le sillon vital et matériel. Le Supramental est un troisième changement de sillon, qui modifiera le Mental, la Vie et la Matière.

Il a déjà commencé. L’expérience est en route. Fondamentalement, le processus supramental consiste à délivrer la conscience qui est contenue en chaque élément.

Le Seigneur de tous les univers est aussi « l’Un conscient dans les choses Inconscientes » dont parle le Rig-veda

L’Inconscience apparente de l’univers matériel contient en soi obscurément tout ce qui est éternellement révélé dans le Supraconscient lumineux.(The Life Divine, 19 :642)

 

La vérité d’en haut éveillera une vérité d’en bas (Savitri,29 :709)

Car la loi est éternellement la même : seul le semblable peut agir sur le semblable ; il fallait le pouvoir qui est tout en haut pour délivrer le pouvoir qui est tout en bas ;

Qu’est-ce donc que ce Pouvoir ? Toute concentration dégage une chaleur subtile, bien connue de ceux qui ont tant soit peu pratiqué les disciplines yogiques ; le pouvoir supramental est une chaleur de ce genre, mais infiniment plus intense, dans les cellules du corps. C’est la chaleur dégagée par l’éveil de la conscience –force dans la matière. Cette chaleur est à la base de toutes les transmutations supramentales que les rishis védiques connaissaient bien et qu’ils appelaient Agni, le Feu spirituel dans la Matière.

C’est cet Agni suprême que Sri Aurobindo et la Mère ont découvert dans la Matière et les cellules du corps.

Il n’est peut-être pas inutile de souligner que Sri Aurobindo a fait sa découverte spirituelle en 1910, avant même d’avoir lu les Védas et à une époque où la physique nucléaire en était encore aux conjectures théoriques. Notre science est en avance sur notre conscience, d’où la course hasardeuse de notre destin.

99.Le Supramental est d’une qualité lumineuse toute différente des autres degrés de conscience ; il réunit à la fois l’immobilité complète et le mouvement le plus rapide qui soit – ici aussi les deux pôles sont enjambés.

Cette immobilité dans le mouvement est le fondement de toutes les activités de l’être supramental. C’est le b-a-ba pratique de toute discipline qui tend vers le Supramental peut-être même le b-a-ba de toute action efficace en ce monde. Déjà nous avions dit que l’immobilité – intérieure s’entend – avait le pouvoir de dissoudre les vibrations ; que si nous savions rester totalement tranquille au-dedans sans la moindre vibration de réponse, nous pouvions maîtriser n’importe quelle attaque, animale ou humaine.

Ce pouvoir d’immobilité ne s’acquiert vraiment que quand on a commencé à prendre conscience du grand Silence par derrière et que l’on est capable à tout moment de faire un pas en retrait. Il faut être tout à fait en dehors pour maîtriser le dedans de la vie.

C’est ce qui frappait tellement ceux qui ont vu Sri Aurobindo, ce n’est pas tant la lumière de ses yeux mais cette immensité immobile qu’on sentait si compacte, si dense, comme si l’on entrait dans un infini solide : la puissante immobilité d’un esprit immortel ; (The Synthesis of Yoga, 20 :95)

 

L’immobilité est la base du pouvoir supramental, mais le silence est la condition de son fonctionnement parfait.

La conscience supramentale n’obéit pas à des critères mentaux ou moraux pour décider de ses actes – il n’y a plus de « problèmes « pour elle – elle agit naturellement et spontanément. Chaque seconde de temps, dans le silence de la conscience, la connaissance voulue tombe comme une goutte de lumière : ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire, ce qu’il faut voir, ce qu’il faut comprendre.  » Dans la grande Etendue tout se rencontre et l’on sait parfaitement  » dit le Rig-Véda (VII.76.5). Et chaque fois qu’une pensée ou une vision passe dans la conscience, ce n’est pas une spéculation sur l’avenir, c’est un acte immédiat :

Là, chaque pensée, chaque sentiment est un acte (Savitri, 28 :183)

100. La connaissance est automatiquement douée de pouvoir. Parce que c’est une connaissance vraie, qui voit tout et une connaissance vraie est une connaissance qui peut. Ce n’est pas un fait arbitraire qui va bouleverser la trajectoire, c’est simplement comme une pression lumineuse qui va accélérer le mouvement .

Nous l’avons dit c’est un ferment évolutif formidable.

Ni vous, ni personne ne savez rien de ma vie, écrivait Sri Aurobindo à l’un de ses biographes ; rien ne s’est passé à la surface que les hommes puissent voir.( On Himself, 26 :378)

Quand nous parlons de « pouvoirs », nous nous attendons tout de suite à des choses fantastiques, mais ce n’est pas cela le vrai Pouvoir. Quand le Supramental agit ce ne sont pas des bouleversements mirifiques, c’est une action tranquille , comme éternelle, qui pousse le monde et chaque chose du monde vers sa propre perfection à travers tous les masques d’imperfection.

Et l’individu est la clé du pouvoir supramental. L’être supramental occupe non seulement une position transcendante et une position cosmique, mais une position individuelle. Son travail sur la terre est de mettre en contact, directement, la Force suprême et l’individu, la Conscience suprême et la matière –joindre les deux bouts dit la Mère.

C’est pourquoi nous avons l’espoir que les déterminismes aveugles qui commandent actuellement le monde – la Mort, la Souffrance, la Guerre – pourront être changés par ce Déterminisme suprême et faire place à une évolution dans la Lumière. : C’est une révolution spirituelle que nous prévoyons, dont la révolution matérielle n’est qu’une ombre et un reflet.(The Ideal of Karmayogin, 2 :17)

Deux mois après son arrivée à Chandernagor, Sri Aurobindo entendait à nouveau la Voix : Va à Pondichéry. Quelque jours après, il s’embarquait à bord du Dupleix dépistant la police britannique et il quittait l’Inde du Nord pour toujours. Je ne bougeais que comme j’étais bougé par le Divin. (On Himself, 26 :58)

101. Les quarante dernières années de sa vie, avec la Mère, vont être consacrées à transformer cette réalisation individuelle en une réalisation terrestre.

Nous voulons faire descendre le Supramental ici bas comme une faculté nouvelle. Nous voulons créer une espèce où le Supramental sera un état de conscience permanent, tout comme le mental maintenant est un état de conscience permanent parmi les hommes. (Letters onYoga, 22 :69)

Pour qu’on ne se méprenne pas sur ses intentions Sri Aurobindo soulignait  – il l’a souligné plusieurs fois :

Loin de moi de vouloir propager quelque religion, nouvelle ou ancienne, pour l’avenir de l’humanité. Il ne s’agit pas de fonder une religion, mais d’ouvrir une voie qui est encore bloquée. ( Lettres on Yoga, 22 :139)

  

16

L’HOMME,

1

ÊTRE DE TRANSITION

_________________

(p299-p319)

102. Sri Aurobindo vécut dans une grande misère ces premières années à Pondichéry.  Il était loin de ceux qui auraient pu l’aider, suspect, son courrier censuré, ses moindres gestes surveillés par des agents britanniques. On tenta même de le kidnapper.

Sri Aurobindo n’eut la paix que du jour où le commissaire de police français vint perquisitionner et découvrit dans ses tiroirs des textes d’Homère. Il fut rempli d’admiration pour ce gentleman-yogi.

Désormais l’exilé put recevoir qui il voulait et circuler à sa guise.

 

Les œuvres

(p300-p307)

Une découverte marque les premières années d’exil : la lecture des Vedas dans l’original. Jusque là il n’avait lu que des traductions anglaises ou indiennes et n’y avait vu qu’une masse ritualiste assez obscure .

Tout à coup dans l’original il découvrait une veine continue de l’or le plus riche tant par la pensée que par l’expérience spirituelle… Je m’aperçus que les mantras védiques illuminaient d’une lumière claire et précise certaines expériences spirituelles que j’avais eues.

 Et pour lesquelles je n’avais trouvé aucune explication satisfaisante, ni dans la psychologie européenne, ni dans les écoles de yoga, ni dans l’enseignement du Védanta.(The Secret of the Veda, 10 :37)

Voici que le plus ancien des quatre Védas ( Rig-Veda, Sâma-Veda, Yayur-Veda,Atharva-Véda), le Rig-Véda lui apportait le signe qu’il n’était pas tout à fait singulier sur cette planète.

Que les érudits occidentaux ou même indiens n’aient pas saisi l’extraordinaire vision de ces textes ne nous surprendra pas si l’on sait que les racines sanskrites se prêtent à un double ou triple sens qui vient à son tour s’envelopper d’un double symbolique, ésotérique et exotérique. Les rishis eux-mêmes disaient « Paroles secrètes, sagesses de voyant qui révèlent leur sens intérieur au voyant ».

On ne peut s’empêcher de rester songeur et de s’interroger quand on pense que les rishis d’il y a cinq ou six mille ans transmettaient non seulement leur propre expérience mais celle de leurs « ancêtres » ou des « pères des hommes » disaient –ils.

Nous sommes devant la plus ancienne tradition du monde, intacte.

Que Sri Aurobindo ait retrouvé le Secret du début de notre cycle humain ( peut-être y en a t-il eu d’autres avant ?) à un âge que les Indiens disent « noir », kali-yuga n’est pas dépourvu de signification. ( D’après la tradition indienne, chaque cycle se déroule en quatre périodes : Satya-yuga, l’âge de vérité ( ou âge d’or), puis l’âge où il ne reste plus que les trois-quarts de la vérité, tétra-yuga puis une moitié de vérité, dwâpara-yuga et enfin l’âge où toute vérité a disparu , kali-yuga. Le kali-yuga est suivi d’un nouveau Satya-yuga mais entre l’un et l’autre il y a une destruction totale, pralaya, et l’univers est ravalé. Selon Sri Aurobindo, la découverte du Supramental ouvre d’autres horizons.)

 

103.Nous aurions tort de lier Sri Aurobindo à la révélation védique car elle n’est pour lui qu’un signe de reconnaissance. Vouloir ressusciter le Véda au vingtième siècle est une futile entreprise parce que la Vérité ne se répète jamais deux fois.

Sri Aurobindo n’allait pas travailler seulement à une réalisation individuelle, telle les rishis, mais à une réalisation collective.

Tout d’abord il devait consacrer beaucoup de temps à une œuvre écrite.

Pendant six ans, sans interruption, jusqu’en 1920 Sri Aurobindo publiera d’une seule haleine la quasi totalité de son œuvre écrite, près de cinq mille pages. Ce n’est pas un livre après l’autre mais quatre et même six livres en même temps qu’il écrit.

La Vie divine est son œuvre philosophique fondamentale et sa vision spirituelle de l’évolution.

La Synthèse des Yoga où il décrit les étapes du yoga intégral en faisant le tour de toutes les disciplines yoguiques passées ou présentes.

Les Essais sur la Gîtâ est sa philosophie de l’action.

Le Secret du Véda avec une étude sur l’origine du langage.

L’idéal de l’Unité humaine, le Cycle humain qui envisagent l’évolution sous son aspect sociologique et psychologique et les possibilités futures des société humaines.

Je n’ai pas fait d’effort pour écrire, j’ai laissé le Pouvoir supérieur travailler et quand il ne travaillait pas, je ne m’efforçais pas du tout.

Soulignons que « penser en dehors du corps » n’est pas du tout un phénomène supramental mais une expérience très simple qui peut se produire dès le début du silence mental.

104.Le vrai processus est d’arriver à ne pas faire d’effort, s’effacer aussi complètement que possible et laisser passer le courant.

Au bout de six ans, en 1920, Sri Aurobindo estime qu’il en assez dit pour l’instant. C’est la fin de l’Arya. La fin de sa vie sera presque exclusivement consacrée à son énorme correspondance – des milliers et des milliers de lettres contenant des indications pratiques sur les expériences yoguiques, les difficultés, les progrès. Et surtout il va écrire et réécrire pendant trente ans cette prodigieuse épopée de 23 813 vers , Savitri, comme un cinquième Véda, son message, où il dit l’expérience des mondes du haut et du bas, ses batailles dans le Subconscient et l’Inconscient et toute l’histoire occulte de l’évolution terrestre et universelle jusqu’à sa vision des temps futurs.

Interprétant l’univers par des signes d’âme,

Il lisait du dedans le texte du dehors. (Savitri,28 :76)

La Mère

(p307-p308)

 1920 est l’année où Sri Aurobindo termina l’Arya et où la Mère vient s’installer à Pondichéry ;

Quand je vins à Pondichéry, dit Sri Aurobindo, un programme me fut dicté du dedans pour ma discipline. Je le suivis et progressai pour ma part, mais n’arrivai pas à grand chose quant à l’aide à apporter aux autres. Puis vint la Mère ; avec son aide je trouvai la méthode nécessaire.(Anilbarans’s Journal (unpublished)

La Mère c’est une Force en mouvement. Elle est toujours plus loin, toujours plus en avant. Elle est née pour briser les limites.

Disons simplement qu’elle est née à Paris un 21 février 1878 et qu’elle avait eu aussi , de son côté, la vision supramentale. Il n’est pas surprenant qu’elle ait reconnu l’existence de Sri Aurobindo et qu’elle soit venue le rejoindre.

Entre onze et treize ans, dit elle, une série d’expériences psychiques et spirituelles me révélèrent non seulement l’existence de Dieu, mais qu’il était possible, pour l’homme, de Le trouver et de Le révéler intégralement dans sa conscience et dans ses actes et de le manifester sur la terre dans une vie divine. Cette révélation et la discipline pratique pour arriver au but me furent données pendant le sommeil de mon corps par plusieurs instructeurs, que je rencontrai par la suite dans la vie, du moins certains d’entre-eux… Dès que je vis Sri Aurobindo, je reconnus que c’était lui qui était venu faire l’œuvre sur la terre et que c’est avec lui que je devais travailler.

C’est la Mère qui va prendre la direction de l’Ashram quand Sri Aurobindo se retirera dans une solitude complète en 1926, c’est elle qui continue l’œuvre depuis son départ en 1950.

La conscience de la Mère et la mienne sont une seule et même conscience. (On Himself, 26 :455)

105. Il est bien symbolique que la synthèse vivante que Sri Aurobindo représente déjà entre l’orient et l’Occident s’achève par cette nouvelle rencontre de l’Ouest et de l’Est et par la jonction de ces deux pôles de l’existence , la Conscience et la Force, l’esprit et la terre, Lui et Elle toujours.

Aperçu sur l’évolution

(p308-p319)

Sri Aurobindo n’est pas intéressé par les théories, sa vision de l’évolution repose essentiellement sur une expérience et s’il a tenté de la formuler en termes qui peuvent apparaître théoriques c’est parce que nous n’avons pas l’expérience ce n’est pas pour nous faire partager une idée de plus parmi les millions d’idées-forces qui circulent mais pour nous faire saisir le levier de notre propre dynamisme et précipiter le cours de l’évolution.

Ce levier est Agni, la conscience force et toute l’évolution peut-être décrite comme le voyage d’Agni en quatre mouvements – involution, dévolution, involution, évolution –à partir du Centre éternel et en Lui. En fait le quadruple mouvement est Lui. Tout est Lui. Lui-même le jeu, Lui-même le joueur, Lui-même le terrain de jeu.

Lui, hors du temps, hors de l’espace, l’Etre pur, la Conscience pure, le Grand Silence blanc où tout est en état d’involution, contenu, sans forme encore. Et Lui qui devient : la Force se sépare de la Conscience, Elle de Lui, le voyage d’Agni commence :

Mais c’est un commencement perpétuel, qui ne se situe nulle part dans le temps ; quand nous disons « d’abord » l’Eternel, « puis » le Devenir, nous tombons dans l’illusion du langage spatio-temporel ; En réalité, l’Être et le Devenir, Lui et Elle, sont deux visages simultanés d’un même fait éternel. L’univers est un phénomène perpétuel, aussi perpétuel que le Silence hors du temps.

Ce passage perpétuel de l’Être au Devenir est ce que Sri Aurobindo appelle la dévolution. C’est un passage graduel. La Conscience suprême ne devient pas d’un seul coup la Matière. Celle-ci est le précipité final, l’ultime produit d’une incessante fragmentation ou densification de la conscience qui s’opère lentement à travers des plans successifs. Au « sommet » mais ce n’est pas un sommet, c’est un Point suprême qui est partout- la Conscience-Force supramentale contient rassemblées toutes les possibilités infinies du Devenir. Puis s’ouvre le Surmental, le « grand clivage » de la conscience commence : les rayons du Soleil se séparent, la Conscience –Force unique est désormais lâchée en des trillons de forces qui chercheront chacune à se réaliser absolument. Et la conscience s’éparpille, se fragmentant de plus en plus, s’épaississant, s’obscurcissant, se déposant en strates successives, ou en mondes, avec leurs être et leurs forces, leur mode de vie particulier.

La dévolution s’achève, c’est la plongée de la Lumière dans sa propre ombre , la Matière. Et nous voici devant deux pôles : au sommet un suprême Négatif ( ou Positif selon les goûts) où la Force est comme engloutie dans un Néant de Lumière, un gouffre de paix sans ride où tout est contenu en soi et à l’autre pôle, un suprême Positif où la Conscience est comme engloutie dans un Néant d’Ombre, un gouffre de Force aveugle à jamais prisonnière de son obscur tourbillonnement.

Et toute notre existence flue et reflue d’un pôle à l’autre, les uns ne voulant voir que le Transcendant et rejetant la matière, les autres ne jurant que par la matière en rejetant l’Esprit comme un mensonge définitif. Mais c’est une illusion. La Conscience n’abolit pas la Force, ni la Matière l’Esprit, ni l’Infini le fini, pas plus que le haut annule le bas.

106.Au sommet, Elle est comme endormie en Lui, à la base Lui est comme endormi en Elle, la Force dissoute dans la Conscience ou la Conscience dans la Force, l’Infini contenu dans le fini comme l’arbre et toutes ses branches dans la semence. C’est ce que Sri Aurobindo appelle « l’involution ».

La nescience de la matière est une conscience voilée, involuée ; c’est une conscience somnambule qui contient d’une manière latente tous les pouvoirs de l’Esprit. En chaque particule, chaque atome, chaque molécule, chaque cellule de la Matière, vivent et agissent, cachés et inconnus, l’omniscience de l’Eternel et la toute-puissance de l’Infini.(The Hour of God, 17 :15)

 

On peut dire en un sens que l’univers entier est un mouvement entre deux involutions : l’Esprit où tout est involué et d’où part une évolution descendante ( ou dévolution) vers l’autre pôle de la matière ; et la Matière où tout est également involué et d’où part une évolution ascendante vers l’autre pôle de l’Esprit.(The Life Divine, 18 :243-244)

Sans cette involution il n’y aurait pas d’évolution possible. Derrière l’explosion évolutive des formes, c’est Agni qui pousse et qui tisonne, la Force en quête de la Conscience, Elle, à la recherche de Lui et de formes de plus en plus capables de le manifester.

Si l’âme n’était déjà dans la Matière, elle n’aurait jamais pu émerger dans l’homme et à travers lui retrouver Lui.

Notre humanité est le point de rencontre conscient du fini et de l’Infini ; devenir cet Infini de plus en plus en cette naissance physique elle-même, tel est notre privilège. (The Problem of Rebirth, 16 :241)

Bien que l’homme soit infiniment supérieur à la plante et à l’animal, il n’est pas parfait dans sa propre nature comme le sont la plante et l’animal. (The Human Cycle, 15 :220)

Il ne faut pas du tout déplorer cette imperfection dit Sri Aurobindo. En nous, la force n’a pas fini de trouver sa conscience ni notre nature son esprit, Elle de trouver Lui. Y eut-il jamais Platon satisfait, Michel-Ange apaisé ? « Un soir j’ai assis la beauté sur mes genoux, et je l’ai trouvé amère ! » s’écrie Rimbaud. C’est le signe que ni le sommet de l’intelligence mentale, ni le raffinement esthétique, n’est le but du voyage, la plénitude – Lui en Elle-

En vérité, le monde et chaque cellule de notre corps est Sat-Chit-Ânanda – Existence-Conscience-Béatitude – Nous sommes lumière et joie. Et tout est joie. C’est notre faiblesse de vision qui nous cache l’allégresse absolue au cœur des choses, ce sont nos sens pâles qui ne savent pas encore contenir toute cette immensité.

108.L’homme dit Sri Aurobindo n’est pas le dernier terme de l’évolution, c’est un être de transition ( (The Hour of God, 17 :7) Il se pourrait bien que l’homme lui-même soit un laboratoire vivant et pensant où la Nature veut, avec sa collaboration consciente,…  manifester Dieu. (The Life Divine, 18 :3-4)

Alors, quand le grand Equilibre sera atteint, nous entrerons dans « la Vaste demeure » ( Rig-Veda V68.5)

Mais les rishis aussi savaient que le voyage n’est pas fini : « Tissez une œuvre inviolable, devenez l’être humain, créez la race divine… Ô voyants de la Vérité, aiguisez les lances lumineuses, frayez la voie vers Cela qui est Immortel ; connaisseurs des plans secrets, formez les degrés par quoi les dieux atteignirent à l’immortalité » (Rig-Veda, X.53.6,10)

Alors nous aurons la joie des deux mondes et de tous les mondes, Ânanda, de la terre et du ciel comme s’ils étaient un.

Car tel est le but de l’évolution, finalement, la Joie. On dit l’Amour, mais est-il mot plus truqué ? – Par nos sentimentalités, nos partis, nos Eglises – tandis que cette joie-la personne ne peut l’imiter !

17

 

LA TRANSFORMATION

____________________

(p320-p377)

109. L’émergence de l’esprit dans une conscience supramentale et dans un corps nouveau, une race nouvelle, est un phénomène aussi inévitable que l’apparition de l’homo-sapiens après celle des primates. La seule question qui se pose vraiment est de savoir si cette évolution nouvelle se fera avec ou sans nous.

Nous pouvons être les « collaborateurs conscients de notre propre évolution » accepter le défi, ou, comme dit Sri Aurobindo, nous laisser dépasser.

 

 

Perspectives d’avenir

(p321-p329)

 

Comprendre le but est déjà une grande étape sur la voie de la transformation, car si peu que nous comprenions et que nous aspirions à ce Futur, nous ouvrons une porte invisible par où des  forces plus grandes que la nôtre peuvent entrer et nous commençons à collaborer.

En vérité ce ne sont pas nos forces humaines qui opéreront le passage au surmental, mais un abandon de plus en plus conscient à la Force d’en haut.

La surhumanité n’est pas l’homme grimpé à son zénith naturel ; ce n’est pas un degré supérieur de la grandeur humaine, de la connaissance humaine, du pouvoir, de l’intelligence, de la volonté, du caractère, de la force dynamique et du génie humains, ni même de la sainteté, de la pureté, de la perfection et de l’amour humains. Le supramental est au-delà de l’homme mental et de ses limites.

Poussé à l’extrême, le Mental ne peut que durcir l’homme, pas le diviniser ni même simplement, lui donner la joie.

Si nos conditions mentales sont insuffisantes, même à leur zénith, nos conditions vitales et physiques le sont encore davantage.

Si une transformation totale de l’être est notre but, la transformation du corps, nécessairement, en est une partie indispensable ; sans elle aucune vie divine complète n’est possible sur la terre.(The Supramental Manifestation, 16 :24)

Selon Sri Aurobindo, la caractéristique essentielle de la matière supramentalisée est la réceptivité ; elle sera capable d’obéir à la volonté consciente et de se modeler à ses ordres, comme l’argile obéit aux doigts de l’artisan.

Avant ces changements spectaculaires qui seront probablement les derniers à se manifester, Sri Aurobindo envisage un changement considérable dans notre physiologie.

A un stade ultérieur de la transformation, Sri Aurobindo envisage le remplacement des organes par le fonctionnement dynamique de nos centres de conscience ou chakra. C’est le vrai passage de l’homme-animal tel qu’il a été conçu par l’évolution inférieure, à l’homme-homme de l’évolution nouvelle. C’est l’une des tâches que Sri Aurobindo et la Mère ont entreprises.

Non seulement le corps et le mental devront changer avec la conscience supramentale, mais la substance même de la vie. S’il est un signe caractéristique de notre civilisation mentale, c’est l’artifice ; rien ne s’y passe naturellement, nous sommes prisonniers d’un formidable truquage – avion, téléphone, télévision, et toute la pléthore des instruments qui fardent notre pauvreté –

Et nous délaissons jusqu’à nos capacités naturelles qui s’atrophient de génération en génération, par paresse et par ignorance.

110.Nous oublions une vérité fondamentale très simple, à savoir que nos merveilleuses inventions sont seulement la projection matérielle des pouvoirs qui existent en nous.

L’ »autorité » supramentale n’est pas une sorte de super-prestidigitation, il s’en faut ; c’est un processus extrêmement précis et minutieux. Mais au lieu de manipuler des corps extérieurs, l’être supramental manipule la vibration vraie qui est au centre de chaque chose et l’associe à d’autres vibrations pour obtenir un résultat donné.

 

Première phase – le Travail

(p329-p336)

Autant les résultats sont voyants, autant le travail est modeste, humble, patient, comme celui du savant devant ses bouillons de culture. Un travail microscopique dit la Mère. Il s’agit de délivrer chaque atome, chaque cellule –force de la conscience-force qu’elle contient.

On pourrait penser que ce travail sur le corps implique l’usage des méthodes psycho-physiques, un peu comme le hatha yoga, mais il n’en est rien. C’est la conscience qui reste le levier central ; le changement de conscience est le facteur principal, le mouvement premier ; la modification physique est un facteur subordonné, une conséquence.(The Life Divine, 19 :842)

… L’évolution a toujours eu un sens spirituel et le changement physique ne faisait que servir d’instrument, mais cette relation se trouvait cachée au début par l’équilibre anormal des deux facteurs, le corps de l’Inconscience extérieure l’emportant sur l’élément spirituel ou l’être conscient et le voilant. Mais dès que cet équilibre est rétabli, ce n’est plus le changement du corps qui doit précéder le changement de conscience, c’est la conscience elle-même qui par sa propre mutation imposera et opérera toute mutation nécessaire au corps. (The Life Divine, 19 :843-44)

On peut distinguer trois phases dans le travail qui correspondent aux découvertes de Sri Aurobindo et de la Mère ; trois phases qui semblent aller du plus brillant au plus obscur.

Pendant la première phase, nous assistons à une vérification des pouvoirs de la conscience ; c’est ce que certains disciples ont appelé la « période brillante » . Elle s’étend de 1920 à 1926.

109.  En présence du pouvoir nouveau supramental qu’ils avaient découvert, Sri Aurobindo et la Mère se livrent tout d’abord à une série d’expériences sur leur propre corps.

Sommeil, nourriture, pesanteur, Sri Aurobindo vérifiait une par une toutes les soi-disant lois naturelles pour s’apercevoir qu’elles ne tiennent que dans la mesure où nous croyons qu’elles nous tiennent ; si l’on change de conscience, le « sillon » change aussi. Toutes nos lois sont des « habitudes ».

Il n’y a qu’une Loi vraie, celle de l’Esprit qui peut modifier toutes les habitudes inférieures de la Nature. Sri Aurobindo n’a pas de recettes miraculeuses, pas de trucs fantastiques. Son yoga repose sur une double certitude très simple, la certitude de l’Esprit qui est en nous et la certitude de la manifestation terrestre de l’Esprit – c’est le seul levier, le vrai levier de son travail : En chaque homme, Dieu habite ; le rendre manifeste est le but de la vie divine. Cela nous pouvons tous le faire. (Life of Sri Aurobindo, 173)

Pour Sri Aurobindo, la vraie clé est de comprendre que l’Esprit n ‘est pas le contraire de la vie, mais la plénitude de la vie, que la réalisation intérieure est le secret de la réalisation extérieure.

C’est cela que Sri Aurobindo est venu nous démontrer, avant toute chose, le fait qu’il n’est pas besoin de courir au ciel pour trouver l’Esprit, le fait que nous sommes libres, le fait que nous sommes plus forts que toutes les lois, parce que Dieu est en nous.

 

Croire, simplement cela. Parce que c’est la foi qui précipite la féérie du monde.

Ce qui m’a sauvé d’un bout à l’autre, c’est un équilibre parfait. D’abord je croyais que rien n’était impossible et, en même temps, je pouvais tout mettre en question. (Evening Talks, 163)

Pendant cette première phase, les disciples (ils étaient une quinzaine) s’accorde à dire l’atmosphère très particulière, hautement concentrée, qui régnait alors. Ils avaient de merveilleuses expériences comme en se jouant, des manifestations divines se produisaient. Si les choses avaient continué de ce train, Sri Aurobindo et la Mère étaient en bonne voie de fonder une religion nouvelle, et l’ashram de devenir un de ces « hauts lieux » où les parfums spirituels recouvrent des odeurs plus modestes.

110. Comme la Mère racontait à Sri Aurobindo l’un des derniers incidents extra-naturels, il remarqua avec humour :

Oui, c’est très intéressant, vous arriverez à des miracles qui nous rendent célèbres dans le monde entier… mais c’est une création surmentale, ce n’est pas la vérité suprême – The highest truth- Ce n’est pas le succès que nous voulons ; nous voulons établir le supramental sur la terre, créer un monde nouveau.

Une demi-heure après, tout était arrêté : je n’ai rien dit, pas un mot, raconte la mère, en une demi-heure j’avais tout défait, coupé la connexion entre les dieux et les gens, tout démoli. Parce que je savais que tant que c’était là, c’était si attractif (on voyait des choses étonnantes tout le temps) que l’on aurait été tenté de continuer… j’ai tout défait. Et depuis ce moment là nous sommes repartis sur d’autres bases.

 

Ce fut la fin de la première phase. Sri Aurobindo et la Mère s’étaient aperçu que les « miracles avec un processus », ou l’intervention des pouvoirs supérieurs de la conscience, ne font que dorer la pilule sans toucher à l’essence. Ils sont vains du point de vue de la transformation du monde.

La lévitation, la conquête du sommeil et de la faim et même des maladies, ne font que toucher la surface du problème, c’est du travail négatif contre un ordre des choses. C’est encore reconnaître fût-ce négativement, la vieille loi, alors que c’est l’ordre lui-même qui doit changer.

Tous les miracles ne sont que l’envers, ou plutôt l’endroit de notre pauvreté. Ce qu’il faut, c’est un monde nouveau.

Brusquement, le 24 novembre 1926, Sri Aurobindo annonce qu’il se retire dans une solitude complète ; l’Ashram est officiellement fondé sous la direction de la Mère. Les disciples n’eurent pas besoin d’apprendre que le yoga se ferait désormais « dans le subconscient et dans l’inconscient », ils dégringolèrent tous de leurs splendides expériences pour se mesurer à des réalités beaucoup plus dures.

Ainsi s’ouvrit la deuxième phase du travail de transformation.

L’Agni fondamental

(p336-p341)

111. Au seuil de cette deuxième phase nous retrouvons la conversation bien étrange qu’il eût en 1926, peu de temps avant sa retraite avec un polytechnicien français. Au sujet de la science moderne.

…Sri Aurobindo poursuit :

les anciens yogis connaissaient un triple Agni :

1)   Le feu ordinaire, jada Agni

2)   Le feu électrique, vaïdyuta Agni

3)   Le feu solaire, saura Agni

4)   La science ne connaît encore que le premier et le second de ces feux. Le fait que l’atome est comme un système solaire pourrait les conduire à la connaissance du troisième.

Comment se fait-il qu’il ait pu savoir avant tout nos laboratoires, sans parler des rishis il y a six mille ans,  que la chaleur solaire a une origine différente de ce que nous appelons le feu électrique et quelle est le produit d’une fusion nucléaire ?

C’est que toutes nos réalités physiques, quelles qu’elles soient, sont doublées d’une réalité intérieure qui est leur cause et leur fondement.

Tout , ici bas, est l’ombre projetée ou la traduction symbolique d’une lumière ou d’une force qui est derrière sur un autre plan.

Tout ce monde est vaste Symbole. La science analyse les phénomènes mais elle ne touche que l’effet, jamais la cause vraie. Le yogi voit la cause avant l’effet.

Le monde entier est une formidable opération magique, une magie continuelle.

Derrière nos phénomènes de gravitation, pour prendre l’un des rituels, il y a ce que les anciens yogis appelaient Vâyu, la cause de la gravitation et des champs magnétiques et c’est ainsi que le yogi peut éventuellement défier les lois de la pesanteur.

Derrière le feu solaire ou nucléaire, il y a l’Agni fondamental, cet Agni spirituel qui est partout. C’est parce que Sri Aurobindo et les rishis avaient vu cet Agni spirituel dans la Matière, ce « soleil dans l’obscurité » qu’ils pouvaient avoir la connaissance de son effet matériel, atomique.

Finalement, l’univers entier, du haut en bas, est fait d’une seule substance de Conscience-Force divine ; l’aspect force ou énergie de la conscience est Agni : «  O Fils de l’Energie «  dit le Rig Veda (VIII.84.4)

Quand nous nous concentrons dans notre mental, nous découvrons la chaleur subtile de l’énergie mentale, ou Agni mental.  Quand nous nous concentrons dans notre cœur ou dans nos émotions, nous découvrons la chaleur subtile de l’énergie de vie, ou Agni vital ; quand nous plongeons dans notre âme nous connaissons la chaleur subtile de l’âme ou Agni psychique.

Et il y a l’Agni fondamental, ou Agni matériel, qui est le stade ultime de l’énergie de la conscience avant sa conversion ou sa densification en matière.

Donc, en manipulant la conscience, on peut manipuler l’Energie ou la Matière.

 

Deuxième phase – le corps

(p341-p354)

C’est en 1926 que s ‘ouvre la deuxième phase, et elle va s’étendre jusqu’en 1940.  C’est une phase de travail sur le corps et dans le subconscient. Jusqu’ici nous avons tous les indices, tous les fils pour parvenir nous-mêmes au changement de conscience supramental et nous connaissons le principe de base de la transformation. C’est  Agni  « qui fait le travail » dit le Rig-Véda (IV.1.14)

Mais comment, pratiquement, cet Agni va-t-il procéder pour modifier la matière ? Nous ne pouvons pas le dire encore, nous ne connaissons que des petits bouts : Si nous connaissions le processus dit la Mère ce serait déjà fait. Nous savons tous les processus pour parvenir au Nirvana, réaliser l’Esprit cosmique, trouver l’âme, vaincre la pesanteur, la faim, le froid, le sommeil, les maladies, sortir à volonté de son corps et prolonger la vie –tout le monde peut y parvenir, les voies sont connues, les étapes décrites par les sages hindous depuis des millénaires. C’est une question de discipline et de patience – de « moment » aussi. Mais la transformation, personne ne l’a faite, c’est une voie totalement inconnue.

Pour citer la Mère encore :

Nous ne savons pas si telle ou telle expérience fait partie du chemin ou non, nous ne savons même pas si nous progressons ou non, car si nous savions que nous progressons, c’est que nous connaîtrions le chemin – il n’y a pas de chemin ! Personne n’est allé là ! On ne pourra vraiment dire ce que c’est que quand ce sera fait.

C’est une aventure dans l’inconnu, dit Sri Aurobindo.  L’expérience est en cours. Lorsqu’elle aura été réussie une fois, une seule, dans un seul être humain, les conditions mêmes de la transformation changeront, parce que le chemin aura été fait, tracé, les difficultés primaires déblayées.

112.Il faut passer d’un état actuel à un autre état, d’une vieille organisation à une nouvelle : il y a un vieux cœur qui est là , de vieux poumons – à quel moment, remarquait la Mère, va-t-on arrêter le cœur pour lancer la Force en circulation ?

Le premier problème est d’adapter le corps et pour cela il faut des années et des années, peut-être des siècles.

Sri Aurobindo a travaillé pendant quarante ans et la Mère pendant cinquante ans à cette adaptation.

Naturellement il faut que le travail soit fait en une vie. On peut d’une vie à l’autre retrouver les progrès antérieurs de notre âme et de notre mental, même de notre vital qui se traduiront en cette vie par des éveils spontanés, des facultés innées, un développement déjà acquis. Il y a même une expérience assez saisissante où l’on voit exactement le point où s’achève le déjà fait des vies passées et où commence le point nouveau. On renoue le fil. Mais pour le corps, le progrès cellulaire ne peut passer d’une vie à l’autre, c’est évident, tout s’éparpille.

Nous somme là en face des deux problèmes fondamentaux du chercheur : donner aux cellules du corps la conscience d’immortalité qui existe déjà dans notre âme et même dans notre mental et nettoyer complètement le subconscient. Le progrès d’Agni dans le corps dépend, semble t-il de ces deux conditions. Le travail reste donc toujours un travail de conscience.

113.A l’expérience, on s’aperçoit que le problème de l’immortalité est toujours lié à un problème de vérité. Est immortel ce qui est vrai.

Plus on descend l’échelle de conscience, plus le mensonge s’épaissit et plus cela meurt naturellement parce que le mensonge est d’essence pourrissante.

Il est étrange de voir comme, partout et toujours, les choses ont deux visages : si l’on regarde d’un côté, il faut lutter, se battre, dire Non ; si l’on regarde de l’autre, il faut rendre grâce et encore grâce, dire Oui et encore Oui; et il faut pouvoir les deux.

Ce serait une parfaite erreur de penser que l’on peut entreprendre le yoga supramental avant d’avoir parcouru tous les échelons – il faut aller tout en haut pour pouvoir toucher tout en bas, nous le savons.

Si le silence est la condition de base de la transformation mentale, si la paix est la condition de base de la transformation vitale, l’immobilité est le fondement de la transformation physique – non pas une immobilité extérieure mais intérieure, dans la conscience cellulaire.

Il y a aussi un mental obscur, un mental du corps, des cellules mêmes, des molécules, des corpuscules. Haekel, le matérialiste allemand, a parlé quelque part d’une volonté dans l’atome, et la science récente, en présence des imprévisibles variations individuelles de l’électron, est sur le point de s’apercevoir que ce n’est pas une métaphore mais l’ombre portée d’une réalité secrète.

Ce mental corporel est très tangiblement réel ; par son obscurité, son attachement obstiné et mécanique aux mouvements passés, sa facilité à oublier, son refus du nouveau, il est l’un des obstacles principaux, à l’infusion de la Force supramentale dans le corps et à la transformation du fonctionnement corporel. Par contre, une fois effectivement converti, ce sera l’un des instruments les plus précieux pour stabiliser la Lumière et la Force supramentale dans la Nature matérielle.(Letters on Yoga, 22 :340)

Que dire de ce travail ? Il est infinitésimal. Et la seule façon de le faire n’est pas d’entrer en des méditations profondes qui ne touchent que le sommet de notre être, pas de réussir des concentrations ou des extases extraordinaires mais de travailler au niveau du corps, tout en bas, à chaque minute du jour et de la nuit. C’est pourquoi Sri Aurobindo insistait tant sur la nécessité du travail extérieur et des exercices physiques les plus ordinaires, seule façon de se mesurer avec la matière et de pousser dedans un peu de conscience vraie ou plutôt de permettre à Agni d’émerger librement.

Tout le travail du chercheur n’est donc pas tant de lutter contre des vibrations dites mauvaises que de garder la vraie vibration, la joie divine dans le corps, qui, elle, a le pouvoir de remettre en ordre, détendre, harmoniser, guérir toutes ces petites vibrations, usantes, mensongères, dans lesquelles nos cellules vivent constamment.

Toute souffrance est  une étroitesse de conscience à tous les niveaux.

114.Nous approchons du vrai problème. Le chercheur fait alors une autre découverte assez brutale : tous ses pouvoirs yogiques s’écroulent. Il avait déjà maîtrisé les maladies, les fonctionnements du corps, , peut-être même la pesanteur, il était capable d’avaler des poisons sans en souffrir parce que sa conscience était le maître. Mais subitement, du jour où il se met en tête de transformer ce corps, tous ses pouvoirs s’évanouissent, comme de l’eau dans les sables. Et la Mort s’en mêle. Entre les deux fonctionnements, le vieux et le nouveau qui doit remplacer les organes symboliques par la Vibration vraie, la ligne est très mince, parfois qui sépare la vie de la mort. – peut-être même faut-il être capable de passer la ligne et de revenir pour vraiment triompher ? C’est ce que la Mère appelait mourir à la mort, après une de ces expériences d’où elle faillit ne pas revenir.

Il y a un point central tout en bas, un nœud de vie et de mort où se joue le destin du monde. Tout est ramassé en un point.

Tu porteras toutes choses pour que toutes choses puissent changer dit Savitri (Savitri, 29 :700) ; c’est pourquoi Sri Aurobindo a quitté son corps le 5 décembre 1950, officiellement d’une crise d’urémie, lui qui pouvait guérir les autres en quelques secondes.

Deuxième phase – le subconscient

(p354-p363)

115.Il y a donc une autre catégorie de difficultés (mais c’est la même sous un autre visage) qui tient à la résistance subconsciente de la terre entière. C’est là que Sri Aurobindo a rencontré la Mort. C’est là que la Mère continue l’œuvre.

L’émergence d’un degré nouveau dans l’évolution, que ce soit celle de la Vie dans la Matière ou du Mental dans la Vie, s’accomplit toujours sous une double poussée : une poussée du dedans ou d’en bas, du principe involué qui cherche à émerger et une poussée du « dehors » ou d’en « haut » du même principe, tel qu’il existe déjà sur son propre plan.

Actuellement, le supramental involué dans la matière, pousse du dedans, sous forme de tension spirituelle, d’aspirations terrestres à l’Immortalité, à la Vérité, à la Beauté, etc… et en même temps il presse d’en haut, de son propre plan éternel, sous forme d’intuitions, de révélations, d’illuminations.

L’émergence du nouveau degré de conscience, à un stade quelconque de l’évolution, n’est pas une magie soudaine qui change tous les degrés anciens.  Entre l’apparition des premières amibes et celle des mammifères nous avons les millions d’années qu’il fallut pour surmonter l’inertie matérielle et « vitaliser » la matière.

Plus l’évolution progresse, plus elle touche des couches profondes.  Plus on s’élève plus on est tiré vers le bas.

L’évolution ne va pas de plus en plus haut mais de plus en plus profond.

Quand la jonction sera faite, l’Esprit émergera dans la Matière, dans un être supramental complet et dans un corps supramental.

Sri Aurobindo et la Mère allaient s’apercevoir  au cours de cette deuxième phase que la transformation n’est pas seulement un problème individuel mais terrestre et qu’il n’y a pas de transformation individuelle possible sans un minimum de transformation collective.

Plus on a de lumière, plus on découvre d’obscurité ; à la trace, nuit après nuit, se révèle le pourrissement sournois qui mine la Vie.

C’est le monde entier qui résiste. Ce n’est pas la difficulté d’un corps mais la difficulté du corps. Sri Aurobindo et la Mère découvraient ainsi matériellement, expérimentalement, l’unité substantielle du monde.

Ainsi s’achève la deuxième phase du travail de transformation. Après avoir travaillé pendant quatorze ans, de 1926 à 1940 d’une façon individuelle concentrée, avec une poignée de disciples triés sur le volet, Sri Aurobindo et la Mère étaient arrivés devant un mur. Il est significatif que le point culminant de la deuxième phase du travail de transformation ait coïncider avec le début de la deuxième guerre mondiale.

Après ces quatorze années de concentration individuelles, en 1940, Sri Aurobindo et la Mère ouvraient toutes grandes les portes de leur Ashram.

Ainsi commence la troisième phase de la transformation, qui continue encore, une phase d’expansion et de travail terrestre.

 

Troisième phase – l’Ashram

(p363-p377)

 

Note de l’auteur (1984)

115.Ce sous-chapitre n’a hélas qu’une valeur historique. Aujourd’hui, après le départ de Mère en 1973, l’ »Asram de Sri Aurobindo » n’est plus guère qu’une institution prospère sans rapport avec l’expérience évolutive de Sri Aurobindo et Mère.

Le lecteur désireux d’en savoir davantage sur le travail de Mère après le départ de Sri Aurobindo en 1950, ainsi que les événements qui ont entouré le départ de Mère en 1973, est prié de se référer à l’Agenda de Mère (1951-1973, 13 volumes ainsi qu’à la trilogie de Satprem sur Mère :

1)   le Matérialisme divin

2)   l’Espèce nouvelle

3)   la Mutation de la Mort

CONCLUSION

 

 

LA FIN QUI EST TOUJOURS AU COMMENCEMENT

(Savitri, 28 :295)

(p378-p383)

La réalisation des rishis védiques est devenue une réalisation collective ; le Supramental est entré dans la conscience terrestre , descendu jusque dans le subconscient physique, à la frontière de la Matière ; il ne reste qu’un pont à franchir pour que la jonction soit faite.

A l’heure qu’il est, nous sommes en plein dans une période de transition où les deux s’enchevêtrent : l’ancien persiste, encore tout-puissant, continuant à dominer la conscience ordinaire, et le nouveau se faufile, encore très modeste, inaperçu au point qu’extérieurement il ne change pas grand 135.chose, pour le moment…Et pourtant il travaille, il croît, jusqu’au jour où il sera assez fort pour s’imposer visiblement.

La clé de l’énigme n’est pas l’ascension de l’homme au ciel mais son ascension ici bas dans l’Esprit et la descente de l’Esprit dans son humanité ordinaire , une transformation de la nature terrestre ; c’est cela que l’humanité attend, une naissance nouvelle qui couronnera sa longue marche obscure et douloureuse et non quelque salut post mortem. (The Human Cycle, 15 :250)

 

A chaque hauteur conquise, tout change, c’est un renversement de conscience, un ciel nouveau, une terre nouvelle ; le monde physique changera bientôt sous nos yeux incrédules.

L’évolution n’est pas finie ; ce n’est pas une absurde ronde, pas une chute, pas une foire aux vains plaisirs, c’est :

L’aventure de la conscience et de la joie.(Savitri, 28 :2)

 

Pondichéry,

14 avril 1963

 

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