Passerelle du temps

21 avril 2005- Michel Vaujour

 

 

 

Où la légende et l’histoire récente se rejoignent,
à plusieurs siècles de distance.

Passerelle du temps

Pratiques – Techniques – et  Spiritualité 
d’hier et aujourd’hui.

La technique ne fait pas la spiritualité, mais peut-elle parfois y conduire ?

L’antinomie entre ces deux termes, est souvent remise en question et contredite en Inde même, par cette histoire, mi-légende, mi-réalité, (sans doute inspirée de la vie du célèbre yogi Milarépa) que racontent les partisans des techniques de yoga à ceux qui, dubitatifs – j’en suis ! – se refusent de mêler technique et spiritualité.

Les faits se déroulent aux temps où des hordes de brigands rançonnaient les voyageurs téméraires.
Le chef d’une de ces bandes, avait ouïe dire qu’un célèbre yogi aurait acquis des pouvoirs – siddhis – extraordinaires. Il pouvait se rendre « invisible » par l’utilisation de techniques secrètes de yoga. Notre homme y vit donc tous les bénéfices que cela pouvait lui apporter. Pensez donc – on rançonne… puis on disparaît ! On peut s’introduire dans les palais les plus luxueux, piller or et bijoux, et repartir tranquillement! « C’est vraiment ce qu’il me faut », et il se mit en recherche de ce fameux yogi.
On passe sur les péripéties de la recherche… et le voilà en face de ce Swami.
Ce saint homme voyait au plus profond des âmes, et lorsque le chef des brigands arriva devant lui et lui demanda de l’initier à ces plus hautes et fameuses techniques d’invisibilité, il accepta, sans réserve, alors même que ses propres disciples s’arrachaient les cheveux de désespoir ! Notre maître est devenu fou !

L’initiation était dure et périlleuse, mais notre brigand ne manquait ni de santé, ni de persévérance. Lorsqu’il eut accédé aux premières étapes, le maître lui dit :« Maintenant, il te faut assimiler tout ce que tu viens d’apprendre et reviens me voir dans 6 mois. »
Courroucé d’avoir à attendre si longtemps, le brigand força le vieux sage à lui transmettre la suite de l’initiation immédiatement. Le vieil homme refusa net, mais consentit à ramener le délai à 3 mois – Histoire de tester l’effet des premières techniques.
Notre brigand s’en fut donc, se jurant bien que dans 90 jours précis, il serait là devant ce yogi. Le terme arriva – Notre homme n’avait pas renoncé à ses pratiques yoguites et de ce fait, avait nettement ralenti ses razzias et autres pillages.
Il reçut donc la suite de l’initiation, qui comprenait le « voyage intérieur »….et il ressortit de ce voyage à ce point transformé qu’il fit dire à sa bande, qu’il déléguait provisoirement ses pouvoirs à son second, en attendant de se perfectionner encore un peu plus…
Et, Chemin  faisant.. car, « c’est en marchant qu’on fait son chemin », notre chef des brigands devint ainsi le yogi le plus assidu et le plus convaincu, auprès du swami. Il reçut donc l’initiation suprême lui conférant les siddhis tant recherchés. C’est alors que, contre toute attente, il dit à son Swami – «  Swamiji, les siddhis ne m ‘intéressent plus, j’aspire à la Libération… – et les siddhis, vont encore me tenir lié à la roue du Samsarâ». –
Voilà pour la légende-histoire….du brigand, du style – « ni dieu ni maître » – qui fut changé… au départ par une technique, qui, chemin faisant, le transforma totalement.

Maintenant ….où la légende rejoint l’histoire récente… dans notre pays même!
Michel Vaujour -: Truand notoire et multirécidiviste également du type « Ni dieu – ni maître » ayant à son palmarès  quelques 27 années de prison – et plusieurs évasions dont celle par hélicoptère, qui le rendit « célèbre »
Ce malfrat réussit seul, avec une détermination sans faille, à opérer une transformation radicale de son être.
Cette lente et douloureuse métamorphose, il la doit à une pratique assidue du yoga qu’il découvrit un jour dans un livre, alors qu’il était au plus profond de l’isolement, dans un quartier de haute sécurité de la prison de Chaumont. Comprenant qu’il court à sa perte s’il n’arrive pas à maîtriser son tempérament de rebelle et ses impulsions à l’égard de ses geôliers, il entreprend seul, d’acquérir tout d’abord une excellente forme physique vite muée par un « goût prononcé du dépassement qui n’avait pas de fin » dixit -. pour lui, le yoga c’est comme un stretching amélioré, mais suite à une chute lors de ses courses autour de la petite cour, il se casse la cheville. Immobilisation qui le désespère. Il lit alors plus attentivement les effets des techniques de yoga sur la respiration et la concentration. Peu à peu il découvre leurs effets sur la stabilisation de son mental et de son émotionnel. Les leçons silencieuses de yoga lui apprennent l’accord avec soi-même, l’harmonie (terme inconnu pour lui dans le passé ! ) l’unité de son être. En bref, le yoga en vient à occuper toute sa vie de prisonnier, il devient son mode d’existence. Il y passe des heures chaque jour. En prison, il vit déjà dans le dénuement. Il s’applique à appréhender l’ascèse et le détachement. Il supprime tout ce qui lui paraît « encore » superflu ou nocif: le tabac – sa petite radio, le matelas sur lequel il dormait, et il s’astreint régulièrement à des périodes de jeûne.
Du fond de sa cellule, il découvre une liberté qu’aucun maton ne pourra lui enlever. Il réussit alors sa plus belle évasion ! – « celle », dit-il, « de ma prison intérieure ».
Lors de son évasion en hélicoptère, il avait reçu une balle de 357 magnum en pleine tête. La mort était là. « C’est cet état de conscience que le yoga appelle «  le spectateur » dit-il « qui a pris alors les choses en mains. »
« J’étais totalement détaché et impliqué dans le passage de la vie à la mort. Il ne me restait que l’ouïe et une conscience réfugiée toute entière dans le ventre, là où naît le souffle du yogi. C’est là l’expérience la plus importante de ma vie. Je ne suis pas mort et une semaine plus tard je suis sorti du coma, hémiplégique. »
« Le yoga m’a aidé à retrouver ma motricité. Dans cette aventure il restera à jamais le moyen par lequel je m’en suis sorti. J’ai passé plusieurs mois à l’hôpital où je ne recevais aucun soin, si ce n’est qu’un comprimé par jour pour prévenir les crises d’épilepsie. Je n’ai pas non plus eu droit aux séances de rééducation. Je devais donc me soigner tout seul. Atteindre l’état de Pratyahara (retrait des sens, en sanskrit) D’ailleurs aujourd’hui, j’ai appris que l’on utilise cet état pour faire régresser cette paralysie. »
…..
« J’ai vécu le yoga à l’extrême – par tempérament ! C’est dangereux physiquement et psychologiquement. J’ai pratiqué presque toutes les disciplines de respirations – J’avais du temps ! Même devant le juge lors d’une comparution : Au lieu de répondre, je pratiquais le contrôle du souffle. Je me suis retrouvé dans une logique qui m’étais propre (jusqu’au-boutiste) sans compromission. En tout, je suis resté 3 ans et demi sans parler.
Je poussais mes rétentions du souffle si loin, que je constatais un détachement total de mon esprit (comme lors d’une NDE par ex.) Mais j’ai arrêté car je me suis fait une grande frayeur..je n’arrivais plus à vouloir respirer, il fallait que je pense consciemment ma respiration. Ensuite, c’est revenu à la norme, mais cela m’avait donné une leçon au sujet des extrêmes. »
Actuellement, ayant purgé sa peine, Michel Vaujour s’est mariée avec Jamila . « Le yoga m’a rendu pleinement conscient et m’a aidé à trouver cet état particulier, libéré de l’agitation des pensées qui nous sépare de la beauté de la vie et de nous-même. »
Il est l’auteur de « Ma plus belle évasion » ( l’évasion intérieure ! )
Une sorte de « transfiguration » …..par le yoga !
Le yoga n’est pas un but en soi, mais il peut vous conduire là, où vous n’avez même pas idée qu’il puisse vous conduire ! Simplement par l’éveil de facultés qui étaient endormies….

En général, je ne suis pas trop « preneur » des ouvrages de ces truands qui, au sortir de prison, vendent « leur passé » pour se faire de l’argent. Mais c’est mieux que de récidiver, et de plus il faut surmonter les difficultés à se faire embaucher. Mais ici, le bonhomme est passé à un niveau nettement supérieur, en se transformant lui-même. Il m’a semblé que ça méritait le détour, car ce récit édifiant…rejoignait assez bien la légende-histoire indienne !



Patje Seko

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