Ô nuit de Noël de Reims !

Dans cette  nuit de Noël de l’an 496, le baptistère de Reims ouvre ses deux battants et le jeune roi des francs, Clovis,  est immergé dans la cuve baptismale et il  adresse son abjuration à l’officiant :

« 

Puis-je implorer l’honneur de recevoir la grâce du baptême de la Sainte Eglise ? .

Et l’officiant, Mgr Rémi répond :

«  Jette tes colliers cher sicambre, brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé »

Alors une colombe tourne autour du ciborium et vient se poser sur la main de l’évêque. Elle serre dans son bec la sainte ampoule.  C’est le moment de l’onction, la reine Clotilde pleure de joie. La foule exulte et c’est une immense clameur qui s’élève sous les voûtes. Chacun comprend ce qui est en train d’advenir, à savoir que ce jeune roi des francs devient le fils aîné de l’Eglise.

A partir de cet instant, devant le baptistère et la crèche attenante, se forme et se déploie un immense cortège de l’hommage et des présents de la prosopopée française immémoriale :

On voit passer, sous le porche, sous l’ange de Reims qui lui sourit, le premier évêque de Paris. Il porte sa tête dans les mains. Il vient offrir à la crèche et au baptistère son martyr fondateur. C’est un signe, la France sera donc un acte sacrificiel.

Et puis, juste derrière lui, arrive l’apôtre des Gaules, Martin. Il arrive de Tours. Il dépose, il offre son manteau, sa clamyde de miséricorde :  » ce que vous aurez fait au plus petit d’entre nous, c’est à moi que vous l’aurez fait « . La France sera donc un acte de miséricorde.

Et puis juste après lui, arrive une pastourelle avec ses moutons. Elle arrive de Nanterre . Elle offre ses moutons qui rejoignent les bergers de la crèche. C’est Geneviève, elle a les mains en croix, comme pour arrêter Attila. C’est la patronne de Paris.

Et derrière elle, une autre femme, une reine, Mathilde. Elle arrive de Bayeux. Elle déplie une immense tapisserie, c’est son chef d’œuvre, elle l’a brodée au point d’aiguille. Ce chef d’œuvre est déposé, offert, à la crèche et au baptistère. La France fera donc un acte esthétique.

Alors retentit le cor aux abois, de Roland. Il arrive de Roncevaux. Il dépose et il offre son olifant et sa chanson de geste : « tu tourneras ma tête vers  France la douce, France la douce « . La France fera donc un acte littéraire.

Et puis derrière lui, arrive le roi Arthur. Il dépose le Saint Graal où coule le précieux sang recueilli par Joseph d’Arimathie.

Et puis derrière Arthur, arrive pieds nus, dans la simplicité d’un pénitent, un roi, il porte sur son coussin écarlate la couronne d’épines. Il offre la couronne et plus que ça, il troque sa couronne de puissance contre une couronne de souffrance.

Et puis derrière lui, arrive Jeanne la lorraine avec son étendard. Elle offre son anneau et son immolation. La France fera donc un acte d’oblation.

Et puis derrière elle, arrive Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Bayard, il offre son épée. L’épée avec laquelle il a adoubé le roi François Ier. La France sera donc un acte de bravoure.

Et puis arrive un monarque suivi de son jardinier. Le monarque c’est le roi soleil et le jardinier c’est Le Nôtre. Le Nôtre a sous le bras des rouleaux parcheminés. Ce sont les plans du jardin de paradis de Versailles.

Et puis, un peu plus tard, arrive un héros de théâtre populaire. Il dépose, la geste théâtrale, une plume blanche de Gascogne. Et l’on entend murmurer d’un côté : « c’est un panache ! » et de l’autre : « c’est Cyrano ! »

Et derrière lui arrive un poète. Il est accablé par le chagrin. Il vient de perdre sa fille. Il offre son chagrin en tombant à genou.  » Je viens à vous Seigneur, Père auquel il faut croire., je vous porte, apaisé, les morceaux de ce cœur tout plein d’autres gloires que vous avez brisé. »

Et puis derrière lui, arrive une petite fille chétive, pauvre, couverte de brindilles. Et, elle vient offrir avec ses yeux d’extase, juste à côté de la statue de l’Immaculée conception, une petite fiole avec l’eau miraculeuse du Gave. C’est Bernadette Soubirou.

Et derrière elle, un aviateur, accompagné d’un renard apprivoisé. Il s’adresse , à voix basse, à l’ange au sourire éternel : « De grâce, faites pleuvoir, sur le monde, quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. »

Et puis derrière lui, arrive une petite femme en fin de vie. Elle n’en peut plus. Elle titube. On ne la reconnaît même plus. Elle chante. Elle va vers la Sainte Vierge parce qu’elle l’appelle « Notre Dame du grand Secours ». Elle  a une dilection pour sainte Thérèse. Elle chante : « Mon Dieu, mon Dieu, laissez le moi encore un peu, mon amoureux ». Edith Piaf.

Voilà, cette nuit de Noël. Cette nuit de Noël de Reims. ô, nuit de Noël de Reims ! Ô, nuit du baptistère inaugural où l’Eglise a oint son fils aîné. Cette nuit- là a vu défiler deux mille ans d’agenouillements et d’étourdissements. Cette nuit là, elle a fondé l’imaginaire d’un peuple. Cette nuit là, elle a fait plus encore. Elle a sanctifié une nation choisie. Elle l’a rendue universelle, la France. La France de Noël qui parle à tous les hommes.

Pour voir aussi :

Noël- naissance de Jésus et le monde chrétien

Notre-Dame de Paris et le monde chrétien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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