Antispécisme : non à la suériorité de l’homme sur l’animal

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Sonya Faure sur Libération – 10 octobre 2015- fait le point sur cette philosophie

L’antispécisme combat, son nom l’indique, le spécisme, c’est-à-dire la discrimination fondée sur l’espèce – comme on dit racisme ou sexisme. Comme la race ou le sexe, l’espèce serait finalement une catégorie moins évidente et «naturelle» que l’homme aimerait le croire depuis des siècle… pour mieux asseoir sa supériorité.

Le terme spécisme est apparu dans les années 70, en même temps que l’éthique animale. C’est Richard Ryder, un psychologue britannique sensible au sort des animaux utilisés dans l’élevage industriel et les expérimentations, qui invente le concept, comme le rappelle l’éclairantDictionnaire de la pensée écologique paru le mois dernier (1). Mais c’est Animal Liberation, le livre de Peter Singer, devenu culte pour beaucoup de végétariens, qui popularise le concept.

Si le concept du spécisme est important, ce n’est pas seulement parce qu’il révèle les «incohérences conduisant à traiter sans aucun ménagement des êtres sensibles qui éprouvent pourtant de la douleur, ont des intérêts à préserver et dont la vie est aussi importante pour eux que la nôtre l’est pour nous», écrit la philosophe Corine Pelluchon dans l’article qu’elle consacre à ce mot au sein du Dictionnaire de la pensée écologique. Mais aussi parce qu’il sert «une entreprise de déconstruction de l’anthropocentrisme». «Cette réhabilitation des animaux est en même temps l’occasion d’un profond remaniement des catégories morales et juridiques par lesquelles l’homme s’est pensé lui-même»,appuie-t-elle encore.

Lestel a publié en 2011 une Apologie du carnivore (Fayard). «Etre antispéciste n’a pas de sens pour moi, explique-t-il. Les vegans « antispécistes » font par exemple une grande différence entre espèces animales (qu’ils ne veulent pas manger) et espèces végétales (qu’ils mangent). Ils font référence à des arguments comme l’existence d’un système nerveux qui a un sens mais pas la puissance décisionnelle qu’ils lui attribuent. Les antispécistes ont une position paradoxale qui consiste à vouloir que l’humain donne le même statut à tous les animaux et ce statut est précisément plus ou moins calqué sur celui de l’humain : le droit à ne pas être tué et mangé, etc.»

La philosophe Elisabeth de Fontenay, qui depuis longtemps dénonce l’anthropocentrisme, refuse pourtant le terme d’«abolitionnistes» :«Voler ce mot à la lutte contre la peine de mort pour le rapatrier dans la cause animale me pose un gros problème», expliquait-elle sur France Inter en 2011. (cf : Charles Patterson qui a publié un livre intitulé Eternal Treblinka: our Treatment of Animals and the Holocaust.)

«Antispéciste et humaniste à la fois»

En réalité, aujourd’hui, la plupart des antispécistes ne vont plus jusqu’à mettre l’homme et l’animal sur le même plan. «Je suis antispéciste et humaniste à la fois, explique par exemple Corine Pelluchon. Je suis humaniste car je pense que l’homme est différent des animaux et que lui seul peut être responsable des autres espèces présentes et futures. Je suis antispéciste car ce n’est pas parce qu’un être appartient à l’espèce animale qu’il doit être broyé comme le sont les poussins mâles dans l’élevage intensif de poules pondeuses.»

Pas question donc de donner les mêmes droits aux poissons qu’aux humains. «On ne donne pas le droit d’avorter aux hommes qui n’en auraient pas l’utilité ni le droit de vote aux cochons qui n’en feraient rien, ajoute Renan Larue, professeur de littérature à l’Université de Californie à Santa Barbara et auteur d’une Histoire engagée de la pensée végétarienne parue cette année (PUF). En revanche, l’antispécisme permet de poser une question essentielle : est-ce que les différences, bien réélles, qui existent entre un être humain et un animal justifient une telle différence de traitement ?» Il s’agirait donc de réfléchir à un«nouvel humanisme», selon Corine Pelluchon. Passer par les animaux pour repenser l’homme et notre espace commun.

 

 

 

 

 

 

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