des auteurs chrétiens de la première moitié du XXième siècle

Cette page est ouverte à partir des références du livre « de l’homme à Dieu » d’Henri Massis octobre 1959

Maurice Barrès :   né en 1862 à Charmes ( Vosges) mort en 1923 à Neuilly / Seine (funérailles nationales) : le culte du moi (notre moi n’est que l’éphémère produit de la société) -grand écrivain de la revanche contre l’Allemagne victorieuse en 1870- Elu en 1906 à l’académie française et élu la même année comme député de Paris. Adversaire politique mais ami de Jaurès. Proche de Charles Mauras, son cadet mais refuse ses idées monarchiques.

publie en 1913 la colline inspirée (« il est des lieux où souffle l’esprit »)

« Je sais bien que Monsieur Zola est un grand écrivain ; j’aime son œuvre qui est puissante et belle. Mais on peut le supprimer de son temps par un effort de pensée ; et son temps sera le même. Si Monsieur Barrès n’eût pas vécu, s’il n’eût pas écrit, son temps serait autre et nous serions autres. Je ne vois pas en France d’homme vivant qui ait exercé, par la littérature, une action égale ou comparable. » (Leon Blum)

 

Henri MASSIS né à Paris en 1886 et mort à Paris en 1970

critique littéraire, essayiste politique et historien de la littérature.

 

Henri Bergson  né en 1859 à Paris et mort en 1941 à Paris

Il descend d’une famille juive polonaise. Il choisit la nationalité française à 18 ans.

Georges Bernanos

Né en 1888 à Paris et mort en 1948 à Neuilly

« Ni démocrate ni républicain, homme de gauche non plus qu’homme de droite, que voulez-vous que je sois ? Je suis chrétien »

Dans ses œuvres, Georges Bernanos explore le combat spirituel du Bien et du Mal, en particulier à travers le personnage du prêtre catholique tendu vers le salut de l’âme de ses paroissiens perdus, ou encore par des personnages au destin tragique comme dans Nouvelle histoire de Mouchette.

Georges Bernanos est un auteur paradoxal et anti-conformiste. Pour lui, la France est fondamentalement dépositaire des valeurs humanistes issues du christianisme, dont elle est responsable à la face du monde. Royaliste, il applaudit pourtant « l’esprit de révolte » de 1789 : un « grand élan […] inspiré par une foi religieuse dans l’homme » et développe une pensée qui constitue, selon les mots de Jacques Julliard, « un rempart de la démocratie, même à son corps défendant ». Un moment proche de Maurras, il déclare ne s’être « jamais senti pour autant maurrassien », et dit du nationalisme qu’il « déshonore l’idée de patrie ». Catholique, Bernanos attaque violemment Franco et l’attitude conciliante de l’Église d’Espagne à son égard dans Les Grands Cimetières sous la lune.

 

Sous le soleil de Satan : inspiré du curé d’Ars

La grande peur des biens pensants

Journal d’un curé de campagne

Les grands cimetières sous la lune

 

Gilbert Keith Chesterton né en 1874 à Londres et mort en 1936 à Beaconsfield

Il a été en effet journaliste, poète, biographe et apologiste du christianisme.

Il est particulièrement renommé pour ses œuvres d’apologétique chrétienne ; même ses adversaires ont reconnu l’importance de textes comme Orthodoxie ou bien L’Homme éternel qui parvint à convertir l’écrivain C. S. Lewis au christianisme. Chesterton parlait souvent de lui-même comme d’un chrétien « orthodoxe ». Membre de la Haute Église anglicane, il se convertit au catholicisme en 1922. George Bernard Shaw, son « adversaire et ami », dit de lui dans le magazine Time : « C’était un homme d’un génie colossal.».

Orthodoxie : (traduction 17 mars 2010) 

Histoire d’une âme,  » autobiographie débraillée « , cet essai inclassable n’a d’autre prédécesseur que son livre-frère, Hérétiques, paru trois ans plus tôt. Découvert par Paul Claudel, qui en traduisit l’un des chapitres, célébré par Charles Péguy, Orthodoxie est un livre touffu, foisonnant d’images et d’idées, dans lequel Chesterton expose la vigueur de sa foi à coups de paradoxes et de fantaisies. Car le christianisme excentrique de Chesterton est une quête qui conduit à l’émerveillement de l’enfance, c’est-à-dire au royaume des fées. Dénonçant l’injustice capitaliste, les thèses matérialistes et déterministes (à commencer par la théorie de l’évolution), Chesterton leur oppose une faculté irréductible de l’homme, qu’aucune machine ne pourra jamais remplacer : son rire et sa joie.

L’Homme éternel : Il a été écrit en réponse à la profession de foi progressiste de l’écrivain H. G. Wells publiée en 1920 dans son livre Esquisse de l’histoire universelle (The Outline of History). Chesterton conteste, dans une certaine mesure, l’opinion de Wells selon laquelle la vie et la civilisation humaine sont un développement sans faille de la vie animale, et Jésus-Christ, qu’une figure charismatique parmi d’autres.

Ici, il tente d’illustrer le voyage spirituel de l’Humanité, ou du moins, de la civilisation occidentale. L’auteur Ross Douthat déclare : « Les grandes lignes de l’Histoire que dresse sereinement Chesterton, sont également le meilleur argument moderne en faveur du christianisme que j’aie jamais lu. Vous devez vous abandonner au style chestertonien, mais si vous le faites, attention : vous pourriez vous retrouver converti. »

Paul Claudel

Né en 1868 dans l’Aisne à Villeneuve sur Fère , mort en 1955 à Paris.

dramaturge, poète, essayiste et diplomate français, membre de l’Académie française.

Claudel s’installe alors définitivement dans le château de Brangues, en Isère, qu’il avait acquis en 1927 pour y passer ses étés. Le travail littéraire, mené jusqu’alors parallèlement à sa carrière diplomatique, occupe désormais la plus grande part de son existence. Il reçoit à Brangues diverses notoriétés : des hommes politiques comme le président Édouard Herriot, ou des écrivains comme François Mauriac.

On peut aussi passer par l’exégèse biblique, à laquelle Claudel s’est consacré pendant presque toute sa vie50. Pour lui, la foi n’est pas seulement une persistance dans sa critique sur l’art, mais plutôt une nourriture pour son esprit et son âme. Il consacre plusieurs articles typiques à ce sujet : Vitraux des Cathédrales de France, la Cathédrale de Strasbourg, l’Art et la Foi, l’Art Religieux, etc. Il met en lumière l’esprit religieux partout où il le peut. C’est la façon pour lui d’exprimer sa méditation sur son intimité d’homme et de croyant. Il nous confie même parfois sa foi pour aider à comprendre ses textes. La Bible est perçue comme une œuvre poétique par Claudel54, qui le stimule à interroger et à commenter les tableaux avec un style qui parfois s’en inspire.

Paul Claudel a été très influencé par Arthur Rimbaud et Thomas d’Aquin. Son œuvre profondément marqué par la foi chrétienne, dont il a reçu la révélation en 1886, le jour de Noël. Élu à l’Académie française en 1946, il a consacré le reste de sa vie à l’étude de textes bibliques.

Le soulier de satin  :Drame mystique, le Soulier de satin relate l’amour impossible entre Doña Prouhèze et le capitaine Don Rodrigue. L’action, qui s’étale sur vingt années, se passe à la Renaissance, au temps des conquistadors, et est découpée par l’auteur en quatre journées, suivant la tradition du Siècle d’or.

Paul Claudel lui-même commenta : « La scène de ce drame est le monde ». Sur sa pièce, il écrivit aussi : « Le sujet du Soulier de satin, c’est en somme celui de la légende chinoise, les deux amants stellaires qui chaque année après de longues pérégrinations arrivent à s’affronter, sans jamais pouvoir se rejoindre, d’un côté et de l’autre de la Voie lactée.

cf sur le site société Paul Claudel

L’annonce faite à Marie   est un « mystère » en quatre actes

cf sur le site société Paul Claudel

Dans un « Moyen Âge de convention », Violaine, fille d’Anne Vercors, et fiancée à Jacques Hury, rencontre l’architecte Pierre de Craon, qui l’a autrefois désirée et a, depuis, contracté la lèpre. Violaine consent à lui donner, par compassion et charité, un baiser d’adieu. Mais la scène a été surprise par sa sœur Mara, amoureuse de Hury, et celle-ci va tout tenter pour nuire à sa rivale. C’est à ce moment que le père, Anne, annonce son intention subite d’abandonner la prospérité du domaine familial pour se rendre en Terre sainte laissant à Jacques le patronage de la maison et la main de Violaine.

À la suite du baiser donné à Pierre de Craon, Violaine contracte également la lèpre et, dénoncée par sa sœur, elle se voit reniée par les siens et abandonnée par son fiancé qui l’envoie dans une léproserie et épouse Mara. Elle se retire dans la forêt malade pour se vouer à Dieu. Mais voici que meurt l’enfant né du mariage de Mara et de Jacques. Désespérée, Mara va supplier la lépreuse dans sa caverne durant la nuit de Noël : elle ne l’aime pas, mais elle a foi dans la vertu de sa sainteté qui peut obtenir de Dieu un miracle. Violaine l’associe à ses prières et ressuscite l’enfant dont les yeux prennent alors la couleur des yeux bleus de Violaine alors qu’ils étaient noirs comme ceux de Mara.

À l’acte suivant, Violaine est tuée par Mara, toujours jalouse et, avant de mourir, elle obtient pour cette dernière le pardon de son père et de son mari. Et, tandis que la lèpre de Pierre de Craon a été mystérieusement guérie, Mara trouve enfin la paix dans le pardon, au son des cloches de l’Angélus dont le premier versicule donne son titre à la pièce : Angelus Domini nuntiavit Mariae (« L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie »). L’histoire de cette jeune fille Violaine devenant progressivement une sainte, assimilée à la Vierge Marie, donne finalement la signification de ce mystère : la « possession d’une âme par le surnaturel », comme l’a décrit Claudel lui-même.

 

Jacques Copeau ; né en à Paris et mort en à Beaune aux Hospices, est une personnalité d’importance majeure dans le monde intellectuel et artistique français de la première moitié du xxe siècle, principalement dans le domaine du théâtre.

C’est en 1903 que Copeau rencontre André Gide pour la première fois : c’est le début d’une amitié qui durera jusqu’à la fin comme en témoigne leur correspondance.

De retour à Paris en 1905, Copeau poursuit son métier de critique dramatique.

En 1925, Jacques Copeau se convertit au catholicisme, sous l’influence de Paul Claudel et du cercle Maritain à Meudon. Ce fait déterminant imprègne et oriente aussi bien sa vie que son œuvre, comme metteur en scène et dramaturge.

 

 Charles de Foucault

Né le  à Strasbourg (France) et mort le  à Tamanrasset (Algérie française), est un officier de cavalerie de l’armée française devenu explorateur et géographe, puis religieux catholique, prêtre, ermite et linguiste.

Il est béatifié le  par le pape Benoît XVI puis canonisé le  par le pape François.

En , alors qu’il est en classe de rhétorique, il commence à s’éloigner de la foi, avant de devenir agnostique. Il affirme plus tard : « Les philosophes sont tous en désaccord. Je demeurai douze ans sans nier et sans rien croire, désespérant de la vérité, ne croyant même pas en Dieu. Aucune preuve ne me paraissait évidente ». Cette perte de la foi se double d’un mal-être : il se trouve alors « tout égoïsme, toute impiété, tout désir de mal, j’étais comme affolé ».

À Saumur, il mène une vie dissolue, profitant à dix-neuf ans de l’important patrimoine dont il a hérité. Surnommé le « lettré fêtard », il profite alors de sa fortune pour faire venir des prostituées de Paris qui défilent dans sa chambre, et qu’il traite avec peu de respect. Cette attitude libertine se double d’une indiscipline volontaire et répétée. Il est puni de nombreuses fois pour désobéissance, quittant l’école sans autorisation, étant en retard, ne se levant pas le matin… Il a plus de dix-neuf jours d’arrêt simple et quarante jours d’arrêt de rigueur. Aux examens de sortie, Foucauld est classé 87e sur 87.

De février à octobre 1886, Foucauld loue une chambre à Paris près du domicile de sa cousine Marie de Bondy. Âgé de 28 ans, ayant regagné l’estime des membres de sa famille, son attitude change. Il s’intéresse à la spiritualité et se met à lire tant le Coran qu’« Élévation sur les mystères » de Bossuet, livre offert par Marie de Bondy. Il ne retrouve plus le plaisir d’antan dans les lectures coquines, qui le dégoûtent maintenant. Il mène une vie de plus en plus sobre, loin des frasques qui choquaient tant sa famille.

L’expérience au Maroc a été une révélation pour Foucauld. Il affirmera en 1901 : « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines »

Sa méfiance vis-à-vis de la foi chrétienne s’estompe progressivement à travers les discussions avec sa cousine Marie de Bondy, au cours desquelles ils parlent religion. Marie de Bondy joue un rôle très important dans sa conversion. Il la décrit plus tard comme « l’ange terrestre » auquel il pourra se confier.

Charles de Foucauld exprime sa volonté de retrouver la foi. L’abbé Huvelin lui demande alors de se confesser, ce que Foucauld fait. Il lui donne ensuite la communion. C’est, d’après lui, une seconde révélation : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Lui. »

Ordonné prêtre à Viviers en 1901, il décide de s’installer dans le Sahara algérien à Béni Abbès. Il ambitionne de fonder une nouvelle congrégation, mais personne ne le rejoint. Il vit avec les Berbères, adoptant une nouvelle approche apostolique, prêchant non pas par les sermons, mais par son exemple.

Anatole France 

Né le  à Paris et mort le  à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire),

Devenu un proche de Jean Jaurès, il préside, le , une manifestation du Parti socialiste français au Trocadéro et prononce un discours. Anatole France s’engage pour la séparation de l’Église et de l’État, pour les droits syndicaux, et contre les bagnes militaires.

André Gide écrivain français, né le  à Paris 6e2 et mort le  à Paris 7e. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1947.

Entre 1885 et 1888, le jeune André vit une période d’exaltation religieuse — qualifiée « d’état séraphique »— qu’il partage avec sa cousine grâce à une correspondance nourrie et des lectures communes. Il puise abondamment dans la Bible, les auteurs grecs, et pratique l’ascétisme. En 1885, il fait connaissance à La Roque-Baignard de François de Witt-Guizot, qu’il associe un temps à son mysticisme. L’année suivante, c’est le pasteur Élie Allégret, précepteur d’un été, qui devient son ami.

Hubert Lyautey  né à Nancy en 1854 et mort à Thorey en 1934. Obsèques nationales puis, à sa demande, inhumé à Rabat un an après.

Gagné dans les années 1880 par un scepticisme religieux qui l’angoisse, le capitaine Lyautey entame un long cheminement spirituel. Le questionnement intense auquel il se soumet ne l’éloigne cependant pas définitivement de l’idée de Dieu et de son admiration pour l’Église, dont il reste culturellement proche et dont il partage la plupart des positions morales, sociales et politiques. Il reste particulièrement lié à son condisciple le docteur Paul Michaux, figure emblématique de l’intelligentsia catholique parisienne et fondateur en 1898 de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France.

L’approfondissement se construit pour Lyautey en trois étapes : recherche et questionnement de jeunesse face à son scepticisme naissant (« Je voudrais aimer Dieu, mais je n’arrive pas à le faire par gratitude » – ), fascination dans sa vie d’homme pour le Dieu des idées (« Mais l’admiration n’est pas l’amour ») et redécouverte apaisée du Dieu-Amour dans sa vieillesse98. À côté de Thorey se trouve la « colline inspirée », Sion, lieu de pèlerinage depuis des siècles. Un monastère confié aux missionnaires oblats y existe depuis le milieu du xixe siècle ; le maréchal le fréquente assidûment et reçoit les frères chez lui. Lyautey achève pleinement sa réconciliation avec l’Église le jeudi saint 1930 (), lorsque, après s’être confessé, il reçoit la communion du curé de Thorey, source d’une immense joie dont il s’ouvre quelques jours plus tard à son ami Wladimir d’Ormesson38(222) et qui ne le quitte plus jusqu’à sa mort.

Il redécouvre aussi la foi par le scoutisme et fait la connaissance d’un chef scout en route vers le sacerdoce, le futur père Patrick Heidsieck. Une correspondance naît entre le jeune prêtre qui devait partir pour la Pologne et le vieil officier qui, dès 1930, de-par ces échanges, reprend le chemin de l’Église, de la confession et de la prière à genoux tous les soirs. Lyautey brisait ainsi une longue période de traversée du désert religieuse et renouait avec une jeunesse où sa foi était ardente.

 

 

Jacques Maritain 

Né en à Paris et mort en  à Toulouse, est un philosophe et théologien catholique français. Il est une figure centrale du thomisme au xxe siècle.

Agnostique élevé dans le protestantisme, Jacques Maritain se convertit à la foi catholique en 1906 et cette religion a profondément imprégné sa philosophie. Après une phase anti-moderniste, où il était proche de l’Action française, sans jamais y adhérer, il s’en éloigna et finit par accepter la démocratie et la laïcité (Humanisme intégral, 1936). Son œuvre fut liée de près à l’éclosion de la démocratie chrétienne, malgré les réserves de Maritain lui-même à propos de son organisation concrète. La connaissance de l’œuvre de Jacques Maritain a été profondément renouvelée par la publication en 2021 de sa biographie par Michel Fourcade, ainsi que par l’édition intégrale de sa correspondance avec Emmanuel Mounier, Paul Claudel, François Mauriac, Gabriel Marcel, Georges Bernanos, Yves Simon, Louis Massignon, Henri de Lubac, Edith Stein et Emily Coleman.

Le scientisme alors en vogue à la Sorbonne le déçoit assez rapidement ; il ne le considère pas comme étant capable de répondre à des questions existentielles d’ordre vital. Pendant l’année académique 1901-1902, Charles Péguy, confident de la crise intellectuelle et morale que traversent Jacques et Raïssa, les engage tous deux à suivre les cours d’Henri Bergson au Collège de France. Jacques Maritain se marie le . Il passe avec succès en 1905 l’agrégation de philosophie, où il est reçu sixième3. Parallèlement à sa déconstruction du scientisme, Bergson leur communique le « sens de l’absolu ». Par la suite, grâce notamment à l’influence de Léon Bloy qui devient leur parrain de baptême, ils se convertissent tous deux au catholicisme en juin 1906.

 

Il fut ambassadeur de France au Vatican de 1945 à 1948. Il avait épousé Raïssa Oumançoff, poète et philosophe juive convertie au catholicisme, autrice des Grandes Amitiés. Les œuvres complètes de Maritain sont co-signées avec Raïssa.

La philosophie de Maritain embrasse de larges champs de la pensée : cognition, morale, métaphysique, arts et politique.

 

Louis Massignon

Né en à Nogent-sur-Marne et mort en à Suresnes, est un universitaire et islamologue catholique français.

Professeur au Collège de France de 1926 à 1954, il a contribué à une meilleure connaissance de l’islam sur le plan académique, tout en prônant sur le plan spirituel la nécessité de la réconciliation des religions abrahamiques. Il est en cela un précurseur du dialogue interreligieux.

Fin mars 1908, il dirige une expédition pour explorer la forteresse sassanide d’Al-Okheïdir. Début mai, il est arrêté à Kût el-’Amâra par les autorités ottomanes. La région est en proie à la prochaine révolution des Jeunes-Turcs et le Français est considéré comme un potentiel espion. Il est forcé de rentrer à Bagdad sur un bateau remontant le Tigre. Bien que toute la lumière ne soit pas faite sur les événements, il se croit condamné à mort et tente vainement de se suicider. Il vit alors une expérience mystique, la Visitation de l’Étranger, qui marque son retour à Dieu et au christianisme.

Cette conversion au contact de l’islam s’inscrit dans le contexte plus large du renouveau catholique qui, en France, voit un nombre important de jeunes gens se convertir. On les appelle les « convertis de la Belle Époque »(Henriette Psichari, Les convertis de la Belle époque, Éditions rationalistes, 

. Massignon va d’ailleurs rencontrer d’autres convertis, tels Paul Claudel, Jacques Maritain, ainsi que Charles de Foucauld qui a une influence décisive sur le cours de sa vie et devient l’un de ses maîtres spirituels.

Charles Maurras 

Charles Maurras, né en  à Martigues (Bouches-du-Rhône) et mort en à Saint-Symphorien-lès-Tours (Indre-et-Loire), est un journaliste, essayiste, homme politique et poète français.

Écrivain provençal appartenant au Félibrige et agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des milieux catholiques et antidreyfusards. Autour de Léon Daudet, Jacques Bainville, et Maurice Pujo, il dirige le journal L’Action française, fer de lance du mouvement homonyme.

La perte de la foi et sa surdité le désespèrent et le conduisent à une tentative de suicide qui échouera et n’est connue que par des témoignages indirects.

En 1904, Maurras regarda avec sympathie la création par trois anciens du collège Stanislas à Paris, dont Marc Sangnier, du mouvement du Sillon afin de former des groupes pour faire rayonner les forces morales et sociales du catholicisme. Un rapprochement entre le Sillon et l’Action française eut alors lieu : pour Firmin Braconnier, les deux organisations ont le même but : le perfectionnement moral, intellectuel et social de la personnalité humaine rejetées ensemble par la gauche298. Mais en dépit d’échanges de haut niveau et au début fort aimables, les deux hommes ne s’entendirent pas, Marc Sangnier voulant opposer le positivisme et le christianisme social, ce que Maurras percevait comme un faux dilemme car :

  • retrouver les lois naturelles par l’observation des faits et par l’expérience historique ne saurait contredire les justifications métaphysiques qui en constituent pour les chrétiens le vrai fondement ; car le positivisme, pour l’Action française, n’était nullement une doctrine d’explication mais seulement une méthode de constatation ; c’est en constatant que la monarchie héréditaire était le régime le plus conforme aux conditions naturelles, historiques, géographiques, psychologiques de la France que Maurras était devenu monarchiste : « Les lois naturelles existent, écrivait-il ; un croyant doit donc considérer l’oubli de ces lois comme une négligence impie. Il les respecte d’autant plus qu’il les nomme l’ouvrage d’une Providence et d’une bonté éternelles. » ;
  • le christianisme social se retrouve davantage dans l’Action française que dans le Sillon : s’il y a de nombreux chrétiens sociaux dans les rangs de l’Action française, c’est précisément car les chrétiens sociaux ont toujours préconisé « l’organisation d’institutions permanentes, capables de secourir la faiblesse des hommes » ; or, pour Maurras, Marc Sangnier croyait qu’il fallait d’abord donner à l’individu une âme de saint avant de vouloir modifier les institutions. Dans cette optique Marc Sangnier est « le continuateur du préjugé individualiste » qui avait engendré la question sociale et contre lequel les catholiques sociaux, de Villeneuve-Bargemont à Albert de Mun et au marquis de La Tour du Pin avaient toujours réagi.

Charles Péguy 

Né le  à Orléans (Loiret) et mort pour la France le premier jour de la première bataille de l’Ourcq, le  à Villeroy (Seine-et-Marne), est un écrivain, poète, essayiste et officier de réserve français. Il est également connu sous les noms de plume de Pierre Deloire et Pierre Baudouin.

Son retour au catholicisme, dont il avait été nourri durant son enfance, a eu lieu entre 1907 et 1908. Il confie en septembre 1908 à son ami Joseph Lotte : « Je ne t’ai pas tout dit… J’ai retrouvé la foi… Je suis catholique… » Cependant, son entourage remarquait depuis quelques années déjà ses inclinations mystiques ; ainsi, les frères Jean et Jérôme Tharaud se souviennent l’avoir fait pleurer en racontant les miracles de la Vierge, à la Noël 1902. Une confidence à demi-mot de Péguy44 laisse à penser que sa conversion intervint à la suite d’une lecture de l’Évangile de la Passion selon saint Matthieu45. Le  paraît Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, qui s’inscrit clairement dans la perspective d’une méditation catholique et manifeste publiquement sa conversion. Plutôt que par le mot conversion qui sous-entendrait un rejet de sa vie passée, c’est par « un approfondissement du cœur » que Péguy retrouve la foi. Approfondissement qu’il exprime ainsi : « Ce n’est nullement par un rebroussement que nous avons trouvé la voie de chrétienté. Nous ne l’avons pas trouvée en revenant. Nous l’avons trouvée au bout. C’est pour cela que nous ne renierons jamais un atome de notre passé ». La réaction du public catholique au Mystère de la charité de Jeanne d’Arc est plutôt méfiante, même si L’Amitié de France et La Croix font une critique élogieuse de l’ouvrage. Son intransigeance et son caractère passionné le rendent suspect à la fois aux yeux de l’Église, dont il attaque l’autoritarisme et l’orientation bourgeoise, et aux yeux des socialistes, dont il dénonce l’anticléricalisme ou, un peu plus tard, le pacifisme, pour lui inopérant et, qui plus est, à contre-sens, quand l’Allemagne redevient menaçante.

À partir de 1911, Péguy qui est au tournant de la quarantaine, fait l’expérience des déceptions et des critiques des milieux académiques après les remous provoqués par l’essai polémique contre Fernand Laudet. Son pessimisme et sa détresse sont immenses, comme en témoigne son ami Daniel Halévy : « Ah, lui dit un jour Péguy, je ne savais pas que c’était ça la vie ! » Cet aveu de désespoir est suivi d’une frénésie de travail, moyen pour lui de tenter de lui échapper : « Je travaille tout le temps, tous les jours, je me sauve ainsi de descendre plus profondément », écrit-il le  à son ami Charles Lucas de Pesloüan. Rédigés entre l’automne 1911 et le printemps 1912, les Quatrains, envahis de visions sanglantes, sont à la fois une imploration et le poème de ce désespoir46. Au milieu de ces difficultés, s’ajoute en 1912, l’inquiétude provoquée par la paratyphoïde de Pierre, son second fils ; Péguy fait alors le vœu de se rendre en pèlerinage solitaire à Chartres, du 14 au 17 juin, parcourant 144 km en trois jours. Alain-Fournier l’accompagne sur une partie du chemin. « J’ai fait un pèlerinage à Chartres. Je suis Beauceron, Chartres est ma cathédrale », avoue-t-il à son ami Joseph Lotte, ajoutant : « Notre Dame m’a sauvé du désespoir ». C’est ce pèlerinage qui, par la suite, inspira les pèlerinages de Chartres. Il fait à nouveau ce pèlerinage en 1913, du 25 au 28 juillet. Il écrit : « … J’ai tant souffert et tant prié… Mais j’ai des trésors de grâce, une surabondance de grâce inconcevable… »Pourtant, Péguy n’a pas retrouvé la joie, mais seulement une sérénité précaire qui n’empêche ni regret ni mélancolie ; et il ne devient pas catholique pratiquant. Charles Péguy n’aurait jamais communié adulte et n’aurait reçu les sacrements qu’un mois avant sa mort, le 15 août 1914, à Loupmont, alors qu’il était sous l’uniforme.

Ernest Psichari 

(Né le  à Paris et mort le  à Rossignol) est un officier et écrivain français

En juin 1913, Psichari retourne dans la garnison du 2e régiment d’artillerie coloniale à Cherbourg. C’est là qu’il compose son livre, publié à titre posthume, Le Voyage du centurion (1916)7. Il s’agit de la transposition à peine masquée de son expérience et de son évolution spirituelle.

Longtemps à la recherche de certitudes intellectuelles, le jeune homme se tourne vers la foi catholique et la méditation, sous l’influence du RP Humbert Clérissac, un dominicain, et surtout de Jacques Maritain. Il se convertit au catholicisme, puis devient tertiaire dominicain de la Fraternité du Saint-Sacrement de Paris. Il se prépare à la prêtrise mais la guerre, qui éclate peu après, l’empêche de concrétiser son vœu.

la vie d’Ernest Psichari par Henri Massis

Ernest Renan 

Ernest Renan, né le  à Tréguier (Côtes-du-Nord) et mort le  à Paris 5, est un écrivain, philologue, philosophe, épigraphiste et historien français.

Une part essentielle de son œuvre est consacrée aux religions, avec par exemple son Histoire des origines du christianisme (7 volumes, de 1863 à 1881), dont le premier tome est consacré à la Vie de Jésus (1863). Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n’importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique comme n’importe quel autre document historique. Ceci déclenche des débats passionnés et la colère de l’Église catholique.

Curieux de science, Ernest Renan est immédiatement convaincu par l’hypothèse de Darwin concernant le rôle de la sélection naturelle dans l’évolution des espèces. Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques.

En 1840, Renan quitte Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour poursuivre ses études de philosophie au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Il entre rempli de passion pour la scolastique catholique, car il est las de la rhétorique de Saint-Nicolas, et il espère satisfaire son intelligence sérieuse avec le vaste matériel que lui offre la théologie catholique.

Ce n’est pas la philosophie, mais la philologie qui finalement éveille le doute chez Renan. Ses études terminées à Issy, il entre au séminaire Saint-Sulpice pour étudier les textes bibliques, avant de prendre les ordres et commencer à apprendre l’hébreu. L’un de ses maîtres est l’abbé Arthur-Marie Le Hir, auquel il rend hommage dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Renan constate à cette époque que la deuxième partie d’Isaïe diffère de la première, non seulement quant au style, mais également quant à la date, que la grammaire et l’histoire du Pentateuque sont postérieures à l’époque de Moïse, et que le livre de Daniel est manifestement apocryphe.

En 1856, il épouse dans le même temps Cornélie Scheffer, fille d’Henry Scheffer et nièce d’Ary Scheffer. Cette alliance avec une famille protestante de peintres lui ouvre les portes du milieu artistique et politique. Il entre aussi en franc-maçonnerie. Il est admis à Paris au Grand Orient de France, alors d’obédience protestante.

Renan présente toujours une double facette, ce qui donne une saveur et un charme ambivalent à son œuvre : à la fois rationaliste, scientiste mais aussi poète et d’une extrême sensibilitélm 1. Son aspect sensible se développe dans des œuvres comme les Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1883). Son aspect scientiste est bien présent dans L’avenir de la science (1848), mais il y développe aussi son autre facette en considérant la science comme une forme ultime de la poésie et du merveilleux, presque comme une sorte de religion.

Les rapports d’Ernest Renan avec la religion sont complexes, et présentent la même ambivalence. Il la critique comme système de pensée, tout en affirmant son importance comme facteur d’unification des sociétés humaines, ainsi que le danger de s’en détourner trop hâtivement. Une part essentielle de son œuvre est d’ailleurs consacrée aux religions avec par exemple son Histoire des origines du christianisme (sept volumes de 1863 à 1883, dont le premier, la Vie de Jésus, eut un grand retentissement)

Arthur Rimbaud

 Né  en à Charleville et mort en à Marseille. Bien que brève, son œuvre poétique est caractérisée par une prodigieuse densité thématique et stylistique, faisant de lui une des figures majeures de la littérature française.

Selon l’explorateur Ugo Ferrandi qui le voyait régulièrement, ses propos ayant été repris par Alain Borer dans son ouvrage Rimbaud en Abyssinie109, Arthur Rimbaud possédait un Coran annoté par son père, et un second acheté chez Hachette en 1883. Afin de se fondre dans la population et d’être mieux perçu, il adoptait les us et coutumes du pays où il séjournait et n’hésitait pas à revêtir le costume d’un marchand arabe. Mais Borer nie que Rimbaud ne se soit jamais converti à l’islam. Le Dictionnaire Rimbaud, de même, ajoute en se fondant sur les propos de Ferrandi que Rimbaud donnait des conférences sur le Coran, qu’il était un « arabisant érudit », mais n’affirme pas que Rimbaud se serait converti à l’islam110.

Par ailleurs, selon Savouré, cité par Alain Borer dans sa biographie, Rimbaud « est parti vers 1886-1887, prêchant le Coran comme moyen de pénétrer dans des régions alors inconnues de l’Afrique ». Cela lui valut d’être battu, une fois, du fait de ses interprétations personnelles109. Selon Ines Horchani, ce qui est remarquable dans le lien qu’entretient Rimbaud avec l’islam, c’est son intérêt constant pour le Coran dans ses deux vies — sa vie de poète et sa vie de négociant — et dans ses deux œuvres — ses poésies de jeunesse et ses correspondances de voyage. Ines Horchani montre que ce qui paraît avoir guidé les lectures que fait Rimbaud du Coran, à quinze ans comme à plus de trente ans, c’est sa quête de sagesse. Et étonnamment, ce qui le déçoit à quinze ans dans le texte sacré des musulmans semble l’aider à vivre les années sombres qui précèdent sa mort. À quinze ans, dans Une saison en enfer, il parle de la « sagesse bâtarde du Coran ». Et plus tard dans sa vie, il écrit aux siens du Harar en 1883, « Comme les musulmans, je sais que ce qui arrive arrive, et c’est tout » ou encore depuis Aden en 1885 : « Enfin, comme disent les musulmans : C’est écrit ! – C’est la vie. ».

Sa sœur, Isabelle Rimbaud, rapporte de son côté les délires mystiques d’Arthur sur son lit de mort : il se serait écrié à maintes reprises « Allah Kérim » (« Dieu est généreux » ou « c’est la volonté de Dieu »). En se fondant sur ses dires, Malcolm de Chazal affirme, contrairement à Alain Borer, que « Rimbaud au Harrar s’était converti à la foi musulmane et pratiquait ». C’est aussi ce qu’affirme, peut-être exagérément, le Cheikh Si Hamza Boubakeur (orthographié à tort « Borbakeur » par Borer), dans la présentation de sa traduction du Coran.

 

Gustave Thibon  né en à Saint-Marcel-d’Ardèche et mort en dans la même commune, est un écrivain et philosophe français.

Métaphysicien et poète, toute sa formation s’est faite en dehors du système universitaire. À treize ans, en 1916, son père (paysan poète et érudit, grand connaisseur de Victor Hugo) étant mobilisé, il quitte l’école avec le certificat d’études primaires pour aider son grand-père à la vigne familiale.

Thomas d’Aquin et Jean de la Croix sont ses deux maîtres spirituels. En 1931, il fait la rencontre déterminante de Mère Marie-Thérèse (du carmel d’Avignon), devient tertiaire du Carmel, tandis que le P. Charles Henrion, disciple du bienheureux Charles de Foucauld discerne que sa véritable vocation est d’aller au devant des autres et de leur prêter, dans un souci de « philosophie concrète » ses mots et sa capacité de réflexion, ce qui le conduit à multiplier les articles et surtout les conférences jusqu’à un âge très avancé, tant en Europe qu’en Amérique.

En 1941, à l’instigation de son ami le père Joseph-Marie Perrin, il accueille chez lui la philosophe Simone Weil, qui veut, après son expérience d’ouvrière chez Renault, tenter une expérience analogue de travailleuse agricole. Il racontera qu’initialement il n’était pas favorable à la recevoir, mais que très rapidement après l’avoir rencontrée il reconnaîtra « un être supérieur » comme il n’en a jamais connu ; de leurs échanges naîtra, selon ses propres termes, une amitié « absolument indéfectible »

Pour Thibon, « si la poésie n’est pas cette évocation du monde qui demeure au-delà – et au travers – du monde qui passe, l’affleurement du monde réel dans le monde des apparences, elle ne mérite plus son nom : elle est alors badinage, travail de bon ouvrier, voire travail d’orfèvre, mais non poésie. Car la poésie vient de plus loin que l’homme : en cela le poète s’apparente au prophète. »

Paul Valéry  écrivain, poète et philosophe français né en à Sète (Hérault) et mort en  à Paris.  

Durant la nuit orageuse du 4 au , alors qu’il est en vacances à Gênes dans la famille de sa mère, il connait ce qu’il décrit comme une grave crise existentielle. Il en sort non seulement résolu à « répudier les idoles » de la littérature, de l’amour et de l’imprécision, mais aussi à consacrer l’essentiel de son existence à ce qu’il nomme « la vie de l’esprit ». Les Cahiers dans lesquels il s’astreint à noter toutes ses réflexions au petit matin en témoignent. « Après quoi », ajoute-t-il en manière de boutade, « ayant consacré ces heures à la vie de l’esprit, je me sens le droit d’être bête le reste de la journée »6. Il oriente son esprit vers de nouvelles valeurs, qu’il estime incompatibles avec la création littéraire : la rigueur et la sincérité de l’esprit, et la connaissance de soi.

Il indique à plusieurs reprises qu’il considère cette nuit passée à Gênes comme sa véritable origine, le début de sa vie mentale.

(tiré de Revue du 3 è millénaire)

Poussé par un désir invincible d’aller plus loin, il se met à l’écoute des moindres oscillations de sa conscience : « Personne ne va au bout — à l’extrême nord humain — ni au dernier point intelligible, imaginable, ni jusqu’à un certain mur — et la certitude que là commence vraiment l’infranchissable. » C’est la tentation de dépasser cet infranchissable qui le meut. Et cette aspiration qu’il éprouve dans toute sa violence il la définit comme « la soif de l’âme élevée, inquiète et absolue », si proche alors de Simone Weil qui décrira quelque temps plus tard sa propre quête : « Appeler l’Esprit purement et simplement ; un appel, un cri. Comme quand on est à la limite de la soif, qu’on est malade de soif, on ne se représente plus l’acte de boire… On se représente seulement l’eau, l’eau prise en elle-même ; mais cette image de l’eau est comme un cri de tout l’être. » Mais cette démarche de Paul Valéry qu’il veut bien qualifier de « mystique » puisqu’il écrit : « Ce que je nomme Perfection élimine la personne de l’auteur ; et par là n’est pas sans éveiller quelque résonance mystique — comme le fait toute recherche dont on place délibérément le terme « à l’infini » , n’est cependant pas — à la différence de Simone Weil — une quête de Dieu car, pour lui, « il n’y a aucune raison d’appeler Dieu l’extrême de ce mouvement ».

Paul Valéry, mystique sans Dieu, ne tente pas d’accéder à un état de sainteté au sens religieux de ce terme ; il veut attendre non pas Dieu mais son Dieu, comme l’explique Ned Bastet, « dans cette expérience limite de l’existence qui communique l’illusion du divin ».

le poète est le premier à considérer que la discipline qu’il s’impose afin d’épurer son propre être lui procure les mêmes effets que doit procurer l’ascèse des croyants. Il reconnaît que « l’existence d’une répulsion égale à l’égard de toutes choses est la forme négative mais positivement sensible de ce qui doit se produire dans l’état d’oraison chez les croyants, avec substitution au Moi pur dans cette expérience (sienne) d’une sensation-Dieu »

L’ascèse poétique échappe au temps et crée une nouvelle dimension Mais l’absolu de l’être ne peut être qu’une figure délivrée du temps. Car, en se référant au passé ou à l’avenir, la pensée s’écarte de la personnalité et implique une distance entre l’être et le connaître. La contemplation est un phénomène instantané. Dès qu’elle s’installe, en effet, entre un passé et un futur, elle se charge de tout ce qui est inutile. Voilà pourquoi Paul Valéry tâtonne pour trouver l’accès à une autre dimension dans laquelle l’âme s’épanouirait dans un temps immobile. Or l’art seul permet de briser le carcan de la durée ou, du moins, de le modeler et de le reconstituer. Le poète s’émerveille devant la danseuse inspirée : « Regarde, mais regarde ! … Elle fait voir l’instant… O quels joyaux elle traverse ! … Elle jette ses gestes comme des scintillations !… Elle dérobe à la nature des attitudes impossibles, sous l’œil même du Temps !… »

 

Léon Bloy  né en  à Périgueux et mort en  à Bourg-la-Reine, est un romancier et essayiste français.    

En , il fait la connaissance de Jules Barbey d’Aurevilly, qui habite en face de chez lui, rue Rousselet (Léon Bloy habite au numéro 24). C’est l’occasion pour lui d’une profonde conversion intellectuelle, qui le ramène à la religion catholique, et le rapproche des courants traditionalistes

 C’est Barbey qui le familiarise avec la pensée du philosophe Antoine Blanc de Saint-Bonnet, « une des majestés intellectuelles de ce siècle », dira Bloy plus tard. Par la suite, Ernest Hello eut également une très forte influence sur lui ; il semble même que ce soit lui qui l’ait incité à écrire.

Sa vie bascule à nouveau en 1877. Il perd ses parents, effectue une retraite à la Grande Trappe de Soligny (première d’une série de vaines tentatives de vie monastique), et rencontre Anne-Marie Roulé, prostituée occasionnelle, qu’il recueille, et convertit, en 1878. Rapidement, la passion que vivent Bloy et la jeune femme se meut en une aventure mystique, accompagnée de visions, de pressentiments apocalyptiques et d’une misère absolue puisque Bloy a démissionné de son poste à la Compagnie des chemins de fer du Nord.

C’est dans ce contexte passablement exalté que Bloy rencontre l’abbé Tardif de Moidrey, qui l’initie à l’exégèse symbolique durant un séjour à La Salette, avant de mourir brusquement. L’écrivain dira plus tard de ce prêtre qu’il tenait de lui « le meilleur » de ce qu’il possédait intellectuellement, c’est-à-dire l’idée d’un « symbolisme universel », que Bloy allait appliquer à l’histoire, aux évènements contemporains et à sa propre vie. Dès cette époque, il écrit Le Symbolisme de l’Apparition (posthume, 1925). Bloy sera associé à certaines influences qui s’exprimeront dans les mouvements les plus extrêmes du traditionalisme catholique, fortement imprégnés d’une eschatologie étroitement liée à l’apparition de la Vierge Marie à la Salette (1846), influences que l’on retrouvera, entre autres, dans Le Salut par les Juifs, signée par une ambivalence constante entre le Christ et l’Antéchrist.

De son œuvre, on retient surtout la violence polémique, qui explique en grande partie son insuccès mais qui donne à son style une force, un éclat et une drôlerie uniques. Pour autant, l’inspiration de Bloy est avant tout religieuse, marquée par la recherche d’un absolu caché au-delà des apparences historiques. Tout, selon Bloy, est symbole : reprenant le mot de saint Paul, il ne cesse d’affirmer que « nous voyons toutes choses dans un miroir » (1Cor 13,12), et que c’est précisément la mission de l’écrivain que d’interroger ce « grand miroir aux énigmes ». Certains voient en Bloy un anarchiste de droite ou « le modèle des pamphlétaires de droite », « récupération » dénoncée par Michèle Touret.

la dégradation de la figure christique dans l’oeuvre de Leon Bloy (Edouard Garancher)Philitt)

le salut par les juif ( lecture)

méditations d’un solitaire ( lecture)

un brelan d’excommuniés ( lecture)

je m’accuse ( lecture)

 

 

 

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